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Cryptographie et numération

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Ernest Coumet*
Affiliation:
Université de Paris-I, Panthéon-Sorbonn

Extract

Histoire des numérations : systèmes propres à chaque grande civilisation, oppositions et analogies dans les procédés de dénotation, reconstitution de systèmes disparus, rapports entre numérations écrites et parlées, origine et diffusion des chiffres arabes, ... Est-il thème rattaché de près ou de loin aux mathématiques qui ait suscité travaux plus innombrables, mobilisé spécialités plus disparates ? Discordance qu'on explique mal : le concept n'a pas connu même faveur que ses figures ; alors que la moindre torsion de jambage dans le dessin d'un chiffre a trouvé son chroniqueur, l'histoire du concept de base de numération n'est faite que d'indications fragmentaires et dispersées.

Type
Histoire et Sciences
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1975

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References

Notes

1. Hérigone, P., Cours mathématique, Paris, 1634-37, t. 2, p. 1 Google Scholar.

2. Leibniz, G. W., Opuscules et fragments inédits, Paris, éd. L. Couturat, 1903, p. 532 Google Scholar.

3. Cf. certains des codes décrits par J.-P. Devos, « La cryptographie espagnole durant la seconde moitié du xvie siècle et le xvine siècle », Miscellanea Historica in honorem Alberti de Meyer, Leuven Universiteitsbibliotheek, 1946, pp. 1025-1035 ; et J. Wicki, S.J., « Die Chiffre in der Ordenskorrespondenz der Gesellschaft Jesu von Ignatius bis General Oliva, … », Archivum Historicum Societatis Iesu, vol. xxxii, 1963, pp. 133-178.

4. Trithème, Polygraphie et universelle escriture caballistique, trad. Gabriel de Collange, Paris, 1625, pp. 239-240.

5. Id., p. 228.

6. Id., p. 294.

7. Trithème estime même qu'un tel ordre présente des avantages pratiques : aisé à « apprendre et entendre » par « ceux qui (tant peu soit il) auront cognoissance de lettres alphabétiques, si une fois tant seulement ils l'ont entendu & imprimé en leur mémoire », il permettra également de prononcer brièvement de grands nombres (p. 228).

8. Nous citons d'après la traduction française du De Subtilitate, par Richard le Blanc, Paris, 1556, fol. 341 r°. Cf. Hieronymi Cardani… opéra omnia, Lyon, 1663, t. 3, p. 627.

9. Op. cit., p. 245.

10. Traicté des chiffres, ou secrètes manières d'escrire, Paris, 1587, fol. 189 v°.

11. Ibid.

12. Fol. 240 r°.

13. Ibid.

14. Fol. 190 r°.

15. Fol. 199 v°. Ce fait, note Vigenère, pourrait bien avoir « induit les Hebrieux d'adiouxter les cinq finales à leurs anciennes vingt deux lettres, pour arriver à ce nombre de 27 ».

16. Ibid.

17. Fol. 199. C'est très certainement à ce procédé, et probablement à ce texte même de Vigenère qu'il est fait allusion, dans la Seconde centurie des questions traitées es conférences du bureau d'adresse…, Paris, 1636, où on relève dans une liste de méthodes cryptographiques l'indication suivante : « On s'est servi des nombres : on a abrégé l'alphabet, on l'a multiplié : on a dressé des tables pour mettre trois lettres pour une ».

18. Porta, I. B., De Furlivis literarum notis vulgo de Ziferis libri quinque, Naples, 1602 Google Scholar, liber quintus, cap xvi, « Musicis notulis quomodo sine suspicione uti possimus », pp. 156-157. 19. Nous reviendrons plus bas sur l'intérêt porté par Mersenne à la cryptographie. Nous citons l'Harmonie universelle d'après l'édition facsimilé, en trois volumes, donnée en 1963 par les Éditions du C.N.R.S.

20. Harmonie universelle, I, Livre Premier de la nature et des propriétés du Son, p. 39. « L'on peut se servir des sons de chaque instrument de musique & des differens mouvements que l'on leur donne pour discourir de toutes sortes de suiets, & pour enseigner & apprendre les sciences » (ibid., énoncé de la proposition XXII).

21. Id., p. 36 : « Les Sons & consequemment les voix peuvent servir… pour faire sçavoir les nouvelles de ce qui se passe dans le monde en peu de temps » ; op. cit., III, Livre de l'utilité de l'Harmonie, p. 44 : « s'il y avait des postes de la voix, ou d'autres sons en des lieux convenables, l'on pourroit apprendre chaque iour tout ce qui s'est fait sur toute la surface de la terre, en quelque lieu que l'on pûst demeurer ».

22. Selon l'expression de R. Lenoble (Mersenne ou la naissance du mécanisme, Paris, Vrin, 1943, p. 489).

23. … « ce se qui peut neantmoins faire en telle sorte qu'il n'y aura que les Roys & les Princes qui entendront les nouvelles secrettes, ou celles qu'il voudront, car il y a autant d'espèces de chifres indechifrables par la voix, & les paroles, que pour l'escriture, & peut estre mesme tout autant pour les pensées, & les expressions internes de l'esprit » (Mersenne, op. cit., III, p. 45).

24. Ainsi Mersenne traduit en notation musicale les 9 mots d'un verset de Psaume ; il obtient ainsi un chant de 39 notes, dont « chacune représente chaque lettre du verset précèdent, qui peut estre escrit par ces notes. Et consequemment l'on peut escrire toutes sortes de lettres secrettes par le moyen de notes»… (op. cit., II, p. 139).

25. Harmonie universelle, I, Livre Premier de la nature et des proprietez du Son, p. 40.

26. Bacon, , Neuf livres de la dignité et de l'accroissement des sciences, Paris, trad. Golefer, 1632, pp. 383384 Google Scholar.

27. ld., pp. 394-395.

28. Traductibles en signaux audibles ou visibles, « Objets propres à la Veuë & à l'Ouye ; pourveu qu'ils puissent estre seulement distinguez en deux façons : Par exemple, par des cloches, par des trompettes, par des flambeaux, par des coups de canon & autres choses semblables ». Le procédé sera repris en particulier par Wilkins dans son Mercury, the secret & swift messenger. Wilkins envisage les différents cas où « toutes les lettres peuvent être exprimées », soit par 5, soit par 3, soit par 2 d'entre elles (Cf. Wilkins, , The mathematical and philosophical works, Londres, 1802, vol., II, pp. 3440 Google Scholar, pp. 71-72.

29. Qui doit sa célébrité à l'aménagement subtil qui permet, grâce à deux alphabets typographiques distincts, d'insérer des textes chiffrés dans des ouvrages imprimés ; d'où l'hypothèse, en effet, que le mystérieux Bacon — Shakespeare — et alii aurait dispersé ses Mémoires dans de multiples ouvrages spécialement typographies à cet effet (A. Lange et Soudart, E.-A., Traité de cryptographie, Paris, F. Alcan, 1925, pp. 3742 Google Scholar, et Annexes, n° IV (Extraits de la «Vie de Bacon… »), pp. 292-295).

30. On notera que Morse avait commencé par constituer, en vue des communications télégraphiques, un dictionnaire numéroté ; ce n'est qu'ensuite que, répétant pour son propre compte, une démarche de l'ancienne cryptographie, il constitua l'alphabet qui porte son nom (cf. Prime, S. L., The Life of Samuel F. B. Morse, New York, 1875, p. 332 Google Scholar).

31. Ainsi Vigenère a-t-il intentionnellement troublé «l'ordre accoustumé » dans l'exemple cité plus haut.

32. ld., fol. 243 r°.

33. … « réduire le nombre des lettres & caractères de l'escriture de moins en moins, iusqu'à se passer finablement d'un tout seul : avec lequel, sans y emploier davantage si l'on ne veult, se puissent exprimer toutes sortes de conceptions » (ld., fol. 236 v°).

34. « Si l'on ne peut se passer d'un système de numération, …, il y aurait avantage, pense Leibniz, à employer le moins de signes possible, afin de réduire l'artifice au maximum de simplicité. Telle est l'origine de son arithmétique binaire » (L. Couturat, La logique de Leibniz, Paris, 1901, p. 109).

35. Titre du chap. LXI. Sur l'oeuvre de Cardan en cryptographie, cf. Mendelsohn, Charles J., « Cardan on cryptography », Scripta mathematica, vol. VI, oct. 1939, pp. 157168 Google Scholar.

36. Cf. I. Chappe, Histoire de la télégraphie. Le Mans, 1840, pp. 25-8 ; Belloc, A., La télégraphie historique, depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris, 1888, p. 3 et suivGoogle Scholar.

37. Cf. Vigenère, Traicté des chiffres, fol. 252 v°, « Mode de se faire entendre par des feuz de loing » ; cf. également fol. 115 r°, fol. 202.

38. Donald, J. Mac, A Treatise on Télégraphie Communications, …, Londres, 1808, p. 137 Google Scholar.

39. Cardan, Opéra, t. III, p. 619. Cardan avait d'abord tenu ce genre de procédé pour une invention originale, mais il en vit ensuite la description dans Polybe (Cf. en effet, POlybe, Histoire, Paris, Garnier, 1921, t. III, Livre X, XLIII-XLVII, pp. 99-105).

40. Trad. française du De Subtilitate, par Richard le Blanc, Paris, 1556, fol. 331 r°.

41. Cardan, Opéra, t. III, De rerum varietate, lib. XII, cap. LXI, p. 237.

42. Du fait que les autres nombres donnés par Cardan coïncident avec ceux qui résultent de notre interprétation, nous sommes en droit de penser que le nombre 343 qu'on lit dans le texte cité doit être lu : 243.

43. D'où le choix des indices 1, 2, 3, (et non 0, 1,2) que nous utilisons pour distinguer les 3 signaux.

44. De même que le 343 mentionné plus haut, le nombre 462 qu'on lit dans le texte cité nous semble fautif. Il s'agit manifestement d'erreurs d'impression. L'exemplaire du De rerum varietate, publié à Lyon en 1580, que nous avons également consulté, comporte une troisième erreur, car il donne 192 au lieu de 162.

45. Traicté des chiffres, fol. 252 v°. La « figure » est, comme celle que donc sans anachronisme aucun nous avons dessinée pour éclairer le texte de Cardan : un tableau à double entrée. 46. Cardan, op. cit., pp. 235-6.

47. Cf. E. Coumet, « Mersenne : dénombrements, répertoires, numérotations de permutations », Mathématiques et sciences humaines, 10e année, n° 38, 1972, pp. 5-37.

48. Harmonie universelle, II, Livre Second des Chants, p. 135.

49. C'est sous ce titre, emprunté à R. Lenoble (Mersenne ou la naissance du mécanisme. Paris, Vrin, 1943, pp. xm-xiv) que nous citons ces textes autographes de Mersenne : Bibl. Nat, Mss., fonds latin, 17.261 et 17.262.

50. Ainsi que nous l'a révélé une étude de papiers personnels de Frenicle, manuscrits ou copies, déposés à la Bibliothèque nationale, et aux Archives de l'Académie des sciences.

51. L'Abrégé ne fut édité qu'à la fin du siècle (dans Divers ouvrages de mathématique et de physique par Messieurs de l'Académie Royale des Sciences, à Paris, de l'Imprimerie Royale, 1693). Nous citerons d'après une édition ultérieure plus accessible (dans Mémoires de l'Académie Royale des Sciences. Depuis 1666 jusqu'à 1699, tome V, Paris, par la Compagnie des Libraires, 1729, pp. 87-125).

52. Que nous passerons ici sous silence, car elle ne concerne en rien, de façon essentielle, l'objet principal de la Proposition.

53. «Or les exemples qui suivent font mieux comprendre cette table que le discours, … ».

54. Harmonie universelle, II, Livre Second des chants, pp. 140-141.

55. Il convient de préciser que, de sa plume brouillonne, Mersenne en trouble fâcheusement l'exposé ; il mêle constamment à ce qu'il en dit, des digressions relatives à un procédé beaucoup plus simple, qui lui en revanche était bien connu, et qu'il avait lui-même évoqué ailleurs dans ['Harmonie universelle (bijection entre lettres et notes dont nous avons parlé ci-dessus).

56. Mais aussi ses recherches sur les langues, l'étude critique de la « Cabale », la quête de la langue universelle, l'art des combinaisons.

57. Ainsi Aimé de Gaignières, dont nous avons identifié plusieurs manuscrits autographes. ami de Mersenne (comme il le fut plus tard de Pascal), et qui prit copie du texte dont nous parlons, s'était cru de force à défier le célèbre Rossignol.

58. Nous avons retrouvé, perdu au milieu de papiers de Roberval, un texte autographe de Frenicle où sont exposées les procédures I et II de Mersenne. Or, fait énigmatique — désir de préserver le secret du code ? — le texte est porté sur un petit feuillet entièrement recouvert, au recto et au verso, d'une écriture littéralement microscopique.

59. Mersenne, Harmonie universelle, II, p. 142.

60. Frenicle, Abrégé des combinaisons, pp. 113-114.

61. Mersenne, p. 140.

62. Frenicle, p. 114.

63. M. Barbut et Monjardet, B., Ordre et classification, Paris, Hachette, t. I ; pp. 6263 Google Scholar ; le procédé de Mersenne est précisément évoqué p. 63.

64. Frenicle use de son côté d'expressions analogues dans VAbrégé : « Le lieu de ce mot Baal se trouve ainsi : il est composé de quatre lettres, & partant la première à gauche est mille, qui exprime son nombre 10648 fois… la seconde lettre est A qui est centaine & qui vaut 484 ». Dans le mot Levi, « L est la dixième lettre, & partante multiplie le mille qui est 10648 par 10 » (pp. 112-113).

65. Harmonie universelle, II, p. 138.

66. Id., pp. 137-138.

67. « Et si haec a viginti ac amplius annis jam in mente habuerim, ita raro tamen animum hue adjeci, ut de nominibus imponendis non cogitaverim quia potius soleo enuntiare ad morem vulgaris Artis Arithmeticae 10 per decem, 100 per centum etsi significent 2 et 4 » (Mathematische Schriften, éd. CI. Gerhardt, t. 7, pp. 241-242).

68. Suite manuscrite aux Quaestiones in Genesim, II, p. 237.

69. « Ubi advertendum est perpetuum discrimen ordinis numerorum et istius tabulae, quod videlecet numeri vulgares progrediantur per décades his ciphris 10 explicatas ; numeri vero tabulae progrediantur per décades quarum 22 est radix » (ibid.).

70. Cf. Granoer, G.-G., Essai d'une philosophie du style, Paris, A. Colin, 1968, p. 190 Google Scholar.

71. Il est curieux de constater que les codes pris comme exemples par un linguiste contemporain, dans une analyse de « l'économie dans le coût » ( Prieto, L. J., Messages et signaux, Paris, 1966, pp. 79117 Google Scholar), sont ceux-là mêmes (y compris la «numération décimale») qu'élaboraient ou perfectionnaient les recherches du xvie et du xvn’ évoquées plus haut.

72. A propos d'autres échantillons de pratiques combinatoires, cf. Coumet, E., « Des permutations au xvie et au xvnc siècle », Permutations, Actes du colloque, Paris, Gauthier Villars, 1974, pp. 277289 Google Scholar. Sur les relations entre les problèmes de Mersenne ici décrits et ses réflexions sur la langue universelle et les langues artificielles, cf. à paraître dans la revue XVIIe siècle, « Mersenne : « dictions » nouvelles à l'infini ». Coïncidence curieuse entre la recherche historique et la recherche en pédagogie des mathématiques : nous avons eu la surprise de retrouver un des deux problèmes précédents, reconstruit dans une « étude destinée aux maîtres » de Mme A. M. Bardi qui l'avait conçu à titre d'exercice sur les systèmes de numération « sans zéro » (Bulletin de l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public, 51e année, flor. 1972, pp. 39-56).