Hostname: page-component-84b7d79bbc-x5cpj Total loading time: 0 Render date: 2024-07-28T11:57:21.560Z Has data issue: false hasContentIssue false

Archéologie de la fabrique:La diffusion des moulins à soie « alla bolognese »dans les États vénitiens du XVIe au XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Carlo Poni*
Affiliation:
Université de Bologne

Extract

On sait qu'en 1716-1717, après deux ans environ d'espionnage industriel en Italie, et plus précisément au Piémont, John Lombe introduisit en Angleterre les machines à organsiner, c'est-à-dire des machines pour renvider, filer et mouliner la soie. Les capitaux nécessaires pour bâtir l'usine — ce bâtiment avait 500 pieds de long, 55½ de haut et 36 de large — furent fournis par son frère Thomas, seul titulaire du privilège pour une durée de quatorze ans. Et ce fut à Derby, sur la Darwent, que nacquit, entre 1717 et 1721, un grand moulin à soie dont la roue hydraulique, unique roue à le mouvoir, avait été projetée par l'ingénieur anglais George Sorocold.

Type
Les Domaines de l' Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1. Voir à ce propos : P. Mantoux, La révolution industrielle au XVIIIe siècle, Paris, 1959, pp. 188-192 ; W. H. Chaloner, People and Industries, London, 1963, pp. 8-20. Sur l'histoire de l'industrie de la soie en Angleterre, voir G. B. Hertz, « The English Silk Industry in the Eighteenth Century », English Historical Review, vol. XXIV, 1909, pp. 710-727. Pour ce qui est de la technique du moulinage, cf. F. E. de Roover, « Lucchese Silk », Ciba Review, June 1950, pp. 2915-2919 ; U. Forti, Storia délia tecnica dal Medioevo al Rinascimento, Firenze, 1957, PP- 152-156 passim ; W. Endrei, L'évolution des techniques du filage et du tissage, du Moyen Age à la révolution industrielle, Paris-La Haye, 1968, et R. L. Hills, Power in the Industrial Révolution, Manchester, 1970.

2. D'après Mantoux, chaque ouvrier devait surveiller soixante fils à la fois (op. cit., p. 190). Certains calculs de Georg Christoph Martini, au sujet d'un moulin à soie lucquois mû par une seule roue hydraulique, disent que 1932 fuseaux pouvaient être desservis par 8 ou 9 ouvriers, soit 215 à 240 fuseaux par personne (G. C. Martini, Viaggio in Toscana, traduit par O. Trumpy, Modena, 1969, pp. 160-161). Voir W. Endrei, « Le moulin à organsiner. Source des techniques de notre temps », L'industrie textile, juin 1967, p.404

3. P. Mantoux, op. cit., p. 190.

4. F. Nixon, The Industrial Archaeology of Derbyshire, Newton Abbot, 1969, pp. 180- 186 passim ; K. Hudson, Industrial Archaeology of Southern England, Newton Abbot, 1968, pp. 177-180 passim ; R. Hills, op. cit., pp. 29-31. Pour ce qui est de l'organisation de l'usine voir H. Freudenberger, « Die Struktur des frùhindustriellen Fabrik im Umriss (mit besonderer Berùcksichtigung Bôhmens », dans Wirtschafts-und Sozialgeschichtliche Problème der frùhen Industrialisierung, herausgegeben von W. Fischer, Berlin, 1968, pp. 413- 433 et la bibliographie qu'il contient.

5. W. H. Chaloner, op. cit., p. 9.

6. Alors que la trame était constituée par un fil (ou deux) qui avait reçu une seule et faible torsion, l'organsin était formé par le « retordage en Z » de deux ou trois fils qui auparavant avaient été séparément et fortement « tordus en S ».

7. R. H. Hills, op. cit., pp. 29-30 passim ; D. S. L,., Cardwell, « Power and Textile in the Industrial Révolution », Communication (polycopiée) présentée au Colloque international sur L'acquisition des techniques par les pays non initiateurs (Pont-à-Mousson, 29 juin-4 juillet 1970).

8. Voir, au sujet de différents genres à'orsoglio produits en Italie aux XVIe et XVIIe siècles, F. Cazzola, « Polemiche e contrasti per l'istituzione dell'arte délia seta a Ferrara (1592-1620) », Economia e Storia, 1967, pp. 321-326 ; L. Dal Pane, Economia e società a Bologna nell'età del Risorgimento, Bologna, 1969, pp. 247-251 et la bibliographie qu'il contient. D'après A. Zanon, grâce au moulin à soie à la bolonaise « si torcono le sete a due fili che orsoi reali alla bolognese si chiamano, ed organzini dagli oltramontani » ﹛DeU'agricoltura, dell'arti e del commercio in quanto unité contribuiscono alla félicita degli Stati, t. II, Venezia, 1763, p. 62). Sur le marché d'Amsterdam l'on cotait différentes qualités de « bolonse organcyn » (N. W. Posthumus, Inquiry into the History of Priées in Holland, vol. I, Leiden, 1946, document publié aux pages xx-xxi). Voir aussi les pages 288-290. Dans cet article l'expression « organsin » n'est pas employée en tant que synonyme de « orsoglio alla bolognese », car les sources bolonaises distinguent « l'orsoglio di seta reale netta a mano dalli maestri » des « organcini di tutto punto e non netti a mano dalli maestri » (Ordini, Provisioni e Dichiarationi intorno aile sete, lavori et uso di esse.. riformate, stabilité et accomodate per benefitio délia città di Bologna dalla Santità di N.S. Papa Sisto V…, Bologna, 1589). Au XVIIIe siècle, également à Bologne, orsoglio et organzino sont employés comme synonymes.

9. En pratique cette règle était souvent enfreinte.

10. D'après une « Scrittura de’ Consoli de Mercanti » (29 sept. 1636), les Bolonais travaillaient, dans leurs moulins, des soies qui venaient de Feltre, Bergame, Piave del Bassanese et Brescia. Archivio di Stato di Venezia (A.S.V.), V Savi alla Mercanzia, busta n° 475.

11. Les moulins mus par des roues hydrauliques produisaient dans une période donnée une quantité de fils de soie supérieure à celle fournie par les moulins fonctionnant à main. L'homogénéité de ces fils était en outre plus grande.

12. Montanari, P., Il più antico Statuto dell'Arte délia seta bolognese (1372), Bologna, 1961, pp. 23 Google Scholar et la bibliographie qu'il contient.

13. G. Mandich, « Le privative industriali veneziane (1450-1550) », dans Rivista del Diritto Commerciale, vol. XXXIV, 1936, parte I, pp. 511-547.

14. Au sujet de l'introduction des techniques alla piemontese, à Bologne, voir Archivio di stato di Bologna (A.S.B.), Archivio del Reggimento, Assunteria d'Arti, Miscellanea Arti, vol. XII et XV ; Ibid., Assunteria d'Arti, Caldierini alla Piemontese.

15. Tout ce qui concerne Ottavio Malpigli, sauf indication contraire, est extrait de A.S.V., Senato Terra, filza n° 172. Voir aussi D. Sella, « Contributo alla storia délie fonti d'energia : i filatoi idraulici nella Valle Padana durante il secolo XVII », dans Studi in onore di Amintore Fanfani, vol. V, Milano, 1962, pp. 621-623.

16. A. G. Ghiselli, Memorie antiche manuscritte di Bologna, vol. XXI (1601-1608), c. 24, dans Biblioteca Universitaria di Bologna (B.U.B.), ms. n° 770.

17. Tout ce qui concerne Ugolino Menzani (alias Rondoni), sauf indication contraire, est extrait de A.S.B., Archivio del Reggimento, Assunteria d'Arti, Notizie attinenti att'Arte de’ filatogiieri, P, filza n° 15 (21).

18. T. de Bianchi detto de Lancellotti, Cronaca modenese, dans Monumenti di Storia Patria délie Provincie modenesi, Série délie Cronache, t. II, vol. I, Parma, 1862, pp. 70, 78-79. Voir aussi A.S.B., Archivio del Reggimento, Archivio del Senato, Libri Partitorum, Reg. 14 (1509-1513), f° 68 v0-6g.

19. L. A. Muratori, Antiquitates Italiae Medii Aevi, Diss. XXX.

20. V. Nironi, « L'industria délia seta e l'utilizzazione industriale dell'acqua nella città di Reggio Emilia prima deU'anno 1660 », dans L'artee l'industria délia seta a Reggio Emilia dal sec. XVI al sec. XIX, Modena, 1968, pp. 106-110.

21. A.S.B., Archivio deimento, Assunteria d'Arti, Notizie attinenti all'Arte de’ filatoglieri, P, filza n° 15.

22. A.S.B., Archivio del Reggimento, Assunteria d'Arti, Miscellanea Arti, vol. VI. Voir aussi les vol. XII et XIV.

23. A.S.V., Senato Terra, Reg. 74, f° 112. Cf. D. Sella, « Contributo alla storia délie fonti d'energia : i filatoi idraulici nella Valle Padana durante il secolo xvn », dans Studi in onore di Amintore Fanfani, vol. V, Milano, 1962, pp. 621-623.

24. A.S.V., V Savi alla Mercanzia, Nuova Série, Oro in foglia-Orsogli alla bolognese, busta n° 117.

25. A.S.V., Senato Terra, filze nos 386 et 391.

26. Une source bolonaise de 1668 affirmait qu'il n'y avait pas « gran tempo che ogn'anno Bologna mandava a Venetia da libre 60 000 orsogli ». A.S.B., Archivio del Reggimento, Assunteria d'Arti, Miscellanea Arti, vol. IV.

27. L'exposé qui suit (deuxième période, 1634-1670 et troisième période, 1670-moitié XVIIIe siècle), sauf indication contraire, s'appuie sur : A.S.V., V Savi alla Mercanzia, Nuova Série, Oro in foglia-Orsogli alla bolognese, busta n° 117, et Ibid., Orsogli alla bolognese-Ottoni, busta n° 118. Cette recherche, ne voulant être qu'un travail d'exploration, la vérification des sources complémentaires, ou de renvoi, y fait défaut.

28. D. Beltrami, Forze di lavoro e propriété fondiarie nelle campagne venete dei secoli XVII e XVIII, Venezia-Roma, 1961, pp. 14-16.

29. Les orsogli alla bolognese importés à Venise de Bologne, Ferrare, Lucques, Modène et Reggio, comptaient 36 lires par livre, alors que les filés produits à Venise, modifiés pour pouvoir « lavorare con la rasera alla bolognese », coûtaient 30 lires la livre. De toute façon, malgré cette différence, les marchands vénitiens préféraient les « orsogli alla bolognese » car ils étaient « beaucoup plus fins ». Voir « Scrittura de’ Consoli de Mercanti », cit.

30. D. Sella, « Industrial Production in Seventeenth-Century Italy : A Reappraisal », dans Explorations in Entrepreneurial History, Secondes Séries, 1969, vol. 6, n° 3, pp. 239- 240.

31. F. Braudel, P. Jeannin, J. Meuvret et R. Romano, « Le déclin de Venise au XVIIe siècle », dans Aspetti e cause délia decadenza economica veneziana nel secolo XVII, Venezia-Roma, 1961, pp. 78-80, passim ; H. Kellenbenz, « Le déclin de Venise et les relations économiques de Venise avec les marchés au nord des Alpes », ibid., pp. 171-176 ; H. Hassinger, Johann Joachim Bêcher 1635-1682. Ein Beitrage zur Geschichte des Merkantilismus, Wien, 1951, pp. 37-44- 32. C. W. Cole, Colbert and a Century of French Mercantilism, vol. II, London, 1964, pp. 187-197.

33. Ibid., pp. 187-190.

34. Voir la note 27.

35. A.S.V., V Savi alla Mercanzia, Nuova série, Sete di Bassano, Orsogli alla rasera, busta n° 151. En 1698 il y avait à Rovereto 80 moulins à soie qui produisaient aussi bien des orsogli ordinari que des orsogli alla bolognese pour un total de 150 000 livres. Ces moulins travaillaient de la soie grège véronaise exportée par des contrebandiers. Voir A.S.V., V Savi alla Mercanzia-Oro in foglio, Orsogli alla bolognese, busta n° 117.

36. Certains marchands, tel Zamparo, dirigeaient directement leurs moulins. Quand aux nobles, il semble qu'ils n'étaient pas gestionnaires directs de leurs fabriques. Ces usines étaient données en location, ou bien elles étaient confiées à des directeurs. C'est le cas de Giuseppe Zanoni, à qui le noble Contarini avait confié la direction de son moulin de Piazzola (Padoue).

37. Biblioteca Civica A. Mai di Bergamo, Ms. n° 7/8 (9).

38. L'exposé qui suit, à propos de l'introduction des moulins « alla bolognese » à Udine, est fait à partir des ouvrages de A. Zanon, Dell'agricoltura, cité, t. IV, Venezia, 1764, pp. 207-213 ; A. Zanon, Notizie storiche sopra il commercio e l'arte délia seta et in particolare di quella dei Friuli, Ms. de la Biblioteca Comunale di Udine, Coll. Joppi, n° 64. Avant l'introduction des moulins alla bolognese, certains petits moulins fonctionnant à main étaient en mesure de produire à Udine les « orsoi chiamati bastardi e le trame ». D'après Zanon, les orsogli « bastardi » n'étaient pas réellement des orsogli mais des trames plus tordues. Ces moulins avaient été introduits à Udine par Martino Marchesi, mercier d'Udine, et par Cristoforo dei Porto, fileur de Vicence, en 1564. Une quarantaine d'années auparavant, en 1515, le Vénitien Agostino Domenico Filatogli avait demandé et obtenu du Conseil mineur de la ville d'Udine des privilèges pour la construction d'un moulin à soie. Voir A. Zanon, op. cit., pp. 186-206.

39. Ce jugement, trop catégorique peut-être, est quand même à souligner. Il dit que les ouvriers des moulins à soie fonctionnant à main n'avaient pas le « savoir-faire » nécessaire pour travailler dans le moulin alla bolognese.

40. Voir la lettre de Antonio Zanon, 29 juillet 1760, dans A.S.V., V Savi alla Mercanzia, Diversorum, busta n° 363 (48).

41. G. Marcello, Scrittura délie arti veneziane, Relazione IV, Circa il sedifizio in générale, dans Biblioteca Marciana di Venezia, Ms. Classe VII, n° 1599 (8975). Un autre manuscrit de la Scrittura, Relazione IV de G. Marcello, se trouve dans le Museo Correr, XLIX (1178), 2170 III, d'où j'ai extrait les statistiques mentionnées dans ce texte.

42. Biblioteca Querini Stampalia di Venezia, Ms. Arte délia Seta, Cl. IV, Cod. CCCC XVIII 1, pp. 213-216.

43. Biblioteca Universitaria di Bologna, Ms. n° 275. Voir aussi G. Arese, L'industria serica piemontese dal secolo XVII alla meta del XIX, Torino, 1922, p. 51 passim, et G. Destefanis, « Notizie sull'arte délia seta e sull'Università dei filatoieri in Racconigi nei secoli xvi, xvii e xvm », Boll. soc. studi stor. arch. art. prov. Cuneo, a. 14, 1942, pp. 59-60.

44. G. Marcello, op. cit.

45. B. Caizzi, Industria e commercio délia Repubblica veneta nel XVIII secolo, Milano, 1965, p. 108.

46. B. Caizzi, op. cit., pp. 87-127.

47. Ibid.