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Anthropologie et dialectique

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Cet ouvrage de G. Lapassade est né de la convergence d'une réflexion sur le fondement anthropologique de la pensée dialectique et d'une sensibilité révolutionnaire. La première accuse l'influence indirecte mais puissante de Georges Lukacs et d'Histoire et Conscience de Classe, la deuxième semble marquée par des réminiscences anarcho-syndicalistes et surréalistes. L'anthropologie dialectique devrait, dans l'idée de Lapassade, représenter le fondement théorique d'un programme de réformes socio-pédagogiques impliquant un bouleversement radical du rôle des générations dans la vie collective. Mais l'auteur n'a pas pleinement réussi son passage du théorique au pratique, passage dont la réussite constitue l'une des dimensions du génie de Marx. C'est là à notre sens la faiblesse essentielle d'un ouvrage remarquable par ailleurs.

Type
Notes Critiques
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1964

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References

1. Lapassade, Georges, L'entrée dans la vie. Essai sur Vinachèvement de l'homme, Les Éditions de Minuit, Paris, 1963.Google Scholar

2. Cf. ce passage de Sein und Zeit « Le Souci (Sorge) qui forme la totalité de l'ensemble structurel du Dasein, s'oppose manifestement de par sa signification ontologique à ce que cet existant puisse être totalité achevée (Heidegger, cité par Lafassadk, op. cit., p. 236, passage souligné par J. G.).

3. Cf. Rudolf Bilz, « Das Belagerungserlebnis in den Alkoholhalluzinosen », Der Nervenarzt, 1956. Cet article est une analyse existentielle du monde propre de l'éthylisme hallucinatoire ; toutefois il convient de signaler que l'existence d'analogies structurelles entre ce dernier et l'univers paranoïde a été soulignée par G. Benedetti et d'autres.

1. Je me permets de renvoyer à ce propos aux développements que j ‘ a i consacrés au principe de l'équivalence axio-dialectique (La Fausse Conscience, pp. 59 sq. « Esquisse d'une axiologie de l'aliénation ») La convergence est nette : pour moi, la valeur est l'aspect subjectif de la structure dialectique de la réalité ; pour Lapassade, c'est l'inachèvement de l'homme qui l'oblige à la fois à construire la culture, cadre de nos valeurs, et à s'humaniser ( = se désaliéner) en se dialeetisant.

2. « La prématuration biologique de l'enfant crée davantage que la fixation durable aux premiers objets d'amour ; cette prématuration est source d'un besoin de fusion à jamais inassouvi… » (LAPASSADE, op. cit., pp. 38-39.)

3. Cf. ce passage parfaitement caractéristique : « Une telle anthropologie ne conçoit pas seulement l'homme comme une totalité actuellement détotalisée, mais susceptible de retrouver son unité. L'homme s'y définit au contraire comme perpétuelle totalisation en cours, sur le plan individuel comme sur le plan historique. En ce sens l'homme est un être dialectique » (Passages soulignés par nous). On se demande seulement pourquoi un tel passage se trouve page 239 d'un ouvrage qui en compte 256.

4. Cl. L. Goldmann, « Pour une approche marxiste des études sur le marxisme », Annales E.S.C., janvier-février 1963, p. 114. Personnellement nous mettrions « historiciste » à la place de « génétique ». Un structuralisme sans dimension génétique — tel que le gestaltisme entre autres — n'est pas obligatoirement une doctrine « idéaliste » comme l'affirmait sans cesse la critique marxiste orthodoxe, mais c'est une dialectique incomplète. L'importance dialectique de la catégorie de la totalité vient essentiellement de G. Lukacs et de ses disciples. Nous connaissons cependant un texte où LUKACS définit la dialectique en termes presque purement historicistes en tant que « Wissenschaft von der Geschichte in ihrem einmaligen unwiederholbaren Ablauf » (Science de l'Histoire dans son cours unique et réfractaire à toute répétition) (Cité par Grunwald, E., Das Problem der Soziologie des Wissens, Vienne-Leipzig, 1938, p. 128 Google Scholar).

5. Lapassade, p. 43, passage souligné par nous.

1. Nous pensons aux rationalistes morbides de Minkowski dont la saisie du réel est dominée par l'élément spatial aux dépens de l'élément temporalisant et de façon générale aux schizophrènes (Interprétation de la schizophrénie de S. Arieti, G. Pankow et la nôtre).

2. Cf. le mot de Gramsci cité par Robert Paris, Annales E.S.C., mai-juin 1963, p. 559, note 2 : » La quantité devient qualité pour l'homme et non pour les autres êtres vivants ». Nous nous bornerons à signaler simplement les incidences de cette prise de position sur la question tant discutée de la dialectique de la Nature ; la position implicite de G. Lapassade converge avec celle de Lukacs.

3. Le caractère essentiellement anti-dialectique de la conscience raciste a été bien montré par Adorno dans une célèbre enquête : The Auihoritarian Personality (New York, 1950). Pour tout ce contexte je suis obligé de faire renvoi à mon ouvrage La Fausse Conscience (p. 59 pq. sur l'axiologie de l'aliénation, pp. 97 sq. sur l'idéologie raciste) où ces questions sont traitées avec plus de détails.

4. « Une autre conséquence de l'inachèvement de l'homme est la nécessité de l'aliénation… » (Lapassade, op. cit., p. 38.)

1. Le concept de la réification, développé par Lukacs dans Histoire et Conscience de Classe (Cf. la traduction d'Axelos et J. Bois, Paris, Éditions de Minuit, 1962) comporte essentiellement : a) une dégradation de la réalité humaine en « chose » (le « sujet > qui devient « objet ») ; b) un processus de « naturalisation » (l'expression est nôtre !) des lois économiques qui apparaissent dans cette optique comme des lois naturelles extrahistoriques et immuables ; c) une dé-dialectisation de la structure totale de la conscience : la conscience réifiée est une conscience a-dialectique ou sous-dialectique (fausse conscience).

2. Cf. à ce propos les travaux de Minkowski, de Binswanger, de Silvano Arieti, de Geza Roheim, de Mme Gisèle Pankow et aussi les nôtres.

3. Cf. I. A. Caruso, « Notes sur la réification de la sexualité », Psyché, Paris, 1952.

4. Nous ne pouvons qu'esquisser ici les grandes lignes de ce problème un peu marginal par rapport à ce sujet. En montrant la légitimité anthropologique de la pensée non-dialectique, la théorie de Lapassade renvoie à l'école d'anthropologie existentielle dont les représentants ont été les premiers à insister sur la structure antidialectique du délire schizophrénique (Binswanger) de même que de certaines perversions (Boss, Caruso, Gebsattel). Mais d'autre part, le concept d'inachèvement a exercé une certaine influence sur la pensée psychanalytique, notamment par l'entremise de Lacan et de Roheim. Cf. à ce propos les intéressantes références à l'oeuvre de J . Lacan, in Lapassade, op. cit., p. 99 et passim (le thème du « morcellement du corps du nouveau-né ». Cf. aussi p. 69 le même thème en ethnologie et ses rapports avec les rites initiatiques). Quant à Roheim et aux origines bolkiennes de sa pensée, cf. l'excellent article de Robert Paris : « Psychanalyse, culture et néoténie », Revue Française de Psychanalyse, novembre-décembre 1962, p. 731 sq.

1. L'école de l'anthropologie existentielle comprend des auteurs comme Gebsattel (phénoménologie des perversions sexuelles ; formes de temporalisation dans la mélancolie, e t c . ) . L. Binswanger (Analyse existentielle de la schizophrénie), Boss (Médecine psycho-somatique, perversions sexuelles), Caruso et — indirectement — E. Minkowski. L'orientation dialectique de ces recherches est surtout consciente chez Binswanger et chez Caruso, mais elle est implicite chez les autres, en particulier chez Medard Boss. Cf. pour le bilan dialectique de l'ensemble, notre ouvrage La Fausse Conscience, Paris, Éditions de Minuit, 1962, p. 169 sq.

2. Ces développements tout en se situant dans la trajectoire de la pensée de Lapassade, sont de nous ; L'Entrée dans la Vie ne s'occupe pas du problème axiologique en tant que tel.

3. Cf. l'axiologie d'orientation gestaltiste de Wolfgang Koehler : The place of value in a world of facts. New York 1938, Ruyer, R., La Philosophie des valeurs, Paris, A. Colin, 1962.Google Scholar Le terme « requiredness » est difficile à traduire ; compte tenu du contexte gestaltiste, la périphrase : « Tendance à la totalisation de totalités incomplètes » rend le mieux la pensée de l'auteur. Le lien avec la philosophie de l'inachèvement paraît évident.

4. Lapassade, op. cit., p. 238 (passage souligné par nous).

1. Cette thèse — qui n'a pas été publiée mais qui se trouve, ou se trouvera sous peu, déposée à la Bibliothèque de la Sorbonne — est consacrée à une interprétation révolutionnaire de l'oeuvre de Jean-Jacques Rousseau, précurseur de la pédagogie non-directive. Cf. l'article de François Chatelet consacré à la soutenance de Lapassade dans L'Exprès du 3 octobre 1963.

2. Nous pensons ici à la fois au « relationisme » intégral de Mannheim, réaction contre le sociocentrisme prolétarien du marxisme traditionnel, et à son essai peu connu et souvent cité par Lapassade : « Le Problème des Générations ».

1. L'expérience dite « de Hambourg », cf. op. cit., p. 211 sq.

2. Op. cit., p. 213.

3. « Le concept de Y entrisme / est / appelé à désigner le mouvement permanent par lequel l'homme s'efforce, jusqu'au terme de son existence, d'entrer dans la vie » (Lapassade, op. cit., p. 244). A l'appui de cette conception J apassade invoque, non sans audace intellectuelle, la théorie de la révolution permanente de L. D. Trotski I (Ibid., p. 219.)

1. Cf. Lapassade, op. cit., p. 96 (Critique des « conserves culturelles ») et p. 108 (” Pour Moreno la réification est un oubli des origines. La culture a dû commencer, non par un parricide originel et dans un climat de violence répressive, mais dans le jaillissement spontané des innovations créatrices… »).

2. Cf. le célèbre ouvrage de W. H. Whyte Jr . cité par Lapassade, L'Homme de l'Organisation (Paris, plon, 1959).

3. E. Pichon, Le développement psychique de l'enfant et de l'adolescent, Paris, Masscn, 1947.

4. La Fausse Conscience, p. 76.

5. Gukvitch, G., Sociologie et dialectique, Paris, Flammarion, 1962, p. 57.Google Scholar

1. Lucien Golomann a abordé à ce problème dans ses Recherches dialectiques (Paris, Gallimard, 1959) et ailleurs ; mais comme il n'est pas psychologue de l'enfance sa recherche vise surtout l'effort épistémologique de Piaget dans ses rapports avec le marxisme ; le problème de l'aliénation est quelque peu en dehors de sa tentative ; or pour nous il est capital.