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Vers une « nouvelle histoire » du communisme chinois*

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Yves Chevrier*
Affiliation:
Centre Chine-EHESS

Extract

Dans une étude classique sans cesse rééditée depuis trente ans (Chinese Communism and the Rise of Mao, Harvard Univ. Press, 1951), Benjamin Schwartz attribuait la victoire du parti communiste dans la révolution chinoise et l'ascension de Mao Zedong au sein de ce Parti à la mise au point — par Mao — d'une « formule » révolutionnaire originale reposant sur la paysannerie et sur l'armée. Avec le tournant des soviets du Jiangxi (1928-1934), Mao s'était fait l'homme de la militarisation et de la ruralisation d'une stratégie jusqu'alors calquée sur le modèle urbain des révolutions européennes, modèle que l'Internationale communiste avait relayé et appliqué sans succès en Chine dans les années 1920. La mise en oeuvre de la guérilla rurale avait opposé Mao à Moscou et plus encore aux hommes de Moscou, maîtres du Comité central demeuré clandestinement à Shanghai après le désastre de 1927 : Li Lisan tout d'abord (1929-1930) puis, derrière Wang Ming et Bo Gu, les « Vingt-huit bolcheviks ». En 1933, l'installation du Comité central à Ruijin (capitale des soviets du Jiangxi) avait consacré, selon Schwartz, la victoire d'une légitimité des faits (Mao) sur la légalité (les hommes de Shanghai et de Moscou).

Type
Études Chinoises
Copyright
Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1985

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Footnotes

*

A propos de l'ouvrage de Hu Chi-hsi, L'Armée rouge et l'ascension de Mao. Essai d'interprétationsur la montée au pouvoir de Mao Zedong au sein du parti communiste chinois, Paris, Éditions de l'EHESS, Cahiers du Centre Chine, n° 5, 1982, 272 p

References

Notes

1. Bianco, Lucien, Les origines de la révolution chinoise, Paris, 1967.Google Scholar Sur les rapports de Mao et du maoïsme avec Moscou et le modèle russe, cf. Chevrier, Yves, « Mort et transfiguration : le modèle russe dans la révolution chinoise », Extrême-Orient, Extrême-Occident, II, 1983, pp. 41108.Google Scholar

2. Tso-Liang, Hsiao, Power Relations within the Chinese Communist Movement, 1930-1934, Seattle-Londres, 1961 Google Scholar, et Ch'ren, J., « Resolutions of the Tsunyi Conférence », The China Quarterly, n° 40, oct.-déc. 1969.Google Scholar

3. Rue, J. E., Mao Tse-tung in Opposition, 1927-1935, Stanford, 1966.Google Scholar

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6. Jianmin, Wang, Zhongguo gongchandang shi gao (Esquisse historique du parti communiste chinois), Taibei, 3 vols, 1965;Google Scholar Kuo, Warren, AnalyticalHistory of the Chinese Communist Party, Taibei, 4 vols, 1968-1971.Google Scholar

7. En 1933-1934, la révolution agraire devient une simple annexe de la conscription. Hu Chi-hsi, p. 38. Ce Jiangsi-là n'est pas un État qui a une armée, mais comme l'ancienne Prusse, une armée qui a un État…

8. Dirigeant d'une base communiste installée au Sichuan, Zhang Guotao conteste la suprématie de Mao sitôt que son armée rejoint celle des fuyards du Jiangxi. La querelle des deux hommes entraîne un partage du haut commandement puis une véritable scission. Seule la défaite ultérieure de Zhang permet à Mao de refaire l'unité autour de lui en 1936.

9. Cf. par exemple l'interview de Wu Xiuquan, interprète d'Otto Braun lors de la conférence de Zunyi, Xinhua (Agence Chine Nouvelle), 11 janvier 1985.

10. Wu Xiuquan, op. cit. Reste qu'après l'occupation de Zunyi par le gros des forces communistes (le 9 janvier), c'est Liu Bocheng qui commande la place…

11. Nie Rongzhen huiyi lu (Souvenirs de Nie Rongzhen), Jiefangjun chubanshe, 3 vols, 1983- 1984, vol. I, p. 242 ss.

12. Ibid.

13. Wu Xiuquan (op. cit.) précise quelque peu les remarques de Nie Rongzhen.

14. Wu Xiuquan (op. cit.) remarque en revanche que durant les trois journées de la conférence de Zunyi, il s'est tenu près de la porte (les autres participants étaient réunis autour d'une table), fumant cigarette sur cigarette, en écoutant la traduction des interventions. Il se serait borné à une brève défense du « dogmatisme en matière militaire », en refusant de reconnaître ses erreurs. Il est vrai qu'il était (avec Bo Gu) la principale cible des attaques maoïstes et prômaoïstes. Selon Nie Rongzhen (op. cit.), il n'assistait à la conférence qu'avec voix consultative.

15. Smedley, A., The Great Road. The Life and Times of Chu Teh, New York-Londres, 1956.Google Scholar

16. Un symbole résiduel témoigne encore de la quasi-royauté de Zhou Enlai durant la seconde époque du Jiangxi : la date retenue pour commémorer la fondation de l'Armée rouge est le 1er août, jour anniversaire de la prise de Nanchang (en 1927) par des forces communistes et procommunistes. Mao, contrairement à Zhou Enlai, n'avait pris aucune part à ce fait d'armes et seréclamait du déclenchement du soulèvement de la moisson d'automne (9 septembre 1927). Le choix du 1er août fut la première décision prise par le Conseil militaire révolutionnaire (organe suprême de commandement) après la réorganisation du 8 mars 1933 qui consacrait la défaite du camp maoïste. Pendant la révolution culturelle, les Gardes rouges exigèrent (mais n'obtinrent pas) que la date du 9 septembre fût substituée à celle du 1er août… (pp. 77-78).

17. Lequel n'en est d'ailleurs pas à son premier coup de maître, puisque nous lui devons l'identification d'Otto Braun avec Hua Fu. Chi-hsi, Hu, « Hua Fu, the Fifth Encirclement Campaign and the Tsunyi Conférence », The China Quarterly, n° 43, juil.-sept. 1970 Google Scholar.

18. Sheridan, J. E., China in Disintegration, New York-Londres, 1975, chap. III.Google Scholar Il eût été souhaitable en outre de comparer les structures sociales, la provenance géographique, les méthodes d'encadrement et les comportements des armées communistes avec ce qu'on sait des armées militaristes et des armées régulières du Guomindang.

19. Les deux logiques militaro-étatiques relevées par Hu Chi-hsi seraient, en elles-mêmes et dans leur succession, suivant William Macneill (The Pursuit of Power : Technology, Armed Force and Society, since A.D. 1000, Chicago, 1982 (, une structure fondamentale dans l'histoire des sociétés humaines. Cf. notre compte rendu : « Une généalogie guerrière de l'histoire : le paradigme de MacNeill », Vingtième Siècle, revue d'Histoire, n° 3, juil. 1984.

20. L'expression est de Maccoll, Robert. Cf. The Rise of Territorial Communism in China, 1921-1934 : The Geography Behind Politics, Ann Arbor, 1980.Google Scholar

21. Ch. Johnson, A., Peasant Nationalism and Communist Power, Stanford, 1962,Google Scholar privilégie trop exclusivement ce dernier facteur. Voir l'analyse plus mesurée de Kataoka, S., Résistance and Révolution in China, Berkeley, 1974.Google Scholar

22. Nous en avons esquissé la problématique dans La Chine moderne (Paris, 1983), pp. 109- 115 et 120 ss, ainsi que dans l'article déjà cité, note 1.

23. Wylie, R., The Emergence of Maoism : Mao Tse-tung, Ch'en Po-ta, and the Search for Chinese Theory, 1935-1945, Stanford, 1980.Google Scholar

24. Position exprimée par An Ziwen, titulaire du Département de l'organisation du Comité central du parti communiste chinois en 1956 et par Liu Shaoqi lui-même en 1959. Cf. Macfarquhar, R., The Origins of the Cultural Révolution, vol. II, The Great Leap Forward, 1958-1960, Oxford, 1983, p. 241.Google Scholar

25. L. Bianco, « Essai de définition du maoïsme », Annales ESC, 5-1979.

26. Bianco, L., « Mao Tse-tung, Or the Revolutionary Turned Rebel », contribution à International Conférence on the Analysis of Power and Policy in theP.R.C, Sarrebrûck, août 1982.Google Scholar

27. Cf. par exemple Solomon, R., Mao's Révolution and the Chinese Political Culture, Berkeley, 1971;Google Scholar Wakeman, F., History and Will, Philosophical Perspectives of Mao Tse-tung's Thought, Berkeley, 1973.Google Scholar

28. La différence est que Lin Biao prend la place de Peng (démis à l'issue du plénum) et que les adversaires de Mao, hommes de l'appareil tels Liu Shaoqi, Deng Xiaoping, n'osent pas le remiser aussi radicalement que Zhou Enlai et les Vingt-huit bolcheviks l'avaient fait dans les premières années 1930 — ce en quoi, d'ailleurs, ils contribuent à détruire le pacte qu'ils avaient scellé à Yan'an avec le diable maoïste et préparent leur propre chute pendant la révolution culturelle (cf. Macfarquhar, II, op. cit., p. 233). Autre différence : Zhou Enlai, en 1959, prend nettement le parti de Mao (même remarque pour la révolution culturelle) bien que, fidèle en cela à sa vocation pérenne, il s'affirme comme l'incarnation de la postulation contraire : celle de la gestion étatique (cette alliance Zhou-Mao qui permet à la Chine de survivre aux cataclysme des années 1960-1970 étant comme une caricature de la synthèse maoïste effectuée à Yan'an). Notons une permanence significative : comme à Ningdu, une seule voix (celle de Zhu De) ose s'élever à Lushan en faveur de celui qui est vaincu d'avance…

29. Voir Y. Chevrier, La Chine moderne, op. cit., p. 123.

30. Les techniques soviétiques d'encadrement et de « rectification » n'ont pas été mises au point seulement dans le Jiangxi et contre Mao. Apparues sporadiquement dès l'été 1927 contre la direction Chen Duxiu, elles sont utilisées à Shanghai contre l'influence de Li Lisan lors de la reconstitution clandestine du Parti sous la férule des Vingt-huit bolcheviks après 1931 (cf. L. R. Sullivan, « Reconstruction and Rectification of the Communist Party in the ShanghaiUnderground, 1931-1934 », The China Quarterly, n° 101, mars 1985). L'expérience shanghaienne est contemporaine de et parallèle à la mainmise idéologique sur les cercles littéraires de gauche. Dans les deux cas — Shanghai et Jiangxi —, l'inspiration et la motivation sont identiques. Mais c'est au Jiangxi que la gestion du Parti par un pouvoir étatique se développe pleinement avec la « critique de Luo Ming » (supra).

31. L'élargissement de la base documentaire et l'abondance des travaux publiés en Chine n'interdisent plus d'envisager une anthropologie sociale du mouvement communiste comparable à celle qui a renouvelé notre connaissance du communisme français, par exemple.

32. Ce processus culmine en mars 1943 avec un article signé de Liu Shaoqi (” La liquidation des idées mencheviques dans le Parti ») dans lequel Liu, en accusant la « faction internationaliste » d'entretenir un menchevisme déguisé, fait de Mao un bolchevik « véritable ». C'est alors seulement que la suprématie partiellement conquise à Zunyi devient incontestable (cf. S. Schram, « Mao Studies : Retrospect and Prospect », The China Quarterly, n° 97, mars 1984).

33. Thèse exprimée dès octobre 1984, à la veille de la Longue Marche, par Xiang Ying, l'un des alliés antimaoïstes des Vingt-huit bolcheviks. Xiang, qui ne devait pas prendre part à l'exode, confie ses craintes à Otto Braun : à la première occasion, Mao s'emparera de la direction du Parti avec l'aide de l'armée…