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Les Moines Anglais et la Construction du Politique

(début du 13e siècle)

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Alain Boureau*
Affiliation:
Centre de Recherches Historiques-EHESS

Extract

Entre 1212 et 1215, le monastère bénédictin de Bury Saint Edmund's — l'un des plus riches d'Angleterre — connut une longue vacance du pouvoir abbatial. En soi, le phénomène est banal: en effet, une élection d'abbé constitue une opération délicate, qui nécessite à la fois un consensus des électeurs et l'accord de grands protecteurs laiques et ecclésiastiques. En outre, la vacance du pouvoir, dans un monastère richement doté, procure des bénéfices précis à certains des acteurs du choix abbatial : les revenus de l'abbé reviennent à celui ou à ceux qui ont la garde (custodia) de l'institution. Done, rien ne presse et les affaires continuent. Le cas de Bury est pourtant d'un intérêt particulier, en raison de la situation électorale, de la source qui la décrit et de son contexte politique.

Summary

Summary

At the monastery of Bury St. Edmunds, the abbatial seat remained vacant from 1212 to 1215, partly because of a dire struggle between two parties within the monastic community. An anonymous monk, himself involved in the battle, wrote a short but detailed chronicle, especially devoted to the story of the conflict. This paper argues that this account is one the first medieval analyses of practical politics. The author is consciously critical of the liturgical and juridical forms of action, and explores a wide range of political tactics: anticipation, internal and external pressure, identification and disqualification of enemies, alliances, and so on. This must not be seen as a harbinger of democratic debates, but as an early assertion of the autonomy of the political field, just before the Magna Carta and in relation to the intense experience of action during the Anglo-Norman period.

Type
Droit, Justice et Politique (12e-13e s.)
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1999

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References

1. Selon les calculs de Dom David KNOWLES, The Monastic Order in England. A History of its Development from the Times of St Dunstan to the Fourth Lateran Council, 940-1216, 1963, p. 702), Bury Saint Edmund's se situe, au moment du Domesday, au quatrieme rang, derriere Glastonbury, Ely et Christ Church de Cantorbéry (p. 702). Corbett, Pour W. J., The Cambridge Medieval History, vol. V, ch. XV, p. 509 Google Scholar), le monastère est au troisième rang. Le monastère avait sous sa juridiction huit hundreds et demi, le tiers du gros comté de Suffolk, battait monnaie et son abbé était l'un des barons du royaume. Bien entendu, le Domesday Book donne une image bien antérieure à notre affaire, mais les affaires de l'abbaye avaient été plutôt prospères au 12e siècle. Voir Douglas, D. C., Feudal Documents from the Abbey of Bury Saint Edmund's, Londres, 1932 Google Scholar.

2. Pour nous en tenir à l'histoire de Bury, le monastère avait connu une vacance de sept ans, de 1107 à 1114, entre les abbés Richard II et Albold.

3. Voir The Chronicle of Jocelyn of Brakelond, H. E. Butler (éd.), Edimbourg, 1948.

4. En fait, la situation était plus instable, comme on le verra plus loin.

5. Voir Avondo, E. Ruffini, « II principio maggioritario nella storia del diritto canonico ». Archivio giuridico, 93, 1925 Google Scholar et Moulin, L., « Les origines religieuses des techniques électorales et délibératives modernes », Revue internationale d'Histoire politique et constitutionnelle, n. s.. III, 1953 Google Scholar. II faut noter que la maior pars n'est pas forcément une majorité numérique.

6. The Chronicle of the Election of Hugh, Abbot of Bury St. Edmunds and later Bishop of Ely, Thomson, R. M. (ed.), Oxford, Clarendon Press, 1974 Google Scholar (désormais cité par le sigle CEH. suivi du numéro de la page dans cette édition).

7. Roger de Wendover, Chronica, H. G. Hewlett (éd.), Londres, Rolls Series 84, t. II. 1886, pp. 111-112 et 83-87 et Matthei Parisiensis, monachi sancti Albanis chronica maiora. H. R. Luard (éd.), Londres, Rolls Series, 1872-1883, t. II, pp. 582-583. II faut noter que Sit James Holt, la plus haute autorité sur la Magna Carta, conteste fortement ce récit des chroniqueurs. On reviendra plus loin sur cette question.

8. The Chronicle of Richard of Devizes of the Time of King Richard the First, J. T. Appleby (ed.), Édimbourg, Nelson, 1963. II faut noter cependant que d'autres textes monastiques atténuent ces différences de genre ou d'échelle. La Chronique d'Evesham se lit comme des « annales »jusqu'au début du 13e siècle, avant de tourner à la chronique détaillée d'une affaire juridique qui occupe la communauté durant une douzaine d'années. Notre ami Philippe Buc nous a aussi opposé le texte du Casus Galli, chronique du monastère de Saint-Gall composée par le moine Ekkehard IV au milieu du 11e siècle (Hans Haefele (éd.), Darmstadt, 1980), qui se préoccupe aussi d'élections : mais le politique n'a pas l'autonomie que nous constatons ici. Certes, la distance focale est courte et la narration autocentrée, mais le jeu politique n'a pas de spécificité par rapport à Pensemble divers et non hiérarchisé des conduites des acteurs.

9. Little, Lester K., Benedictine Maledictions. Liturgical Cursing in Romanesque France, Ithaca, Cornell University Press, 1993.Google Scholar

10. Voir mon article « How Medieval Monks came to Law (England, XIIe-XIIIe Centuries) », à paraître dans Past and Present.

11. J. Le goff, « Is Politics still the Backbone of History ? », Daedalus, hiver 1971, pp. 1-19, repris dans Historical Studies Today, F. Gilbert, S. Graubard (éds), New York, W. W. Norton and Co., 1972, pp. 337-355. La version française (” L'histoire politique est-elle toujours l'épine dorsale de l'histoire ») est parue dans Le Goff, J., L'imaginaire médiéval. Essais, Paris, Gallimard, 1991 (1re éd. 1985), pp. 333-349Google Scholar.

12. On pourrait poursuivre cette généalogie en remontant à la fin du 18e siècle, du côté de la critique de la superficialité de la « civilisation » au nom de la profondeur de la « culture ». si bien analysée par Norbert Elias.

13. Pour une claire distinction entre gouvernement et pouvoir, voir Senellart, Michel, Les Arts de gouverner. Du regimen médiéval au concept de gouvernement , Paris, Le Seuil, 1995.Google Scholar

14. Voir mon article cité en note 10.

15. Un dernier scrupule à lever : comment généraliser les conclusions tirées d'une occurrence singulière ? La comparaison et la vérification sur d'autres cas contemporains est impossible r'aute de sources analogues. Or nous ne pouvons prétendre au statut micro-historique car la « mise entre parenthèses », tant du cêté des sources que de leur exploitation, exclut d'atteindre la totalité par le bas. Nous ne pouvons non plus revendiquer le statut du « cas typique », tant lc lieu, le temps et les protagonistes sont singuliers. A Bury, nous ne trouvons que des « indices », à confirmer ou à infirmer sur d'autres terrains.

16. En fait, la convocation à Luton fut annulée pour des raisons de sécurité.

17. Voir Folz, Robert, Les Saints Rois du Moyen Age en Occident (VIe-XIIIe siècles), Bruxelles, Société des Bollandistes, 1984 Google Scholar et « Naissance et manifestation d'un culte royal : saint Edmond, roi d'Est-Anglie », dans Festschrift H. Löwe, Cologne-Vienne, 1978, pp. 226-246.

18. Roger de Wendover, Flores historiarum, C. O. Coxe (éd.), Londres, 1841, pp. 300-315 et Matthieu Paris, Chronica maiora, op. cit., t.I, pp. 393-401, pp. 57-60.

19. Sur l'attitude du pape pendant la crise anglaise, voir C. R. CHENEY, Pope Innocent III and England, Stuttgart, 1976, pp. 360-386.

20. The Letters of Pope Innocent III (1198-1216) concerning England and Wales, Cheney, C. R., Cheney, Mary G. (éds), Oxford, 1967, n° 938, p. 155 Google Scholar (texte publié dans la Patrologie latine, t. 216, col. 0928).

21. Voir, dernièrement, l'article de Barratt, Nick, « The Revenue of King John », The English Historical Review, vol. CXI, n° 443, septembre 1996, pp. 835855.CrossRefGoogle Scholar

22. Sur Pierre des Roches, voir le récent et remarquable travail de Vincent, Nicholas, Peter des Roches. An Alien in English politics, 1205-1238, Cambridge, Cambridge University Press, 1996.CrossRefGoogle Scholar

23. Voir mon article cité en note 10. Bien sûr, les circonstances sont totalement différentes : dans le cas d'Evesham, monastère éloigné des centres de pouvoir et de plus modeste richesse, la monarchic n'est guère impliquée.

24. Sur cette notion, peu travaillée, de dissimulatio, voir A. Boureau, « Le retour de saint Equitius. Pierre de Jean Olivi et l'usage polémique de l'hagiographie », dans Florentissima Proles Ecclesiae. Miscellanea hagiographica, historica et liturgica Reginaldo Grégoire o.s.b. XII lustra complenti oblata, par Domenico GOBBI (éd.), Trente, Biblioteca Civis, 1996, pp. 41-58.

25. Voir mon article cité en note 10 et Sayers, J. E., Papal Judges Delegate in the Province of Canterbury, 1198-1254, Oxford, 1971.Google Scholar

26. Sur la carrière de Hugues de Northwold, voir Rodney Thomson, « appendice V » de l'édition de la CEH, éd. citée, pp. 193-196.

27. 36e dans l'ordre des revenus du Domesday Book, selon les calculs de Dom KNOWLES (voir note 1 supra).

28. 41e monastère selon Dom D. Knowles, ibid.

29. Une des meilleures illustrations en est, dans nos démocraties, l'importance extrême, aux yeux des acteurs, du vote singulier, qui n'a strictement aucune chance statistique d'être déterminant au niveau national. Nombreux sont ceux qui sont prêts à de larges sacrifices (de temps, d'argent) pour être présents le jour d'une élection.

30. CEH, 16.

31. CEH, 30.

32. CEH, 50.

33. CEH, 46. On pense ici à Thomas de Marlborough, le subtil moine juriste d'Evesham qui portait, nuit et jour, son couteau dans sa ceinture (voir « How Medieval Monks… », art. cité). Sans vouloir trop insister sur ce point (car, contrairement à ce que laisse entendre une historiographie récente, la « violence » n'est pas un objet historique), il faut noter en passant que le grand theme de l'amitié monastique, développé au 12e siècle, analysé hors contextc selon une apologétique spiritualiste (P. McGuire) ou homosexuelle (J. Boswell), est d'abord une réponse à la violence endémique dans les monastères et dans la société en général.

34. CEH, 64. Les récits de violence ouverte ne sont pas rares dans l'histoire monastique depuis la Conquête. Voir, entre autres, la conduite de l'abbé Thurstan de Glastonbury lâchant ses hommes de main dans le monastère, qui massacrèrent un grand nombre de moines (Anglo-Saxon Chronicle, année 1083, D. Whitelock (éd.), Londres, 1961, p. 160), ou les conflits de Saint Augustin de Cantorbéry, qui se firent non sine sanguinis effusione, Acta Lanfranci. Plummer, C. (ed.), Two of the Saxon Chronicles Parallel, Oxford, 1892, t. I, pp. 290291 Google Scholar). II est vrai que ces épisodes sont liés aux lendemains de la Conquête (voir loyn, H., « Abbots of English Monasteries in the Period Following the Norman Conquest », dans Bates, D., Curry, A. (eds), England and Normandy in the Middle Ages, Londres, 1994, pp. 95103 Google Scholar).

35. L'usage de « dom » dans ma traduction peut paraître anachronique. Mais cet échange ou chaque détail de forme compte, il importe que le dominus employé par Albinus s'adresse, de façon neutre, à tout moine, sans rien du respect formel qu'impliquerait, pour nous, « seigneur ».

36. CEH, 60.

37. CEH, 62.

38. Voir Grossi, Paolo, « Unanimitas. Alle origine del concetto di persona giuridica nel diritto canonico », Annali di Storia del Diritto, vol. 2, 1958, pp. 229331.Google Scholar

39. Voir David Knowles, « Abbatial Elections », Downside Review, vol. 49, 1931 et Jean Gaudemet (avec J. Dubois, A. Duval et J. Champagne), Les Élections dans l'Église latine, Paris, 1978.

40. Decreta Lanfranci Monachis Cantuarensibus Transmissa, David Knowles (éd.), Siegburg, Francis Schmitt, « Corpus Consuetudinum Monasticorum III », 1967.

41. CEH, 94.

42. Voir Moonan, Lawrence, Divine Power. The Medieval Power Distinction up to its Adoption by Albert, Bonaventure, and Aquinas, Oxford, Clarendon Press, 1994.CrossRefGoogle Scholar

43. Voir Boureau, A., « Le vœu monastique et l'émergence de la notion de puissance absolue du pape (vers 1270) », Cahiers du Centre de Recherches historiques, 21, automne 1998, pp. 2334.Google Scholar

44. CEH, 46.

45. Voir plus haut, note 22.

46. CEH, 90.

47. Id.

48. Voir Lefebvre, C., « Les origines romaines de la procédure sommaire aux XIIe et XIIIe siècles », Ephemerides Juris Canonici, 12, 1956, pp. 149197 Google Scholar. Les travaux actuels de Simona Cerutti explorent les usages de la procédure sommaire dans les tribunaux consulaires de Turin au 18e siècle.

49. Sur Richard de Morins, voir Kuttner, S., Rathbone, E., « Anglo-Norman Canonists of the Twelfth Century: An Introductory Study », Traditio, 7, 1949-1951, pp. 338339 Google Scholar.

50. Sur la procédure extraordinaire des juges délégués, voir J. E. Sayers, Papal Judges…, op. cit., pp. 42-99.

51. CEH, 107-108.

52. Voir les petits dossiers (processus) transmis à Rome, à partir de l'élection de l'abbé Simon, en 1257, ARnold, T. (éd.), Memorials of St. Edmunds Abbey, Londres, t. II, 1893, pp. 253259, 299-323Google Scholar et t. III, pp. 113-137.

53. II n'est toutefois pas exclu que la chronique serve aussi à prémunir l'abbé contre toute tentative ultérieure de déposition ; le monastère dont la production annalistique est si forte, devait certainement garder mémoire de la déposition de Robert Ier en 1102, deux ans après sa consécration, précisément parce qu'il avait été imposé par le roi Henri Ier sans le consentement des moines (il s'agissait du fils bâtard de Hugues Lupus, comte de Chester).

54. CEH, 54.

55. Une fois dans le texte, le parti de Robert est nommé « parti de Pharaon » (CEH, 52), mais cet emploi unique ne saurait assimiler le roi Jean, constamment traité avec respect, au persécuteur du peuple d'Israël. Pharaon est bien Robert lui-même (voir CEH, 120: «A Pharaone, id est sacrista »). On sait que l'assimilation du peuple monastique à la nation d'Israël est une constante depuis le Haut Moyen Age. Bède le Vénérable y a beaucoup contribué. Voir Boureau, A., «L'adage vox populi, vox Dei et l'invention de la nation anglaise (VIIe-XIIe siècle) », Annates ESC, 1992, n° 4-5, pp. 10711089.Google Scholar

56. The Ecclesiastical History of Orderic Vital, Chibnall, Marjorie (éd.), vol. 2, Oxford, Clarendon Press, 1969, p. 52.Google Scholar

57. Orderic Vital le dit sans ambages : «II fut élu tant en raison de son noble sang que pour son souci ardent des bien du monastère et pour son efficacité aux affaires », op. cit., p. 74.

58. Voir Bouchard, Constance B., Sword, Miter, and Cloister. Nobility and the Church in Burgundy, 980-1198, Ithaca, Cornell University Press, 1987.Google Scholar

59. R. Thomson ne mentionne pas un argument fort pour soutenir cette hypothèse : Robert le sacristain, devenu abbé de Thorney en 1217, écrivit au nouveau sacristain de Bury pour lui signaler qu'un chariot, laissé à l'usage du monastère, appartenait à la sacristie. L'identité sacristine avait survécu à la promotion et au départ de Robert. Lettre publiée par T. ARNOLD, op. cit., t. II, Londres, 1893, p. 147.

60. Voir Rosenwein, Barbara H., To Be the Neighbor of Saint Peter. The Social Meaning of Cluny's Property, 909-1049, Ithaca, Cornell University Press, 1989.Google Scholar

61. CEH, 52.

62. CEH, 8.

63. Les coutumes de Bury, rédigées une dizaine d'années après notre affaire, ne disent rien de l'élection de l'abbé, The Customary of the Benedictine Abbey of Bury St Edmunds in Suffolk, Antonia Gransden (éd.), Henry Bradshaw Society, 99, 1973. Mais un passage des coutumes de l'abbaye du Bec, à peu près contemporain de l'affaire de Bury, l'indique : le prieur désigne douze électeurs, alors, « si quelqu'un du couvent tient pour suspecte quelque personne nominée par le prieur parce qu'il ne serait pas utile à l'église que cette personne soit du nombre des électeurs et si l'opposition est manifestée par cet opposant, que le prieur dise [au moine récusé] Wade sessum (Va t'asseoir) », Consuetudines Beccenses, M. P. Dickson o.s.b. (éd.), Siegburg, Francis Schmitt, « Corpus Consuetudinum Monasticarum IV », 1967, p. 220. On peut raisonnablement inferer que cet élément de procédure électorale, inconnu ailleurs, mais provenant d'un monastère normand qui avait donné deux archevêques de Cantorbéry à l'Angleterre (saint Anselme et Lanfranc) n'était pas inconnu aux moines de Bury, d'autant que le neveu de saint Anselme, Anselme le Jeune, avait été abbé de Bury. II faut noter toutefois que Nicolas et Richard n'attendent pas la nomination des électeurs par le prieur pour manifester leur défiance et manifestent ainsi leur excès de défiance. lis durent renouveler leur appel quand la première commission de trois moines designa Robert le sacristain parmi les sept électeurs. Le langage s'est teinté de juridisme avec le mot appellatio. En outre les deux moines s'opposent à la désignation de Robert aussi bien comme élu que comme électeur, ce qui contrevient à la leitre et à l'esprit de la coutume.

64. Là encore, la démarche est suggérée par la coutume du Bee : les moines doivent déléguer les plus anciens et les plus sages auprès du « seigneur de la terre », afin d'obtenir une libre élection, Consuetudines Beccenses, op. cit., p. 219.

65. CEH, 4.

66. Voir Dugdale, W., Monasticon anglicanum, Caley, J., Ellis, H., Bandinel, B. (éds), Londres, vol. 4, 1825, p. 153.Google Scholar

67. A l'époque de l'abbé Samson, la mense abbatiale comportait 34 églises et la mense conventuelle 32.

68. Carl Schmitt, La notion de politique. Théorie du partisan, préface de Mien Freund, traduction de M. L. Steinhauser, Paris, Calmann-Lévy, 1972 (original de 1932, réédité en 1963). Cette description phénoménologique du politique a été fort discutée, notamment du fait de l'allégeance de Schmitt au nazisme. II faut noter que l'adhésion au nazisme n'est pas impliquée par cette description, mais par sa mise au service d'une ontologie raciste. Voir Carl Schmitt, État, mouvement, peuple. L'organisation triadique de l'unité politique, traduction, introduction et commentaire d'Agnès Pilleul, Paris, Kimé, 1997 (éd. originale 1933). Pour une discussion forte de la thèse de Carl Schmitt, voir Strauss, Leo, « Commentaire de La notion de politique de Carl Schmitt», dans Meier, H., Carl Schmitt, Leo Strauss et la notion de politique. Un dialogue entre absents, traduction de Manent, F., Paris, Julliard, 1990, pp. 129161.Google Scholar

69. CEH, 16.

70. CEH, 120. II faut noter cette étonnante préfiguration spatiale des tendances, qui n'a rien d'évident et dont Marcel Gauchet a montré qu'elle intervient tardivement dans l'histopre politique française, sous la Restauration (« La droite et la gauche », dans Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, III, Les France, 1, Conflits et partages, Paris, Gallimard, 1992, pp. 395-407.

71. CEH, 126.

72. CEH, 44.

73. CEH, 54.

74. Voir Bremond, C., Le Goff, J., Schmitt, J. C., L'exemplum, Turnhout, Brepols, 1982.Google Scholar

75. Le chroniqueur mentionne (CEH, 59), entre autres, le curé de Chevington et « Maître Walter, directeur de l'école ».

76. CEH, 30. C'est moi qui souligne.

77. L'archevêque Hubert Walter fit procéder à cette exécution en tant que justicier du roi, non en tant que prélat.

78. On connaît cette particularité anglaise : les chapitres cathédraux de certains évêchés sont composés non de chanoines, mais de moines.

79. CEH, 59. J'avais relevé, dans le cas d'Evesham, que la violente lutte à l'intérieur du monastère et entre le monastère et son abbé demeurait dans les limites d'une évaluation segmentariste des institutions, où les adversaires ne poussent pas leur conflit au-delà d'une certaine limite, en faisant prévaloir l'intérêt commun contre un adversaire supérieur ou extérieur. II se peut que l'option entre lutte juridique et lutte politique passe par le respect ou le rejet de l'institution segmentariste, si profondément inscrite dans l'ecclésiologie médiévale. A l'été 1213, les adversaires de Bury suivent encore cette logique en ne donnant pas suite à une tentative d'Étienne Langton pour désigner deux clercs de sa cour comme arbitres. L'opposition entre clercs et moines est alors plus forte que le schisme monastique.

80. Matth. 8, 6-7.

81. La dévotion au nom de Jésus ne se développe vraiment qu'au 15e siècle, notamment autour de Bernardin de Sienne. Curieusement, la scolastique, si soucieuse de langue et de temporalité, ne s'occupe guère de cette question. Jacques de Voragine, vers 1255, traite, dans le chapitre « Circoncision » de la Légende dorée de l'imposition des noms à Jésus, le nom de Christ désignant particulierement sa nature humaine.

82. En effet, une lettre du pape Innocent III, adressée au roi Jean, datée du 26 mai 1207. au moment où le pontife tente vainement de persuader le souverain d'accepter l'élection d'Étienne Langton, insiste lourdement sur l'origine anglaise du candidat, sur le mode de la dénégation « car nous savons qu'il faut porter à son crédit, et non Ten blâmer, que séjournanl longuement à Paris, il s'est voué à l'étude des lettres […]. Nous sommes étonnés qu'un homme d'une telle réputation, originaire de ton royaume […]. II aurait fallu que tu considères davantage qu'il est né en ta terre […]. C'est pourquoi, non seulement du fait de la chair et du sang, mais aussi par l'obtention d'un bénéfice et d'une charge ecclésiastiques, il est établi qu'il t'aime, toi et ton royaume d'un amour sincère », Selected Letters of Pope Innocent III concerning England (1198-1216), C. R. CHENEY, W. H. SEMPLE (éds), Londres-Edimbourg, Nelson, 1953. p. 87.

83. Jocelyn de Brakelond, op. cit., p. 128.

84. CEH, 2.

85. CEH, 106 et 46.

86. Le narrateur note le mauvais latin du sacristain (falso latino): CEH, 80.

87. CEH, 28.

88. On peut aller plus loin dans les hypothèses ; Dunstable désignerait non son lieu de naissance mais sa provenance ; il pourrait être un maître issu de l'école de Dunstable, tenue par des chanoines augustins. On connaît deux cas illustres, au 12e siècle, de maîtres venus de l'école de Dunstable et passés au monastère de Saint-Albans. Geoffroy, le futur abbé de Saint-Albans, originaire du Maine, fut appelé, comme maître par le monastère de Saint-Albans ; il ne put arriver à temps et sa place étant prise, attendit en enseignant à Dunstable. A la fin du 12e siècle, Warm, neveu de l'abbé Warin de Saint-Albans, juriste, attendit lui aussi à Dunstable (Gcsta Abbatum S. Albani, Riley, H. T. (éd.), Chronica Monasterii Sancti Albani, t. IV, Londres, Rolls Series 28, 1866, I, 73 et I, 196 Google Scholar. Geoffroy et Warin rêvaient du plus prestigieux centre de savoir de l'époque. Nicolas aurait pu rêver à un centre connu pour sa science de l'administration, surtout à l'époque de Samson.

89. Voir note 7.

90. Voir Holt, J. C., Magna Carta, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 2, pp. 224226 Google Scholar et « Appendix I », pp. 406-411, R. M. Thomson, « The Meeting of the Rebel Barons at St. Edmund's, November 1214», Appendice IV à son édition de CEH, pp. 189-192 et Gransden, A., Historical Writing in England c. 550-C.1307, Londres, Routlege et Kegan Paul, 1974, p. 359.Google Scholar

91. Dans une littérature abondante, il faut signaler le remarquable ouvrage collectif dirigé par Vies, Wendy Da et Fouracre, Paul, The Settlements of Disputes in Early Medieval Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.Google Scholar

92. Nous avons rencontré Richard de Morins, prieur de Dunstable et juge délégué du pape. Ce juriste ne passe pas au politique ; quand il rédige les annales de son chapitre, il s'en tient au simple déroulement des faits, sans jamais les interpréter en termes de relations de pouvoir, comme le fait, par exemple, Richard de Devizes. Et la seule notation personnelle, dans les Annales de Dunstable, rapporte que Richard de Morins, en revenant du concile de Latran IV, quolques mois apres l'affaire de Bury, s'arrêta un an à Paris, pour étudier la théologie. Les urgences n'étaient pas les mêmes pour Richard de Morins ni pour Nicolas de Dunstable ou Robert le sacristain ! Annales monastici, R. H. Luard (éd.), t. III, Londres Rolls Series 36, 1864, p. 44.