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Figures du samouraï dans l’histoire japonaise Depuis Le Dit des Heiké jusqu’au Bushidô

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Saeki Shin’ichi*
Affiliation:
Université Aoyama gakuin

Résumé

Comment l’idée de Voie du guerrier s’est-elle peu à peu fabriquée au cours de l’histoire japonaise ? Comment et pourquoi les guerriers médiévaux se sont-ils construits un univers culturel en rupture avec celui de la cour impériale de Kyôto ? Dans Le Dit des Heiké, composé dans la première moitié du XIIIe siècle, ce qu’on désigne alors comme la Voie de l’Arc et du Cheval suscite des réactions diverses, depuis la répulsion jusqu’à la sympathie. Cette tension donne peu à peu naissance aux grandes oeuvres de la littérature médiévale japonaise dite guerrière. Avec la paix de l’époque Tokugawa, le bushidô est rejeté par les élites samouraïs. Mais en même temps se recrée une éthique guerrière dans un monde désormais sans combats. C’est de cette contradiction que naît le bushidô moderne qui devient, à partir du XIXe siècle, l’une des pièces du discours nationaliste. Les samouraïs deviennent les chevaliers du Japon d’autrefois et le bushidô une forme de code chevaleresque. Mais il s’agit d’une reconstruction complète, d’une réinvention du passé, au service des objectifs du nouvel État-nation.

Abstract

Abstract

How was created the ‘way of the warrior’ during Japanese history? How and why did Japanese warriors produce a culture at odds with the values of the imperial court of Kyoto? Saeki Shin’ichi studies the Tale of the Heike, produced in the first half of the 13th century, and explains how the so-called ‘way of the bone and horse’ triggered different reactions ranging from repulsion to sympathy. This tension gave birth to the so-called warrior literature during the Middle Ages period. When peace came back in the Tokugawa period, bushidô was rejected by the samurai elite. But at the same time, the samurai recreated a new warrior ethics for that peaceful world. The modern bushidô was born as the consequence of this contradiction. In the 19th century, bushidô was an important part of the new Japanese nationalistic narrative. Samurai were very similar to Western Knights and bushidô became a sort of code of chivalry. But it was a complete reconstruction, a reinvention of the past serving the objectives of the modern nation state.

Type
L’invention du samouraï
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2008

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References

1- Le Dit des Heiké, trad. par R. Sieffert, Paris, Publications orientalistes de France, 1976.

2- Samouraï (samurai) est l’un des termes qui permet de désigner en langue japonaise un membre de la classe des guerriers. Nous utilisons ici indifféremment le mot samouraï ou guerrier (NDT).

3- Cette version a été publiée en 6 volumes : Teiichi, Takahashi (éd.), Engyôbon Heike monogatari, Tôkyô, Kyûkoshoin, 1982-1983.Google Scholar

4- La version dite Kakuichi a été publiée en 2 volumes dans la grande série des oeuvres classiques de la littérature japonaise : Heike monogatari, éd. par Takaji Inosuke et al., Tôkyô, Iwanami Shoten, 1959-1960.

5- Mizuhara Itajime, Heike monogatari no keisei (La Formation du Dit des Heiké), Tôkyô, Katô Chûdôkan, 1971 et Id., Engyô-bon Heike monogatari ronkô (Considérations à propos de la version Engyô du Dit des Heiké), Tôkyô, Katô Chûdôkan, 1979.

6- Shin’ichi, Saeki, Iteki kannen no juyô – Heike monogatari no chushin ni (La réception du concept de barbare dans Le Dit des Heiké), Tôkyô, Kyûkoshoin, 1993.Google Scholar

7- Le Dit des Heiké, op. cit., p. 393.

8- Teruo, Satô, Rolan no uta to Heike monogatari (La Chanson de Roland et Le Dit des Heiké), Tôkyô, Chûô Kôron-sha, 1973 Google Scholar, analyse avec précision les deux oeuvres de manière comparative et en montre aussi très bien les différences. Voir également Goyet, Florence, Penser sans concepts. Fonction de l’épopée guerriere, « Iliade », « Chanson de Roland », «Hôgen » et «Heiji monogatari », Paris, H. Champion, 2006.Google Scholar

9- Azuma kagami (Miroir de l’Est), éd. par Nagahara Keiji et Zendan Azumakagami, Tôkyô, Shinjinbutsu ôraisha, 1979-1979, 6 vol., à la date du 25e jour du 7e mois lunaire de l’an 5 de Bunji (1189).

10- Le Dit des Heiké, op. cit., livre neuvième, «La fin du ci-devant gouverneur d’Etchû ».

11- Sur ce type de conduite sur le champ de bataille parmi les guerriers jusqu’au XVIe siècle, voir Shin’ichi, Saeki, « Moritoshi no mimi to kubi, Engyôbon-Heike monogatari » (L’oreille et la tête de Moritoshi dans Le Dit des Heiké, version Engyô), Aoyama gobun, 33, 2003.Google Scholar

12- Le Dit des Heiké, op. cit., livre onzième, «La fin du Sire de Noto ».

13- Le Dit des Heiké, op. cit., livre neuvième, «La fin de Kiso ».

14- Le Dit des Heiké, op. cit., livre huitième, «La fin de Senoo ».

15- Voir, pour une étude précise, Shin’ichi, Saeki, « Tsuwamono no michi, kyûsen no michi kô » (Considérations sur la Voie de l’homme d’armes et la Voie de l’arc et des flèches), in Tsuyoshi, Takehisa (dir.), Chusei gunki no tenbôdai (Les récits guerriers médiévaux comme observatoire social), Osaka, Izumi Shoin, 2006.Google Scholar

16- Gouverneurs de province et guerriers dans les histoires qui sont maintenant du passé, trad. de F. Hérail, Paris, Collège de France/Institut des hautes études japonaises, 2004.

17- Par exemple dans l’histoire notée 25-9, il est dit à propos de Minamoto no Yorinobu que « pour ce qui est de la Voie de l’homme d’armes, personne ne l’avait jamais dépassé » : Konjaku monogatari, Tôkyô, Iwanami Shoten, 1993-1999.

18- Engyôbon Heike monogatari, op. cit., livre sixième.

19- Ibid., livre septième.

20- Le Dit des Heiké, op. cit., p. 319.

21- Engyôbon Heike monogatari, op. cit., livre cinquième.

22- Ibid., livre sixième.

23- Ibid., livre premier.

24- Pigeot, Jacqueline, Femmes galantes, femmes artistes dans le Japon ancien, XIe-XIIIe siecles, Paris, Gallimard, 2003.Google Scholar

25- Sur le sens de l’honneur parmi les guerriers et sur le bushidô, voir Saeki Shin’ichi, Senjo no seishinshi-Bushidô to iu gen’ei (La psychologie sur le champ de bataille à travers l’histoire : le bushidô comme illusion), Tôkyô, Nihon hôsô shuppankyôkai, 2004.

26- Le Dit de Hôgen, le Dit de Heiji, trad. R. Sieffert, Paris, Publications orientalistes de France, 1977.

27- Goto Tanji (éd.), Taiheiki, Tôkyô, Iwanami Shoten, 1960-1963.

28- Goto Tanji (éd.), Taiheiki, op. cit., livret 34.

29- Yoshisada gunki connu aussi parfois sous le nom de Yoshisada ki, compilé dans la partie consacrée aux guerriers dans le Gunsho ruiju. Sur la période de rédaction de cet ouvrage, voir IMAI Shônosuke, « Yoshisada gunki kô » (Considérations sur le Yoshisada gunki), Nihon bunka ronsô, 5, 1997.

30- Sakai Kenji (dir.), Kôyôgunkan taisei (Kôyôgunkan, édition complète), Tôkyô, Kyûko, 1994.

31- On notera cependant que ces deux ouvrages ne sont pas considérés par la critique actuelle comme des ouvrages « littéraires ».

32- Ce texte a souvent été traduit et publié en Occident, par exemple Yamamoto Tsunetomo, Hagakure. Écrits sur la Voie du samourai, textes réunis et traduits par J. Nickels-Grolier, Noisy-sur-École, Budo éditions, 2005. Hagakure signifie « se cacher entre les feuilles et les herbes ».

33- Yoshiaki, Koike, Hagakure - Bushi to hokô (Le Hagakure – Le guerrier et la notion de service), Tôkyô, Kôdansha, 1999.Google Scholar

34- Mamichi, Kurokawa, Nihon kyôiku bunko, Tôkyô, Dôbunkan, 1910.Google Scholar

35- Shôin, Yoshida, Yoshida Shôin zenshu (OEuvres complètes de Yoshida Shôin), t. 3, Bukyô zensho kôroku, Tôkyô, Iwanami Shoten, 1938.Google Scholar

36- L’ouvrage Bushidô de Yamaoka Tesshû fut publié sous le titre Ko Yamaoka Tesshu gojutsu Ko Katsu Kaishu hyôron, Abe Masato henshu, Bushidô (La Voie du guerrier avec une postface de feu Yamaoka Tesshû, une présentation critique de feu Katsu Kaishû, édité par Abe Masato), Tôkyô, Kôyûkan, 1902. On trouve aussi le texte dans Mitake, Katsube (éd.), Bushidô-bunbu ryôdô no shisô (Le bushidô, la pensée des deux voies, celle des lettres et celle des armes), Tôkyô, Kadokawa, 1971 Google Scholar. Repris dans Mitake, Katsube, Yamaoka Tesshu no bushidô (Le bushidô chez Yamaoka Tesshû), Tôkyô, Kadokawa, 1999.Google Scholar

37- Sur la vogue des essais sur le bushidô à la suite de la guerre sino-japonaise, voir le témoignage de Sadao, Kiyobara, Bushidô shi jukô (Dix leçons d’histoire sur le bushidô), Tôkyô, Meguro Shoten, 1927.Google Scholar

38- Aito, Ôta, « Bushidô » wo yomu (Lire « le Bushidô »), Tôkyô, Heibonsha Shinsho, 2006.Google Scholar

39- Inazô, Nitobe, OEuvres completes, t. 6, Bushidô to Shônindô (Voie des guerriers et Voie des marchands), Tôkyô, Tôkyô kyôbunkan, [1933] 1996.Google Scholar

40- Sur le fait que Inazô, Nitobe ne connaissait guère l’histoire et la culture du Japon quand il écrivit Bushido : The soul of Japan, Philadelphie, The Leeds & Biddle co., 1900 Google Scholar, voir Yoshiyuki, Nishi, « Bushido kô – Nitobe Inazô no baai (Considérations sur le bushidô ; le cas Nitobe) », Hikaku bunka kenkyu, 20, 1983 Google Scholar. Voir aussi Yûzô, Ôta, Taiheiyô no hashi toshite no Nitobe Inazô (Nitobe Inazô, un pont sur le Pacifique), Tôkyô, Mizuzu Shobô, 1986 Google Scholar. Et également Kakumyô, Kanno, Bushidô no gyakushu (La contre-attaque du bushidô), Tôkyô, Kôdansha gendaishinsho, 2004 Google Scholar, qui évoque partiellement les rapports entre Nitobe et le bushidô prémoderne.