A Mené à m'intéresser aux incidences mutuelles de l'économique, du social et du religieux par des études consacrées en tout ou en partie aux Albigeois, aux Templiers et aux Spirituels, j'ai trouvé dans l'histoire du protestantisme français, spécialement au XVIIIe siècle, un champ d'observation d'une richesse presque unique. Par attachement à leur passé, par le juste sentiment que leur tradition leur constituait une véritable noblesse, les protestants de notre pays ont eu longtemps, comme les autres nobles, un goût et un sens de l'histoire qui leur ont fait conserver avec soin leurs papiers, personnels et d'églises, et publier une grande quantité de livres et d'articles relatifs à leurs communautés, à leurs familles et aux personnalités, célèbres ou non, de leur culte.

Le livre de notre excellent collaborateur, M. Gunnar Mickwitz, marquera une date dans les études sur le régime du travail, au moyen âge. D'abord, en raison de la masse considérable de faits qu'il met à notre disposition ; aucun, assurément, n'était, à proprement parler, inédit ; mais jamais, jusqu'ici, un dossier aussi complet et aussi bien classé n'avait été réuni, sur les premières associations de métier, dans les divers pays de l'Occident médiéval et à Byzance. Surtout, l'ouvrage vaut par un sens très juste de l'analyse historique. Depuis que les érudits agitent le problème rebattu de « l'origine des corporations », c'est la première fois, si je ne me trompe, ou peu s'en faut, qu'abandonnant l'ornière d'une histoire purement juridique et réglementaire, l'effort se porte résolument sur les conditions économiques qui furent à la base des faits de droit.

La vie corporative de la ville suisse de Saint-Gall, des origines (qui n'apparaissent que vers le milieu du XIVe siècle) jusqu'à la fin du XVIe a fait l'objet d'un travail de M. Scheitlin.

Le centre urbain, qui se forme au XIIe siècle, à côté d'un ancien monastère bénédictin fondé au VIIe, et acquiert au XIVe une organisation politique indépendante, voit en 1362 naître les « Zünfte », les corporations, pendant qu'inversement le pouvoir abbatial s'affaiblit d'une façon graduelle.

J'imagine le bon Hérodote refaisant aujourd'hui son périple de la Méditerranée Orientale. Que d'étonnements ! Ces fruits d'or, dans ces arbustes vert sombre, qu'on lui dit « caractéristiques entre tous du paysage méditerranéen », orangers, citronniers, mandariniers : mais il n'a pas le moindre souvenir d'en avoir vu de son vivant… — Parbleu ! ce sont des Extrême-Orientaux, véhiculés par les Arabes. Ces plantes bizarres aux silhouettes insolites, piquants, hampes fleuries, noms étranges, cactus, agaves, aloès : comme elles sont répandues ! mais il n'en vit jamais non plus de son vivant… — Parbleu ce sont des Américaines.

Paris, 4, rue Michelet. Dans un immeuble bourgeois, deux appartements, reliés par un escalier intérieur. Des chambres claires, commodes, remarquablement aménagées. Et sur le flanc, la vue des allées de l'Observatoire, le moutonnement de leurs verdures prolongées au loin par celles du Luxembourg. C'est l'Institut Scientifique de recherches économiques et sociales qu'a créé Charles Ristet qu'administre un Conseil d'économistes hautement qualifiés.

L'Institut a vu le jour en 1934. Il occupait alors un appartement assez triste de la rue Soufflot. Dès l'année suivante il trouvait son gîte actuel. Et il s'y installait de façon telle que cette installation — et notamment celle de la Bibliothèque, des fichiers, des répertoires, des collections documentaires, telle que l'a réalisée un bibliothécaire éminent, M. Henri Lemaitre, devenu directeur de l'Institut — peut passer pour un véritable modèle : on comprend que chaque année, les élèves de l'Ecole des Chartes viennent la visiter sur leur demande.

Paris, 13 rue du Four. Le rez-de-chaussée et le premier étage d'un immeuble bourgeois, de nouveau… Là-dessus, quelle belle théorie on pourrait échafauder : Ces Français, qui ne travaillent que dans leur cadre bourgeois !…

Cessons de plaisanter. Le cadre importe peu. On travaille, et dur, dans l'immeuble bourgeois de la rue du Four. L'Encyclopédie française continue, bien que son personnel soit totalement dispersé, ses ressources rendues précaires par l'état de guerre, ses services de vente désorganisés, ses moyens d'action réduits à l'extrême. Tout cela n'a point empêché de paraître un volume dont il m'est interdit, personnellement, de dire du bien — mais dont je puis attester, parlant en historien, et la nouveauté, et l'utilité pratique, et la probité stricte d'exécution.

Le beau livre que Marc Bloch intitule La Société Féodale ; la formation des liens de dépendance, et qui vient, non pas grossir d'une unité mais enrichir d'iune valeur la collection L'Evolution de l'Humanité, dirigée par notre ami Henri Berr — ce beau livre savant et pénétrant, d'esprit large et de savoir minutieux, dresse une fois encore devant moi un de ces problèmes difficiles à résoudre que les deux directeurs des Annales prennent volontiers plaisir à se poser l'un à l'autre. Car comment dire du livre tout le bien qui convient, sans courir le risque de paraître trop bon ami ? Bravons ce que l'Eglise nomme le respect humain, et tentons de parler de Marc Bloch, ici, comme nous en parlerions en quelque autre revue…

Un important recueil d'articles, de M. Albert Dauzat ; d'une de ses élèves, Mme Houth-Baltus, un solide mémoire sur le matériel toponymique — lieux-dits compris — d'une fraction de la région parisienne ; un nouveau fascicule des précieuses Recherches de M. Jacques Soyer sur l'origine et la formation, des noms de lieux du département du Loiret ; la suite des notes, toujours substantielles, que, dans les Annales de Bourgogne, M. P. Lebel consacre aux Problèmes toponymiques : voilà de quoi nous rassurer, s'il en était besoin, sur l'avenir d'un genre d'études dont l'histoire espère tant d'enseignements.

Le livre que Franco Venturi intitule Jeunesse de Diderot (1713-1753; est loin d'être un livre indifférent. Il pose nettement de gros problèmes. Il y apporte, honnêtement, d'importants éléments de solution.

« Trop nouveau dans ses idées et trop fort dans ses paroles pour être considéré comme un littérateur, Diderot n'est pas un philosophe au véritable sens du mot — ni un poète, au sens profond… Trop bohème, trop peu cohérent pour donner une œuvre éternelle, il reste un objet de curiosité, plutôt que de compréhension. Et pourtant, le chef-d'œuvre de Diderot existe… ; ce n'est certes pas une œuvre philosophique ni artistique ; c'est un chef-d'œuvre pratique : l'Encyclopédie.

A ce gros sujet, M. R.-H. Thornton vient de consacrer un livre important, British Shipping, publié par la Cambridge University Press.

La première partie constitue un très vivant exposé de l'histoire de la marine marchande britannique depuis le début du XIXe siècle jusqu ‘en 1939. De nombreuses précisions s'y trouvent rassemblées, sur le développement de la navigation à vapeur, sa naissance, sa lutte avec la navigation à voile, représentée par les Américains, qui avaient su s'attribuer un monopole de fait en créant des lignes régulières desservies par les fameux « clippers » pour le transport des marchandises et des passagers vers le nouveau continent.

Autour du malaise agricole, qui de tous les drames économiques du présent n'est sans doute pas le moins profond, une abondante littérature, de caractère surtout thérapeutique, s'est développée, durant ces dernières années. L'appréciation des remèdes tour à tour proposés n'est pas ici de notre ressort. Car leur choix, qui, chaque fois, ouvertement ou non, s'inspire d'une conception particulière du juste ou du profitable, appartient au domaine du jugement de valeur. Mais les faits invoqués, ne figurassent- ils qu'au titre d'arguments, demeurent, en principe, des faits, donc sujets à critique objective ; et les parti-pris eux-mêmes doivent être tenus pour les symptômes d'un état de société auquel l'observation historique, au sens large du mot, ne saurait rester indifférente.

Ce n'est pas seulement parce qu'en France les enquêtes par budgets de famille sur les revenus et dépenses dans divers milieux sociaux sont extrêmement rares que nous signalons celle-ci. Mais l'auteur est un économiste très averti de ce que ce genre de recherches appelle de précautions et d'attention au détail précis, capable aussi de replacer ces données sur la consommation et le genre de vie dans l'ensemble des mouvements qui entraînent les prix de gros, de détail, les divers indices du coût de la vie, etc. L'enquête, organisée à Toulouse, a porté sur cent ménages, quarante d'ouvriers, quarante d'employés moyens et de petits fonctionnaires, vingt de rentiers et aussi d'employés et de fonctionnaires aisés.