Cet article soutient que les récentes histoires globales de l’Europe ne représentent qu’un mode très spécifique de conscience globale dans l’historiographie et les sciences sociales européennes. S’il ne fait aucun doute que notre compréhension du passé européen serait plus que desservie par un isolationnisme malvenu ou le simple rejet des considérables gains scientifiques de l’histoire globale, les récents changements dans les structures, les technologies et les modes de la mondialisation héritée de l’après-guerre froide nous poussent à reconsidérer la manière dont cette interconnexion globale s’est effectivement réalisée à d’autres époques et en particulier au xixe siècle. L’histoire européenne après notre plus récent « tournant global » doit tenir compte des modes antérieurs de conscience globale et examiner comment la mondialisation elle-même s’est en retour vue façonnée par cette connaissance. En effet, la compréhension passée de l’interconnexion mondiale n’a pas nécessairement favorisé l’ouverture des frontières, une interdépendance ou une fluidité culturelle croissantes. Ainsi, en réponse aux forces mondiales perçues, des modes d’organisation sociale de désintégration et de réduction d’échelle émergèrent et se consolidèrent. On a également pu assister à des tentatives de canalisation des bénéfices de ces processus mondiaux à la suite de la prise de conscience de leurs retombées potentiellement enrichissantes et déstabilisantes. Ces efforts de contrôle de la mondialisation ne l’ont pas empêchée, mais lui ont donné une forme spécifique à des moments particuliers. À titre d’exemple, l’article soutient que le demi-siècle qui a suivi la Révolution française a été le témoin de ce que l’on pourrait appeler une globalisation déglobalisante, soit un moment où l’intégration mondiale, que beaucoup considéraient comme responsable du bouleversement de la Révolution, ne s’est certainement pas arrêtée, mais s’est vue réorientée au service d’une nation souveraine par la naissance de nouveaux modes d’écriture des sciences sociales et de l’histoire.