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Le suicide au Moyen Age

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Jean-Claude Schmitt*
Affiliation:
École des Hautes Études en Sciences Sociales

Extract

Qu'il y ait des choses pour lesquelles l'homme a, ou peut avoir, plus d'aversion que pour la mort, l'existence du suicide le montre à l'évidence (Bernard Mandeville, La Fable des Abeilles, 1714, trad. L. et P. Carrive, Paris, 1974, p. 162).

En posant ici la question du suicide, nous voudrions éviter de donner l'illusion qu'en juxtaposant toutes les morts possibles, nous viendrons à bout de tous les problèmes relatifs à la mort. En fait, comme Marcel Mauss l'avait bien vu, nous ne pouvons pas préjuger des rapports entre les différents types de mort dans une société donnée. Nous ne pouvons pas non plus postuler que le suicide n'est qu'un type particulier de mort, alors que la mort en général peut sembler trouver son origine dans un acte de volonté équivalant à une conduite suicidaire : le péché du premier homme passe pour être à l'origine de la mort, dans bien des mythologies, et pas seulement dans la pensée chrétienne. Un péché « mortel » allie précisément la Mort à un acte de volonté. Enfin comment le Fils de Dieu, dont la volonté était sans limite, aurait-il pu mourir sans l'avoir profondément voulu ? La question a été posée par saint Thomas d'Aquin.

Summmary

Summmary

Studies on suicide number into the thousands, but among thèse works the perspective of the historian is almost entirely lacking. This essay deals with suicide in feudal society even before the appearance of the word itself Suicide, at that time, was considered a kind of homicide, a murder of oneself and resulted in damnation. Despite certain common elements of behavior, it was a reality quite different from today's suicide.

A study of approximately fifty concrète cases of suicide permits us, over and above the distinction made at the time between the suicide of a madman and deliberate suicide, to define suicide as a social behavior, consumating a break between the individual and the group. The dynamic treatment of the home-space by the persan committing suicide and by the collectivity during the ritual punishment of the corpse, emphasizes this particular sensé of suicide as break. The Church condemned suicide, but even more tried to obstruct or prevent the act through the intervention of the confessor. In the courtly romances, situated on the border between nature and culture, one of the functions ofthe hermit was to help the desperate hero rejoin the living.

Type
Autour De La Mort
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1976

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References

Notes

1. Cet article a fait l'objet, le 6 juin 1975, à Strasbourg, d'une communication au VIe Congrès de la Société des Historiens Médiévistes de l'Enseignement Supérieur Public, dont le thème était : « La Mort au Moyen Age ». Nous avons mis à profit ici une partie des nombreuses suggestions qui nous ont été faites lors de la discussion de notre rapport. Il en sera tenu compte davantage encore dans notre contribution aux Actes de ce Congrès, et dans l'ouvrage d'ensemble que nous espérons publier sur ce sujet.

2. Mauss, M., « Effet physique chez l'individu de l'Idée de Mort suggérée par la collectivité (Australie, Nouvelle-Zélande)», Journal de Psychologie Normale et Pathologique, 1926 ; rééd. Sociologie et Anthropologie, introduction de Claude Lévi-Strauss, Paris, 1968, pp. 311330.Google Scholar

3. Devereux, G., Mohave ethnopsychiatry and suicide : the psychiatrie knowledge and the psychic disturbances of an Indian tribe, Smithsonian Institution Bureau of American Ethnology, Bull. 175, Washington, 1961, p. 288 ; 2e éd. revue et augmentée, Washington, 1969.Google Scholar

4. Thomas d'Aquin, S., Summa theologica, III, qu. 47, art. 1,Google Scholar Utrum Christus fuerit ab alio occisus an a seipso ? Il conclut, après avoir discuté trois arguments pour le suicide et trois autres contre, que le Christ, sans s'être véritablement suicidé, fut cependant responsable de sa mort puisqu'il avait les moyens de l'empêcher et qu'il ne l'a pas fait.

5. Durkheim, E., Le suicide, Paris, Alcan, 1897 ; rééd. Paris, P.U.F., 1960, 462 p.Google Scholar

6. Halbwachs, M., Les causes du suicide, Paris, 1930, 520 p.Google Scholar

7. Deshaies, G., Psychologie du suicide, Paris, 1947.Google Scholar Utile pour l'historien : Pélicier, Y., « Le suicide, milieux et modèles », Revue de Psychologie des Peuples, 1967, pp. 4772.Google Scholar Mais les bilans les plus récents et les plus précieux sont « Les conduites suicidaires, approche théorique et clinique », Bulletin de Psychologie, XXVII-313, 1973-1974, pp. 801-944, et la bonne synthèse de Moron, P., Le suicide, Paris, P.U.F., «Que sais-je ? » n° 1569, 1975.Google Scholar

8. Devereux, G., op. cit., et Elwin, V., Maria Murder and Suicide, Bombay (published for Man in India by Oxford University Press), 1943, xxx-259 p. ; id., The Muria and their Ghotul, Bombay, Oxford University Press, 1947, xxxn-730 p.Google Scholar

9. Sébillot, P., Le Folklore de la France, Paris, t. I, 1904 ; t. II, 1905 ; t. IV, 1907 Google Scholar, passim ;, Van Gennep, A., Manuel de Folklore français contemporain, t. I, vol. H, Paris, 1947, pp. 821822 ;Google Scholar surtout Geiger, P., « Selbstmôrder », dans Handwôrterbuch des deutschen Aberglaubens, VII, Berlin-Leipzig, 1935-1936 Google Scholar ; id., « Die Behandlung der Selbstmôrder im deutschen Brauch », Schweizerisches Archiv fur Volkskunde, XXVI, Basel, 1926, pp. 145-170.

10. Y compris dans les récents travaux d'histoire moderne consacrés à la mort : quelques lignes sont consacrées au suicide par Lebrun, F., La mort en Anjou aux 17e et 18e siècles, Paris-La Haye, 1971, p. 418 CrossRefGoogle Scholar, ce qui est exceptionnel. La seule étude substantielle dans Brunschwig, H., La crise de l'État Prussien à la fin du XVIIIe siècle et la genèse de la mentalité romantique, Thèse Lettres, Paris, 1947, pp. 262268.Google Scholar

11. Bayet, J., « Le suicide mutuel dans la mentalité des Romains », L'Année sociologique, 1951, rééd. Croyances et rites dans la Rome antique, Paris, Payot, 1971, pp. 130176.Google Scholar

12. Dans un compte rendu du livre de Halbwachs (cf. note 6), Bloch, M., « Un symptôme social : le suicide », Annales d'Histoire Économique et Sociale, III, 1931, pp. 590592.CrossRefGoogle Scholar

13. Bourquelot, F., « Recherches sur les opinions et la législation en matière de mort volontaire pendant le Moyen Age », Bibliothèque de l'École des Chartes, III, 1841-1842, pp. 539560 ; IV, 1842-1843, pp. 242-266 et 456-475.Google Scholar

14. Bayet, A., Le suicide et la morale, Paris, 1922, 824 p.Google Scholar

15. Notamment Bregeault, J., « Procès contre les cadavres dans l'ancien Droit », Nouvelle Revue Historique du Droit français, Paris, 1944, 62 p.Google Scholar ; et Timbal, P., La confiscation dans le Droit français des XIIIe et XIVe siècles, Paris, 1944, 62 p.Google Scholar

16. Cette remarque lapidaire vise le petit livre de Monferier, J., Le suicide, Paris – Montréal Google Scholar, Univers des Lettres/Bordas, coll. « Thématique » 105, 1970, 192 p., et non les observations judicieuses d'une thèse que l'auteur précité semble d'ailleurs ne pas connaître, Payen, J.-C., Le motif du repentir dans la littérature française médiévale, Genève, 1967.Google Scholar

17. Nous laisserons volontairement dans l'ombre, ou à peu près, le problème de l'évolution des attitudes à l'égard du suicide, chez les Pères et les théologiens, en renvoyant à A. Bayet. De même pour le problème des rapports d'équivalence symbolique, voire de substitution, entretenus par le martyre et le suicide, ce qui est un très beau sujet d'étude. De même enfin le problème de l'hérésie et du suicide, avec notamment, mais pas seulement, la question de l'endura cathare.

18. Dans Le Pour et le Contre, publié par l'abbé Prévost et l'abbé P. F. Guyot Desfontaines, IV, Paris, 1734, pp. 61 et 64, et v, pp. 77-78. L'auteur rapporte notamment, IV, p. 64, l'opinion d'un « docteur » expliquant que le « suicide » était chose commune chez les Anglais « parce qu'ils ne brûlent que du charbon de terre, ou parce que le boeuf dont ils font leur nourriture ordinaire n'est jamais qu'à demi-rôti, ou parce qu'étant trop livrez aux plaisirs des sens, Dieu permet que l'ennemi du salut trompe leur raison ». Retenons uniquement pour l'instant la liaison explicite entre : nouveaux moyens de production, transformations des attitudes à l'égard du suicide, apparition du mot lui-même.

19. Bayet, A., op. cit., p. 588.Google Scholar

20. Encore que le pléonasme « se suicider » montre bien, à travers la langue française, combien il est difficile de se défaire tout à fait de l'idée que le suicide est un crime contre soi-même. Dans toutes les langues, sans aller jusqu'au pléonasme, le mot équivalent est double, présentant le suicide comme un meurtre « réfléchi ». La théorie freudienne, qui s'est enrichie, avec la parution en 1922 d'Au-delà du principe du plaisir, Freud, S., Essais de Psychanalyse, Paris, 1927, pp. 981 Google Scholar, du concept d'instinct de mort, donnée primitive de l'inconscient s'ajoutant à l'instinct de vie précédemment défini, peut trouver dans l'étymologie une sorte de justification : cf. Devereux, G., op. cit., pp. 288 ss.Google Scholar

21. Huguenin, J. F., Les Chroniques de Metz, Metz, 1838, p. 474 :Google Scholar dans la Chronique de la noble ville et cité de Metz, du Continuateur de Philippe de Vigneulle, il est dit qu'en 1485, dans une ruelle de cette ville, un notaire tenta de se couper la gorge. Il en fut empêché par un certain Collin, à qui il raconta « qu'il avoit rencontré six grans personnaiges vestus de noir, qui le constraindroient de ce faire ; et ledit Collin ne les véoit point ; pourtant falloit que ce fussent dyables ».

22. Ibid., p. 472 : en 1484, après cinq suicides presque consécutifs, l'année s'acheva sous la pluie, le raisin tarda à mûrir, il fut impossible de semer, et « il sembloit que le monde deust finir » ; ibid., p. 474, l'attaque déjà mentionnée du diable contre le notaire fut immédiatement suivie de la capture de plusieurs sorcières. En août, un tonnelier prédit pour Noël le suicide de dix « hommes d'autorité », puis une grande mortalité et dans cinq ans la destruction de la ville de Metz. Le mauvais temps ne cessa qu'en 1488, lorsque fut achevée une vague de persécution contre les sorcières. La liaison entre sorcellerie et suicide est soulignée, mais de façon différente nous semble-t-il, dans les populations étudiées par les ethnologues : il est fréquent qu'un homme se suicide soit pour échapper à un charme, soit pour se rendre complice du sorcier. Cf. Devereux, G., op. cit., pp. 383387 ;Google Scholar Elwin, V., 1943, op. cit., p. 78 ;Google Scholar Mauss, M., op. cit., pp. 319 ss.Google Scholar A Venise, la grande marée du 25 février 1342 fut expliquée par le suicide par pendaison d'un maître d'école. Il s'était tué « par pauvreté ou par désespération » faisant don « de son âme et de son corps à l'Ennemi ». Je remercie M. Philippe Braunstein de m'avoir aimablement communiqué ce texte (Bibl. Marciana, Ms ital., cl. VII, Cod. 321/72, 73, et Cod. 53, c. 163).

23. Bulletin de Psychologie, op. cit., p. 816 : chiffres de l'INSEE, 1963. Pour les moyens utilisés, cf. p. 824 : pendaison 50 96, noyade 14 96. Les moyens techniques modernes, inconnus au Moyen Age, occupent une place mineure : armes à feu 11,4 96, gaz 6,5 %. Les barbituriques 2,8 96 seulement ; notons que ce qui pourrait en tenir lieu au Moyen Age, l'empoisonnement, n'apparaît pas dans notre échantillon. Les chiffres avancés par Brunschwig, H., op. cit., p. 267,Google Scholar pour Berlin de 1781 à 1786 (239 cas), sont sensiblement différents et des données médiévales, et des données françaises contemporaines : 136 noyés, 53 pendus, 42 suicidés par balle, 8 morts en se coupant la gorge. Mais l'auteur souligne lui-même le caractère particulier de la période — en pleine effervescence préromantique — et de l'échantillon, constitué à 50 % de soldats.

24. Elwin, V., op. cit., 1943, pp. 4547 :Google Scholar cas de Maria, sur 50 suicides, 26 d'hommes et 24 de femmes. A Bastar, sur 245 cas, 91,4 96 par pendaison, 6,1 96 par noyade.

25. Le cas du chanoine de Rouen est tardif, en 1534, cf. Journal d'un bourgeois de Paris sous François Ier, Paris, éd. Lalanne, 1854, p. 436. La chronique de Metz (cf. Huguenin, J.-F., op. cit., p. 472 Google Scholar) rapporte qu'en janvier 1484 (1485) courut à Metz le bruit qu'un « évêque » de Strasbourg « se avoit pendu et estranglé et que la justice dudit lieu l'avoit fait enfoncier dedans ung tonneaul et le mettre sur le Rhin et le laissier alleir à l'aventure ». Aucun évêque de Strasbourg, et surtout pas à cette date, ne s'est suicidé. Faut-il voir là un exemple de déformation d'une nouvelle transmise oralement sur une longue distance ? Déformation tout à fait innocente ? A Strasbourg en revanche se noya dans la Bruche, le 12 mars 1399, Hugelinus Richter, alias Tùtzschman, ancien Stettmeister, et « dirigé » de frère Jean de Rynstette, Ermite de Saint-Augustin célèbre pour ses dons de confesseur, cf. Witte, H., Urkundenbuch der Stadt Strassburg, VII, Strassburg, 1900, p. 856,Google Scholar n° 2917. La documentation concernant le suicide probable, en 1460, de Philippe Braque, conseiller au Parlement de Paris, m'a été aimablement communiquée par Mme Françoise Autrand. Les conditions de décès d'une vingtaine de conseillers sont connues ; sur les 676 conseillers entrés au Parlement de Paris entre 1345 et 1454, P. Braque est le seul à s'être suicidé. Conseiller au Châtelet en 1438, au Parlement en 1441, il devait avoir une cinquantaine d'années à sa mort. Il s'est vraisemblablement pendu dans sa cave, à moins qu'il ne se soit violemment « précipité » sur un tonneau (un « poinçon »), se blessant à la nuque. A.N., X la 8306, f°s 219- 221, 28 avril 1460.

26. Froissart, , Chroniques, I, p. 342 :Google Scholar 90 chevaliers se font tuer pour ne pas reculer. « Chroniques de Flandres », dans Recueil des Historiens des Gaules et de la France, XXII, p. 379 : à Courtrai, Raoul de Nesles se jette dans la mêlée plutôt que de s'avouer vaincu. Les exemples de ce genre abondent.

27. Bulletin de Psychologie, op. cit., p. 833. Cf. par exemple le cas de Philippe Testard (1278), cité par Boutaric, E., Actes du Parlement de Paris, 1re; Série (1254-1328), I, Paris, 1863, p. 198 ;Google Scholar c'est sans doute un cas de démence sénile (syndrome d'involution), à en juger par les descriptions des témoins et par son âge (cent ans environ). Son état n'avait cessé d'empirer depuis une trentaine d'années. Le dernier soir, l'ivresse précipita l'évolution du mal. Les hallucinations tiennent une grande place dans les témoignages : apparition du diable (cf. supra note 21) ou au contraire de sainte Catherine, à deux reprises dans les registres des miracles tenus au pèlerinage de Fierbois : BN, MS. fr. 1045, fol. 35 v° et 85 r° (1426 et 1447) ; je remercie M. Y.-M. Chauvin, qui prépare l'édition de ce manuscrit, d'avoir eu l'amabilité de m'indiquer ce document. — Les délires d'alcooliques, qui frappent l'entourage, en sont jaloux, se sentent poursuivis, se retrouvent nettement dans le cas de Jeannette, épouse du cordier Michelet Mayard, qui se pendit en 1426 « a un licol de corde en la chambre de son dit mary ». Il fut reconnu qu'elle avait été « souvent ébétée de son entendement et comme furieuse, tant par trop boire, dont elle se sentait delegier, et par souspeçon de jalousie qu'elle avoit sans cause contre son dit mary », cf. Longnon, A., Paris pendant la domination anglaise (1420-1436), Paris, 1878, p. 208.Google Scholar — L'onirisme terrifiant de certaine maladie infectieuse est peut-être à l'origine de la mort du boulanger Denisot Sensigot (août 1421), qui « est cheu en adversité de maladie des chaleurs et continue qui courent à présent », et s'est pendu « tant par temptacion de l'ennemi comme à l'occasion de ladite frenoisie et maladie », cf. ibid., p. 19. — En juillet 1423, c'est le tour de Michelet Le Cavelier, brodeur, « surpris de certaine maladie qui l'a tenu par l'espace de deux mois ou environ, et tant que par le fait d'icelle maladie, il feust et soit entré en grant frénésie qui pareillement l'a tenu par longtemps a très grant paine et doulour et, qui plus est, icellui deffunct, tant traveillé et oppressé d'icelles maladies en telle manière qu'il ne savoit qu'il faisoit » : en pleine nuit il quitta le lit conjugal et se jeta tout nu par la fenêtre, cf. ibid., p. 111.

28. Bulletin de Psychologie, op. cit., p. 832.

29. A.N., JJ 146, f° 65 r°-v0 : en 1394, Jean Massetoier, très gravement malade depuis quatre ou cinq jours, se leva un lundi matin « après ce qu'il se fut enpourvenu en mélancolie de teste » et alla se jeter à la rivière en disant qu'il voulait s'y « esbatre ». Sauvé une première fois par sa femme et des voisins, et ramené dans sa chambre, il obtint de pouvoir s'approcher de la fenêtre pour qu’ « on lui laissast cuillu un peu d'air », mais ayant repoussé brutalement une femme qui veillait sur lui, il alla se noyer dans un puits.

30. Dès 1107, dans le Miracle écrit par Marsilia à l'abbaye de Saint-Amand près de Rouen, cf. Bibliotheca Hagiographica Latina, I, p. 57, n° 16, réédité récemment dans une thèse de l'École des Chartes (1975) par M. A. RICHARD. Conduite en ce lieu réputé pour la guérison des démoniaques, une femme refusa de se signer et protesta qu'elle voulait aller en Enfer. Il fut décidé que les prêtres la plongeraient le lendemain dans un bassin d'eau bénite, en invoquant le nom du Christ et ses vertus. En attendant elle fut placée devant l'autel, pour y être gardée toute la nuit. Mais dès que ses gardiens furent assoupis, elle se pendit. Elle fut d'ailleurs secourue à temps et miraculeusement guérie. — Lors du suicide en 1278 de Philippe Testard, « foibles de teste et mesmement par lunaisons » (cf. note 27, supra), les témoins affirmèrent qu'il avait une hérédité chargée : sa tante avait été liée « par l'espace de III ans avant queele moreust », et sa soeur « fu hors dou sens n'a pas IV anz, et fut liée comme folle et hors dou sens et menée a Saint Varain comme forsenée pour recouvrer sente». — Quant à Pierre Nagot, en 1384, habitant en la vicomte de Caen, il fut porté à l'abbaye de Saint-Sever « en laquelle abbaye len maine les demoniacles et en ycelle fu tenuz liez par IX jours criant et braiant telement que len ne pouvoit avoir paix ne repos en ladite abbaye le temps durant quil y fut, et ce nonobstant il ne vint oncques a guerison ne convalessance mais flst plus de folies quil n'avoit oncques fait par avant » cf. A.N., JJ 125, f°72r°-v°.

31. Cf. supra, note 30 : le traitement subi par P. Nagot n'ayant donné aucun résultat, le fou fut rendu à sa famille au bout de neuf jours. Sa femme craignant pour sa vie, demanda au lieutenant du vicomte de Caen de lui passer les menottes (« menicles »), « lequel lieutenant respondi qu'il lui pourroient plus faire de mal que de bien et que l'en entendist a le garder et obéir a ses voulentez, et il l'en devoit amender, laquelle chose sa dicte femme et enfans firent a leur pouvoir mais il n'en amanda oncques ». Au contraire, il finit par tuer sa femme !

Le conseiller Philippe Braque (cf. supra note 25) avait dit plusieurs fois qu'il tuerait sa femme et ses enfants. Mais il n'avait jamais tenté de se supprimer avant le jour où il se tua pour de bon. Lors du procès, il ne fut pas fait mention de son hérédité, pourtant chargée : sa nièce, demoiselle Marie de Tuilières, devint à la même époque « insensée et débilitée d'entendement ». Majeure en 1455, elle fut placée sous la curatelle de sa mère en 1463, trois ans après le suicide de son oncle. B.N., Clair, 763, p. 340, 23 janvier 1455, et p. 388, 23 juillet 1463.

32. A l'aide des documents de la pratique, nous retrouvons ainsi l'idée exprimée par Michel Foucault, mais qui a surtout examiné les textes littéraires, d'une remarquable insertion du fou dans la société médiévale, jusqu'au « grand renfermement » de l'âge classique : cf. Foucault, M., Histoire de la Folie à l'Age classique, Paris, 1961.Google Scholar

33. Revenons au cas de Philippe Testard, en 1278 (cf. supra, notes 27 et 30) : centenaire, il se jeta par la fenêtre, étant atteint, selon les témoins, d'une triple « forsenerie de sotie de teste, de lunoisson et de vieillesse » ; douze témoins furent invités à décrire l'histoire de son mal ; parmi eux ses « compagnons marchands » qui avaient partagé son existence jusqu'au dernier instant. Depuis trente ans déjà, il était reconnu « soz par lunoissons » ; depuis dix ans « tenrés de teste par lunoissons » ; depuis cinq ans, toujours lors des lunaisons, il lui arrivait de se déchirer le visage avec les ongles, de s'arracher les cheveux au point de saigner. A la messe, un jour, il leva bien haut ses mains jointes et jura « Vinte Septe Livres Maugrez Dieu ». Vers la même époque, il dut abandonner son office de prévôt de l'archevêque au bout d'un an, car « il faisoit tant de soties que li comuns disoit qu'il estoit hors dou sens ». Trois ans avant sa mort, son état empira encore. Huit jours avant de se tuer, il vint à Paris en « un bouge », où il refusa de payer la « dame de l'hostel », jeta l'argent au milieu de la pièce, puis « se despouilloit touz nuz et montroit ses membres vergongneus neis devant les fammes, comme hors dou sens et fox ». La dernière semaine fut un calvaire pour ses compagnons qui « an estaient trop a malaise et ne savoient qu'il peussent fare de lui » : il comptait tout haut ses dettes et ses créances, disait des « vilainies », refusait de « payer son escot », mangeait « gloutonnement », crachait au visage de ses compagnons, dans son assiette de viande ou dans la leur, ou dans leur verre lorsqu'ils voulaient boire. De ce comportement de plus en plus en marge par rapport aux règles sociales, le suicide allait être l'aboutissement normal : la dernière nuit, un des témoins, couchant dans la même chambre que lui, se leva « pour pissier à une fenêtre » et lui demanda aimablement s'il voulait en faire autant. Il répliqua : « De quoi vous meslez-vous ! ». Mais un peu plus tard, il se leva et criant « Ge m'an vois, je m'an vois ! » alla se jeter par la fenêtre.

34. Bulletin de Psychologie, op. cit., p. 831.

35. A.N., JJ 130, f° 152 v° : en 1387, Jean Lunneton, fermier de l'abbaye de Chaalis, et sa femme, décidèrent de se réfugier à Senlis en raison des exactions des gens d'armes. Ils chargèrent leurs biens sur une charrette, avec leurs quatre enfants. Mais au moment du départ, Jean refusa subitement de s'en aller. Partie seule, sa femme mit ses enfants à l'abri à Senlis et revint chercher son mari : « couroucie et esperdu elle ne povoit imaginer ne penser qu'il estoit devenuz ». Au bout de huit à dix jours, il fut retrouvé pendu à un arbre dans le bois de Chantilly. Les biens furent saisis, mais sa femme obtint une lettre de rémission « eue considération a ce que len ne puet bonement savoir se ledit cas est avenu par la desesperation de son dit feu mary ou autrement, et que lesdiz mariez ont este toujours de bonne vie, renommée, honeste conversation, sans avoir este repriz d'aucun autre vilain cas ou reproche ». Rien ne laissait donc prévoir le refus soudain de partir de cet homme, qui avait préparé ce départ avec sa femme, et qui dut finalement se pendre.

36. Dans le cas d'un ancien boucher de Sarcelles, Perrin Le Vachier (septembre 1418), cf. Douët d'Arcq, L., Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, II, Paris, 1863, p. 176 :Google Scholar «Comme dimenche dernièrement passé, au matin, ledit Perrin, qui par aucun temps avoit esté et estait très griefvement malade, veu aussi trespassé en sa présence deux de ses enfants, avecques sa femme très fort malade, et qui avoit perdu la graigneur partie de ses biens par le fait et occasion des guerres, tèlement que à grant peine avoit-il de quoy nourrir lui, sadicte femme et enfans, et n'y avoit aucun qui le confortast et aidast en leur maladie. Pour lesquelles choses ou autrement, lui, tempté de l'ennemi, s'en ala, icellui deffunct, pendre à un arbre, où il mourut et s'estrangla ». Plus dramatique encore, le suicide de la femme d'un révolté de 1381, à l'occasion de la répression qui suivit le retour de Charles VI à Paris : « Et il y en eut de décapitez aux Halles, qui estaient les principaux de la commotion. La femme d'un deulx, qui estait grosse d'enfant, comme desespérée, se précipita des fenêtres de son hostel et se tua ». Juvénal Des Ursins, Cf. Jean, Histoire de Charles VI, éd. Michaud-Poujoulat, Nouvelle Collection des Mémoires pour servir à l'Histoire de France, II, p. 357.Google Scholar

37. Soupçonné de meurtre et jeté en prison, Pierre Crochet, de Boissy-Saint-Léger y fit « le meurtre de lui-même (1274), cf. Tanon, L., « Registre criminel de Saint-Maur-des-Fossés », dans Histoire des Justices des anciennes églises et communautés monastiques de Paris, Paris, 1883, pp. 332333.Google Scholar En 1390, à la prison du Châtelet, un compagnon de cachot de Pierre Fournier, dit Le Breton, faisait « bien garde que icelli Breton ne se desesperast ne aussy se feist aucun mal », cf. Registre criminel du Châtelet (1389-1392), I, éd. Duplès-Agier, H., Paris, 1861-1864, p. 545.Google Scholar Pendant la Jacquerie, en juillet 1358, un paysan, Jaquet de Fransures, emprisonné pour le meurtre d'un chevalier, « s'estrangla de la corde dont il estait liez par les espaules et se murtri en désespérances». Cf. Luce, S., Histoire de la Jacquerie, Paris, 1895.Google Scholar

38. A Metz en 1484 un compagnon se pendit, « et disoit on qu'il avoit ce fait pour l'amour désordonnée qu'il avoit à une jonne garse qu'il entretenoit et que aulcuns compaignons vouloient festoier », mais il fut promptement dépendu, puis « à forces de verges tout nud très bien chastoyer », cf. Huguenin, J.-F., op. cit., p. 471.Google Scholar Son châtiment me paraît lié aux raisons sexuelles de sa tentative, et non à la tentative elle-même ; dans aucun autre cas de tentative ratée je n'ai observé que le désespéré fût puni.

39. Journal d'un bourgeois de Paris sous François 1er, op. cit., pp. 327 et 436.

40. Elwin, V., op. cit., 1943, p. 49, observe un maximum en juillet-août.Google Scholar

41. Bulletin de Psychologie, op. cit., p. 821.

42. Par exemple, dans le cas du suicide, le 27 février 1288, de Robert de Seclin, il est bien précisé qu'il se tua « la première semaine de quaresme », cf. Tanon, L., op. cit., « Registre criminel de Sainte-Geneviève », p. 359.Google Scholar Rappelons la prédiction d'un tonnelier de Metz, au mois d'août 1485, disant que le jour de Noël suivant, dix notables « se metteroient à mort », cf. Huguenin, J.-F., op. cit., p. 474, et supra note 21.Google Scholar

43. Bulletin de Psychologie, op. cit., p. 822.

44. B.N., ms. fr. 1045 (cf. supra note 27), f° 85 r”, en 1447 ; nous avons déjà rencontré le même prétexte « urinaire » dans le cas de Philippe Testard, cf. supra, note 33.

45. Bulletin de Psychologie, op. cit., p. 832 : un type de mélancolie se reconnaît en effet chez « ceux qui se défendent par une attitude de résignation et un sourire équivoque ou bien allèguent leurs sentiments religieux et l'amour de leurs enfants pour se protéger contre les indiscrétions du médecin. En général, c'est dans la deuxième moitié de la nuit, dès le premier réveil (ces malades dorment peu), qu'ils mettent leur projet à exécution : surveillance relâchée, redoublement d'anxiété à l'approche d'une nouvelle journée de souffrances ».

46. Par exemple, Jean Lunneton se pendit « a bien environ demie lieue » de sa maison, cf. supra note 35.

47. Longnon, A., op. cit., p. 19 :Google Scholar il ferme « l'uis de son hostel » puis dégage dans le plâtre du plafond « un petit viz » où il attache sa corde…

48. A Metz, «par dessoubz le pas de sa maison », cf. Huguenin, J.-F., op. cit., p. 471.Google Scholar A Abbeville, cf. Bourquelot, F., op. cit., p. 264.Google Scholar A Beaumont-en-Argonne : « les pierres de dessoubz les issues des chaussées par où il faut qu'il passe et sorte de la maison doivent estre arrachez», cf. Defourny, , Beaumont-en-Argonne et la Loi de Beaumont, Reims, 1863, p. 218, n° 124.Google Scholar A Zürich, cf. Grimm, J., Deutsche Rechtsaltertùmer, Gôttingen, 1854, p. 727.Google Scholar

49. L. Tanon, op. cit., « Registre criminel de Saint-Maur-des-Fossés », p. 335, après le suicide par pendaison, de nuit, d'une femme de La Brosse (Seine-et-Oise). Dans l'Anjou et le Maine, la maison était seulement, découverte « du cousté du grand chemin », cf. Beautempsbeaupré, J., Coutumes d'Anjou et du Maine, I, Paris, 1865, p. 429 (coutume de 1411)Google Scholar. La publicité à donner au châtiment semble l'emporter ici, et de même dans les autres aspects de cette peine de « ravaire » : « les prez ars, les vignes tranchées et estrepées et les boyes tranchez à haulteur de homme et l'appelle on ravaire ». Sur la coutume consistant à découvrir totalement ou partiellement les maisons, il faudrait une bonne étude globale de folklore historique : ainsi retrouve-t-on ce « Dachabdecken » en Allemagne dans des coutumes de réprimandes assimilables au charivari.

50. Tanon, L., «Registre criminel de Saint-Martin-des-Champs au xive siècle », Paris, 1788, p. 219.Google Scholar

51. Cf. supra note 27.

52. Sur la notion de « fonction » du suicide, et notamment la « fonction de vengeance », cf. Bulletin Psychologique, op. cit., pp. 837-839.

53. La requête par exemple de la veuve de Denisot Sensigot, en 1421, cf. A. Longnon, op. cit., p. 19, et supra note 47 : « Très dure chose seroit à ladite vefve qui est jeune femme grosse, d'enfant s'entant, et a une petite jeune fille de l'aage d'un an ou environ, fille d'icellui defunct et de ladite vefve, de perdre leurs biens et chevance à l'occasion dessus dicte, et aussi en seroient lesdits exposants et autres leurs parens et amis qui sont notables gens et de bonne lignée vitupérez, s'il convenoit que le corps defunct feust exécuté… ».

54. Cf. supra note 53, et aussi la requête de la veuve de Jean Lunneton, cf. supra note 35, qui supplie « que le corps de son dit mary ne soit pour ce vilainement justiciez, qui seroit reprouche perpétuel a elle et a ses diz enfanz ».

55. Thierry, A., Recueil des Monuments inédits de l'Histoire du Tiers État, Région du Nord, IV, Collection de Documents Inédits sur l'Histoire de France, Paris, 1780. Document du 28 avril 1492.Google Scholar

56. Foucault, M., Surveiller et Punir. Naissance de la prison, Paris, 1975, 319 p.Google Scholar

57. Tanon, L., Histoire…, op. cit., p. 359,Google Scholar « Registre criminel de Sainte-Geneviève » ; en 1288, le prévôt royal contraint l'abbaye à « trainer ledit murtrier… ou la figure de lui », alors qu'elle s'était contentée de « pendre sans trainer » ce suicidé. A. BAYET a tiré argument de cet exemple unique pour affirmer que l'Église était en désaccord avec la sévérité des justices laïques. De fait, l'Inquisition livrait elle aussi au bras séculier le mannequin du suspect d'hérésie qui s'était suicidé en prison, et non le cadavre de cet homme dont le suicide équivalait pourtant à un aveu : mais elle eût préféré livrer l'hérétique vivant… Cf. Eymerich, Nicolau, Le Manuel des Inquisiteurs, trad. L. Sala-Molins, Paris-La Haye, pp. 178, 197, et la glose de Francisco Peria, p. 200Google Scholar.

58. Maisons, Des, Nouveau Recueil d'Arrests et Règlements du Parlement de Paris, Paris, 1667, p. 123 Google Scholar, cité par Bayet, A., op. cit., p. 587.Google Scholar

59. Huguenin, J.-F., op. cit., p. 472.Google Scholar

60. Voir, en dernier lieu, Werner, D., « Pylatus. Untersuchungen zur metrischen lateinischen Pilatuslegende und kritische Textausgaben », Beihefte zum « Mittellateinischen Jahrbuch », Langosch, K. éd., 8, Dùsseldorf, 1972 Google Scholar, et pour les croyances folkloriques dans les Alpes suisses, Weber, P. X., Der Pilatus und seine Geschichte, Luzern, 1913, xx-380 p.Google Scholar

61. Milan, Bibl. Ambrosiana, ms. lat. 58 sup., fol. 68 r°-v° : 1. Pilate se suicide en prison ; 2. les diables tourmentent son corps dans le Tibre ; 3. son corps tombe dans un puits, au milieu d'un paysage montagneux.

62. La Fille du Comte de Ponthieu, conte en prose, versions du XIIIe et du XVe siècle, éd. Clovis Brunel, Paris, Société des Anciens Textes Français, 1928, 65, p. 18. Je remercie Mme Kapferer d'avoir eu l'obligeance d'attirer mon attention sur ce texte. D'après la version du xve siècle, la femme, « comme désespérée », se serait « fiché l'éppée droit au coeur » si elle avait au préalable réussi à tuer son mari. Après son échec, elle se plaint « que je n'ay de moy fait sacrefice a Desespoir », avant d'être condamnée à périr en mer dans le tonneau.

63. Grimm, J., op. cit., pp. 726728.Google Scholar

64. Ce Miracle eut un énorme succès dès le xne siècle, dans la version originelle du Liber Sancti Jacobi, adapté en français par Pierre de Beauvais (cf. Romania LXXXVI, 1965, pp. 96-99), et dans le De Vita sua de Guibert de Nogent, éd. G. Bourgin, Lib. m, chap. xix, pp. 219-222. Il se retrouve également, accompagné d'une illustration pour chaque épisode, dans les Cantigas d'Alphonse X, éd. J. Guerrero Lovillo, 1949, Cant. xxvi et pi. 31. Ce fut aussi un sujet d'exemplum.

65. Herbert, J.-A., Catalogue of Romances in the department of manuscripts in the British Muséum, III, London, 1910, p. 86, n° 31, et p. 669, n° 292.Google Scholar GOBII, J., Scala Celi, Cologne, 1496, f° 69 v° – 70 r°.Google Scholar

66. Herbert, J.-A., op. cit., p. 683, n° 24.Google Scholar

67. Ibid., p. 74, n° 163 : le chant Ave Rex Gentis Anglorum, en l'honneur de saint Edouard, sauve un couple d'Anglais qui avait mûrement préparé un suicide commun ; ils voulurent boire ensemble une dernière fois, et chanter les louanges de saint Edouard… ce qui les sauva ! Ibid., p. 510, n° 16 : un désespéré sauvé par l'invocation Adjuva me, sancte Paule et encore Beatissime Paule, esto adjutor meus ! J. Gobii, op. cit., f° 83 v°, d'après Jacques de Vitry : au moment de se pendre, une femme entend la sonnerie de l'élévation ; machinalement, elle dit : Jhesu Christe, fili Dei vivi, miserere mei !, ce qui suffit à mettre en fuite tous les démons qui avaient envahi la pièce à son insu. Comparable, quoiqu'appartenant à un autre type de récit : « le Dit de la pécheresse qui estrangla trois enfants», éd. J. Morawski, Romania, LXV, 1939, pp. 327-358; cf. aussi Herbert, J.-A., op. cit., p. 549, n° 119 et p. 677, n° 15 :Google Scholar dévote de la Vierge, mais enchantée par le Diable, une femme commet trois fois l'inceste avec son oncle, elle supprime les trois enfants nés sucessivement de ces unions, puis cherche à se tuer elle-même : mais à chaque fois un dernier regard à l'image de la Vierge la fait échouer ; à la troisième, la corde casse lorsqu'elle commence à réciter un Ave Maria.

68. Les Miracles de Notre Dame, éd. Kjelman, Paris – Upsalla, 1922,n°s 11, 17, 44. Dans les Cantigas (cf. supra note 63) d'Alphonse X, Cant. LXXXIV, une femme se tue après que son époux lui a dit qu'il la trompait. En fait, ce n'est pas vrai, et, à la prière du mari, la Vierge ressuscite la femme.

69. Dans les deux miracles déjà cités, à Fierbois (cf. supra note 27), et elle serait apparue aussi, aux côtés de la Vierge et de sainte Agnès, à un convers de Villiers, cf. Historia monasterii Villarensis, Lib. n, c. vm, éd. Martène, D., Thésaurus Novus Anecdotrum, III, 1717, col. 1368.Google Scholar

70. Miracles de Sainte Geneviève, éd. Clotilde Sennenwaldt, Frankfurt-am-Main, Frankfurter Quellen und Forschungen 17, 1937, p. 101, v. 1410-1420 : sainte Geneviève console une « nonnain » désespérée.

71. Cf. supra note 69.

72. Prudence, , Psychomachie, éd. Lavarenne, M., coll. « Budé », Paris, 1963, pp. 154 ss.Google Scholar Mme Mireille Vincent, qui a consacré une thèse de 3e cycle à l'Envie et ses représentations, va montrer prochainement, dans un article de la Revue d'Histoire de la Spiritualité, comment l'ensemble des Vices, en s'articulant les uns avec les autres, formaient un système cohérent.

73. Katzenellenbogen, A., Allégories of the Virtues and Vices in Médiéval Art, London, 1939, rééd. New York, 1964, pp. 75 ss. 74. Voir illustration.Google Scholar Cf. Blommfield, M. W., The Seven Deadly Sins…, Michigan State University Press, rééd. 1967, p. 103.Google Scholar

75. Dans plusieurs représentations iconographiques du xive siècle, Judas, la corde au cou, est écrasé par Spes, tandis que Sardanapale, qui s'est suicidé après sa défaite, est écrasé par Prudentia, cf. Braunfels, W., Lexikon der christlichen Ikonographie, IV, Rom-Freiburg-Basel-Wien, 1973, col. 338.Google Scholar

76. Sur Accidia et le suicide, voir Wenzel, S., The Sin of Sloth : Acedia in médiéval thought and literature, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1967, 269 p.Google Scholar Les dix oeuvres ici utilisées sont : 1. Le Mireour du Monde, manuscrit du XIVe siècle, éd. Chavannes, F., IV, Mémoires et documents publiés par la Société d'Histoire de la Suisse romande, Lausanne, 1845, 279 p. ; 2. Chobham, Thomae De, Summa confessorum, éd. Broomfield, F., Louvain-Paris, 1968, LXXXVIII-720 p.Google Scholar ; 3. Peraldi, Guillelmi, Summa virtutum ac vitiorum, Paris, 1648 ;Google Scholar 4. Lorens, Frère, Somme le Roi, d'après Wenzel, S., op. cit., pp. 82 ss. ;Google Scholar 5. De Courty, Jean, Le chemin de Vaillance, d'après Wenzel, S., pp. 122124 Google Scholar ; 6. Herrade de Landsberg, Hortus Deliciarum, éd. STAUB, A.Keller, G., Strasbourg, 1879-1899;Google Scholar 7. Lambertus, , Liber floridus, v. 1120, d'après Katzenellenbogen, A., op. cit., p. 65 ;Google Scholar 8. Pseudo-hugo, , De Fructibus caris et spiritus, XII* siècle, d'après Katzenellenbogen, A., op. cit., pp. 65 ss.Google Scholar ; 9. de Heisterbach, Caesarius, Dialogus Miraculorum, éd. Stange, J., Cologne – Bonn – Bruxelles, 1851, Lib. iv, pp. 40-44Google Scholar ; 10. Vincent de Beauvais, Spéculum Morale, Lib. m, Pars V et VI.

77. Le nombre des jours nécessaires pour être déclaré déconfès variait suivant les régions : sept jours et sept nuits d'après Le Livre des Droiz et des commandements d'office de justice, éd. C. J. Beautemps-Beaupré, Paris, 1865, II, p. 22, n° 354, pour l'Anjou. Trois ou quatre jours seulement en Normandie: cf. Du Cange, Glossarium…, III, col. 871, s.v. Intestatus.

78. Ancienne Coutume de Normandie, rééd. W. L. GRUCHY, I, Dist. 2, chap. xxi, Jersey, 1881.

79. B.N., ms. lat. 10 483, fol. 17 v°, sous le texte du psaume XXVII (XXVI), Dominus Illuminatio mea, et ms. lat. 10 484, fol. 12 v°, avec la légende : Viam sapiencie monstrabo tibi, spera in domino -, Réau, L., Iconographie de l'Art Chrétien, II, 2, p. 441,Google Scholar a reconnu dans cette scène une représentation de l'extrême-onction.

80. Hugelinus Richter, à Strasbourg, se noya le 12 mars 1399 (cf. supra note 25). Cet homme très pieux (tamquam révère katholicus…) s'était confessé lors de la Fête de la Purification de la Vierge ; puis le dimanche de Laetare, il s'était confessé une nouvelle fois et avait reçu l'Eucharistie. Mais la folie eut raison de lui. En 1426 se pendit Jeannette Mayard (cf. supra note 27) « souvent ébétée en son entendement, et aucunes fois comme furieuse, et neantmoins estoit bonne catholique et preude femme, et encores, dit-on, que ce dit jour de Vendredi, elle fut au moustier, par quoi n'est pas presumpcion que, de propos délibéré, elle feist le dit cas… ». De même, le conseiller Philippe Braque (cf. supra note 25), « bon catholique », mais « insensé », s'est « pendu » le lendemain de Pasques en venant de Vespres ». Le décès de sa tante, deux jours plus tôt, avait sans doute ébranlé sa raison.

81. S'étant jeté par la fenêtre, Philippe Testard (cf. supra note 25) fut ramené dans son lit, et un prêtre vint avec le Corps du Christ « et li demanda li prestres s'il voloit estre confès et commeniez et il répond : « fêtes ce que vous vourroiz ». Le prêtre lui demande s'il croit à Celui par qui il sera sauvé, et il répond : « Ge croira ce que voudroiz ». La question étant reposée, il dit une fois oui, une fois non, et finalement oui : le prêtre lui donne l'hostie. Mais à peine les autres ontils le dos tourné, voilà qu'il se poignarde : tout l'interrogatoire des témoins aura ainsi pour but de montrer qu'il est mort de sa chute, dans un état de démence, et non du coup de couteau « an la pance », qu'il se donna après avoir reçu l'Eucharistie.

82. Beugnot, , Les Olim ou Registres des Arrêts rendus par la Cour du Roi, Collection des documents inédits sur l'Histoire de France, Paris, 1839, p. 442 : en 1257, un homme voulut se noyer, mais, retiré de l'eau assez vite, il vécut un jour encore.Google Scholar « Quia homo Me, post saltum aque, vixit per diem, et habuit signa penitencie, antequam determinetur de bonis ipsius hominis cujus debeant esse, inquiretur ad quem pertinei justicia in ipso loco ». En effet les parents réclamaient le corps : mais les signa penitentie, qui lui auront sans doute permis de recevoir l'Eucharistie, étaient la preuve qu'il avait sa raison. Le corps devait donc être justicié : le problème était de savoir qui, du roi ou du seigneur de Beaumont, aurait finalement le corps. Le même problème se posa à Reims et trouva la même solution en 1326, cf. Varin, P., Archives administratives de la ville de Reims, Collection des documents inédits sur l'Histoire de France, Paris, 1843, II, pp. 420433, n° 328.Google Scholar

83. Monférier, J., op. cit., p. 20.Google Scholar

84. Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, Les Classiques Français du Moyen Age 44, Paris, 1925, v. 2015, 2047.

85. Jaufré, Roman arthurien du XIIIe siècle en vers provençaux, éd. C. Brunel, Société des Anciens Textes Français 81, Paris, 1943, I, v. 4083.

86. Les Fragments du Tristan de Thomas, éd. Bartina H. Wind, Leiden, 1950, v. 1802.

87. La Châtelaine de Vergy, Poème du XIIIe siècle, éd. G. Raynaud, CFMA I, Paris, 1963, v. 936.

88. Piramus et Tisbé. Poème du XIIe siècle, éd. C. de Boer, CFMA 26, Paris, 1921, v. 778.

89. Amadas et Ydoine, éd. J. R. Reinhard, CFMA 51, Paris, 1926, v. 1049 et 1765.

90. Parthonopeus de Blois, A french Romance of the twelfth Century, éd. J. Gildea, Villanova University Press, Pennsylvania, 1967-1970, v. 5259 ss., v. 5391-5404.

91. Ibid., v. 562 ss., v. 5696 ss., v. 5717 ss.

92. Ibid., v. 5956-5972.

93. Ibid., v. 6015 ss.

94. de Troyes, Chrétien, Le Roman de Perceval ou le Conte du Graal, éd. W. Roach, Textes Littéraires Français 61, Paris – Genève, 1969, v. 6414.Google Scholar

95. Parthonopeus de Blois, op. cit., v. 5392 :

« Molt [poi] mangue et boit petit, Trois fois mangue le samaine Et donc pain d'orge o d'avaine, Et puis boit la fontaine après »

Chrétien de Troyes, op. cit., v. 6501 ss :

« Mais il n'i ot se betes non Cerfueil, laitues et cresson Et mill, et pain d'orge et d'avaine, Et iaue de clere fontaine »

96. Cf. supra note 18.