Si la famine et la pauvreté sont inséparables aujourd'hui des représentations sociales de l'histoire économique de l'Inde, c'est dans les dernières décennies du xixe siècle que le mouvement nationaliste naissant contribua à imposer ces questions comme problématique dominante dans le champ intellectuel et dans le champ politique. Rejetant le réductionisme climatique des thèses de l'administration coloniale, dont les discours du vice-roi Lord Curzon au début du siècle sont une illustration exemplaire, refusant de « rapporter la conjoncture générale à la conjoncture agraire, et celle-ci au climat » pour reprendre les termes de Pierre Vilar, l'historiographie nationaliste fit de la politique coloniale et des taux élevés d'imposition foncière la raison majeure de l'endettement paysan et de la pauvreté des masses rurales : seule cette pauvreté pouvait rendre compte à la fois de la récurrence et de l'intensité des famines qui affectèrent l'Inde coloniale, tout particulièrement pendant la seconde moitié du xixe siècle.