Au début du XXe siècle, le gaucho entra au panthéon symbolique de la nation argentine. Ainsi celui qui était une figure délictueuse devenait-il un archétype social. L’esthétisation du gaucho contribua à faire de lui une représentation collective qui organisa les schémas de perception et d’appréciation nationales de l’histoire. Cette métamorphose exprimait toute la complexité d’un processus socioculturel qui connut plusieurs phases et prit diverses voies. L’article se propose de mettre en évidence que le mythe fut une construction collective sujette à des interventions et à des appropriations différentes, voire opposées, aussi bien de la part des élites que des milieux populaires. Il y eut ainsi un véritable jeu de représentations, dans lequel la littérature anticipa sur l’historiographie et définit un climat intellectuel, une thématique et les schémas de production et de perception.