RÉSUMÉ.Cette contribution discute des origines et de la nature de ceux qu'on appelle « peuples de la mer » et évalue l'impact de leurs attaques sur les royaumes d’Égypte et du Proche-Orient au XIVe et XIIIe siècles av. J.-C. En s'appuyant sur des écrits d’Égypte et d'ailleurs, enrichis de preuves archéologiques, elle associe ces pilleurs maritimes à la civilisation mycénienne de la Grèce et de la Crète continentales. Les sources démontrent l'impact dévastateur de leurs premières incursions sur les communautés maritimes de la Méditerranée orientale avant qu'ils ne s'installent durablement.
ABSTRACT.This contribution discusses the origins and nature of the so-called ‘Sea Peoples’, and assesses the impact of their attacks on the kingdoms of Egypt and the Near East in the fourteenth and thirteenth centuries BC. Both Egyptian and non-Egyptian texts, supplemented by archaeological evidence, associate these seaborne raiders with the Mycenaean civilization of mainland Greece and Crete, and the sources indicate that their initial incursions had a devastating impact on maritime communities of the Eastern Mediterranean, until they turned from raiding to long-term settlement.
INTRODUTION
En l'an 5 de Merenptah, fils et successeur de Ramsès II (env. 1207 av. J.-C.), la tribu des Libou (d'où vient le nom de la Libye), se mit en marche vers l'est depuis la Cyrénaïque à travers la steppe de Tjéhénou, l'actuelle Marmarique, dans l'intention de s'installer dans le Delta du Nil. Le pharaon choisit d'attendre l'ennemi en bordure du désert, près de l'actuelle Kôm Aushîm (Létopolis) au nord-ouest de Memphis, sa capitale, sise précisément à l'extrémité orientale de la piste côtière conduisant de Libye en Égypte. La bataille est naturellement caractérisée par nos sources, rédigées pour mettre en valeur la supériorité de l’Égypte et la bravoure de son roi, comme un triomphe facile, doublé de l'anéantissement ou de la capture d'une proportion appréciable des envahisseurs : plus de 5 060 tués et 4 316 prisonniers.
Ce n’était certes pas la première fois que les peuples de Libye, principalement composés de pasteurs semi-nomades, cédaient à l'attirance exercée sur eux par la luxuriante campagne égyptienne.