Au début des annees 70, le médiéviste israelien Joshua Prawer indiquait que le royaume croisé de Jérusalem avait constitue la premiére action colonisatrice de l'Occident, premier pas d'une dynamique continue menant à la conquête des Amériques et aux colonisations plus récentes. Prawer posait ainsi une question d'une grande importance pour la connaissance de la généalogie de l'expansion européenne, au-delà même du saut océanique des xve-xvie siecles. Cependant, aussi bien l'acceptation que le refus de la notion de « colonie » appliquée aux conquêtes de la chrétienté latine médiévale ne se sont pas accompagnés d'une réflexion conceptuelle suffisante. C'est ce probléme qui est discuté dans ce travail. La thése défendue est que la nature spécifique de la colonisation occidentale réside dans la subversion et 1'articulation des systemes sociaux extérieurs. On considére par ailleurs que la premiére expérience de ce type n'eut pas lieu dans les États latins d'outre-mer, mais qu'elle se réalisa, de facon particuliérement claire, dans le royaume de Valence conquis par Jacques Ier d'Aragon au milieu du xiie siécle.