Tout d'abord, nous tenons à remercier nos collègues de leurs commentaires sur notre article. L'espace prévu pour nos réponses étant limité notre réaction à ces commentaires sera sélective et brève. La question de l'effet de la méthodologie sur la fréquence des variantes dans les corpus a retenu l'attention de nos collègues. En particulier, ils se sont interrogés sur la signification et les raisons de la fréquence relativement plus grande de ne . . . que à Saint-Boniface. Cette interrogation est légitime, car ce résultat pourrait être l'indice du début d'une montée de ne . . . que durant les vingt ans qui séparent le recueil des corpus de Welland et Bonnyville (1975 et 1976) de celui du corpus de Saint-Boniface (1995/97). Étant donné que dans ce dernier corpus la mesure de l'influence de l’âge n'apporte pas un soutien concluant à l'hypothèse du changement, nous penchons plutôt pour y voir un impact de la méthodologie: les locuteurs de la classe supérieure étaient surreprésentés dans l’échantillon et l'enquêtrice n'appartenait pas à la communauté. S'il nous semble difficile de trancher entre ces deux interprétations, il ne faut pas perdre de vue l'effet positif des traits spécifiques de la méthodologie utilisée pour la collecte de ce corpus. En effet, la surreprésentation des locuteurs de la classe supérieure a eu le mérite de fournir suffisamment d'occurrences de la variante pour effectuer une analyse de l'influence des contraintes linguistiques. De plus, les origines françaises de l'enquêtrice ont mis au jour le fait que les membres de la classe supérieure font un usage plus fréquent de cette variante en situation d'accommodation linguistique ascendante. Par contraste, dans les trois autres corpus et dans ceux utilisés par les études antérieures, la fréquence marginale ou l'absence de ne . . . que, en partie imputable à la collecte des données par des membres de la communauté, a occulté ce type d'accommodation. Il y a donc complémentarité entre la méthodologie du corpus de Saint-Boniface et celle des autres corpus. Il a également été souligné à quelques reprises qu'il y avait plus de locuteurs catégorisés comme cols bleus que de locuteurs catégorisés comme cols blancs dans le corpus de Saint-Laurent. Comme nous l'avons précisé, Saint-Laurent est une communauté où le statut social et l’éducation des habitants sont, en règle générale, peu élevés. La forte prédominance de rien que dans le corpus pourrait donc refléter en partie la spécificité de la structure sociologique propre à cette communauté. Par ailleurs, le corpus de Saint-Laurent a le mérite de révéler que dans ce type de communauté les locuteurs qui sont en haut de l’échelle sociale ont un taux d'emploi de cette variante fort élevé et ne se distinguent guère des locuteurs des couches sociales basses. Par contraste, dans les trois autres communautés, la couche sociale haute se distingue nettement des couches sociales plus basses par un emploi moins fréquent de rien . . . que. La comparaison du corpus de Saint-Laurent avec les trois autres corpus, fournit donc une indication de la force de l'effet de la cohésion sociale sur la variation dans le parler de la communauté franco-métisse.