Le concept de démocratie est si ancien, appliqué à des régimes si variés, et, de nos jours, si communément revendiqué pour couvrir des politiques diverses, voire antagonistes, qu'il décourage souvent une pensée quelque peu soucieuse de rigueur. Ainsi n'est-il pas surprenant que l'auteur d'un traité de philosophie politique en vienne à déclarer : « le terme de démocratie est d'un emploi tellement difficile qu'il vaudrait presque mieux y renoncer ».
Mais renoncer, ce serait tomber dans une erreur d'une autre nature ; ce serait, au nom de la connaissance exacte, exclure du réel la représentation que les hommes s'en font et oublier alors que cette représentation est elle-même constitutive du réel. Qu'il y ait, par exemple, une image confuse de la démocratie antique, une tradition qui s'entretient dans une complaisante ignorance de ses origines, une agitation vaine autour de la démocratie présente et future, cela ne dispense pas de rechercher pourquoi la notion résiste à l'usure du temps, de quelle mémoire, de quelle pratique, de quels désirs elle se nourrit.