L’histoire religieuse et intellectuelle de l’islam à l’époque moderne et contemporaine est souvent réduite à un récit-maître arabo-centrique et téléologique dans lequel la modernité commencerait avec l’expédition d’Égypte ou la Nahḍa, la Renaissance arabe. Cette histoire verrait se succéder soufisme, réformisme musulman, islamisme, salafisme, soit une « généalogie de l’islamisme ». Dans une démarche d’histoire régressive, cet article éclaire la pluralité des voies possibles comme le caractère hétérogène des moments historiques, grâce à la présentation des dynamiques courantes de l’historiographie internationale sur l’histoire de l’islam entre le xve et le xxie siècle. Remontant vers l’amont, il s’agit de repérer les ruptures et les continuités, les lectures successives de tel auteur médiéval et de tel concept (comme salafiyya). L’article s’efforce de démontrer la nature construite de la vulgate historiographique du « réformisme musulman » de la fin du xixe siècle, comme celle sur « la pensée arabe à l’âge libéral ». Les débats sur le « néo-soufisme » et sur l’Aufklärung du xviiie siècle ont conduit à une meilleure connaissance de l’islam de la fin de l’époque moderne. Entre le xve et le xviie siècle, s’épanouit une soif de renouveau (tajdīd) en hadith, en droit musulman et en soufisme. Les recherches récentes des ottomanistes sur les processus de « confessionnalisation » aux xvie et xviie siècles montrent l’importance des facteurs politiques dans ces évolutions de l’islam à l’âge des trois Empires (moghol, safavide, ottoman).