RÉSUMÉ.Cette contribution discute de l'importance des données géographiques et astronomiques antiques dans l'art de la navigation maritime, avant l'avènement des cartes et des graphiques. En s'appuyant sur l'analyse d'écrits historiques et géographiques de la Grèce antique, elle montre comment la connaissance précise des distances entre les éléments côtiers principaux, tels que les caps, les isthmes et surtout les détroits, fut essentielle à l'élaboration de cartes mentales de l'espace marin méditerranéen par les navigateurs de l'Antiquité.
ABSTRACT.This contribution discusses the importance of ancient geographical and astronomical data in the science of marine navigation before the advent of maps and charts. It shows, from analysis of ancient Greek historical and geographical texts, how precise knowledge of distances between key coastal features such as headlands, isthmuses and, above all, straits were vital in the construction by ancient mariners of mental maps of the marine space of the Mediterranean.
C'est dans ces termes que le savant d'Alexandrie Ptolémée décrit, dans l'introduction de sa Géographie (IIe siècle de notre ère), la discipline à laquelle il consacre son traité :
Voilà donc un domaine de recherche d'une grande élévation et d'une grande
beauté: si les mathématiques permettent d'expliquer à l'intelligence humaine
le ciel lui-même tel qu'il est au naturel, car on peut le voir tourner autour de
nous, pour la terre en revanche, on doit recourir à la représentation picturale,
car la terre véritable, qui est de très grande dimension et ne nous entoure pas,
ne peut être parcourue en entier par un même individu, ni d'une seule traite,
ni par fragments successifs.
Ce passage, qui joue d'abord le rôle somme toute banal de défense de l'ouvrage, met en lumière une évidence à première vue un peu triviale, mais porteuse d'un véritable paradoxe : de nulle part on ne peut voir le monde que le géographe se propose de mettre en carte, ce qui rend sa tâche plus ardue encore que celle de l'astronome, qui n'a qu'à lever les yeux pour contempler son objet d'étude.