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Communs et dynamiques de pouvoir dans l’Europe du Sud médiévale

Une comparaison entre l’Italie du Nord et le plateau du Duero (viie-xve siècle)

Published online by Cambridge University Press:  12 January 2023

Iñaki Martín Viso
Affiliation:
Université de Salamanqueviso@usal.es
Riccardo Rao
Affiliation:
Université des études de Bergamericcardo.rao@unibg.it
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Abstract

Cet article propose une analyse comparée de l’évolution des communs dans deux grandes régions de l’Europe méridionale médiévale : l’Italie du centre-nord et le plateau du Duero dans la Péninsule ibérique. Au cours des dernières années, les recherches menées à partir des études économiques d’Elinor Ostrom sur différentes régions d’Europe du Nord ont insisté sur la centralité des communs dans l’agrosystème et l’organisation des communautés depuis le haut Moyen Âge. Face à une Europe du Nord résiliente, où la présence de biens communs stables a permis de résorber les inégalités sociales, les communs en Europe du Sud auraient été moins solides, entraînant une moindre cohésion des communautés. L’étude comparative de longue durée des deux régions met en évidence l’existence de biens communs dès le début du Moyen Âge, puis leurs évolutions successives au Moyen Âge central et au bas Moyen Âge, en même temps que les pratiques documentaires qui les ont enregistrés. Cette résilience a pris des formes différentes dans chacune des régions, en raison de facteurs contingents tout aussi divers. Partie prenante d’une « économie morale », les biens communaux ont donc pu s’adapter à des conditions changeantes et à la présence de nouveaux acteurs sociaux. Finalement, ces formes d’utilisation collective, en dialogue constant avec les notions de propriété et d’appropriation, étaient liées à la création et à la pérennité d’identités (rurales, urbaines) opérant à différentes échelles.

This article presents a comparative analysis of the commons in two broad regions of medieval southern Europe: northern Italy and the Iberian Peninsula’s Duero Plateau. Recent scholarship on different regions of northern Europe has highlighted the centrality of common lands to both agrosystems and the organization of communities, drawing on the economic theories of Elinor Ostrom and generally focusing on the early modern period. It has also suggested a contrast between resilient communities in northern Europe, where the presence of stable commons helped absorb social inequality, and those of southern Europe, where less solid commons supposedly resulted in lower cohesion among communities. Our longue-durée comparative study of these two regions shows, however, that commons existed in southern Europe from the early medieval period on. It also reveals how they evolved and adapted throughout the High and late Middle Ages, in tandem with the documentary practices that recorded them. This resilience took different forms in each of the areas studied, reflecting the influence of a range of different factors across southern Europe. The commons endured because they were part of a “moral economy” of collective use, which, in constant dialogue with notions of property and ownership, helped forge lasting identities in both rural and urban contexts and on different scales.

Type
Les biens communs dans la longue durée
Copyright
© Éditions de l’EHESS

Dans le sillage d’études d’histoire économique portant sur l’Europe centrale et l’Europe du Nord au début de l’époque moderne, le thème des communs suscite un engouement certain dans l’historiographie récente. Subsistent toutefois dans son traitement un certain nombre de points aveugles que cet article entend éclairer au moyen d’une analyse comparative sur la longue durée. En 2002, Martina De Moor, Leigh Shaw-Taylor et Paul Warde appliquèrent le travail théorique d’Elinor Ostrom sur les communs à divers contextes historiques dans un ouvrage dont la publication marqua un tournant dans le champFootnote 1. Depuis la fin des années 1990 et l’émergence de cette approche, M. De Moor et d’autres chercheurs ont souligné le rôle économique joué par les communs et leur capacité à engendrer des formes importantes de redistribution des richesses dans de nombreuses sociétés localesFootnote 2. Cependant, cette historiographie s’est en grande partie concentrée sur l’Europe du Nord et sur l’analyse de certains thèmes récurrents, tel le cas des bois en Angleterre ou, plus récemment, celui des terres communales en FlandreFootnote 3. La plupart de ces travaux concernent également la fin de la période médiévale et le début de l’époque moderne, un choix qui s’explique sans doute par la plus grande visibilité documentaire dont jouissent les communs à ces périodes, mais qui influence aussi leur étude. Certains éléments caractéristiques, comme la formalisation juridique des communs en termes de propriété communautaire ou le rôle des usurpations, sont ainsi devenus des axes de recherche centraux, au point de faire oublier que les dynamiques autour des communs étaient bien différentes au haut Moyen Âge et au Moyen Âge central.

En outre, ces recherches ont accordé une attention somme toute marginale à l’Italie et la Péninsule ibérique, même si quelques études, elles aussi majoritairement centrées sur le début de l’époque moderne, ont permis de réintroduire ces aires géographiques dans le débatFootnote 4. L’intérêt historiographique pour la « petite divergence » entre Europe septentrionale et Europe méridionale a eu pour effet de renforcer la thèse d’une opposition fondamentale entre la première, caractérisée par une société égalitaire – ou plutôt une société capable d’absorber l’inégalité sociale grâce, justement, à la robustesse de ses communs –, et la seconde, où le pouvoir des seigneurs et la disparition progressive des propriétés collectives ont favorisé l’émergence de sociétés inégalitaires qui étaient également plus fragiles et moins à même de résister aux grands changements économiques et environnementauxFootnote 5. C’est pourtant brosser un tableau trop caricatural des communs dans l’Europe du Sud, dont la situation – bien que moins connue des chercheurs – s’avère fort complexe et marquée par des caractéristiques spécifiques. Mise en perspective par rapport aux données présentées pour l’Europe septentrionale à la fin de la période médiévale et au début de l’époque moderne, l’étude comparative des communs dans l’Italie centrale et du Nord et dans le nord de la Péninsule ibérique sur un long Moyen Âge peut donc contribuer à révéler une image différente, aussi bien en termes de chronologie que d’équilibres sociaux et institutionnels.

Il ne peut toutefois s’agir de faire une comparaison directe, chacune de ces régions présentant des particularités propres. La densité de la population et du réseau urbain était bien plus élevée en Italie du Nord (et tout particulièrement dans la plaine du Pô) que sur le plateau du Duero. De même, la documentation concernant les communautés urbaines et rurales est beaucoup plus abondante en Italie, notamment pour la période s’étendant du xiie au xve siècle. Plus important encore, les organisations politiques de ces régions diffèrent au cours de cette période : une monarchie forte caractérise la Péninsule ibérique quand l’Italie connaît un système fondé sur des cités-États (communes), puis sur des États régionaux. Le contraste est aussi historiographique. Les chercheurs italiens ont mis l’accent sur la « commercialisation » des communs et sur leur participation dans l’établissement du contrôle économique et politique du monde urbain sur les zones rurales. De leur côté, les chercheurs espagnols ont mis en lumière le rôle que les communs, en particulier les terres en friche, ont joué dans le territoire « repeuplé » du nord de la Péninsule ibérique ou dans les terres « reconquises » dans les zones sous domination musulmane – ces régions se singularisant par l’importance du bétail et la nécessité d’occuper de vastes zones avec de faibles ressources humaines. Enfin, les chronologies divergentes retenues dans ces études reflètent des différences de temporalités ainsi que la nature disparate et inégale des sources disponibles. Cette diversité nous invite à dresser une comparaison qui tienne compte non seulement des caractéristiques communes, mais aussi des différences entre ces régions afin d’ouvrir la voie à une approche plus complexe des communs en général. Notre ambition ici est donc de formuler des interprétations globales qui intègrent les spécificités des deux études de cas tout en déplaçant le cadre de l’historiographie des communs.

Figure 1 – Localisation des deux cas d’étude

Source : Iñaki Martín Viso.

Légende : la zone 1 correspond à l’Italie du Nord, la zone 2 au plateau du fleuve Duero.

La comparaison sur la longue durée entre les communs d’Italie du Nord et ceux du plateau du fleuve Duero en Ibérie vise à mettre trois éléments en évidence. Tout d’abord, dissiper une illusion historiographique : les communs de ces régions étaient loin d’être marginaux ou résiduels pendant la période qui nous intéresse. Jusqu’à la fin du Moyen Âge (et au-delà), ils étaient essentiels à la gestion de l’économie et à l’équilibre interne des sociétés rurales et urbaines, jouant un rôle important dans la politique locale. Ensuite, malgré des similarités, il existait des différences fondamentales entre les régions de l’Europe méridionale, d’où l’intérêt de comparer des zones particulières. Enfin, en tant que pourvoyeur de ressources importantes, les communs se trouvaient alors au centre de relations complexes entre l’État et les institutions locales (des monarchies aux communautés rurales en passant par les communes urbaines), mais étaient également sujets à des formes plus spontanées de pression et d’appropriation de la part des communautés ou de certains groupes en leur sein. Il faut par conséquent appréhender les communs non pas comme des réalités statiques, mais plutôt comme des ressources constamment en passe d’être assimilées à des biens publics ou privés.

L’analyse des communs médiévaux du sud de l’Europe révèle donc l’équilibre fragile dans lesquels ils s’inscrivent et nous incite à porter un regard critique sur l’une des idées maîtresses des études sur les communs en Europe du Nord, selon laquelle ces ressources dépendaient presque exclusivement des communautés qui en avaient l’usage ou, en tout cas, des institutions et des règles par lesquelles celles-ci en régissaient l’accès. Cette tendance à aborder les communs par le seul prisme de leur relation avec les communautés d’usagers découle d’études théoriques qui se concentrent sur leurs dimensions économiques et juridiques – notamment les travaux de Garrett Hardin, de Carol Rose et d’Elinor Ostrom –, approche qui ne permet qu’une compréhension partielle des réalités complexes de l’Europe du Sud au Moyen ÂgeFootnote 6. À nos yeux, la volonté des historiens de définir, depuis quelques décennies, les communs à partir d’approches développées dans d’autres disciplines a occasionné certaines distorsions qui continuent à peser sur le débat. La recherche historique a ainsi fait des communs une catégorie à part, artificielle, délimitée par les définitions données par les juristes, les sociologues et les économistes, alors que, dans les faits, une telle catégorie a rarement existé de manière autonome, sauf en lien avec d’autres institutions, publiques ou privées. En outre, les communs ont été trop souvent abordés selon un prisme purement économique, conduisant à ignorer leurs autres fonctions, comme la recherche d’un équilibre social interne, la construction des identités locales et l’implication d’autorités externes. Cet article entend proposer une explication dynamique qui intègre ces facteurs et accorde – sans pour autant nier le caractère essentiel de la formalisation institutionnelle – une juste place aux pratiques non formalisées et aux relations entre les différents acteurs ayant participé à ces institutions.

La réglementation des droits d’accès aux communs ne nécessitait pas une définition des communs en termes de propriété, mais elle ne l’excluait pas non plus. Au cours du Moyen Âge, le concept a donc évolué vers une formalisation juridique de certains droits et, en particulier, celui de droit d’accès. Ces droits s’exerçaient sur des espaces spécifiques – des terres voire certains bâtiments – pouvant servir de cadre aux communs et étaient perçus comme essentiels pour la construction d’une notion de collectif. Comme nous le verrons, celle-ci s’est finalement confondue avec la conception plus théorique de « bien commun », qui, à son tour, a été formalisée et déplacée vers la sphère publique. Enfin, il semble indispensable de tenir compte de la signification donnée au terme comunia dans les sociétés médiévales de l’Europe du Sud : contrairement aux étroites définitions formulées dans le débat juridique et économique actuel, le terme impliquait une relation dynamique à une vaste gamme de biens, à commencer par les propriétés publiques et les domaines royaux. En Italie notamment, les communs incluaient non seulement des pâturages et des bois – et, de manière plus générale, des terres en friche – utilisés collectivement, mais aussi tous les autres biens rattachés aux communautés localesFootnote 7. De même, dans la Péninsule ibérique médiévale, les Partidas, soit le code statutaire compilé par Alphonse X de Castille (reg. 1252-1284), comportaient une longue liste de biens considérés comme des communsFootnote 8.

Les communs dans les historiographies italienne et espagnole

En Italie, les communs médiévaux ont été d’abord étudiés par des historiens du droit qui, à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle, se demandaient si ces formes d’utilisation des terres s’étaient développées dans la continuité du modèle romain ou au contact du monde germanique, avec l’arrivée des Lombards en Italie. Dans la seconde moitié du xxe siècle, le sujet a été traité de manière plus sporadique. Tandis que, dans la sphère du droit, de grands spécialistes continuaient à s’y intéresser, l’histoire sociale et institutionnelle du Moyen Âge a longtemps négligé les terres collectives, reléguées au second plan après 1945, en lien avec la question de l’évolution des paysages et des communautésFootnote 9.

Hormis quelques travaux pionniers, ce n’est qu’à partir de la fin des années 1980 qu’un tournant s’est opéré, sous l’effet de l’intégration croissante de l’historiographie italienne dans le débat internationalFootnote 10. Le renouveau du champ des études médiévales italiennes a notamment attiré l’attention sur un axe de recherche jusqu’alors quasiment absent des études européennes sur les communs, à savoir leur place dans les zones urbaines et leur rôle dans la polarisation des conflits sociaux au sein des communesFootnote 11. Ces quinze dernières années, l’historiographie s’est progressivement intéressée à la dimension immatérielle des communs, c’est-à-dire au « discours » sur le bien commun, appréhendé comme un principe idéal exprimant les droits fondamentaux et partagés d’une communautéFootnote 12, en abordant cette dimension non seulement à la lumière de la pensée politique et économique, mais aussi par rapport aux traces matérielles et aux bâtiments publics des villes italiennesFootnote 13. Nombre de ces études concluent à la nécessité de relier l’expression idéale du bien public aux représentations et aux utilisations concrètes des communsFootnote 14.

Ce déplacement historiographique récent a conduit à plonger dans l’ombre d’autres axes de recherche, comme les communs du haut Moyen Âge, qui avaient pourtant animé les débats au début du xxe siècleFootnote 15. De même, en dépit de la richesse des sources juridiques sur les usi civici (usages civiques) au début de l’époque moderne, la gestion des communs dans les campagnes d’Italie du Sud à la période médiévale reste largement inexplorée, notamment du fait de la rareté des documents produits par les communautés rurales locales, alors bien plus fragiles que les communautés urbaines du Nord. Les travaux de Sandro Carocci suggèrent néanmoins l’existence de formes originales de gestion des communs dans le Sud, reposant sur la rotation des champs utilisés collectivement pour la culture des céréalesFootnote 16. Enfin, la transformation des communs entre les xive et xve siècles, marquée par le développement de nouvelles formes d’État, n’a guère été plus étudiée, si bien que le chantier demeure vaste.

De manière plus générale, le regain d’intérêt de l’histoire italienne pour les communs depuis les années 1980 concerne également les campagnes à l’époque médiévale, les communs étant considérés comme un facteur central du système économique ruralFootnote 17. Toutefois, faute d’une grille de lecture plus large, les chercheurs ont peiné à appréhender le développement des communs ruraux dans leur ensemble, bien que plusieurs modèles historiographiques fussent à leur disposition : ces interprétations historico-écologiques et micro-historiques originales, qui s’appuient principalement sur l’examen de pratiques de terrain, se sont encore largement cantonnées au début de l’époque moderne. Ce courant influent a trouvé sa première expression concrète dans la publication, en 1992, d’un numéro spécial de la revue Quaderni storici, dirigé par Diego Moreno et Osvaldo RaggioFootnote 18. Consacrée aux zones rurales au début de la période moderne, cette publication a mis en lumière, d’une part, les conflits locaux autour des communs (en particulier les interférences et les litiges frontaliers entre autorités locales et étatiques) et, d’autre part, les pratiques environnementales impliquant des communs, par exemple les cultures temporaires et certaines formes d’arboriculture. Même la résurgence d’études sur les communs suscitée par les travaux d’E. Ostrom et leur application à l’histoire économique, qui a permis de mieux définir les rapports entre institutions et communs, ont principalement porté sur le début de l’époque moderne.

Il existe également une tradition, tout aussi ancienne et lacunaire, d’études sur le rôle des communs dans la Péninsule ibérique. Coïncidant avec la perte définitive des dernières colonies espagnoles, l’ouvrage de Joaquín Costa, Colectivismo agrario en España, a ainsi connu un succès incontestable en 1898Footnote 19. Ce travail réhabilitait les communs, à rebours des théories économiques libérales, et s’inscrivait dans le mouvement « régénérationniste », dont l’ambition était de réformer une Espagne débarrassée de ses aspirations impériales. L’ouvrage de J. Costa influença considérablement l’ethnographie naissante du monde ruralFootnote 20. Cependant, ce champ se caractérisait par une base historique faible et occultait la période du Moyen Âge. Les historiens espagnols, qui ne s’intéressaient guère aux communs, n’ont longtemps fait qu’effleurer la question de leurs origines et de leurs fonctions à l’époque médiévale.

Le renouveau de l’historiographie espagnole dans les années 1960 et 1970 a changé la donne. Des chercheurs comme Abilio Barbero et Marcelo Vigil ont vu dans la propriété collective une caractéristique majeure des sociétés tribales qui avaient perduré dans le nord de la Péninsule ibérique jusqu’au début de l’époque médiévale, et ont affirmé que la transition graduelle vers un modèle féodal s’était opérée par le biais de la création de communautés villageoises et la privatisation progressive de la propriété communaleFootnote 21. La portée de ces études a conduit la plupart des médiévistes à accepter l’idée d’une origine ancestrale des communs dans le nord de l’Espagne. Cependant, dans les années 1980, des analyses de textes des xie et xiie siècles ont montré qu’ils n’avaient pas complètement disparu après la mise en place du système seigneurialFootnote 22. D’après ce récit historiographique, si les seigneurs, soucieux de maximiser leurs profits agricoles, ont souvent adopté une politique agressive contre les communs utilisés comme pâturages, les conflits engendrés ont abouti à une définition plus claire de ces ressources. La taille et la densité des communs ruraux ont néanmoins diminué dans les territoires situés entre la cordillère Cantabrique et le Duero. À l’inverse, des études portant sur les régions les plus septentrionales ont montré que les communs y avaient mieux résisté, malgré des sources écrites souvent ambiguësFootnote 23. On peut citer l’exemple des sernas (abordées plus loin), considérées comme des espaces labourés collectivement au haut Moyen Âge et soumises, par conséquent, à un régime de propriété tout aussi collectifFootnote 24.

De ce point de vue, les communs, définis dans l’historiographie comme des propriétés communales, ont été un lieu essentiel à la formation et au développement de communautés rurales du xe au xiie siècle, en réaction aux tentatives de sape par les seigneursFootnote 25. Il n’y a donc pas eu un effondrement total des communs, et les pouvoirs locaux se sont adaptés aux conditions existantes sans ressentir le besoin d’éradiquer les systèmes antérieursFootnote 26. Les apports de l’archéologie corroborent la conception des espaces communaux comme des éléments complexes et résilients, dont les origines remontent au haut Moyen ÂgeFootnote 27.

Les données disponibles concernant les régions situées dans la partie sud du plateau du Duero suggèrent quant à elles une présence importante de terres communes, pour la plupart destinées à l’élevage. Depuis les années 1970, les chercheurs ont ainsi attiré l’attention sur une différence cruciale entre cette région et les territoires plus septentrionaux, à savoir l’importance des concejos urbains, ces structures politiques sous suzeraineté royale qui dominaient un paysage marqué par une pénurie de seigneurs laïcs ou ecclésiastiques. Depuis leur création au xiie siècle, ceux-ci contrôlaient de vastes étendues de territoire abritant de nombreux espaces dédiés à un usage communautaire. Plusieurs facteurs expliquaient ce modèle : les intérêts de l’élite locale dans l’élevage, la faiblesse démographique des zones montagneuses et les contraintes géologiques que représentaient les sols granitiques très répandusFootnote 28. La recherche sur le plateau au sud du Duero a donc attribué aux terres communales, comprises comme des propriétés des concejos, une place centrale dans les dynamiques économiques et socio-politiques de la région. Il s’agit toutefois, là encore, d’une approche évolutionniste qui considère les communs comme une tradition ancestrale érodée par l’action des puissants. En outre, l’importance accordée par ces études aux facteurs démographiques et géographiques traduit également un certain déterminisme.

Des travaux sur les hautes vallées des Pyrénées ont présenté ces régions comme les gardiennes d’une tradition d’espaces collectifs mieux ancrée en raison de la solidité des liens communautaires locauxFootnote 29, que l’on relie souvent aux conditions particulières d’un habitat montagneux dans lequel l’élevage était l’une des principales activités économiques. Pourtant, à la fin de l’époque médiévale, le développement de routes de transhumance a modifié les dynamiques de ces espaces et conduit à la ségrégation de certains habitants des zones dans lesquelles le pâturage du bétail de quelques groupes de propriétaires était prioritaireFootnote 30. L’historiographie a fait des hypothèses similaires au sujet des régions conquises par les armées chrétiennes, comme la vallée du Guadalquivir, en Andalousie. Dans ce cas, c’est l’expulsion massive de la population musulmane durant la seconde moitié du xiiie siècle qui a généralement été avancée comme la raison du développement d’un système reposant sur de grands concejos et les vastes propriétés qui leur sont corollairesFootnote 31. Là encore, la faible démographie fait office de deus ex machina expliquant la création des communs, mais cette lecture néglige le fait que, du point de vue des conquérants, les communs faisaient partie intégrante du système agricole qu’ils cherchaient à mettre en place. De la même manière, les nombreuses appropriations ou « usurpations » de propriétés de concejo qui ont eu lieu aux xive et xve siècles ont été mises sur le compte d’une tendance à la privatisation résultant d’un accroissement de la populationFootnote 32.

Des perspectives différentes semblent ainsi avoir guidé l’évolution respective du traitement de la question des communs médiévaux en Italie et en Espagne. Si les historiens italiens se sont principalement intéressés aux cités-États, notamment dans le contexte des conflits politiques urbains, en Espagne, ce sont les zones rurales au Moyen Âge central qui ont eu les faveurs de la recherche. S’appuyant sur les approches des années 1960 d’inspiration marxiste, celle-ci a davantage mis l’accent sur le rôle des communs en lien avec l’émergence des modes de production féodaux et des seigneuries. Des points de convergence existent cependant. En Italie comme en Espagne, le sujet des communs semble avoir intéressé l’histoire du droit à la fin du xixe siècle, pour être quelque peu été oublié au milieu du xxe siècle avant de connaître un renouveau. À l’exception des cités-États italiennes, les deux traditions de recherche partagent également la même prédilection pour l’étude des zones montagneuses. Surtout, elles ont, l’une et l’autre, tendance à appréhender les communs comme une caractéristique traditionnelle des sociétés locales, souvent associée à une conception stéréotypée de l’égalitarisme ou du communautarisme paysan. Ces ressources ont donc longtemps été perçues comme le reflet d’une économie marginale et résiduelle propre aux communautés rurales, en contraste avec la privatisation promue par les seigneurs ou les autorités urbaines. Cet article, tout en s’inspirant de ces traditions historiographiques, tente aussi, dans le cadre d’un projet de recherche spécifiqueFootnote 33, de revisiter les sources primaires et de dégager des schémas plus larges en abordant la question des communs sous des angles nouveaux.

Le haut Moyen Âge

En Italie, l’utilisation des friches par les paysans n’était pas réglementée, pour l’essentiel, au haut Moyen Âge. L’Edictum Rothari de 643, corpus juridique du royaume lombard, ne prévoyait de sanctions que contre quelques pratiques susceptibles d’avoir cours dans les forêts royales, telles que la capture d’autours ou la récolte de miel, ce qui suggère qu’aucune restriction ne pesait sur la pâture ou le ramassage du bois, y compris pour les domaines privésFootnote 34. Tout au long du viiie siècle, les souverains lombards ont élargi les droits d’usage relatifs aux propriétés publiques, assujettissant les paysans au paiement d’une taxe pour accéder aux friches royales. La conquête carolingienne de l’Italie renforça encore la mainmise royale sur les terres en friche, occasionnant parfois – comme ce fut le cas en Istrie – des heurts avec les habitants qui utilisaient ces terres. Une autre source de conflit apparut aux ixe et xe siècles, lorsque les souverains accordèrent des concessions aux monastères et aux institutions ecclésiastiques sur les forêts royales et sur les droits d’usage des friches y afférant.

À partir des dernières décennies du viiie siècle, l’usage collectif de la terre est attesté par l’utilisation de termes évoquant la propriété de certains biens par des centres de peuplement et leurs communautés, par exemple vicanalia et paganica, formés respectivement à partir de vicus et de pagus (le village), ou comunalia et comunia. Ces expressions se retrouvent parfois dans les formules juridiques relatives aux propriétés aliénées, ce qui indique que l’utilisation des communs est apparue comme un droit lié à la propriété foncière dans les documents italiens produits entre le viiie et le xe sièclesFootnote 35. Quels types de biens ces termes désignaient-ils ? Les sources documentaires laissent penser qu’au-delà de champs ouverts ou de pratiques collectives impliquant des terres en jachères appartenant à de grands propriétaires, à des seigneurs ou à la CouronneFootnote 36, ces vocables recouvraient également des terres que les habitants avaient spécifiquement destinées au ramassage du bois ou à la pâture, ou qui étaient réparties chaque année entre des propriétaires terriens locaux d’importance variable, y compris pour des usages agricolesFootnote 37. Par ailleurs, on trouve également le terme interconcilia, qui semble décrire des biens ou des communs moins territorialisés possiblement partagés par plusieurs propriétaires ou villagesFootnote 38.

De manière générale, ces pratiques collectives peuvent être interprétées comme les premières manifestations de liens de solidarité, aussi faibles soient-ils, entre les habitants d’une zone locale, les vici, ainsi que les désignent les documents italiensFootnote 39. Toutefois, durant tout le haut Moyen Âge, les prérogatives exercées par ces communautés embryonnaires sur les communs semblent avoir été assez limitées, n’impliquant aucun pouvoir permettant de disposer de la terre, c’est-à-dire de l’aliéner ou d’en modifier l’usage : on ne retrouve pas d’actes de vente des communs par les communautés locales, ni même de preuves suggérant que des forêts communes auraient pu être défrichées et labourées pour être converties en champs. Il ressort donc que les fragiles communautés du haut Moyen Âge n’étaient pas en mesure de gérer pleinement leurs communs, qui se trouvaient à l’interface entre les pouvoirs étendus des autorités publiques, en particulier à partir de la période carolingienne, et ceux des grands propriétaires fonciers.

Le plateau du Duero est une vaste étendue de 90 000 m2 au centre de la Péninsule ibérique (carte 1). Du fait de la diversité des sous-régions qui le composent, il peut être décrit comme une série de microcosmes, dont chacun présente des similitudes et des différences avec les autres régions de la Péninsule : l’étude d’un tel cas permet d’éviter de construire des modèles fermés, tout en suggérant une évolution générale. Les informations dont on dispose sur les communs au vie et au viie siècle sont extrêmement limitées. Le droit visigothique, couvrant un vaste territoire sans prendre en compte les spécificités régionales, ne s’appliquait pas à une problématique qui, par définition, n’était pas de son ressortFootnote 40. Cependant, des analyses palynologiques (sur les pollens) ont permis de démontrer l’importance de la déforestation dans des régions comme le Système central – la grande chaîne de montagne située au cœur de la Péninsule ibérique – au cours de la période post-romaineFootnote 41, une entreprise évidemment liée à l’action collective, mais pas nécessairement à la création de ressources à l’usage partagéFootnote 42. Des études partielles ont montré le lien entre certains pâturages à usage commun de moyenne altitude et la présence de tombes taillées dans la roche, qui servaient de repères physiques pour les droits collectifs revendiqués par différentes communautésFootnote 43.

Par contraste avec les rares chartes des viiie et ixe siècles, les traces concernant le xe siècle sont plus nombreuses et offrent de meilleures informations. Cette augmentation des enregistrements documentaires coïncide avec la consolidation de la domination asturienne sur le plateau du Duero et la régénération sociopolitique de toute la région. Le rôle des sernas sous contrôle royal est particulièrement intéressant. Bien que difficiles à définir précisément, les sernas étaient des parcelles de terre à usage collectif dont la « propriété » s’organisait en deux niveaux : un niveau inférieur correspondant à l’usage quotidien par les familles d’une communauté, possiblement sujet à des redistributions périodiques et à des obligations collectives ; un niveau supérieur garantissant la protection de ces usages contre les menaces extérieuresFootnote 44. Dans le León, au nord-est du plateau du Duero, les sernas apparaissent pour la plupart au sein des propriétés royales, même si les rois n’étaient pas les seuls à en posséderFootnote 45. Nombre d’entre elles étaient associées à des « lieux centraux » qui pourraient avoir préexisté à l’intégration du plateau du Duero dans le royaume des AsturiesFootnote 46. Dans la seconde moitié du xe siècle, le nombre de sernas royales diminue drastiquement, tandis que celui des sernas appartenant à d’autres propriétaires reste élevé. Cette évolution s’explique peut-être par un changement dans la manière dont les rois exerçaient leur contrôle sur les mécanismes de pouvoir associés à l’administration locale. Aux viiie et ixe siècles, les rois contrôlaient directement ces territoires (pour l’essentiel de petite taille et dont beaucoup comptaient une place forte en leur centre), dans lesquels les sernas jouaient un rôle clef. Par la suite, ils transférèrent le contrôle de ces terres pour s’assurer l’allégeance d’autres groupes et les sernas firent partie du flux des propriétés alors cédées par le pouvoir monarchique.

Dans le nord-est du plateau du Duero, un nouveau régime émerge des différentes seigneuries locales au tournant des ixe et xe siècles : le comté de CastilleFootnote 47. Si le nombre des sernas connues pour la période du xe siècle est bien plus élevé que dans le Léon, et ce malgré une moindre conservation de la documentation, les comtes de Castille n’avaient en revanche pas le monopole, même partiel, de ces sernas. C’est au cours de ce même siècle qu’ils commencent à contrôler l’usage collectif des espaces associés à certains territoiresFootnote 48, mainmise qui leur permet d’exercer leur autorité en se positionnant au-dessus des élites localesFootnote 49. En Castille, la préservation de ces espaces constitua donc un facteur essentiel dans la construction de l’autorité centrale. Leur pouvoir s’affermissant, les comtes de Castille, à la différence des souverains de Léon, n’abandonnèrent pas leur contrôle sur les communs en échange d’allégeances, mais au contraire le consolidèrent. Cette divergence s’explique peut-être par le fait qu’en Castille, ces espaces continuaient à être un lien crucial entre l’autorité centrale et le pouvoir local.

Hormis les sernas, on trouve également dans les archives des références occasionnelles à des espaces communs partagés – comme dans le cas bien connu de Pardomino – et en particulier à des terres appartenant aux habitants de certains villages, ce qui pourrait refléter le caractère communal de ces espacesFootnote 50. La nature inaliénable de ces communs les rendait cependant moins visibles dans la documentation écrite que les sernas, dont le contrôle pouvait être transféré à un échelon régional supérieur ou au pouvoir royal et qui pouvaient donner lieu au paiement de redevances – et donc à des actes enregistrés dans les archives.

Une révélation documentaire : communautés rurales et communs (1000-1300)

En Italie du Nord, à partir du début du xie siècle et parallèlement à l’établissement de seigneuries rurales, l’émergence de communautés rurales politiquement organisées a entraîné une multiplication des conflits au sujet des communs et d’intenses négociations entre, d’une part, les vicini et, d’autre part, les seigneurs et les grands propriétaires qui revendiquaient la propriété légale des communs comme attribut de leur iurisdictio. Toutefois, jusqu’à la fin du siècle, les communautés locales ne pouvaient disposer des communs. Les accords passés stipulaient en général le droit de la communauté à utiliser les communs tout en formalisant leur maîtrise éminente par les seigneurs.

La situation n’évolue qu’à la toute fin du xie siècle et au cours du xiie siècle, lorsque le système des consuls se met en place et que le profil institutionnel des communautés locales se clarifieFootnote 51. À cette même période, celles-ci commencent à jouir de pleins droits sur les communs, y compris celui de les vendre. Les conflits de plus en plus fréquents entre seigneurs et communautés locales entraînent bien souvent la partition des communs ou leur concession à la communauté sous forme de fief, celle-ci pouvant alors en disposer sans restriction. Ces dynamiques ont abouti à la formalisation des droits sur les communs, accompagnée cependant d’une profonde réévaluation de ces ressources par rapport aux siècles précédents : les communs deviennent ainsi un droit qui n’est plus associé à la propriété mais plutôt à la résidence, distinction clairement établie dans plusieurs décisions de justice rendues dans le Piémont et en Lombardie au xiie siècle et au début du xiiie siècle qui privaient les résidents de villages locaux d’accès aux communsFootnote 52. Cette évolution s’est accompagnée d’une augmentation des litiges au sujet des communs. Auparavant considérés comme des ressources largement accessibles aux communautés locales, les bois et les pâturages se définissaient de plus en plus par rapport à un territoire, quand ils n’étaient tout simplement pas délimités par des frontières (termini)Footnote 53. Cette évolution reflète la profonde spatialisation des relations sociales qui s’opère à cette époque et la part que les communs ont prise dans ce processus.

Les nouveaux équilibres institutionnels autour des communs conduisirent à une différenciation de leur gestion et de leur forme physique selon la géographie. L’accroissement démographique constant poussa les communautés des plaines à défricher de vastes étendues de forêt pour les convertir en champs, en vendant parfois une partie importante au passage. Transformés de la sorte – et donc loin d’avoir disparu –, les communs se voyaient en grande partie loués à des personnes privées. Tout en conservant leur importance primordiale pour les économies locales, ils devinrent des biens patrimoniaux gérés indirectement et placés sur le marché foncier, leur caractère collectif ne subsistant qu’au travers de leur propriété légale. Les nouvelles formes de gestion ont souvent creusé l’écart au sein des communautés, en particulier entre les familles les plus modestes, privées des friches dédiées à un usage collectif, et les élites rurales, soucieuses d’accroître les profits tirés de la location de ces propriétés. La plupart du temps, les pâturages et les bois à usage collectif ont subsisté le long des cours d’eau et dans les plaines inondables, où des travaux de drainage étaient régulièrement entrepris – parfois complétés par un travail du sol et la plantation de vignobles sur les îles fluviales à usage collectifFootnote 54. Dans la plaine du Pô notamment, les communs des zones fluviales furent relativement préservés, permettant la survie d’une économie « marginale » fondée non pas tant sur l’agriculture que sur les activités pastorales et forestières. L’exploitation des pâturages d’hiver pour le bétail en provenance des Alpes a ainsi revêtu une importance centrale : la transhumance est à nouveau attestée dans les sources documentaires de la fin du Moyen Âge, et son itinéraire suit en grande partie les cours des rivièresFootnote 55.

Dans les zones montagneuses, de plus grandes étendues de terres communes ont été préservées. Cependant, l’exploitation des jachères y est devenue beaucoup plus intense, donnant lieu à une utilisation « verticale » du paysage de montagne, progressivement spécialisé en fonction de l’altitude : les pâturages se développent tandis que les ressources forestières sont exploitées grâce à la pratique du recépage. Cette exploitation s’est traduite par l’élaboration d’une réglementation détaillée, dont on retrouve les traces dans les nombreux statuts et chartes rurales à partir du xiiie siècleFootnote 56. Le plus souvent promulguées par des communautés villageoises, elles pouvaient parfois concerner plusieurs villages gérant conjointement des ressources partagées telles que les forêts et les pâturagesFootnote 57. Les zones de lagunes constituent un autre cas particulier, la plus importante étant celle de la côte Adriatique entre la Vénétie et l’Émilie. À partir des xiie et xiiie siècles, les communautés locales y ont développé des formes de gestion en grande partie mixtes. L’utilisation extensive des ressources permettait ainsi aux communautés locales de pêcher de petites quantités de poisson tout en louant des zones à des entrepreneurs, lesquels exploitaient de manière intensive les ressources locales (notamment en investissant dans les infrastructures) pour approvisionner de grands marchés urbains, souvent relativement éloignésFootnote 58. La visibilité croissante des communs dans les sources reflète surtout l’évolution de la structure politique des communautés et l’intensification de leur production textuelle. En effet, la définition de plus en plus précise des modalités d’administration des communs par les communautés a encouragé la rédaction de règlements régissant l’accès à ces biens.

S’agissant du plateau du Duero, la visibilité des communs dans les sources écrites s’accroît également au cours des xie et xiie siècles. On assiste alors à une plus grande formalisation d’un type de communs qu’il faut comprendre comme des droits d’usage gérés par des règles coutumières. Cette évolution s’explique peut-être par la prévalence grandissante de la seigneurie, à la recherche de formulations juridiques garantissant le contrôle seigneurial sur les communs locaux. Nous disposons toutefois d’informations très vagues : les véritables descriptions des communs sont rares, et les explications sur leur gestion quotidienne inexistantes puisque celle-ci n’était en général pas la prérogative de la seigneurie mais relevait des communautés elles-mêmes. La plupart des références concernent à nouveau les sernas. Dans certains textes, on peut observer la double structure des droits qui les caractérisait alors, notamment dans les cas où le propriétaire récupérait la jouissance exclusive de certaines parcelles d’une serna. Ici, le niveau supérieur peut facilement être identifié comme étant la seigneurie, domination qui semble avoir impliqué le paiement de redevancesFootnote 59. Il est plus difficile de déterminer qui avait la jouissance des sernas, les usagers étant probablement très divers, bien que certains textes désignent une communauté ruraleFootnote 60. Ces parcelles étaient consacrées à différentes cultures (céréales, vignes, champs de lin) ainsi qu’au ramassage de bois de chauffage.

De la même façon, les zones partagées par plusieurs communautés (mancomunales), également définies comme des montes, ou « hautes terres », apparaissent fréquemment dans la documentationFootnote 61. Elles étaient utilisées comme pâturages, pour la collecte de bois de chauffage ainsi que pour les cultures saisonnières. Les ménages, dont la subsistance dépendait de l’agro-pastoralisme, avaient en effet besoin de pâturages pour faire paître leur bétail et d’un accès aux ressources de base comme le bois de chauffage. Une grande partie de ces montes se trouvait sur des territoires comprenant peu d’établissements humains. Des travaux de recherche ont suggéré que ces espaces partagés ont pu apparaître au début du Moyen Âge au terme d’un processus « ascendant » (bottom-up)Footnote 62. Leur gestion en commun pourrait bien avoir fait partie des premiers modèles médiévaux d’organisation politique localeFootnote 63 avant que, dans un second temps, les rois ne revendiquent une autorité suprême sur ce type de communs. Ont-ils procédé à un tel accaparement en arguant de leur prérogative sur les bona vacantia (biens sans propriétaire)Footnote 64 ? C’est douteux. En réalité, les montes appartenaient bel et bien à quelqu’un : les communautés, qui jouissaient de droits d’usage sur ces espaces dont la gestion leur fournissait un cadre d’action politique à l’échelle locale, efficace bien que peu formalisé. Le contrôle de ces ressources essentielles n’était pas une question de principe juridique, mais un moyen de déployer l’autorité royale à l’échelle des territoires.

La plupart des références aux montes se trouvent dans des documents concernant des litiges causés soit par l’exclusion d’une des communautés au motif de son intégration au domaine d’une seigneurie tandis que le reste demeurait sous contrôle royal (realengo), soit par l’appropriation d’une partie d’un monte par un seigneur. Le premier cas de figure semble avoir été perçu comme une menace pour le statu quo, l’implication d’un nouvel acteur signifiant qu’en cas de conflit, un protecteur puissant pouvait arbitrer en faveur de l’une ou l’autre partie. De manière générale, les seigneurs cherchaient à défendre leurs vassaux et à préserver leur droit à l’utilisation des terres communales, et la résolution de certains de ces conflits montre que leurs appels au roi étaient écoutés. Dans le second cas de figure, le roi aurait accordé au seigneur le contrôle d’un espace commun, exerçant ainsi une autorité supérieure en tant que garant de l’usage de cet espace. Cependant, cette autorité était définie en termes de propriété et se confondait souvent avec elle, si bien que le bénéficiaire revendiquait parfois le droit de faire paître ses troupeaux – en général plus nombreux – dans ces espaces ou imposait une sorte de taxe pour les utiliser. Une telle appropriation suscitait naturellement la réaction des autres usagers et aboutissait fréquemment à la séparation d’une partie de l’espace communautaire, transformée en propriété exclusive du seigneurFootnote 65. Le système seigneurial et les agissements de ceux qui en bénéficiaient ont surtout eu pour effet de révéler les tensions potentielles à propos des biens à usage collectif, autrefois résolues de manière locale et informelle. Désormais, les conflits se réglaient à l’intérieur de cadres juridiques régis par une autorité extérieure à la communauté des usagers. Même les accords qui n’étaient pas fondés sur des droits de propriété mais sur la coutume et le recours aux ordalies créaient et consolidaient un cadre d’action conditionné par les seigneursFootnote 66.

Les références à des communs de villages, fort rares, sont statistiquement insignifiantes. Le système seigneurial reposait de fait principalement sur le contrôle d’ensemble de toutes les communautés, alors que la gestion des communs était laissée aux communautés elles-mêmes. Lorsque ces terres apparaissent dans les documents, il est seulement fait mention de l’attribution par le seigneur du contrôle de ces espaces collectifs aux communautés rurales concernées, et jamais de détails relatifs à leur gestionFootnote 67. En un sens, les quelques sources préservées sont peut-être simplement la trace d’une coutume textuelle liée au système seigneurial local ; dans la pratique, les communs ont toujours été aux mains des communautés rurales.

Enfin, plusieurs textes signalent l’existence d’églises locales gérées par ce que l’on appelait des assemblées communautaires (conceios) – soit des groupes d’individus définis par leur lieu de résidence ou simplement un grand nombre de chefs de famille sans lien de parenté. La visibilité de ces églises est particulièrement remarquable dans les documents de la seconde moitié du xie siècle, époque à laquelle elles deviennent des paroisses, parfois à l’initiative des évêques ou sous l’autorité de l’un des principaux monastères. Globalement, les accords avec le pouvoir ecclésiastique sont bien documentés, de sorte que nous savons que les communautés conservaient une partie des dîmes collectées et qu’elles nommaient également le prêtre en charge de l’égliseFootnote 68. En outre, des fouilles archéologiques ont montré que de nombreuses églises locales furent construites à partir des viiie et ixe siècles, en contraste frappant avec les siècles précédentsFootnote 69. Si beaucoup de ces fondations sont évidemment liées à l’activité des élites, dans d’autres cas, il est probable que l’initiative soit venue des communautés elles-mêmes.

Communes urbaines et biens communaux (1100-1300)

Ce n’est qu’à la fin du xie siècle, avec l’apparition des communes italiennes et du gouvernement consulaire, que sont attestés non seulement les premiers cas de vente et d’aliénation des communs, mais aussi leur gestion indépendante des autorités épiscopales (en charge de l’administration des villes italiennes au début du Moyen Âge). La formalisation des communs remonte donc à cette période, selon un rythme accéléré à partir de la fin du xiie siècle, avec l’instauration d’un ordre institutionnel mieux défini. Un tournant important est pris vers 1190-1220, avec le lancement d’enquêtes (inquisitiones) par de nombreuses communes dans le but de soustraire les communs à toute forme de contrôle extérieur, notamment épiscopal, aristocratique ou privéFootnote 70. Cette innovation, associée à la production de registres et à la diffusion de documents sous forme de listes, survient parallèlement à l’établissement des podestà. Exerçant une charge annuelle, ces hauts magistrats étrangers à la cité contribuèrent, au gré de leurs affectations successives, à diffuser ces listes au sein des communes italiennesFootnote 71. Les enquêtes étaient dirigées, partant, contre les milites urbains locaux (chevaliers) ou les évêques qui continuaient à exercer des droits juridictionnels sur les terres à usage collectif, et se justifiaient par la nécessité d’empêcher tout acte d’« usurpation » par des particuliers, à l’instar de ce qui se passa à Vercelli en 1192. En s’appuyant sur des études de cas concernant principalement l’Italie centrale, Jean-Claude Maire Vigueur a plusieurs fois souligné le monopole des milites urbains locaux sur les communs, prérogative qui découlait de leur action défensive des intérêts de la ville. Les communs ont ainsi probablement été une source importante de conflit entre le peuple et l’aristocratie, même s’il faut se garder de supposer que cette dernière exerçait un contrôle exclusif sur l’ensemble des communs dans toutes les villesFootnote 72.

Ce sont souvent les classes dirigeantes des communes, y compris des communes populaires émergeant vers le milieu du xiiie siècle, qui ont le plus profité de ces allocations de terres. La « révolution documentaire » menée par les communes populaires a renforcé la tendance à la bureaucratisation de ces ressources, à laquelle les enquêtes ont pleinement participéFootnote 73. Si ces dernières ne visent pas à rétablir l’usage commun des terres en jachère, qui ont été en grande partie mises en culture et affermées, elles s’étendent toutefois à des biens qui n’avaient jusqu’alors jamais été réservés à un usage collectif, en englobant comme comunia, en plus des pâturages et des forêts collectives, au moins trois types de biens différents. Sont concernés, en premier lieu, les arcades, les rues et les plans d’eau, que les juristes commencent à considérer comme des droits publics (regaliae) aux mains des autorités urbaines. Viennent ensuite des bâtiments appartenant aux communes, tels les moulins, les maisons et les palais publics. S’y ajoutent enfin de vastes zones extra-muros, dans les contados (des étendues territoriales contrôlées politiquement par les communes et qui avaient largement les mêmes frontières que les diocèses), soit par l’expropriation des propriétés épiscopales, soit par des rachats ou des confiscations au détriment des seigneurs locaux et même des communautés rurales. Les comunia de la campagne deviennent alors essentielles face à la croissance de la population urbaine. Les jachères collectives à la disposition des communautés rurales connaissent une sévère réduction, les comunia des contados étant transformées en terres arables et mises sur le marché foncier par le biais d’affermages, au nom d’une rhétorique prônant la conversion de la sterilitas en fertilitas Footnote 74.

Au cours du xiiie siècle, les communs – convertis en grands patrimoines placés sous l’autorité des communes et gérés via des contrats de location et de vente – s’inscrivent donc progressivement dans un système administratif complexe associant les agents responsables de ces ressources, des enquêtes périodiques et la tenue de registres détaillés. La gestion des comunia se bureaucratise toujours davantage, conformément à une nouvelle appréciation de leur utilité publique (publica utilitas) : les communs ne sont plus conçus comme une source de bénéfice direct pour la population, mais plutôt comme un moyen de contribuer indirectement aux recettes publiques. En d’autres termes, les communes urbaines ont contribué à leur donner une nouvelle cohérence, tant du point de vue de leur superficie globale que de leur définition même (comme des biens appartenant aux communes et gérés avec le reste de leur patrimoine).

Le développement urbain s’est effectué beaucoup plus lentement sur le plateau du Duero que dans le nord de l’Italie. Cependant, aux xiie et xiiie siècles, des agglomérations (villas) se sont développées à un rythme soutenu dans les régions chrétiennes de la Péninsule ibériqueFootnote 75. Les villas étaient des communautés politiques, définies par un critère de résidence et détentrices de chartes de commune (fueros) leur accordant un statut politique et juridique particulier – dans le plateau du Duero, ces chartes étaient généralement, mais pas exclusivement, octroyées par le roi. Durant cette période, les modes d’affirmation du pouvoir politique de la Couronne de Castille ont évolué, avec l’établissement d’un niveau « supérieur » de contrôle royal sur les territoires locaux. La monarchie laissait désormais aux villas nouvellement créées la gestion directe du realengo (domaine royal), à condition que la nouvelle institution politique, le concejo, reconnût l’autorité suprême du monarque. Celle-ci se traduisait par le paiement de redevances et par le maintien d’une juridiction partielle – mais jamais prégnante – sur les systèmes politiques des villas Footnote 76.

Du fait de cette réorganisation, les villas exerçaient sur les communs le contrôle précédemment réservé aux souverains. Des fueros du xiie siècle attestent la participation des concejos aux communsFootnote 77. Dans certains cas, les villas géraient les friches et détenaient le contrôle sur les droits d’accèsFootnote 78. L’émergence de ces nouveaux acteurs a naturellement modifié le mode de gestion des communs. Malgré des relations parfois tendues en raison de l’absence de limites clairement définies, les villas ont cherché à conclure des accords entre elles afin que ces droits soient mieux formalisés, notamment par l’utilisation de bornesFootnote 79. Le principal résultat reste toutefois la transformation des communs en propriété appartenant au concejo. Les droits d’accès sont devenus des corollaires de la mitoyenneté (c’est-à-dire du statut de voisin, ou vecino) par rapport à la ville et la gestion correcte de ces ressources s’est révélée primordiale pour la défense de la « propriété commune ».

Le sud de la vallée du Duero se caractérisait par l’existence de puissants concejos contrôlant de vastes territoires, dont certains jouissaient d’une grande capacité d’action politique en l’absence de seigneurs laïcs ou ecclésiastiquesFootnote 80. Les communs étaient essentiels au fonctionnement des concejos, en particulier dans les zones montagneuses peu habitées du Système central où l’élevage représentait l’activité principaleFootnote 81. L’évolution de la partie méridionale du plateau du Duero, intégrée relativement tard dans les royaumes chrétiens et dépourvue d’une solide tradition seigneuriale, a favorisé une organisation locale dans laquelle le partage des communs est devenu la pierre angulaire de la pratique politique. Les plus anciens documents écrits de la région montrent que des zones à usage collectif sous le contrôle de certaines villes existaient déjà dans la première moitié du xiie siècleFootnote 82. On peut néanmoins penser que d’autres ressources contrôlées par les communautés rurales échappaient initialement à l’autorité des villas Footnote 83. Aux xive et xve siècles, les communs sous le contrôle des villas, spécifiquement destinés au pâturage, se voyaient soumis à un système de droits particulier : ils étaient accessibles aussi bien aux habitants des petits villages situés à proximité qu’aux éleveurs vivant dans la villa Footnote 84. Il est fort probable que le pouvoir exercé par les concejos sur les campagnes se soit construit par la mise en place progressive d’un contrôle sur des ressources collectives préexistantes. Une fois encore, la clef de ce processus a été la définition de ces droits et de ces espaces par les autorités qui les contrôlaient. Si les terres autrefois à usage collectif devenaient des propriétés des concejos et que la participation des habitants des villas était autorisée, dans la pratique, seuls ceux qui possédaient suffisamment de bétail et les moyens d’acheminer leurs troupeaux jusqu’à ces sites pouvaient y accéderFootnote 85.

Des communs résilients : la réorganisation de la propriété collective (1300-1500)

Si la recherche en langue anglaiseFootnote 86 s’est particulièrement intéressée à la période 1300-1500, en raison de la centralité des enclosures dans l’Angleterre médiévale tardive, c’est sans doute la période la moins étudiée dans l’historiographie italienne sur les communs. La raréfaction des communs et la restriction de leur accès par certaines classes sociales s’observent également en Italie, mais des formes plus ouvertes d’interaction sociale y prévalent. Il serait donc trompeur de réduire ce processus à une érosion des communs aux mains des grands propriétaires terriens et des élites urbaines au détriment de communautés sans pouvoir.

Certes, l’idée d’un processus d’expropriation et de prolétarisation des masses rurales qui en aurait fait – au xive siècle en particulier – des travailleurs salariés et des métayers ayant un accès limité aux communs reste globalement valideFootnote 87. Cependant, cette interprétation doit prendre en compte la résistance opiniâtre des communautés rurales de l’Italie du Nord, notamment dans les régions montagneuses et les zones humidesFootnote 88, ainsi qu’un cadre économique dans lequel les processus de commercialisation permettaient un accès plus large aux biens de consommationFootnote 89 et interroger la façon dont ce contexte a affecté les communs. C’est dans les plaines et les régions vallonnées (sans être montagneuses), durement touchées par le dépeuplement des villages au xive siècle et au début du xve siècle, que les conséquences furent les plus spectaculaires. Ces désertions ont entraîné une crise des structures communautaires des villages, mettant en péril leur capacité à gérer leurs communs ou à supporter leur charge fiscale. L’abandon ne serait-ce que temporaire des villages pouvait conduire à la disparition des communs, immédiatement appropriés par des particuliers ou aliénés. Dans d’autres circonstances, les acquisitions effectuées par de grands propriétaires terriens désireux d’accroître leurs pâturages pouvaient contribuer à dépeupler les villages et entraîner la disparition des communsFootnote 90.

S’agissant de la gestion des communs, au moins trois innovations majeures marquent la période. La première a trait au rôle joué par l’État : à partir de la fin du xiiie siècle, on assiste, en Anjou puis à Venise et à Sienne, à la raréfaction et au transfert des communs à des États de plus en plus puissantsFootnote 91. La deuxième est de nature légale : les communautés tendent à réagir à la pression croissante sur les communs en renforçant le système juridique qui en garantit l’accès au moyen de réglementations écrites détaillées. La dernière est d’ordre organisationnel : danscertaines régions comme le Trentin, la Vénétie et l’Émilie, l’accès au commun est modifié, avec la création des partecipanze. Ce mode particulier de gestion crée une communauté dans la communauté, qui revendique l’utilisation des communs sur une base héréditaire et, en général, patrilinéaire – excluant par conséquent les immigrants récents –, selon un type de configuration qui a donné lieu à des études fort intéressantes sur les communs et le genre en ItalieFootnote 92.

Enfin, alors que dans les régions alpines et apennines, les communs continuaient à couvrir de vastes zones, dans les plaines, les communautés commencèrent à réorganiser la gestion de leurs communs en réaction à leur amenuisement. Beaucoup des terres à usage collectif furent ainsi vendues au bénéfice de fours et de moulins, la poursuite de l’intérêt public rencontrant la recherche du profit. Si cette restructuration des communs était indubitablement motivée par la pression croissante, notamment fiscale, exercée sur les communautés, elle traduisait également la nécessité de fournir des services essentiels aux habitants, dans la mesure où ceux qui géraient ces infrastructures au nom de la communauté se voyaient tenus de lui fournir du pain et de la farine. Les fours et les moulins, nouvelles clefs de voûte des ressources collectives, étaient jalousement gardés ; ils ne furent cédés qu’une fois les dernières terres communes louées. Ces opérations ont aussi permis de maintenir un équilibre entre la nécessité d’exploiter les communs comme source de revenus et celle d’éviter un endettement trop important de la communauté, en l’occurrence en mettant aux enchères des contrats d’exploitation. Les communs se sont ainsi progressivement transformés en une sorte de service public. Si les terres en jachère, les pâturages et les forêts à usage collectif ont perduré dans les plaines, le rétrécissement progressif de leur surface conduisit à les utiliser de manière intensive et soigneusement réglementée.

Cette réorganisation communautaire s’est accompagnée d’un nombre croissant de procès pour usurpation de ressources communes au xve siècleFootnote 93. Contrairement à ce que suggèrent les études sur des phénomènes similaires dans d’autres régions européennes, cette augmentation spectaculaire ne doit pas simplement être interprétée comme le signe de la pression exercée sur les ressources collectives par les classes dominantes, mais plutôt comme le reflet de conflits sociaux plus larges, suscités par les nouvelles formes de gestion des communs introduites par les communautés localesFootnote 94. Les procédures judiciaires engagées par les communautés urbaines et rurales contre ces usurpations témoignent surtout de leur volonté de réorganiser la gestion des communs. Dans plusieurs de ces procès, les grands propriétaires terriens, qui avaient pourtant largement contribué à l’appauvrissement des ressources collectives, se sont opposés aux tentatives des communautés de louer ou même de vendre les communs afin d’investir dans des fours et des moulins. Un tel paradoxe n’est toutefois qu’apparent ; ces surprenants défenseurs de l’accès libre et sans restriction aux communs avaient fort à gagner car ils y faisaient paître des quantités considérables de bétail.

S’agissant du plateau du Duero, les sources documentaires du xiiie au xve siècle révèlent que la notion de communs de villages a perduré jusque dans les zones situées au sud du fleuve. Les églises contrôlées par les communautés ont également survécu pour devenir l’épine dorsale de la résistance contre les intérêts paroissiaux des grands monastèresFootnote 95. Cependant, des études sur le bas Moyen Âge ont mis en évidence la pression croissante exercée par ceux qui cherchaient à privatiser ces ressources. Nombre de ces « usurpateurs » appartenaient à l’élite des concejos, créant une situation apparemment paradoxale : c’était souvent d’importants officiels des villas qui menaient des actions (parfois violentes) contre les droits des concejos. Cette situation doit néanmoins être replacée dans le contexte des conflits internes des oligarchies urbaines : la formation de petites seigneuries rurales ou la revendication du contrôle des pâtures et d’autres ressources pouvaient être un moyen de renforcer le statut de certaines familles cherchant à assurer leur position sur la scène politique localeFootnote 96. En retour, ces pratiques ont abouti à l’émergence d’un discours politique propre à tous ceux qui n’appartenaient pas aux élites (les pecheros), visant à défendre le caractère de « propriété commune » des communs contre les appétits de l’oligarchie urbaineFootnote 97.

Notons toutefois que les paysans locaux ont également pris part à ces « usurpations », qui ne peuvent donc être entièrement imputées à la cupidité de l’oligarchie. Les principaux propriétaires de bétail sont probablement ceux qui ont bénéficié de l’usage collectif, par rapport aux familles qui préféraient d’autres formes d’exploitation, comme la culture du lin ou la vigneFootnote 98. Comment expliquer dès lors de tels conflits ? Peut-être sont-ils liés à la façon dont la notion de propriété urbaine, alors émergente, avait modifié les formes traditionnelles d’usage : ce qui était considéré comme des « usurpations » du point de vue des villas représentait en fait des usages légitimes pour de nombreux paysans. Les communs aux mains des municipalités urbaines n’étaient cependant pas toujours gérés en faveur des populations rurales, qui n’avaient pas les moyens de constituer un patrimoine foncier leur permettant de payer des impôts ou de participer pleinement à l’économie de marché en plein essor.

Non seulement la pression exercée sur les communs n’a pas entraîné leur disparition, mais elle a révélé leur résilience, en particulier dans les concejos au sud du Duero. Des exemples de réglementations imposant un usage collectif de manière verticale ont été interprétés comme la preuve de la nécessité de protéger les communsFootnote 99. Si tel était le cas, l’objectif a été atteint, ceux-ci ayant survécu. On ne peut toutefois exclure que ces réglementations aient également servi à consolider le pouvoir politique des concejos sur les communs. Le succès de la fiscalité royale a aussi joué un rôle dans la transformation des communs en propriétés des concejos qui pouvaient être louées en échange d’une redevance (bienes de proprios). Ce processus a occasionné une agrarisation croissante des terres communes afin d’en maximiser les revenus. Les tierras sernas de Medina del Campo, par exemple, étaient des parcelles cultivables par les membres de la communauté, mais pouvaient aussi être partiellement exploitées en échange d’une redevance. Cette combinaison, certainement courante, permettait à ces terres de garder leur dimension communautaire, voire identitaire, tout en collectant les revenus nécessaires aux finances localesFootnote 100. En dépit des fréquentes transactions de terres en friche dans le royaume de Castille au xvie siècleFootnote 101, les communs sont restés un élément essentiel des systèmes agricoles de la Péninsule ibérique, et ce jusqu’à l’époque moderne.

Des expériences communes mais différentes

Ce cheminement croisé à travers l’évolution des communs en Italie du Nord et sur le plateau de Duero met en évidence des similitudes auxquels la dernière partie de cet essai sera consacrée. Pour chacune des deux régions, l’examen attentif de la documentation et des traces archéologiques disparates permettent de faire remonter l’existence des communs au début du Moyen Âge. Faute d’une définition claire des communautés rurales sur le plan institutionnel, les contours des communs de cette période restaient flous et leur système de gouvernance informel. De plus, parce que ces terres étaient destinées à un usage collectif et ne se définissaient pas en termes de propriété, elles n’apparaissent que furtivement dans la documentation et l’on peine à établir la chronologie de leur genèse. Même s’il faut en rester au registre de l’hypothèse, ces ressources collectives pourraient s’être développées dès le début du Moyen Âge, à un moment où la paysannerie jouissait d’une plus grande capacité d’action. Dans ce contexte, les communs ont pu être l’un des principaux axes structurant l’action politique locale. L’implication des autorités centrales dans la gestion des communs, en général depuis une position dominante et à distance de l’activité quotidienne, constituait alors un moyen efficace d’intégrer des niveaux de pouvoir plus élevés dans les affaires locales. Pour cette raison, la confusion entre propriétés à usage collectif et biens publics ou appartenant au roi était fréquente, comme le montrent chacune à leur manière les deux études de cas.

Au xie siècle, les droits associés à ces espaces connaissent une formalisation progressive. Dans les deux régions, les modes d’utilisation des communs sont codifiés et un type de gestion où les communautés jouissent d’un large champ d’action se met en place. Loin de représenter une menace pour les communs, les seigneurs locaux cherchent à établir un statu quo leur permettant de se poser en protecteurs de ces espaces et de leur utilisation par les paysans de leur seigneurie. Il ne s’agit pas de la création des communs – qui existaient déjà –, mais de leur adaptation aux conditions d’un pouvoir local et « spatialisé », à une époque où se cristallisent des espaces sociaux tant matériels que conceptuelsFootnote 102. Ce processus s’est accompagné d’une plus grande territorialisation des communs, de mieux en mieux définis, notamment au moyen de frontières physiques. Leur formalisation a donc été un processus performatif qui a refaçonné l’usage collectif et lui a conféré un nouveau sens, mais elle n’a pas donné lieu à une création ex nihilo. Les communs sont progressivement devenus des propriétés communautaires, modifiant au passage la conception qu’avaient de ces espaces ceux qui les géraient et les utilisaient.

Au cours des siècles qui ont suivi, ces biens communautaires ont également été intégrés à l’organisation politique urbaine. Bien que ce processus ait évidemment été très différent selon les régions, les villes et les bourgs ont participé de façon croissante à la structuration de ces ressources tout au long du Moyen Âge central. Les communs deviennent alors une composante essentielle du « bien commun », compris aussi bien comme un idéal que comme une pratique concrète. Cette conceptualisation a favorisé leur survie sous le contrôle des villes, des princes et des rois à la fin de la période médiévale, tout en permettant à ces autorités de mettre en place divers modes de gestion des communs, parmi lesquels l’affermage ou le défrichement. Néanmoins, il existe des preuves d’attaques et d’usurpations. Au cours des derniers siècles du Moyen Âge, les communs ont ainsi fait l’objet d’appropriations, parfois légales mais le plus souvent illégales, par différents groupes sociaux. Il ne fait aucun doute que les élites urbaines, désireuses d’ériger de petites seigneuries et de consolider leur position au sein du système politique urbain, y ont participé de manière prépondérante. Cependant, les membres de ces élites comptaient aussi parmi les plus ardents défenseurs des espaces à usage collectif, probablement parce qu’ils permettaient un accès facile aux pâturages à une époque où l’élevage était très rentable. Du reste, des usurpations de communs ont également été commises par des paysans, peut-être pour se constituer un patrimoine foncier privé destiné aux cultures afin de répondre à la demande des marchés urbains.

Alors que les communs devenaient un « bien commun », la consolidation du pouvoir de l’État à la fin du Moyen Âge a progressivement placé le contrôle, l’appropriation et la surveillance de ces ressources entre les mains des institutions étatiques. Dans l’ensemble, les communs ont donc été un élément important dans la construction du domaine royal au Moyen Âge central et tardif, bien qu’ils n’aient jusque-là été traités qu’assez superficiellement dans l’historiographie – et notamment celle portant sur la FranceFootnote 103. De manière plus générale, les communs médiévaux ne peuvent être appréhendés séparément des biens publics tant en Italie du Nord que sur le plateau du Duero. Ainsi, sur la longue durée, il faut les considérer à la charnière d’une sorte d’équilibre instable entre les communautés et les droits des États, dans un cycle de transformation permanente des biens publics en communs et vice versa.

L’analyse comparative de ces régions a également révélé des différences significatives, notamment en ce qui concerne les formes de gestion, le rôle des villes et la structure des communautés. La première différence porte sur le caractère plus nettement agraire des communs italiens, en particulier dans les plaines. Alors que des formes d’utilisation extensive et indivise par les communautés locales prédominaient en Ibérie, les communs italiens se voyaient souvent transformés en terres arables et louées. Par ailleurs, l’un des principaux moyens d’organiser la propriété collective dans le nord de la Péninsule ibérique au cours du Moyen Âge central semble avoir été le partage des communs entre plusieurs villages. En Italie, en revanche, une telle pratique ne se rencontre qu’occasionnellement dans les zones alpines et fluviales. Le tracé des limites définitives a été un processus particulièrement long, qui s’est poursuivi jusqu’au début de la période moderne. On sait également qu’aux xiie et xiiie siècles, des solutions alternatives ont parfois été adoptées, comme l’élaboration de lois organisant l’accès aux terres en friche par deux communautés voisinesFootnote 104. Reste néanmoins qu’à la même époque, les communautés ne ménagent pas leurs efforts pour établir un contrôle exclusif sur ces ressourcesFootnote 105. En Italie, la tendance à la géométrisation et à la délimitation linéaire des communs à l’échelle du village semble ainsi avoir été plus marquée.

L’importance particulière acquise par les communs fluviaux, notamment dans la plaine du Pô, est également propre à l’Italie. Contrairement au plateau du Duero, un nombre considérable de communs italiens étaient situés le long des cours d’eau et ont fortement influencé certaines activités économiques cruciales telles que la transhumance. Ces communs fluviaux se sont révélés être des niches écologiques contrastant avec les territoires environnants, et ont souvent été encadrés par un régime juridique spécifique – les lois relatives aux masses d’eau, définies comme des droits publics, ou regaliae. Une autre différence cruciale tient au rôle particulier joué par les villes dans l’organisation des communs en Italie, où elles ont été de véritables moteurs de leur transformation tant en milieu urbain que dans le contado. Les communes ont ainsi développé des pratiques innovantes d’appropriation et de gestion des communs, comme les enquêtes sur les usurpations ; elles ont également encouragé la transformation des friches en terres cultivables pour satisfaire les besoins alimentaires de leurs populations croissantes. Dans le nord de l’Ibérie, le rayonnement des villes était bien plus circonscrit et celles-ci avaient moins d’influence sur l’utilisation collective et extensive des ressources communes.

Enfin, des différences se font jour en termes de contrôle institutionnel des communs – l’Italie apparaissant en avance de ce point de vue. Sur le plateau du Duero, si des communautés ont très tôt émergé, déjà organisées autour des communs au xe siècle, leur degré d’institutionnalisation restait relativement faible : à quelques exceptions près, les usages et les droits concernant les communs n’étaient pas formalisés. Ces mécanismes ont été occasionnellement invoqués dans le cadre de litiges, mais sans donner lieu à une formalisation juridique stabilisée. Le contrôle des églises par des assemblées communautaires et la prééminence des groupes locaux qui en résulte s’expliquent peut-être par l’absence d’autorités centrales solides aux viiie et ixe siècles, période à laquelle des églises locales ont commencé à s’établir dans la région. Si la mise en œuvre de la réforme grégorienne au cours des xie et xiie siècles a révélé cette situation sur le plan documentaire, elle n’a pas fait pour autant disparaître la présence d’églises aux mains des communautés rurales, qui a perduré dans certains évêchés jusqu’au xive siècle. Rien de tel a priori en Italie du Nord, où un puissant processus d’organisation interne de la communauté s’est mis en place, souvent stimulé par des seigneurs ruraux cherchant à obtenir le contrôle des communs. Cette évolution a également conduit à l’élaboration de réglementations détaillées régissant l’accès à ces ressources, consignées par écrit sous forme de chartes rurales. Inversement, sur le plateau du Duero, le système seigneurial a dû s’adapter aux solidarités communautaires préexistantes et extrêmement fortes. Une fois établies, les coutumes et les pratiques seigneuriales ont donc eu tendance à ignorer les communs ; la gestion quotidienne restant du ressort des communautés, celles-ci n’ont pas éprouvé le besoin de définir formellement leurs droits.

Au début de cet article, nous avons évoqué le tableau historiographique comparant les sociétés du nord de l’Europe, plus cohésives et moins inégalitaires en raison de la force de leurs communs, avec celles du sud de l’Europe et du monde méditerranéen, où le système seigneurial et la faiblesse de communs plus volatiles ont pu façonner des sociétés plus inégalitaires. Assurément, il existe des différences significatives entre les régions d’Europe du Sud étudiées ici et l’Europe du Nord. Dans l’ensemble, les pratiques agricoles collectives telles que les champs ouverts étaient moins répandues en Europe du Sud, en particulier au cours du Moyen Âge central et tardif. Les communs d’Europe méridionale se distinguaient également par l’importance des terres cultivées, devenues la cible principale des processus d’agrarisation et de privatisation. Bien que l’on trouve des cas similaires en Europe du Nord – notamment les enclosures en Angleterre –, la présence de nombreux pâturages impropres à la culture a probablement favorisé la persistance des communs sur le long terme. Que beaucoup de communs mis en culture aient été gérés par des baux dans le sud de l’Europe n’implique pas qu’il faille sous-estimer leur rôle structurant : dans de nombreux cas, les terres agricoles communes sont restées sous le contrôle des communautés locales et ont été cruciales dans l’économie collective. Dans le monde méditerranéen, la mise en place de clôtures pouvait même traduire l’effort des communautés pour limiter l’influence des grands propriétaires terriens pratiquant l’élevage intensif, qui avaient fort à gagner de pâturages ouverts. Dans cette perspective, l’analyse des communs dans la Péninsule ibérique et en Italie invite à faire un usage prudent des notions de public et de privé et remet en question l’approche adoptée par l’historiographie la plus récente sur le sujet, qui associe généralement la première notion à la défense communautaire des communs et la seconde à une tendance à les usurper et à les privatiser. Au terme de cette étude comparative sur la longue durée, le tableau apparaît bien plus nuancé : ce sont souvent les communautés locales elles-mêmes qui ont limité l’utilisation collective des terres en jachère afin de promouvoir des formes plus complexes de gestion des communs.

Ces deux cas, qui reflètent une dynamique globale avec des variations régionales, soulignent que les communs n’étaient en rien marginaux en Europe du Sud. Contrairement à l’intuition courante, le pouvoir des seigneuries, des villes ou des États n’a pas conduit à la dilution de l’usage collectif ; ces autorités ont en effet constamment cherché à se positionner comme défenseurs de ces ressources afin de légitimer leur pouvoir à l’échelle locale. Si, au fil du temps, des changements substantiels sont intervenus dans l’agencement et la conceptualisation des communs, cela n’entraîna pas leur disparition. Ils manifestèrent au contraire une extraordinaire résilience, c’est-à-dire la capacité à s’adapter à des conditions changeantes et à la présence de nouveaux acteurs sociaux. La plus grande visibilité acquise par les communs à partir du Moyen Âge central dans les sources documentaires n’est pas synonyme de recréation, mais marque une étape supplémentaire dans une longue séquence d’adaptations. Même si les sources primaires n’en disent rien, la permanence des communs a peut-être à voir avec leur lien à une « économie morale », une éthique de la subsistance dans laquelle tous les foyers d’une communauté donnée devaient être capables de subvenir à leurs besoins (sans être pour autant égaux entre eux). Variant sans doute d’une localité à l’autre, cette logique sociale favorisait la cohésion interne. Cela expliquerait mieux l’intérêt des échelons supérieurs de pouvoir à défendre, chacun à leur manière, les communsFootnote 106 : au niveau des villes ou de l’État, le système seigneurial n’impliquait pas de bouleverser cette « économie morale » appliquée à l’action collective. Au contraire, il bénéficiait de la stabilité sociale et des rentrées financières qui en résultaient.

References

1 Martina De Moor, Leigh Shaw-Taylor et Paul Warde (dir.), The Management of Common Land in North West Europe, c. 1500-1850, Turnhout, Brepols, 2002 ; Elinor Ostrom, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.

2 Jan Luiten van Zanden, « The Paradox of the Marks: The Exploitation of Commons in the Eastern Netherlands, 1250-1850 », Agricultural History Review, 47-2, 1999, p. 125-144 ; Bas van Bavel et Erik Thoen, « Rural History and the Environment: A Survey of the Relationship between Property Rights, Social Structures and Sustainability of Land Use », in B. van Bavel et E. Thoen (dir.), Rural Societies and Environments at Risk: Ecology, Property Rights and Social Organisation in Fragile Areas (Middle Ages-Twentieth Century), Turnhout, Brepols, 2013, p. 15-42 ; Tine De Moor, « The Silent Revolution: A New Perspective on the Emergence of Commons, Guilds, and Other Forms of Corporate Collective Action in Western Europe », International Review of Social History, 53, supplément 16, 2008, p. 179-212 ; Maïka De Keyzer, Inclusive Commons and the Sustainability of Peasant Communities in the Medieval Low Countries, Londres, Routledge, 2018.

3 Jean Birrell, « Common Rights in the Medieval Forest: Disputes and Conflicts in the Thirteenth Century », Past & Present, 117, 1987, p. 22-49. Sur la Flandre, voir les travaux cités dans la note précédente.

4 Guido Alfani et Riccardo Rao (dir.), La gestione delle risorse collettive. Italia settentrionale, secoli xii-xviii, Milan, FrancoAngeli, 2011 ; José-Miguel Lana Berasain, « From Equilibrium to Equity. The Survival of the Commons in the Ebro Basin: Navarra from the 15th to the 20th Centuries », International Journal of the Commons, 2-2, 2008, p. 162-191.

5 Daniel R. Curtis et Michele Campopiano, « Medieval Land Reclamation and the Creation of New Societies: Comparing Holland and the Po Valley, c. 800-c. 1500 », Journal of Historical Geography, 44, 2014, p. 93-108.

6 Garrett Hardin, « The Tragedy of the Commons », Science, 162, 1968, p. 1243-1248 ; Carol Rose, « The Comedy of the Commons: Custom, Commerce, and Inherently Public Property », The University of Chicago Law Review, 53, 1986, p. 711-781 ; E. Ostrom, Governing the Commons, op. cit.

7 Sandro Carocci, « Le comunalie di Orvieto fra la fine del xii e la metà del xiv secolo », Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, 99-2, 1987, p. 701-728.

8 Alfonso X, Las siete partidas, éd. par J. Sánchez-Arcilla, Madrid, Reus, 2007, partida tercera, título XXVIII, ley XI, p. 569.

9 Voir en particulier Paolo Grossi, Il dominio e le cose. Percezioni medievali e moderne dei diritti reali, Milan, Giuffrè, 1992 ; id., « Un altro modo di possedere. » L’emersione di forme alternative di proprietà alla coscienza giuridica postunitaria, Milan, Giuffré, 1977.

10 Parmi les travaux individuels qui s’étaient déjà intéressés aux communs dans les années 1970, voir Andrea Castagnetti, « Primi aspetti di politica annonaria nell’Italia comunale. La bonifica della ‘palus comunis Verone’ (1194-1199) », Studi medievali, 15-1, 1974, p. 363-481.

11 Sur les communs et, de manière plus générale, sur l’histoire des communes, voir l’aperçu historiographique dans Maria Teresa Caciorgna, « Beni comuni e storia comunale », in M. T. Caciorgna, S. Carocci et A. Zorzi (dir.), I comuni di Jean-Claude Maire Vigueur. Percorsi storiografici, Rome, Viella, 2014, p. 33-49.

12 Il bene comune. Forme di governo e gerarchie sociali nel basso medioevo, actes de colloque, Spoleto, Fondazione CISAM, 2012. Pour un travail de référence sur l’Europe, voir Élodie Lecuppre Desjardin et Anne-Laure Van Bruaene (dir.), De bono communi: The Discourse and Practice of the Common Good in the European City (13th-16th C.), Turnhout, Brepols, 2003.

13 Par exemple, voir la contribution d’Élisabeth Crouzet-Pavan, « ‘Pour le bien commun…’ : à propos des politiques urbaines dans l’Italie communale », in É. Crouzet-Pavan (dir.), Pouvoir et édilité. Les grands chantiers dans l’Italie communale et seigneuriale, Rome, École française de Rome, 2003, p. 11-40, au titre évocateur.

14 E. Igor Mineo, « Cose in comune e bene comune. L’ideologia della comunità in Italia nel tardo Medioevo », in A. Gamberini, J.-P. Genet et A. Zorzi (dir.), The Languages of Political Society: Western Europe, 14th-17th Centuries, Rome, Viella, 2011, p. 39-67, ici p. 53.

15 Andrea Castagnetti, « La campanea e i beni comuni della città », in L’ambiente vegetale nell’alto Medioevo, vol. 1, Spoleto, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 1990, p. 137-174.

16 Sandro Carocci, « ‘Metodo regressivo’ e possessi collettivi : i ‘demani’ del Mezzogiorno (sec. xii-xviii) », in D. Boisseuil et al. (dir.), Écritures de l’espace social. Mélanges d’histoire médiévale offerts à Monique Bourin, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2010, p. 541-555. Sur la tradition juridique des « usages civiques » dans l’Italie du Sud, voir Stefano Barbacetto, « Servitù di pascolo, ‘civicus usus’ e beni comuni nell’opera di Giovanni Battista De Luca († 1683) », in P. Nervi (dir.), Cosa apprendere della proprietà collettiva. La consuetudine fra tradizione e modernità, Padoue, Edizioni Cedam, 2003, p. 267-297.

17 Voir en priorité Euride Fregni (dir.), no spécial « Terre e comunità nell’Italia Padana. Il caso delle Partecipanze Agrarie Emiliane : da beni comuni a beni collettivi », Cheiron. Materiali e strumenti di aggiornamento storiografico, 14-15, 1990-1991 ; Marco Bicchierai, Beni comuni e usi civici nella Toscana tardomedievale : materiali per una ricerca, Florence/Venise, Giunta regionale Toscana/Marsilio, 1995 ; Renzo Zagnoni (dir.), Comunità e beni comuni dal Medioevo ad oggi, Bologne, Gruppo di Studi Alta Valle del Reno-Società Pistoiese di Storia patria, 2007.

18 Diego Moreno et Osvaldo Raggio (dir.), no spécial « Risorse collettive », Quaderni storici, 81, 1992. Comme le notent les directeurs d’ouvrage, ce volume forme un ensemble avec deux articles « élaborés dans le cadre du même projet », publiés la même année dans le numéro 79 de la revue : Osvaldo Raggio, « Forme e pratiche di appropriazione delle risorse. Casi di usurpazione delle comunaglie in Liguria », Quaderni storici, 79, 1992, p. 135-169 et Jean-René Trochet, « Terre comuni nel nord-est della Francia e nel massiccio armoricano : genesi, usi, pratiche », Quaderni storici, 79, 1992, p. 105-134.

19 Joaquín Costa, Colectivismo agrario en España. Doctrinas y hechos, Madrid, Imprenta de San Francisco de Sales, 1898.

20 Voir Jorge Dias, Rio de Onor. Comunitarismo agro-pastoril, Lisbonne, Editorial Presença, 1984 et Luis Ángel Sánchez Gómez, Sayago. Ganadería y comunalismo agropastoril, Zamora, Caja España, 1991.

21 Abilio Barbero et Marcelo Vigil, La formación del feudalismo en la Península Ibérica, Barcelone, Crítica, 1978.

22 Reyna Pastor, Resistencias y luchas campesinas en la época del crecimiento y consolidación de la formación feudal. Castilla y León, siglos x-xiii, Madrid, Siglo XXI, 1980 ; José Ángel García de Cortázar, La sociedad rural en la España medieval, Madrid, Siglo XXI, 1988.

23 Carmen Díez Herrera, La formación de la sociedad feudal en Cantabria, Santander, Universidad de Cantabria/Asamblea de Cantabria, 1990, p. 117-128.

24 José Ángel García de Cortázar, « La serna, una etapa del proceso de ocupación y explotación del espacio », En la España Medieval, 1, 1980, p. 115-128 ; Esperanza Botella Pombo, La serna. Ocupación, organización y explotación del espacio en la Edad Media (800-1250), Santander, Tantín, 1988.

25 José María Mínguez Fernández, « Ganadería, aristocracia y reconquista en la Edad Media castellana », Hispania, 151, 1982, p. 341-354 ; Iñaki Martín Viso, Poblamiento y estructuras sociales en el norte de la Península Ibérica (siglos vi-xiii), Salamanque, Ediciones Universidad de Salamanca, 2000.

26 Juan José Larrea Conde, « Aldeas navarras y aldeas del Duero : notas para una perspectiva comparada », Edad Media. Revista de Historia, 6, 2003-2004, p. 159-181 ; Iñaki Martín Viso, « Commons and the Construction of Power in the Early Middle Ages: Tenth-Century León and Castile », Journal of Medieval History, 46-4, 2020, p. 373-395.

27 Margarita Fernández Mier et Juan Antonio Quirós Castillo, « El aprovechamiento de los espacios comunales en el noroeste de la Península Ibérica entre el período romano y el medieval », Il Capitale Culturale. Studies on the Value of Cultural Heritage, 12, 2015, p. 689-717.

28 Ángel Barrios García, Estructuras agrarias y de poder en Castilla. El ejemplo de Ávila (1085-1320), Salamanque, Ediciones Universidad de Salamanca/Institución Gran Duque de Alba, 2 vol., 1983-1984 ; Jesús Martínez Moro, La Tierra en la comunidad de Segovia. Un proyecto señorial urbano (1088-1500), Valladolid, Ediciones Universidad de Valladolid, 1985 ; José María Monsalvo Antón, « Comunales de aldea, comunales de ciudad-y-tierra. Algunos aspectos de los aprovechamientos comunitarios en los concejos medievales de Ciudad Rodrigo, Salamanca y Ávila », in A. Rodríguez (dir.), El lugar del campesino. En torno a la obra de Reyna Pastor, Valence, Universitàt de Valencia, 2007, p. 141-178.

29 Roland Viader, L’Andorre du ixe au xive siècle. Montagne, féodalité et communautés, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2003 ; Guillermo Tomás Faci, Montañas, comunidades y cambio social en el Pirineo medieval. Ribagorza en los siglos x-xiv, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2016.

30 Esther Pascua Echegaray, Señores del paisaje. Ganadería y recursos naturales en Aragón, siglos xiii-xvii, Valence, Universitàt de Valencia, 2012.

31 Carmen Argente del Castillo Ocaña, La ganadería medieval andaluza, siglos xiii-xvi (Reino de Jaén y Córdoba), Jaén, Diputación Provincial de Jaén, 2 vol., 1991 ; María Antonia Carmona Ruiz, « Los bienes comunales y su papel en la economía rural de Carmona », in M. González Jiménez (dir.), Carmona. 7000 años de historia rural, Carmona, Ayuntamiento de Carmona, 2011, p. 285-306.

32 José Luis del Pino, « Pleitos y usurpaciones de tierras realengas en Córdoba a finales del siglo xv : la villa de Las Posadas », Estudios de Historia de España, 12-1, 2010, p. 117-160 ; María Dolores García Oliva, « Usurpaciones de tierras comunales en el término de Plasencia a fines de la Edad Media », Studia Historica. Historia Medieval, 35-1, 2017, p. 157-178 ; Javier Plaza de Agustín, Tierras comunales y lucha por el poder en la Guadalajara medieval, Alcalá de Henares, Universidad de Alcalá de Henares, 2021.

33 Il s’agit du projet, désormais terminé, indiqué dans la note liminaire de cet article, dont l’un des résultats est précisément ce travail.

34 Claudio Azzara et Stefano Gasparri (dir.), Le leggi dei Longobardi. Storia, memoria e diritto di un popolo germanico, Rome, Viella, 2005, p. 92, § 319-320.

35 Riccardo Rao et Igor Santos Salazar, « Risorse di pubblico uso e beni comuni nell’Italia settentrionale : Lombardia, 569-1100 », Studia Historica. Historia Medieval, 37-1, 2019, p. 29-51 ; Vito Loré, « Spazi e forme dei beni pubblici nell’alto medioevo. Il regno longobardo », in G. Bianchi, C. La Rocca et T. Lazzari (dir.), Spazio pubblico e spazio privato. Tra storia e archeologia (secoli vi-xi), Turnhout, Brepols, 2018, p. 59-87.

36 Les champs ouverts du haut Moyen Âge sont présents de manière très discrète dans la documentation italienne, mais leur existence est expliquée dans un passage de l’Edictum Rothari ; C. Azzara et S. Gasparri, Le leggi dei Longobardi, op. cit., p. 102, § 358.

37 On peut tirer deux enseignements de ces arrangements. Le premier est que les comunalia font partie de propriétés adjacentes à des parcelles en transition (et donc que nous n’avons pas seulement à faire à un droit, mais à des domaines réservés de manière permanente à un usage collectif). Le second est que les documents mentionnaient des quotas de biens communs alloués à certains propriétaires, allant parfois jusqu’à spécifier leur extension.

38 R. Rao et I. Santos Salazar, « Risorse di pubblico uso… », art. cit, p. 38-40.

39 Dans l’abondante bibliographie sur l’existence (ou la non-existence) de communautés au haut Moyen Âge, voir Elisabeth Zadora-Rio, « The Making of Churchyards and Parish Territories in the Early-Medieval Landscape of France and England in the 7th-12th Centuries: A Reconsideration », Medieval Archaeology, 47-1, 2003, p. 1-19 et Chris Wickham, « Space and Society in Early Medieval Peasant Conflicts », in Uomo e spazio nell’alto Medioevo, actes de colloque, Spoleto, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 2003, p. 551-586.

40 Pablo C. Díaz, « Cerdos y otras bestias. Pastos comunales/pastos públicos en la Lex Visigothorum », Mélanges de la Casa de Velázquez, 51-2, 2021, p. 15-33.

41 Antonio Blanco-González et al., « Medieval Landscapes in the Spanish Central System (450-1350): A Palaeoenvironmental and Historical Perspective », Journal of Medieval Iberian Studies, 7-1, 2015, p. 1-17.

42 Juan Antonio Quirós Castillo et Alfonso Vigil-Escalera, « Archaeology of Medieval Peasantry in Northwestern Iberia », in S. Gelichi et L. Olmo-Enciso (dir.), Mediterranean Landscapes in Post-Antiquity: New Frontiers and New Perspectives, Oxford, Archaeopress, 2019, p. 129-144, ici p. 132.

43 Iñaki Martín Viso et Antonio Blanco-González, « Ancestral Memories and Early Medieval Landscapes: The Case of Sierra de Ávila (Spain) », Early Medieval Europe, 24-4, 2016, p. 393-422.

44 J. Á. García de Cortázar, « La serna, una etapa del proceso… », art. cit. ; E. Botella Pombo, La serna, op. cit. ; Juan José Larrea Conde, « Construir iglesias, construir territorios : las dos fases altomedievales de San Román de Tobillas (Álava) », in J. López Quiroga, A. M. Martínez Tejera et J. Morín de Pablos (dir.), Monasteria et territoria. Elites, edilicia y territorio en el Mediterráneo medieval (siglos v-xi), Oxford, Archaeopress, 2007, p. 321-336. Sur les deux niveaux d’organisation, voir I. Martín Viso, « Commons and the Construction of Power… », art. cit.

45 Iñaki Martín Viso, « Las propiedades regias y la formación del Reino Asturleonés (850-950) », in F. Bougard et V. Loré (dir.), Biens publics, biens du roi. Les bases économiques des pouvoirs royaux dans le haut Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2019, p. 179-212.

46 Álvaro Carvajal Castro, « Prácticas colectivas y gestión de los espacios agrarios en la Alta Edad Media : una perspectiva comparada desde Irlanda y el Noroeste de la Península Ibérica », Historia Agraria, 73, 2017, p. 151-183, ici p. 165.

47 Julio Escalona, « In the Name of a Distant King: Representing Royal Authority in the County of Castile, c. 900-1038 », Early Medieval Europe, 24-1, 2016, p. 74-102 ; Igor Santos Salazar, « Competition in the Frontiers of the Asturian Kingdom: The Comites of Castile, Lantarón and Álava (860-940) », in R. Le Jan, G. Bührer-Thierry et S. Gasparri (dir.), Coopétition. Rivaliser, coopérer dans les sociétés du haut Moyen Âge (500-1100), Turnhout, Brepols, 2018, p. 231-251.

48 I. Martín Viso, « Commons and the Construction of Power… », art. cit.

49 Ernesto Pastor Díaz de Garayo, Castilla en el tránsito de la Antigüedad al feudalismo. Poblamiento, poder político y estructura social del Arlanza al Duero (siglos vii-xi), Valladolid, Junta de Castilla y León, 1996, p. 160-161.

50 Par exemple, les vergers et les champs de lin du concilio (terme utilisé pour faire référence à la communauté) de Marialba de la Ribera. Voir Emilio et Carlos Sáez Sánchez (dir.), Colección documental del Archivo de la Catedral de León (775-1230), vol. 2, 935-985, León, Centro de Estudios e Investigación San Isidoro, 1987, doc. 293. Sur Pardomino, voir Álvaro Carvajal Castro, « Resistencias campesinas en el noroeste ibérico altomedieval: confrontando la tragedia », Revista de Historia Jerónimo Zurita, 95, 2019, p. 13-33, ici p. 31-32.

51 Chris Wickham, Comunità e clientele nella Toscana del xii secolo. Le origini del comune rurale nella Piana di Lucca, Rome, Viella, 1995, p. 199-205.

52 Riccardo Rao, « Beni comuni e identità di villaggio (Lombardia, secoli xi-xii) », in P. Galetti (dir.), Paesaggi, comunità, villaggi medievali, vol. 1, Spoleto, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 2012, p. 327-343.

53 Ce processus a permis de définir les communs sur le plan territorial, sans toujours passer par le tracé de frontières linéaires et continues, comme l’a mis en perspective, pour les xiiie et xive siècles, Luigi Provero, « Una cultura dei confini. Liti, inchieste e testimonianze nel Piemonte del Duecento », Reti Medievali. Rivista, 7-1, 2006, https://doi.org/10.6092/1593-2214/165.

54 Mario Marrocchi, « Lo sfruttamento di un’area umida : comunità locali e città nella Val di Chiana centrale (secoli xii-xvi) », Riparia, 3, 2017, p. 58-94.

55 Riccardo Rao, « Abitare, costruire e gestire uno spazio fluviale : signori, villaggi e beni comuni lungo la Sesia tra Medioevo ed età moderna », in R. Rao (dir.), I paesaggi fluviali della Sesia fra storia e archeologia. Territori, insediamenti, rappresentazioni, Florence, All’insegna del giglio, 2016, p. 13-29.

56 M. Bicchierai, Beni comuni e usi civici…, op. cit.

57 Paola Guglielmotti, Comunità e territorio. Villaggi del Piemonte medievale, Rome, Viella, 2001, p. 207-228 ; Gian Maria Varanini, « Beni comuni di più comuni rurali. Gli statuti della Comugna Fiana (territorio veronese, 1288) », in G. Chittolini, G. Petti Balbi et G. Vitolo, Città e territori nell’Italia del medioevo. Studi in onore di Gabriella Rossetti, Naples, Liguori, 2007, p. 115-137.

58 Riccardo Rao, « De la gestion directe au service public. L’exploitation des communaux marécageux et des lagunes dans les campagnes littorales de l’Italie du centre-nord au Moyen Âge », in J.-L. Sarrazin et T. Sauzeau (dir.), Le paysan et la mer. Ruralités littorales et maritimes en Europe au Moyen Âge et à l’Époque moderne, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2020, p. 33-50.

59 Javier Gómez Gómez et Iñaki Martín Viso, « Rationes y decimas : evidencias sobre la gestión de las sernas en el siglo xi en el Noroeste de la Península Ibérica », Espacio, tiempo y forma. Serie III. Historia medieval, 34, 2021, p. 359-382.

60 Voir les cas de Valdeúnco ou Arce : José María Fernández Catón (dir.), Colección documental del Archivo de la Catedral de León (775-1230), vol. 5, 1109-1187, León, Centro de Estudios e Investigación San Isidoro, 1990, doc. 1518 (1162/06/13) ; Fernando García Andreva (dir.), El Becerro Galicano de San Millán de la Cogolla. Edición y estudio, Logroño, Cilengua, 2010, doc. CCCXLIV.1 (1186/06).

61 Iñaki Martín Viso, « Mancomunales, identidad comunitaria y economía moral en el norte de la Península Ibérica (siglos x-xii) », Mélanges de la Casa de Velázquez, 51-2, 2021, p. 63-90.

62 Julio Escalona, « Mapping Scale Change: Hierarchization and Fission in Castilian Rural Communities during the Tenth and Eleventh Centuries », in W. Davies, G. Halsall et A. Reynolds (dir.), People and Space in the Middle Ages, 300-1300, Turnhout, Brepols, 2007, p. 143-166.

63 Carlos M. Reglero de la Fuente, Espacio y poder en la Castilla medieval. Los Montes de Torozos (siglos x-xiv), Valladolid, Diputación de Valladolid, 1994, p. 226.

64 José María Mínguez Fernández, Las sociedades feudales, vol. 1, Antecedentes, formación y expansión (siglos vi al xiii), Madrid, Nerea, 1994, p. 140.

65 À ce sujet, voir I. Martín Viso, « Mancomunales, identidad comunitaria y economía moral… », art. cit., p. 76-80.

66 Pour deux cas de procès par ordalie, voir Julia Montenegro Valentín (dir.), Colección diplomática de Santa María de Piasca (875-1252), Santander, Consejería de Cultura, educación, juventud y deporte, 1991, doc. 34 (1050) et F. García Andreva (dir.), El Becerro Galicano…, op. cit., doc. CCXXVII.e.1 (1097).

67 Carlos M. Reglero de la Fuente, « Las comunidades de habitantes en los fueros del Reino de León (1068-1253) », Studia Historica. Historia Medieval, 35-2, 2017, p. 13-35, ici p. 23.

68 Pascual Martínez Sopena, « La Reforma de la Iglesia y las comunidades campesinas : León y Castilla en el siglo xi », in A. Dierkens, N. Schroeder et A. Wilkin (dir.), Penser la paysannerie médiévale, un défi impossible ? Recueil d’études offert à Jean-Pierre Devroey, Paris, Éd. de la Sorbonne, 2017, p. 347-361, ici p. 347-361 ; Mariel Pérez, « Proprietary Churches, Episcopal Authority and Social Relationships in the Diocese of León (Eleventh-Twelfth Centuries) », Journal of Medieval Iberian Studies, 10-2, 2018, p. 195-212, ici p. 205-207.

69 Juan Antonio Quirós Castillo et Igor Santos Salazar, « Founding and Owning Churches in Early Medieval Álava (North Spain): The Creation, Transmission, and Monumentalization of Memory », in J. C. Sánchez-Pardo et M. G. Shapland (dir.), Churches and Social Power in Early Medieval Europe: Integrating Archaeological and Historical Approaches, Turnhout, Brepols, 2015, p. 35-68.

70 Riccardo Rao, « Le inchieste patrimoniali nei comuni dell’Italia settentrionale (xii-xiv secolo) », in T. Pécout (dir.), Quand gouverner c’est enquêter. Les pratiques politiques de l’enquête princière (Occident, xiiie- xive siècles), Paris, De Boccard, 2010, p. 285-298.

71 Massimo Vallerani, « Logica della documentazione e logica dell’istituzione. Per una rilettura dei documenti in forma di lista nei comuni italiani della prima metà del xiii secolo », in I. Lazzarini et G. Gardoni (dir.), Notariato e medievistica. Per i cento anni di Studi e ricerche di diplomatica comunale di Pietro Torelli, Rome, Istituto storico italiano per il medioevo, 2013, p. 109-145, ici p. 111-114.

72 Jean-Claude Maire Vigueur, Cavaliers et citoyens. Guerre, conflits et société dans l’Italie communale, xiie- xiiie siècles, Paris, Éd. de l’EHESS, 2003. Sur cette question, voir également Paolo Grillo, « Il Comune di Milano e il problema dei beni pubblici fra xii e xiii secolo. Da un processo del 1207 », Mélanges de l’École française de Rome – Moyen Âge, 113-1, 2001, p. 433-451, ainsi que, concernant le cas de Vercelli en 1192, Riccardo Rao, Comunia. Le risorse collettive nel Piemonte comunale, Milan, Led Edizioni Universitarie, 2008, p. 42-43.

73 Jean-Claude Maire Vigueur, « Révolution documentaire et révolution scripturaire : le cas de l’Italie médiévale », Bibliothèque de l’École des chartes, 153-1, 1995, p. 177-185.

74 Francesco Panero, Due borghi franchi padani. Popolamento ed assetto urbanistico e territoriale di Trino e Tricerro nel secolo xiii, Vercelli, Società Storica Vercellese, 1979 ; Riccardo Rao, « ‘Stérile et infertile’ : gaspillage et dilapidation dans la gestion des biens communaux durant le bas Moyen Âge (villes de l’Italie septentrionale, siècles xiie-xiiie) », in B. Lemesle (dir.), La dilapidation de l’Antiquité au xixe siècle. Aliénations illicites, dépenses excessives et gaspillage des biens et ressources à caractère public, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, 2014, p. 127-143.

75 José Luis Sáinz Guerra (dir.), Las villas nuevas medievales en Castilla y León, Valladolid, Ediciones Universidad de Valladolid, 2014.

76 José María Monsalvo Antón, « Los territorios de las villas reales de la Vieja Castilla, siglos xi-xiv : antecedentes, génesis y evolución (Estudio a partir de una docena de sistemas concejiles entre el Arlanza y el Alto Ebro) », Studia Historica. Historia Medieval, 17, 1999, p. 15-86.

77 Voir le cas de Pancorbo dans Gonzalo Martínez Díez (dir.), Fueros locales en el territorio de la provincia de Burgos, Burgos, Caja de Ahorros Municipal de Burgos, 1982, doc. 18 (1147/03/08).

78 C’était le cas de Lerma : Julio González, Reinado y diplomas de Fernando III, Cordoue, Monte de Piedad y Caja de Ahorros de Córdoba, 1980-1986, doc. 221.

79 C. M. Reglero de la Fuente, Espacio y poder en la Castilla medieval, op. cit., p. 226-230.

80 Á. Barrios García, Estructuras agrarias y de poder en Castilla, op. cit. ; José María Monsalvo Antón, « Frontera pionera, monarquía en expansión y formación de los concejos de Villa y Tierra. Relaciones de poder en el realengo concejil entre el Duero y la cuenca del Tajo (c. 1072-c. 1222) », Arqueología y territorio medieval, 10-2, 2003, p. 45-126.

81 Á. Barrios García, Estructuras agrarias y de poder en Castilla, vol. 2, op. cit., p. 121-126.

82 Iñaki Martín Viso, « Territorios resilientes : mancomunales y concejos en el Sur del Duero durante la Edad Media », Vínculos de Historia, 9, 2020, p. 226-245.

83 Antonio Blanco-González et Iñaki Martín Viso, « Tumbas, parroquias y espacios ganaderos : configuración y evolución del paisaje medieval de la Sierra de Ávila », Historia Agraria, 69, 2016, p. 11-41.

84 J. M. Monsalvo Antón, « Comunales de aldea… », art. cit.

85 Voir le cas des devasos (un terme énigmatique employé pour certains espaces communs) dans le concejo de Ciudad Rodrigo : I. Martín Viso, « Territorios resilientes », art. cit., p. 237-239 ; J. M. Monsalvo Antón, « Comunales de aldea… », art. cit., p. 158-169.

86 Pour l’Angleterre, où les études sur les enclosures se sont de toute façon principalement concentrées sur la dernière période, les xviiie et xixe siècles, voir en particulier J. A. Yelling, Common Field and Enclosure in England, 1450-1859, Hamden, Palgrave, 1977 ; Roger B. Manning, Village Revolts: Social Protests and Popular Disturbance in England, 1509-1640, Oxford, Oxford University Press, 1988 ; Robert C. Allen, Enclosure and the Yeoman: The Agricultural Development of the South Midlands 1450-1850, Oxford, Oxford University Press, 1992 ; Nicholas Blomley, « Making Private Property: Enclosure, Common Right and the Work of Hedges », Rural History, 18, 2007, p. 1-24, en plus de la bibliographie spécifique sur le site Collective Action (http://www.collective-action.info/_BIB_Main).

87 Parmi les contributions essentielles, on peut citer Monique Bourin et al., « Les campagnes de la Méditerranée occidentale autour de 1300 : tensions destructrices, tensions novatrices », Annales HSS, 66-3, 2011, p. 663-704 ; Paolo Grillo et François Menant (dir.), La congiuntura del primo Trecento in Lombardia (1290-1360), Rome, École française de Rome, 2019.

88 Samuel K. Cohn Jr., « Inventing Braudel’s Mountains: The Florentine Alps after the Black Death », in S. K. Cohn Jr. et S. A. Epstein (dir.), Portraits of Medieval and Renaissance Living: Essays in Honor of David Herlihy, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1996, p. 383-416.

89 Pour une vue d’ensemble, voir Sandro Carocci, « Il dibattito teorico sulla congiuntura del Trecento », Archeologia medievale, 40, 2016, p. 17-32 et Maria Ginatempo, « Processi di impoverimento nelle campagne e nei centri minori dell’Italia centrosettentrionale nel tardo medioevo », in S. Carocci et al. (dir.), El empobrecimiento. Economías de la pobreza en la Edad Media, Madrid/Rome, Casa de Velázquez/École française de Rome, à paraître.

90 Massimo Della Misericordia, Divenire comunità. Comuni rurali, poteri locali, identità sociali e territoriali in Valtellina e nella montagna lombarda nel tardo medioevo, Milan, Unicopli, 2006, p. 186-189 ; Bas van Bavel, The Invisible Hand? How Market Economics Have Emerged and Declined since AD 500, Oxford, Oxford University Press, 2016, p. 97-144.

91 Stefano Barbacetto, « La più gelosa delle pubbliche regalie. » I « beni communali » della Repubblica Veneta tra dominio della Signoria e diritti delle comunità (secoli xv-xviii), Venise, Istituto Veneto di Scienze, 2008 ; Riccardo Rao, « Dal comune alla corona : l’evoluzione dei beni comunali durante le dominazioni angioine nel Piemonte sud-occidentale », in R. Comba (dir.), Gli Angiò nell’Italia nord-occidentale (1259-1382), Milan, Unicopli, 2006, p. 139-160 ; Davide Cristoferi, Il « reame » di Siena : la costruzione della Dogana dei Paschi e lo sviluppo della transumanza in Maremma (metà xiv-inizi xv secolo), Rome, Istituto storico italiano per il medioevo, 2021.

92 Marco Casari et Maurizio Lisciandra, « Gender Discrimination in Property Rights: Six Centuries of Commons Governance in the Alps », The Journal of Economic History, 76-2, 2016, p. 559-594.

93 O. Raggio, « Forme e pratiche di appropriazione delle risorse », art. cit.

94 Riccardo Rao, « Ripensando la gestione dei commons fra quattro e cinquecento. Public utilities, usurpazioni e pratiche di terreno nella pianura vercellese », Quaderni storici, 164, 2020, p. 467-496.

95 Isabel Alfonso Antón, « Iglesias rurales en el Norte de Castilla : una dimensión religiosa de las luchas campesinas durante la Edad Media », in R. Robledo (dir.), Sombras del progreso. Las huellas de la historia agraria, Barcelone, Crítica, 2010, p. 27-65.

96 María Asenjo González, Espacio y sociedad en la Soria Medieval (siglos xiii-xv), Soria, Diputación de Soria, 1999, p. 337-343 ; José María Monsalvo Antón, « Usurpaciones de comunales. Conflicto social y disputa legal en Ávila y su Tierra durante la Baja Edad Media », Historia Agraria, 24, 2001, p. 89-122.

97 José María Monsalvo Antón, « Aspectos de las culturas políticas de los caballeros y los pecheros en Salamanca y Ciudad Rodrigo a mediados del siglo xv. Violencias rurales y debates sobre el poder en los concejos », in I. Alfonso Antón, J. Escalona, et G. Martín (dir.), no spécial « Lucha política. Condena y legitimación en la España medieval », Annexes des Cahiers de linguistique et de civilisation hispaniques médiévales, 16, 2004, p. 237-296.

98 J. M. Monsalvo Antón, « Comunales de aldea… », art. cit., p. 167-168.

99 Hilario Casado Alonso, Señores, mercaderes y campesinos : la comarca de Burgos a fines de la Edad Media, Valladolid, Junta de Castilla y León, 1987 ; María Asenjo González, Segovia. La ciudad y su tierra a fines del Medievo, Ségovie, Diputación de Segovia, 1986, p. 179-181 ; Corina Julia Luchía, « Por que los montes de esta villa se conserben, e no se disipen como al presente estan : la regulación de los recursos forestales en la Corona de Castilla (siglos xiv-xv) », Espacio, tiempo y forma. Serie III. Historia medieval, 33, 2020, p. 303-332.

100 Hilarión Pascual Gete, « Las tierras sernas de Medina y su Tierra : peculiaridad jurídica y trascendencia socioeconómica de una propiedad concejil en el Antiguo Régimen », in E. Lorenzo Sanz (dir.), Historia de Medina del Campo y su tierra, vol. 1, Nacimiento y expansión, Medina del Campo, Ayuntamiento de Medina del Campo, 1986, p. 369-404.

101 David. E. Vassberg, La venta de tierras baldías. El comunitarismo agrario y la Corona de Castilla durante el siglo xvi, Madrid, Servicio de Publicaciones Agrarias, 1983.

102 Joseph Morsel, « Appropriation communautaire du territoire, ou appropriation territoriale de la communauté ? Observations en guise de conclusion », Hypothèses, 9-1, 2006, p. 89-104.

103 Parmi les travaux de référence, voir Jacques Krynen, Idéal du prince et pouvoir royal en France à la fin du Moyen Âge (1380-1440). Étude de la littérature politique du temps, Paris, Éditions A. et J. Picard, 1981, p. 303-312 et Guillaume Leyte, Domaine et domanialité publique dans la France médiévale ( xiie- xve siècles), Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1996, p. 170-172, 219-258 et 415-432.

104 Luigi Provero, Le parole dei sudditi. Azioni e scritture della politica contadina nel Duecento, Spoleto, Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 2012, p. 100-106.

105 Paola Guglielmotti, « Introduzione », in P. Guglielmotti (dir.), no spécial « Distinguere, separare, condividere. Confini nelle campagne dell’Italia medievale », Reti medievali. Rivista, 7-1, 2006, p. 1-12 ; Elisabeth Zadora-Rio, « Communautés rurales, territoires et limites », in P. Galetti (dir.), Paesaggi, comunità, villaggi medievali, vol. 1, op. cit., p. 79-90.

106 Edward P. Thompson, Les usages de la coutume. Traditions et résistance populaires en Angleterre ( xviie- xixe siècle), trad. par J. Boutier et A. Virmani, Paris, Éd. de l’EHESS/Éd. du Seuil/Gallimard, [1993] 2015 ; Jean-Pierre Devroey, La Nature et le roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820), Paris, Albin Michel, 2019, p. 375-393. Cela n’implique pas le moindre égalitarisme, l’inégalité faisant partie intégrante des communs, comme le fait remarquer Daniel R. Curtis, « Did the Commons Make Medieval and Early Modern Rural Societies More Equitable? A Survey of Evidence from across Western Europe, 1300-1800 », Journal of Agrarian Change, 16-4, 2015, p. 646-664.

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Figure 1 – Localisation des deux cas d’étudeSource : Iñaki Martín Viso.Légende : la zone 1 correspond à l’Italie du Nord, la zone 2 au plateau du fleuve Duero.