IL y a, au musée Carnavalet, une peinture du XVIe siècle, qui représente le charnier des Innocents, sur l'emplacement actuel du square. On voit une église, des chapelles, les maisons de la rue Saint- Denis. C'est une place enclose de bâtiments assez disparates, et qui évoque en plus petit l'esplanade du Temple à Jérusalem, qui entoure la mosquée d'Omar : il y a ici une tour de bois, isolée comme un minaret ; ailleurs un prêchoir, comme les mihrabs musulmans. De grandes croix espacées, quelques pierres tombales. Au premier plan, des fossoyeurs sont en train d'enterrer un mort simplement enveloppé dans un suaire, tandis que s'immobilise autour d'eux un groupe compact de prêtres et d'assistants. Mais la place n'est point déserte : elle s'anime du passage de personnages, hommes, femmes, qui vont à leurs affaires ou à leurs plaisirs ; des enfants se battent ; un mendiant couché à terre, presque entièrement nu, demande la charité.

L'effondrement de la Prusse après Iéna : une surprise pour toute l'Europe. On s'étonna du manque de cohésion d'une armée célèbre par sa discipline, de la désorganisation d'un système administratif réputé pour la valeur de ses fonctionnaires et, surtout, des signes de désaffection donnés par un peuple dont le loyalisme était proverbial. Comment s'expliquer cet effondrement, sinon en reconsidérant l'édifice, dont, après Kover, toute une génération d'historiens a minutieusement étudié les rouages ? Puis en décrivant les principaux aspects d'une crise qui, s'attaquant à l'économie et à l'équilibre social, transforma la mentalité populaire et s'exprima, par la plume des intellectuels, en un langage nouveau.

En apparence, ce sont l'armée et l'administration qui caractérisent l'Etat prussien à la, fin du XVIIIe siècle. Mais, ce qui le rend incomparable aux autres puissances, c'est un dépouillement méthodique de la presse, des mémoires, des études politiques ou économiques publiées entre la fin du règne de Frédéric II et la catastrphe de 1806, — qui, seul, permet d'en prendre lentement conscience.

Trois études sur le Nébrasia sont ici rassemblées par le hasard. La première est un roman autobiographique. La seconde, une biographie « historique », pure de toute fiction. La troisième est une biographie romancée. Nuances. Simples nuances. Car il y a moins de différences que l'on ne pourrait croire à première vue entre ces trois méthodes d'approche et d'exploration du passé. « Et mon tout », pourrait-on dire en style de charade, c'est le Nébraska tout entier, ressuscité, peint par lui-même, dans le temps depuis 1860 jusqu'à nos jours, et dans l'espace depuis la « côte » où abordaient, venues des lacs* les vagues d'immigrants successifs : bullwhackers, pioneers, kinkaiders, aux noms sonores comme des claquements de fouet, trappeurs, chercheurs d'or, chicanous, prostituées, prédicants, skypilets, en mal d'amour, de procès, de richesses ou de ciel, jusqu'à la mouvante « frontière » que ces hommes rudes franchissaient parfois pour s'enfoncer plus loin, toujours plus loin, dans l'inconnu.

Nous ne manquons pas de livres sur Louis XI. Quatre biographies, parues en ces vingt dernières années, nous sollicitent à la fois. Deux d'entre elles portent la signature de ce couleur d'histoire à bâtons rompus que fut Pierre Champion. Les deux autres sont dues respectivement à M. Joseph Calmette et à M. Auguste Builly.

Tous ces différents portraits, d'un roi qui ne ressemble à aucun autre, se ressemblent singulièrement entre eux. Sans .doute Louis XI n'y apparaît-il plus tout à fait sous les couleurs dont l'avait chargé certaine historiographie romantique. La mise au point nécessaire a été faite. A quelques détails près, cependant, l'image est toujours celle que nous (levons, pour l'essenliel, à Philippe de Comines et aux autres _ chroniqueurs contemporains. Le trait sur lequel, depuis Pierre Matthieu et Duclos, tous les historiens de Louis XI ont aimé à mettre l'accent, c'est son peu de goût pour la guerre, sa préférence pour les moyens d'actions indirects.

Il est facile de définir l'exploitation agricole familiale. C'est celle qu'une famille peut cultiver en employant les techniques rationnelles pratiquées de son temps, et en adoptant le système de culture le mieux adapté au sol et au climat. Il est facile aussi d'ajouter qu'elle doit être suffisamment étendue pour occuper et faire vivre la famille — mais pas trop, sinon elle exigerait de nombreux salariés et perdrait son caractère familial. Mais se rend-on suffisamment compte du fait que les dimensions d'une telle exploitation ne cessent de varier historiquement, en fonction de la densité de la population agricole active, des modifications de la technique, des changements du système de culture, du degré de commercialisation de l'agriculture ? Prenons’ u n exemple concret :

I. — Dans la partie Nord de la Limagne, entre Clermont-Ferrand et Gannat, à la fin du XVIIIe siècle et au'début du XIXe, il y avait surtout des exploitations de vingt à trente hectares occupant plusieurs salariés.

Le canal Henri-lV on canal de Briare (1604-1943), tel est- le titre du volume dans lequel M. Pinsseau nous a retracé l∼histoire de cette voie d'eau, histoire qui est intéressante à plus d'un titre. Techniquement, c'est le premier canal de ligne de partage au monde ; économiquement, c'est un remarquable instrument du travail national ; juridiquement, il concrétise une des premières manifestations du capitalisme collectif à la fin de la société féodale ; politiquement, il démontre, par l'achèvement d'une oeuvre d'intérêt public de cette nature, la nécessité d'un véritable pouvoir, homogène et continu ; humainement, enfin, il peut être regardé comme un symbole de la science et du labeur français.

L'idée première de ce canal, comme celle d-autres travaux analogues, fut due à Sully dès 1604 : ce devait être un canal à point de partage réunissant deux rivières coulant dans des bassins différents. Creusé de 1604 à 1642, il le fut en trois étapes.

Les lecteurs du premier volume de cette Introduction à l'Histoire de la Pratique religieuse, dont nous avons vu les mérites et l'intérêt, ne seront, certes, pas déçus par la fréquentation du second. Gabriel Le Bras y retrace les grands cadres d'une Sociologie de la Pratique Française et compte quatre chapitres : l'un, de généralités, qui se subdivise en trois sections : la première, posant les problèmes de pratique dont la solution relève, ou peut relever, de la géographie humaine ou de cette morphologie sociale dont Maurice Halbwachs s'était fait, au sein de notre école de sociologie, le propagandiste convaincu ; la. seconde, évaluant la forcé des pressions qu'exercent sur les membres de la communauté naturelle ces trois grands engins d'unification : l'Eglise, l'Etat, la Civilisation, dont l'accord, s'il était réalisé, tendrait à produire automatiquement l'unanimité des attitudes ; la troisième, étudiant les discordances, les crises, les impuissances qui contrarient en fait, si souvent, cette action discordante et, donc, qui réagissent directement sur l'état de la pratique.

L'idée est heureuse d'avoir traduit en français le Journal politique de Ciano ; et il faut remercier de son initiative le professeur Stelling-Michaud, de l'Université de Genève, qui, de plus, a écrit pour le livre une excellente Introduction. Le tome I, qui vient de paraître, couvre deux années, 1939 et 1940, tragiques entre toutes. Le témoignage du ministre des Affaires Etrangères de Mussolini est, naturellement, d'importance.

Sur la nuance même de sa politique personnelle, dans la mesure où la totale soumission du gendre aux caprices du beau-père — même quand il les jugeait dangereux ou puérils — permet de parler de politique personnelle ; sur l'attitude du Duce ; ses variations, mais aussi ses constantes, pendant ces deux années fertiles pour lui en espérances comme en amères déceptions ; sur la débâcle française vue de Rome, et sur la’ politique d'Hitler jugée du même observatoire — on trouve dans le Journal de multiples notations d'intérêt capital.

L'érudition américaine n'a pas connu un black mit total comme celui qui est descendu sur l'Europe — tout au plus un semi-obscurcissement (dim. ont). On dit couramment que les Américains ne réduisirent que peu leur production et leur consommation civiles, tout en accroissant puissamment leur demande et leurs fournitures de guerre. Vrai de l'économie en général, ceci l'est aussi de la vie universitaire. Jusqu'à Pearl Harbour et à l'entrée officielle du pays dans le conflit, il n'y eut qu'une faible saignée de jeunes maîtres et d'étudiants, diplômés ou non, au profit de l'armée et du gouvernement. Puis les vides se multiplièrent dans les sections de nos Universités, celles des sciences économiques, historiques et politiques comme celles des sciences physiques. Un personnel enseignant réduit eut à faire face à une grande affluence de jeunes gens sous l'uniforme : «détachés » des services ordinaires de l'armée et de la marine, spécialistes ayant besoin de connaissances techniques, groupes à exercer dans les langues habituellement peu enseignées en Amérique, ou des matières indispensables au personnel d-un gouvernement militaire ou de services d'occupation.