Décidément, j'en ai peur : les historiens et les professeurs de littérature française ne parlent pas le même langage. Histoire de la Littérature classique, 1600-1700 ; ses Caractères véritables et ses Aspects inconnus : M. Daniel Mornet, professeur à la Sorbonne, publie un gros livre sous ce titre attirant. L'historien de se précipiter : caractères véritables, aspects inconnus : de quoi faire battre son cœur, en vérité. Le livre ouvert, il tombe par surcroît sur cette déclaration (p. 6) : « J'ai cru que le moment était venu de tenter ce que j'appellerai, une fois de plus, une « histoire historique » de notre époque classique.

Le livre de M. et Mm3 C.-S. Orwin se compose de deux parties, d'ailleurs étroitement liées.

La seconde, qui est la plus étendue, est consacrée à l'étude d'un terroir particulier : celui de Laxton, dans le Nottinghamshire. Ce modeste village, dont l'histoire avait déjà été retracée par les auteurs, dans une instructive petite monographie, doit une manière de célébrité au persistant archaïsme de sa structure agraire. Situé en plein pays d'ancien open-field, il demeure comme un témoin attardé de ces âges, ailleurs révolus. Il n'a, en effet, jamais été l'objet d'aucun acte d' « enclôture ». D'autre part, bien que, do place en place, quelques enclos soient venus, au cours des temps.

Au début de 1940, j'ai signalé aux lecteurs des Annales l'apparition du premier des deux volumes que, dans la collection l'Evolution et l'Humanité, le savant le plus qualifié chez nous pour les écrire, Marc Bloch, venait de consacrer à la Société Féodale. Ce volume s'appelait La Formation des liens de dépendance. Le second, qui a paru en 1940, s'intitule Les Classes et le Gouvernement des Hommes. A vrai dire, il ne s'agit pas de deux livres distincts, mais de dieux parties d'un seul et même ouvrage, conçu et rédigé en un même moment ; les proportions de. cet ouvrage dépassant l'habituel gabarit, il a fallu le diviser en deux : tel quel, ce second tome, un peu moins étoffé que le premier, présente au moins autant d'intérêt. Et son apparition incite le lecteur à relire, d'un trait, l'œuvre tout entière.

Jusqu'alors les archives silésiennes n'avaient encore fourni aucun de ces livres de commerce dont on a conservé plusieurs exemplaires pour d'autres régions de l'Allemagne ; la mise au jour par M. Ludwig Petry d'un livre de commerce de la société des Popplau de Ereslau, qui embrasse la période 1502-1516, vient combler cette lacune de la manière la plus heureuse. Si l'auteur n'a pas cru devoir procurer au lecteur une éditioin intégrale de ce précieux document, du moins en a-t-il donné une description détaillée ; en outre, exploitant avec une rare perspicacité les renseignements fournis par le livre de commerce et les complétant au moyen d'autres sources (livres de justice de la principauté et livres municipaux de la ville de Breslau),. M. Ludwig Petry a écrit une histoire très vivante de la famille des Popplau depuis la fin du XIVe jusque vers le milieu du XVIe siècle.

Nous possédons aujourd'hui, en provenance de beaucoup de pays, des données suivies sur le nombre des naissances. Ces données s'étalent spuvent sur un siècle ou un siècle et demi. En général, on calcule ce nombre pour 1.000 habitants ; c'est ce qu'on appelle le taux de natalité. Il varie, en gros, suivant les pays et les époques, entre un maximum de 45 pour 1.000 (en Palestine, en Egypte, en Russie d'Europe, il y a quelques années, de 43 à 44), et un minimum de 14 pour 1.000 (c'est à peu près à ce niveau qu'il se plaçait, en 1933, pour l'Angleterre, l'Autriche, et même, cette année seulement, et à titre exceptionnel, l'Allemagne). Gela ne veut pas dire qu'il ne puisse s'élever au-dessus, ni baisser davantage.

M. L. Verriest nous renseigne sur « un fonds d'archives d'un intérêt exceptionnel, Les chirographes de Tournai. Ce fonds d'une richesse surprenante — l'auteur ne donne pas de dates ni de chiffres, mais parle de « dizaines de milliers de lettres de foires et autres titres de créances de toutes sortes » — a recelé, en effet, do quoi faire apparaître sous ses aspects les plus variés toute la vie réelle d'une cité médiévale de l'importance de Tournai. L'énumération que donne M. Verriest des points traités n'est point limitative, mais permet d'en avoir un aperçu suffisant. De plus, il a heureusement joint à son exposé le texte de 50 actes qui se succèdent de 1215 à 1320 et qui concernent les points les plus divers de la vie tournaisienne au besoin dans ses rapports avec le dehors.

Depuis un demi-siècle environ, depuis que parut en 1900 l'ouvrage classique de Salzer sur les origines de la seigneurie italienne, de nombreuses études consacrées par les historiens italiens au même problème ont cherché à dégager les caractères originaux et à expliquer la genèse d'une forme de gouvernement qui, se substituant dès la fin du XIIIe siècle aux organes du gouvernement communal, aboutit à la formation de principautés urbaines de forme monarchique. Ces différents travaux ont incité M. Gino Masi à faire le point de la question et à reprendre cette étude pour son compte personnel dans un bref mémoire qui laisse au lecteur une impression déconcertante, car on y chercherait en vain un plan, une idée directrice, une conclusion.

M. Friedrich Mager a publié le second tome de sa monumentale histoire du « paysage humain », dans le duché de Schleswig. Comme le premier, dont il a été rendu compte ici, c'est un très gros volume, où le tri n'a évidemment pas toujours été fait entre les données d'intérêt général et la foule des menus détails locaux. Mais c'est aussi, cette fois encore, un livre parfaitement informé, très clair et qui atteste une remarquable intelligence dès conditions de l'évolution agraire. A une lacune près, cependant : l'influence de la conjoncture économique, dans son rythme national ou mondial, n'apparaît vraiment que trop à l'arrière-plan. Comme si, depuis le XVIIIe siècle, le producteur, voué de plus en plus à récolter pour vendre, ne s'était pas trouvé sous une dépendance croissante de la courbe des prix !

Le gros livre que M. A. Coville vient de publier sous ce titre : La vie intellectuelle dans les domaines d'Anjou-Provence, de 1380 à 1435, représente, en réalité, un effort original pour rajeunir l'histoire des activités spirituelles de notre pays. Il n'apporte pas seulement une remarquable série de monographies très fouillées sur des personnages qui vécurent, agirent et écrivirent de 1380 à 1435, à l'époque troublée du graind Schisme, de la Papauté d'Avignon déclinante, de la lutte des Armagnacs et des Bourguignons ; il nous montre surtout comment, à cette même époque, au temps où du Moyen Age commence à se dégager une Renaissance encore imprécise et pas très sûre d'elle-même, des contrées fort éloignées de l'Ilede-France — ici, en l'espèce, l'Anjou et surtout la Provence — connaissaient une vie intellectuelle originale, nourrie d'emprunts étrangers, et contribuaient fortement, grâce à leur activité propre, à donner son caractère et son rayonnement à la civilisation française dans son ensemble.

Au sud des montagnes de la « Dorsale » tunisienne, au nord du Sahara, les steppes du Maghreb central s'inclinent doucement vers la mer. Elles ne l'atteignent point partout. Au Nord-Ouest, autour de Sousse, de Monastir, de Mahdia, le climat, pénétré d'influences méditerranéennes et, surtout, le passé humain ont créé, le long de la côte, une frange de cultures et de vie villageoise. C'est le Sahel (« rivage »). Cette bande de vieille et forte densité rurale s'interrompt peu après Mahdia. Mais, plus loin vers le Midi, au point d'aboutissement d'anciennes pistes caravanières, les remparts de Sfax, entourés d'assez maigres jardins, firent longtemps figure d'une sorte d'oasis urbaine, que la zone aride cernait de toutes parts. Telles sont ou telles étaient, avec leur bordure littorale, les « basses steppes » de la Tunisie, objet du très remarquable livre que vient de nous donner M. Jean Despois.

L'idée est excellente et d'avoir projeté un livre sur les Paysans d'Afrique Occidentale, et d'avoir demandé ce livre à Henri Labouret, dont tous nos lecteurs savent la compétence et l'autorité. Rarement livre aussi plein, aussi nourri, aussi riche d'expérience aura été composé sur un groupe d'hommes aussi peu familier à nos curiosités européennes que le groupe des paysans noirs de l'Afrique Occidentale.

Le droit d'asile religieux, ou droit d'asile au sens strict (à l'exclusion presque complète du droit d'asile territorial) dont M. P. Timbal Duclaux de Martin nous expose l'histoire juridique, est une institution qui naît, s'épanouit et meurt. L'antiquité juive n'a connu que l'asile territorial ; l'antiquité païenne a ignoré l'asile religieux proprement dit. L'asile des églises chrétiennes ne dérive donc point de là. Il a été « recréé par la pratique de l'intercession des clercs ».

Le bref opuscule dans lequel M. Santifaller expose la méthode, le but et les résultats de la diplomatique (Urkundenforschung), ou étude critique des documents de chancellerie n'intéresse pas directement les éitudes qui sont l'objet propre des Annales, mais tout historien aura le plus grand profit à lire ce mémoire qui reproduit, en la complétant sur certains points, une conférence faite à Breslau par l'auteur, professeur à l'Université de cette ville, dans l'intention de faire connaître à un publicf de non spécialistes les différents problèmes abordés par la diplomatique et les résultats obtenus.

L'Institut historique tchécoslovaque a entrepris, sous le titre de Archivum Coronae Bohemiae, la publication des actes conservés dans les archives de la couronne de Bohême et, dès 1928 Venceslas Hruby faisait paraître un volume de diplômes se rapportant à la période de 1346 à 1355 ; cependant qu'il préparait l'édition d'un volume renfermant les actes antérieurs à 1346, date de l'avènement de Charles IV. Si l'auteur a été surpris par la mort dès 1933, du moins Ottakar Bauer a-t-il pu faire paraître dès 1935 le premier fascicule mis au point par son prédécesseur, fascicule dont les actes s'échelonnent de 1086 à 1305.