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La pensée sans sujet pensant

Published online by Cambridge University Press:  04 March 2011

Paul Bernier*
Affiliation:
Université de Moncton

Abstract

Since Hume, some philosophers deny that conscious thinking requires the existence of a thinking subject. This claim is well illustrated by Lichtenberg’s remark according to which Descartes could not pretend to have established the certainty of “I think” but only that of “Thinking is going on” (Es denkt). Bernard Williams has argued that the claim that there can be thinking without a thinking subject is incoherent. My purpose, in this paper, is to suggest an interpretation of that claim which overcomes the problem raised by Williams.

Résumé

Il existe une tradition, remontant à David Hume, qui nie que la pensée consciente requiert l’existence d’un sujet. Cette thèse, que nous appelons la thèse de la pensée sans sujet, est bien illustrée par la remarque de Lichtenberg selon laquelle Descartes ne pouvait prétendre avoir établi la certitude de «Je pense» mais uniquement celle de «Il y a de la pensée» (Es denkt). Le philosophe américain Bernard Williams a proposé un argument qui montrerait l’incohérence de la thèse de la pensée sans sujet. Mon but principal est de défendre la thèse de la pensée sans sujet en proposant une interprétation qui surmonte le problème posé par Williams.

Type
Philosophie cartésienne et matérialisme
Copyright
Copyright © Canadian Philosophical Association 2011

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References

Notes

1 Voir notamment Cassam, Quassim, Self and World, Oxford, Clarendon Press, 1997.Google Scholar

2 Lichtenberg, Georg Christoph, Schriften und Briefe, vol. 2, Munich, Carl Hanser Verlag, 1971.Google Scholar

3 Williams, Bernard, Descartes. The Project of Pure Inquiry, Londres, Penguin Books, 1978, p. 95101.Google Scholar

4 Certains articles importants sur cette question sont rassemblés dans Cassam, Quassim, dir., Self-Knowledge, Oxford, Clarendon Press, 1997Google Scholar; Smith, Barry C., Wright, Crispin et Macdonald, Cynthia, dir., Knowing One’s Own Mind, Oxford, Clarendon Press, 1997Google Scholar; Ludlow, Peter et Martin, Norah, dir., Externalism and Self-Knowledge, Stanford (CA), CSLI Publications, 1998Google Scholar; Gertler, Brie, dir., Privileged Access: Philosophical Accounts of Self-Knowledge, Aldershot, Ashgate Publications, 2003Google Scholar, et Hatzimoysis, Anthony, dir., Self-Knowledge, Oxford, Oxford University Press, 2010.Google Scholar

5 Descartes, Méditations métaphysiques, édition de Jean–Marie Beyssade et Michelle Beyssade, Paris, Flammarion, 1979, p. 79.

6 Ibid.

7 Ibid.

8 Ceci dit, comme un des évaluateurs de ce texte nous l’a signalé, dans les Principes de la philosophie, Descartes propose l’idée du cogito d’une façon qui pourrait être interprétée comme ne garantissant pas l’existence du sujet pensant, en disant que pour penser il faut être. Pour des raisons évidentes, dans ce texte nous suivons l’interprétation standard selon laquelle la certitude du cogito garantirait l’existence d’un sujet pensant.

9 La question de savoir si l’existence du sujet serait garantie par un lien inférentiel pose des difficultés notoires. Je ne discuterai pas ces difficultés qui ne sont pas vraiment pertinentes puisque, de toute façon, il est clair que dans ce passage Descartes prétend que la certitude à laquelle il parvient par l’application du doute hyperbolique garantit l’existence d’au moins une chose : le sujet pensant, et cela quelle que soit la nature de cette garantie.

10 Descartes, Méditations, p. 87.

11 Ici je pense particulièrement au point de vue de Quassim Cassam, Self and World, qui développe certaines idées de Peter Strawson.

12 Comme on le sait, Hume l’a remise en question dans le Traité de la nature humaine. Kant s’en est également dissocié, dans la Critique de la raison pure, en interprétant le cogito comme n’impliquant pas l’existence d’une chose pensante au sens de la thèse du sujet substantiel, mais uniquement celle d’un sujet transcendantal. De plus, certains philosophes contemporains d’inspiration wittgensteinienne nient que le pronom personnel «je» réfère à une chose pensante dans le sens de la thèse du sujet substantiel. Par ailleurs, comme un évaluateur de ce texte nous l’a indiqué, il semble que certaines des objections de Hobbes et de Gassendi (dans sa Disquisitio Metaphysica de 1644) concernent directement cette question; voir également Adam et Tannery, Œuvres de Descartes, Paris, Vrin/CNRS, 1964–1976.

13 L’exemple de Lichtenberg est plutôt : «Es blitzt»; voir G. C., Lichtenberg, Schriften und Briefe.

14 Ibid.

15 Voir J., Perry, «The Problem of the Essential Indexical», Nous, vol. 13, 1979, p. 322.Google Scholar

16 Williams, Bernard, Descartes. The Project of Pure Inquiry, Londres, Penguin Books, 1978, p. 95101.Google Scholar

17 Parfit, Derek, Reasons and Persons, Oxford, Clarendon Press, 1987.Google Scholar

18 Ibid., p. 225.

19 Williams, Voir B., Descartes, p. 95101.Google Scholar

20 Cassam, Q., Self and World, p. 183.Google Scholar

21 Parfit, D., Reasons and Persons, p. 225226.Google Scholar

22 Cassam, Q., Self and World, p. 183sq.Google Scholar

23 Une théorie de la conscience comme celle qui a été développée par David Rosenthal pourrait être interprétée d’une façon qui permettrait une solution «impersonnaliste» différente de celle que je propose ici; voir David M. Rosenthal, «A Theory of Consciousness», dans Ned J. Block, Owen J. Flanagan et Güven Guzelderde, dir., The Nature of Consciousness, Cambridge (MA), MIT Press, 1997, p. 729–753. Selon une telle solution, ce serait bien la pensée consciente particulière qui donnerait l’ancrage requis mais sans supposer que celle-ci serait auto-référentielle. En effet, selon la théorie de Rosenthal, l’occurrence d’une pensée consciente O au temps t (disons l’occurrence au temps t de la pensée je doute) est consciente à condition qu’elle soit accompagnée par l’occurrence, au temps t ou juste avant t, d’une pensée inconsciente de deuxième ordre O’. On peut interpréter cette théorie en proposant que la pensée inconsciente de deuxième ordre serait une pensée impersonnelle qui fait référence de façon démonstrative à l’occurrence de la pensée consciente qu’elle accompagne. Ainsi la pensée inconsciente de deuxième ordre pourrait être interprétée comme ayant la forme suivante : il est pensé ceci, où «ceci» réfère à l’occurrence O de la pensée consciente je doute.

24 Voir supra note 4.

25 Par exemple dans Damasio, Antonio R., Le sentiment même de soi, Paris, Odile Jacob, 1999.Google Scholar

26 Davidson, Voir Donald, «Knowing One’s Own Mind». Journal of Philosophy, vol. 85, 1988Google Scholar.