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Participer ou s'autodéterminer ? Un état des lieux de la littérature décoloniale autochtone

Published online by Cambridge University Press:  22 December 2022

Simon Dabin*
Affiliation:
Centre interuniversitaire d'études et de recherches autochtones (Ciéra), 1330 A rue La Fontaine, Montréal, QC H2L 1T3, Canada
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Résumé

La participation des Autochtones aux institutions démocratiques canadiennes (que ce soit par le vote, le fait de se présenter à une élection ou d’être député ou sénateur) fait l'objet d'un grand débat dans la littérature décoloniale. Certains auteurs considèrent ces actions comme étant incompatibles avec les mouvements d'autodétermination pendant que d'autres les encouragent en considérant que la participation peut bénéficier aux mouvements d'autodétermination. Par un état des lieux de la littérature décoloniale sur ce sujet, cet essai critique constate que cette mésentente entre les auteurs concernant la compatibilité ou non de la participation avec les mouvements d'autodétermination vient d'une acception différente des contours que devraient prendre l'autodétermination des nations autochtones et le processus devant y mener. Ainsi, il existe une première catégorie d'auteurs, que nous qualifions de « tenants de l'autodétermination incompatible ». Ces derniers établissent que l’État colonial d’établissement est totalisant ; il est donc impossible de le changer de l'intérieur. En outre, les sociétés allochtones et autochtones ne partagent pas les mêmes systèmes de valeurs et de pensées. Il en résulte que les mouvements d'autodétermination doivent se concentrer exclusivement sur la résurgence des sociétés autochtones en dehors des institutions de l’État colonial d’établissement. En conséquence, la participation ne peut faire partie du répertoire d'actions pouvant mener à cette résurgence. Cela pourrait même l'empêcher. À l'inverse, une autre catégorie d'auteurs que nous qualifions de « tenants de l'autodétermination relationnelle » considère que c'est justement parce que l’État colonial d’établissement est totalisant qu'il faut prendre en compte ses effets sur les sociétés autochtones. Dès lors, les sociétés autochtones et allochtones, bien qu'ayant des systèmes de valeurs différents les unes des autres, ne sont pas incompatibles : elles peuvent s'influencer. Par conséquent, la participation à ses institutions peut être compatible avec les mouvements d'autodétermination dans certaines conditions.

Abstract

Abstract

The participation of Indigenous peoples in Canadian democratic institutions (e.g., voting, running for office, being a Member of Parliament) has been at the hearth of a prolonged debate in decolonial literature. Some authors consider these actions to be incompatible with self-determination movements while others encourage them, arguing that participation can benefit movements of self-determination. Discussing the decolonial literature on this topic, this critical essay suggests that the main difference between those who are in favor and those who are against participation stems from a differentiated understanding of what self-determination of indigenous nations means and how it should be carried out. The first category of authors–the “supporters of incompatible self-determination”–establish the settler colonial state as totalizing. It is then impossible to change it from within. Furthermore, non-indigenous and indigenous societies do not share the same systems of values and thoughts. As a result, self-determination movements must focus exclusively on the resurgence of Indigenous societies outside the institutions of the settler colonial state. Consequently, participation cannot be part of the repertoire of actions that can lead to this resurgence, and it can even prevent it. Another category of authors whom we qualify as “supporters of relational self-determination” consider that it is precisely because the settler colonial state is totalizing that Indigenous peoples must consider its effects on indigenous societies. In addition, indigenous and non-indigenous societies, although they have different value systems, are not incompatible: they can influence each other. As a result, participation can be compatible with self-determination movements under certain conditions.

Type
Review Essay/Essai critique
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Copyright © The Author(s), 2022. Published by Cambridge University Press on behalf of the Canadian Political Science Association (l’Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique

Les mouvements et les actions de la part des nations, des organisations et des groupes autochtonesFootnote 1 qui revendiquent ou qui visent la décolonisation des institutions étatiques et l'autodétermination sont très divers. Parmi cette diversité, un ensemble d'actions divise énormément les auteurs en études décoloniales.Footnote 2 Ces actions sont celles qui relèvent de la participation des Autochtones aux institutions démocratiques (par exemple, le fait de voter, de se présenter à une élection provinciale ou fédérale, d’être député ou sénateur). Ainsi, pour certains auteurs, la participation aux institutions démocratiques ne peut être considérée parmi le répertoire des actions possibles visant la décolonisation et l'autodétermination des nations (Deloria et Lytle, Reference Deloria and Lytle1984 ; Little Bear, Boldt et Long, Reference Little Bear, Boldt and Long1984 ; Alfred, Reference Alfred2005 ; Corntassel et Witmer, Reference Corntassel and Witmer2008 ; Johns, Reference Johns2011 ; Simpson, Reference Simpson2017 ; Williams et Schertzer, Reference Williams and Schertze2019). À l'inverse, d'autres auteurs encouragent, clairement ou incidemment, les Autochtones à la participation en considérant que celle-ci peut être un catalyseur des mouvements visant la décolonisation et l’émergence d'autodéterminations autochtones (Turpel, Reference Turpel1992 ; Murphy, Reference Murphy2008 ; Woons, Reference Woons2013 ; Morden, Reference Morden2016 ; Wilson-Raybould, Reference Wilson-Raybould2019).

Si, à ce jour, il existe des études empiriques qui portent sur les significations et les conséquences de la participation des Autochtones aux institutions démocratiques de certains pays (notamment en Nouvelle-Zélande et dans les pays scandinaves [Bargh, Reference Bargh2010 ; Broderstad, Reference Broderstad2011 et Reference Broderstad2014]), au Canada le débat sur la compatibilité ou non de la participation avec les mouvements d'autodétermination demeure principalement théorique. Pour cause, la participation des Autochtones aux institutions démocratiques canadiennes, tant au niveau fédéral que provincial, est restée pendant des années un phénomène extrêmement marginal, empêchant de fait des études empiriques sur le sujet. Toutefois, depuis quelques années, cette participation est en augmentation. Par exemple, lors des élections fédérales de 2015 et de 2019, le taux de participation dans les communautés autochtones a dépassé 50%, alors que de 2004 à 2011 il était en moyenne de 44% (contre 66% pour les Canadiens) (Bargiel, Reference Bargiel2012). Nous observons également une augmentation constante du nombre de candidats autochtones depuis 2008 (Dabin, Daoust et Papillon, Reference Dabin, Daoust and Papillon2018) et l’élection de 11 députés autochtones en 2015, de 10 en 2019 et en 2021, ainsi que la nomination de 7 sénateurs autochtones durant la même période (de 2015 à 2021).

Ce phénomène donne une nouvelle résonance au débat entre les auteurs décoloniaux au Canada. En effet, nous pouvons supposer qu’à mesure que la participation des Autochtones aux institutions démocratiques canadiennes s'impose comme un fait politique de moins en moins marginal, de plus en plus de chercheurs et/ou de penseurs décoloniaux vont s'intéresser à ce phénomène sur le plan empirique afin d'en déterminer les causes, les significations et les conséquences. Or, à la lumière des rares études empiriques existantes sur le sujet, il est possible de souligner que la position théorique et normative des auteurs sur la question a une influence sur l'interprétation qu'ils donnent de la participation. Prenons pour exemple l’étude de Alfred, Pitawanakwat et Price (Reference Alfred, Pitawanakwat and Price2007). Dans ce rapport préparé pour Élections Canada où ils se fondent sur une série d'entretiens, ils réfléchissent à la signification de la participation électorale de jeunes Autochtones. Malgré des données qui viennent nuancer la contradiction entre l'autodétermination et la participation, ils concluent tout de même sur ces mots : « we believe that there are no strategic options within the existing framework of Canadian electoral processes that can significantly address the concerns raised in our interviews » (Alfred, Pitawanakwat et Price, Reference Alfred, Pitawanakwat and Price2007 : 19). Nous retrouvons l'impact de ce positionnement normatif dans certaines études portant sur la signification qu'il faut donner à l'abstention des Autochtones. L'abstention électorale est ainsi comprise comme une forme de résistance et d'affirmation identitaire face à l’État colonial par certains auteurs (Ladner, Reference Ladner2003 ; Corntassel et Witmer, Reference Corntassel and Witmer2008). Finalement, c'est surtout dans le débat entourant la question de l'augmentation ou non de la représentation des Autochtones à la Chambre des Communes que cet impact est le plus visible. Pour Tim Schouls (Reference Schouls1996), la garantie d'une meilleure représentation des Autochtones, notamment par la mise en place de circonscriptions électorales autochtones, irait à l'encontre de la défense par les Autochtones d'une citoyenneté différenciée de celle des Canadiens, puisqu'elle reposerait sur une logique égalitariste qui ne correspond pas aux revendications des principaux concernés. À l'inverse, Murphy et Woons défendent l'idée selon laquelle la représentation des Autochtones au sein des assemblées législatives et du Parlement canadien peut permettre l'ouverture d'un champ des possibles pouvant aider les mouvements d'autodétermination (Murphy, Reference Murphy2008 : 216 ; Woons, Reference Woons2013).

Dès lors, il apparaît fondamental d’éclaircir les tenants de la position des auteurs décoloniaux sur le sujet, puisque leur positionnement théorique a un retentissement normatif sur la manière dont il est possible de se saisir de la question entourant la participation. Autrement dit, de ce positionnement théorique découle une interprétation normative. Cette participation sera comprise soit comme un acte d'aliénation contraire à l'autodétermination, soit comme un acte favorisant l'autodétermination. En conséquence, les recherches futures sur la participation vont être amenées d'une manière ou d'une autre à se positionner par rapport à ce débat théorique.

Dans cette optique, cet essai critique permet de rendre compte et d'expliciter les termes sur lesquels repose ce débat. Sans prétendre à l'exhaustivité, nous avons sélectionné des auteurs représentatifs des principaux courants intellectuels qui le traversent, tels Taiaiake Alfred, Glen Coulthard, Jeff Corntassell, Leanne Simpson, Sherryl Lightfoot, Joyce Green, Gina Starblanket, Tamara Starblanket, John Borrows, Dale Turner, Paul Nadasdy et plusieurs autres. Nous privilégions les auteurs et autrices autochtones, influents en Amérique du Nord en général et au Canada en particulier, sans toutefois exclure certaines contributions d'intellectuels allochtones en Amérique du Nord et celles (plus rares dans ce texte) d'Autochtones et d'allochtones ailleurs dans le monde.

En analysant la pensée de ces auteurs, nous observons que ce qui les distingue n'est pas tant l'acceptation plus ou moins affirmée de la légitimité des institutions coloniales, ni une plus grande importance accordée à l'autodétermination, mais bien une conception différente de ce que « l'autodétermination » signifie. Ainsi, les auteurs qui s'opposent à toute forme d'engagement au sein des institutions coloniales conçoivent le colonialisme d’établissement comme une entreprise totalisante, dont les ramifications sont telles que seule une rupture radicale avec l'ordre actuel rend possible l'autodétermination. De fait, toute forme de participation devient problématique puisqu'elle contribue à légitimer et à renforcer des institutions qui ont été imposées par la puissance coloniale. Nous qualifions ce premier groupe d'auteurs de « tenants de l'autodétermination incompatible ». À l'inverse, d'autres auteurs considèrent que le colonialisme d’établissement, parce qu'il est totalisant, établit une relation coloniale entre les Autochtones et les allochtones. De fait, s'il y a une relation alors cela signifie que les Autochtones peuvent avoir un impact sur les structures coloniales. Pour eux, l'autodétermination passe à la fois par une revitalisation des institutions autochtones et par un travail de subversion des structures coloniales de l'intérieur, afin de les transformer. Nous qualifions ce deuxième groupe de « tenants de l'autodétermination relationnelle ».

Il est important de souligner ici qu'en tant que chercheur allochtone, il ne nous appartient pas de prendre position pour l'un ou pour l'autre des positionnements théoriques que nous allons présenter et expliciter. Il est tout aussi crucial de préciser que, dans les faits, il est évident que les Premières Nations, les InuitFootnote 3 ou les Métis qui décident de participer ou de ne pas participer aux institutions démocratiques ne réfléchissent pas de manière binaire en fonction de ces raisonnements théoriques. Ce que nous présentons est plutôt un état des lieux de ce débat dans la littérature et non sur le plan empirique.

1. De la difficulté de penser l'autodétermination en contexte de colonialisme d’établissementFootnote 4

Dans cet article nous ne traitons pas de la dimension juridique de l'autodétermination des peuples en général et des peuples autochtones en particulier. Nous nous intéressons plutôt à la dimension politique de cette dernière. En ce sens, il est possible de s'entendre sur le fait que, dans sa dimension politique, l'autodétermination implique la production d'un espace juridique et politique permettant aux peuples autochtones de définir librement leur devenir social, économique et culturel. Autrement dit, dans sa dimension politique, l'autodétermination des peuples autochtones au Canada implique l’établissement de relations de nations à nation entre ces différents peuples et le Canada (Woons, Reference Woons2013 : 15). Si cet aspect est relativement consensuel, il n'en demeure pas moins que les auteurs décoloniaux ne s'entendent ni sur les contours de cette relation ni sur le processus pour y parvenir. La raison de cette mésentente s'explique par le fait que l'autodétermination des peuples autochtones (au Canada comme ailleurs) se réfléchit et se définit en opposition à une forme particulière de colonialisme : le colonialisme d’établissement.Footnote 5

Le colonialisme d’établissement se distingue des autres formes de colonialisme par trois principales caractéristiques. Premièrement, le colonialisme d’établissement s'incarne dans un processus d'invasion permanent et continu des territoires autochtones de la part des colonisateurs (Wolf, Reference Wolfe2006). De fait, il ne s'agit pas d'un évènement ponctuel, historique, passé, mais bien d'un processus qui s'inscrit dans la durée et qui demeure actuel (Battell, Lowman et Barker, Reference Battell Lowman and Barker2015 : 25). Ce processus produit des politiques et des institutions qui maintiennent la domination de peuples colonisés et produit une idéologie qui justifie cette domination.

De même, en tant que processus d'invasion continu, le colonialisme d’établissement est totalisant dans le sens où les politiques, les institutions tout comme l'idéologie qui les justifie, se répercutent sur tous les aspects de la relation entre les Autochtones et les allochtones (Turner, Reference Turner2014 : 109). Cependant, s'il est un processus continu, il n'est pas pour autant constant et inchangé à travers le temps (Barker, Rollo et Battell Lowman, Reference Barker, Rollo, Lowman, Edward and Veracini2017 ; Reid et Peace, Reference Reid, Peace, Cavanagh and Veracini2017). Les politiques, les institutions et l'idéologie changent, s'adaptent, se transforment. Au Canada, il est ainsi admis qu'il existe dans l'Histoire du pays trois grandes périodes du colonialisme d’établissement (Rodon, Reference Rodon2019 : 27–49). La période actuelle est celle du « colonialisme caché » soit un colonialisme qui est issu du paradigme de la reconnaissance (Alfred et Corntassel, Reference Alfred and Corntassel2005 ; Coulthard, Reference Coulthard2014 ; Eisenberg, Webber, Boisselle et Coulthard, Reference Eisenberg, Webber, Boisselle and Coulthard2014 ; Adamoski, Chunn et Menzies, Reference Adamoski, Chunn and Menzies2015; Simpson, Reference Simpson2017). Cette période se caractérise par une relative ouverture de droits et par des reconnaissances politiques pour les nations et les individus autochtones, tout en maintenant des structures, des politiques et des idéologies coloniales.

La deuxième caractéristique du colonialisme d’établissement concerne la population : les colonisateurs ne sont pas des envahisseurs étrangers, mais bien les citoyens d'un État distinct de la métropole d'origine. Finalement, le but de l’État colonial d’établissement est de dépasser, ou de transcender, son statut de colonie en faisant disparaitre les peuples autochtones, que ce soit par la violence physique ou par l'assimilation culturelle (Veracini, Reference Veracini2015; Palmater, Reference Palmater2015 : 12–19 et 52–55 ; Corntassel et Bird, Reference Corntassel, Bird, Ladner and Tait2017 : 193–209 ; Starblanket, Reference Starblanket, Stark, Asch, Borrows and Tully2018 : 171).

La construction nationale de l’État colonial d’établissement repose sur des mythes, des symboles et des interprétations d’événements historiques dans le but d'inventer une présence naturelle et légitime des colonisateurs sur le territoire. À terme, le colonisateur doit se reconnaître dans une histoire nationale afin de ne pas penser–voire d'oublier–les fondements et le présent fondamentalement violents de son État d'appartenance (Dunbar-Ortiz, Reference Dunbar-Ortiz2014 ; Macdonald, Reference Macdonald, Ladner and Tait2017). De plus, au cours de ce processus de construction nationale, l’État efface les réelles histoires et présences des peuples autochtones, pour y substituer l'histoire et la présence d'un « faux » Autochtone essentialisé (Bataille, Reference Bataille and Bataille2001 ; Simpson et Smith, Reference Simpson2014, 154 ; Cornellier, Reference Cornellier2015). Qualifié de « discours » chez Thérien (Reference Thérien1987), « d'imaginaire » chez Francis (Reference Francis1992) et chez Simard (Reference Simard and Clifton1990 ; Reference Simard2003), ou encore de « mort » chez King (Reference King2014 : 70), cet Autochtone est « inventé » pour être compatible avec le narratif colonial. Autrement dit, il n'existe que par et pour la construction nationale de l’État colonial (Dabin, Reference Dabin2019 : 34). Cet Autochtone « inventé » se voit assimilé au corps politique de la société coloniale pour devenir le sujet passif et consentant des normes de cette société (Rifkin, Reference Rifkin, Simpson and Smith2014 : 151). C'est la raison pour laquelle certains considèrent que l’« Autochtone inventé » est construit comme un être ayant accepté le contrat social de l’État colonial, comme le nomment certains auteurs (Nichols, Reference Nichols, Simpson and Smith2014 : 102).

En résumé, au sein de la construction de l'identité nationale coloniale d’établissement, les peuples autochtones sont à la fois absents réellement et présents de manière fictive (Dhoot, Reference Dhoot, Dryden, Lenon and Awwad2015 : 57). Ils sont absents dans le sens où leur diversité est niée et où leur passé comme leur présent sont oubliés par le narratif national. Ils sont présents dans le sens où ils sont réinventés et essentialisés pour servir ce narratif. Pour ces raisons, les peuples autochtones se retrouvent dans une situation d’« exilés intérieurs » de l’État colonial d’établissement. Cela signifie que les politiques et le construit national de l’État colonial d’établissement visent à enlever aux peuples autochtones la capacité de définir pour eux-mêmes leurs propres identités, de contrôler leurs propres institutions (McLeod, Reference McLeod, Jeannotte, Lamy, St-Amand, Pelletier and Armstrong2018 : 85–98) au risque de les rendre « étrangers » à leurs propres cultures (ce que Pierrot Ross Tremblay nomme sous le terme d’« amnésie culturelle » [Reference Ross-Tremblay2020]).

De fait, les luttes autochtones qui visent l'autodétermination revêtent nécessairement une dimension identitaire fondamentale (Mörkenstam, Reference Mörkenstam2005 ; Nadasdy, Reference Nadasdy2014 ; Woons, Reference Woons2015). L'affirmation de soi, le fait même de se nommer et d'affirmer son existence collective, est un acte de résistance face au colonialisme d’établissement. Il s'agit pour les nations autochtones de combattre l’« Autochtone inventé » en affirmant un autre narratif que celui du construit national colonial par la réappropriation de leurs identités, de leurs dénominations, de leurs territoires, de leurs institutions et de leurs propres langues (Alfred et Corntassel, Reference Alfred and Corntassel2005).

Cependant, à cause des caractéristiques de l’État colonial d’établissement que nous venons de résumer, l'autodétermination des peuples autochtones ne peut mener au départ des populations coloniales. Les institutions sociales, juridiques, politiques et les systèmes économiques allochtones ne disparaitront pas avec les affirmations d'autodétermination des peuples autochtones. Ainsi, le but de l'autodétermination est moins de remplacer ces institutions et ces systèmes que de trouver un modus operandi permettant la coexistence spatiale des systèmes allochtones et autochtones (Young, Reference Young2007 ; Murphy, Reference Murphy2008). En résumé, l'autodétermination est une lutte qui s'opère sur deux fronts : il s'agit de se libérer de la structure coloniale totalisante et simultanément de réaffirmer un espace juridique, politique et social qui permette la cohabitation avec la société allochtone désormais permanente (Anaya, Reference Anaya1996 ; Lightfoot, Reference Lightfoot, Stevens and Michelsen2016 ; Starblanket et Stark, Reference Starblanket, Stark, Asch, Borrows and Tully2018).

Pour récapituler, quand les auteurs décoloniaux sont amenés à définir l'autodétermination, ils se voient dans l'obligation de déterminer à la fois les contours de cet espace juridique, politique et social (c'est la relation de nations à nation) et le processus permettant de se libérer de la structure coloniale totalisante (ce que nous appelons « processus d'autodétermination »). Or, comme nous l'expliciterons dans les prochaines sections, tandis que certains privilégient une plus grande séparation des sociétés autochtones et allochtones, en raison notamment de l'incompatibilité des systèmes de valeurs entre ces sociétés, d'autres mettent de l'avant une conception davantage relationnelle de l'autodétermination, plus réceptive à la participation aux institutions démocratiques de l’État colonial d’établissement. Toutefois, tous partagent la volonté d'assurer à la fois la vitalité des sociétés autochtones et une coexistence plus juste et équitable avec la société coloniale d’établissement.

2. L'autodétermination incompatible

Un premier groupe d'auteurs, parfois classés par la littérature sous le nom de « traditionalistes » (Poelzer et Coates, Reference Poelzer and Coates2015 : 31–45) ou de « puristes » par Woons (Reference Woons2013 : 17), critique la participation aux institutions démocratiques coloniales. Pour eux, l'engagement au sein de ces institutions est en contradiction radicale avec l'idéal d'autodétermination.

Cette contradiction découle d'une part du caractère totalisant du colonialisme d’établissement et d'autre part d'une incompatibilité des cultures, valeurs et modes de vie entre les Autochtones et les allochtones (1). De cette incompatibilité nait la détermination d'un processus d'autodétermination qui rejette toutes les structures coloniales et se concentre sur la réaffirmation des valeurs, des systèmes politiques, culturels, sociétaux et philosophiques autochtones. Dans cette optique, la participation aux institutions démocratiques est nuisible à ce processus (2). Il découle de cette lecture que l'autodétermination suppose l’établissement d'une relation de nations à nation basée sur un espace politique et légal qui affirme les différences entre les sociétés autochtones et la société canadienne (3).

2.1 Une incompatibilité ontologique et politique radicale

Avant tout, les auteurs que nous allons présenter ici partent d'une prémisse : si l’État colonial d’établissement est un processus totalisant, alors il est impossible pour les Autochtones d'envisager de le modifier de l'intérieur. De fait, le processus d'autodétermination doit se caractériser par un ensemble de luttes, de mouvements et d'actions visant le refus radical de ce processus totalisant (Simpson, Reference Simpson2014). Par cela même, en refusant de jouer le jeu des institutions coloniales, les peuples autochtones rappellent à l’État colonial d’établissement l’échec de son projet : il n'a pas éliminé les Autochtones et n'a pas réussi à imposer un récit colonial aux Autochtones réels.

À cette prémisse s'ajoute une seconde selon laquelle les ontologies des sociétés autochtones et allochtones sont incompatibles. Vine Deloria est très certainement le penseur qui résume le mieux l'incompatibilité (l'auteur utilise même le terme « d'incommensurabilité ») qui existerait entre les ontologies des peuples autochtones et celles des sociétés allochtones. Pour lui, le monde vécu occidental reposerait sur une philosophie du temps alors que le monde vécu autochtone reposerait sur une philosophie de l'espace (Deloria, Reference Deloria2003). Plus précisément, l'ontologie autochtone se caractériserait par une philosophie qui considère que l'individu dépend et fait partie de l'univers qui l'entoure. Il en résulte une vision holistique du monde et une vision circulaire du temps (l'humain dépend de la nature et de ses cycles temporels). De son côté, l'ontologie allochtone inscrit plutôt sa compréhension du monde de manière temporelle : l'individu doit s’émanciper de son « état de nature », ne plus dépendre de son environnement pour progresser, pour évoluer. C'est une vision anthropocentrique du monde et linéaire du temps (plus l'humain se détache de la nature, plus il progresse). Ces deux mondes ne peuvent se comprendre ou se réconcilier (Deloria, Reference Deloria2003, 63; Alfred et Corntassel, Reference Alfred2005 ; Coulthard, Reference Coulthard2014 ; Palmater, Reference Palmater2015 ; Simpson, Reference Simpson2017).

De cette double prémisse (l’État colonial est un processus totalisant donc il est impossible de le changer de l'intérieur, et les Autochtones et les allochtones ont des valeurs incompatibles qui empêchent le dialogue et la compréhension entre leurs sociétés) découle une perspective sur les contours que doit prendre le processus d'autodétermination.

2.2 Un processus d'autodétermination qui vise la résurgence

Depuis les années 1970, dans la majorité des démocraties libérales coloniales (en particulier au Canada), les politiques coloniales s'inscrivent dans un nouveau paradigme : celui de la reconnaissance (Veracini, Reference Veracini2011 : 7). Développée par des penseurs libéraux, la logique de ce paradigme implique une reconnaissance par les institutions coloniales d'un statut et des droits spécifiques aux peuples autochtones, afin de leur permettre de maintenir une certaine autonomie culturelle, juridique et politique. Cela nécessite l'ouverture d'espaces de négociations entre les Autochtones et les allochtones. Pour les tenants de l'autodétermination incompatible, ces espaces ne permettent jamais d'aboutir à une véritable autodétermination. Au contraire, ils contribueraient à reproduire et même à consolider les structures coloniales, et ce pour trois principales raisons, identifiées par l'auteur Glen Coulthard dans son ouvrage Red Skin White Masks: Rejecting the Colonial Politics of Recognition (2014).

Premièrement, le paradigme de la reconnaissance repose sur une fausse prémisse selon laquelle le colonialisme d’établissement crée une relation intersubjective entre les Autochtones et les colonisateurs. Plus précisément, cette prémisse voudrait que l'identité du colonisateur se construise dans son rapport avec l'Autochtone et inversement (Coulthard, Reference Coulthard2014 : 34–35). Or, si les valeurs de l'un et de l'autre sont incompatibles, cette relation intersubjective est fictive. Il ne peut exister une relation sur la base de compréhensions du monde que les Autochtones et que les allochtones ne partagent pas. Ainsi, pour les tenants de l'autodétermination incompatible, le colonialisme d’établissement n'est pas une relation, mais bien un ensemble de structures de dominations (Coulthard, Reference Coulthard2014 : 36–37).

La deuxième raison est qu'au sein de ce paradigme, les termes de la négociation et des conditions de la reconnaissance sont exclusivement définis par les colonisateurs. De fait, les Autochtones, pour être reconnus, doivent devenir, et demander, ce que le colonisateur et les structures de dominations attendent d'eux (Coulthard, Reference Coulthard2014 : 39). C'est ce que Chow a appelé le « mimétisme coercitif » pour d'autres populations racisées (Reference Chow2002 : 107). Plus précisément, ce sont les institutions étatiques qui décident du langage, des règles à suivre, de qui peut participer et de ce qui peut être obtenu au sein des espaces ouverts par le paradigme de la reconnaissance (Coulthard, Reference Coulthard2014 : 40). Ainsi, les Autochtones qui négocient doivent accepter leur statut d’« Indiens en règle », c'est-à-dire de correspondre à la définition et aux caractéristiques de l’ « Autochtone inventé » par l’État colonial (King, Reference King2014 : 87). Dès lors, ils sont affligés d'un « fardeau de la preuve » de l'authenticité (Simpson, Reference Simpson2014 : 155) : ils doivent démontrer qu'ils sont des Autochtones selon la définition et les règles d'une authenticité définie et figée par l’État colonial (Kulchyski, Reference Kulchyski1994 ; Panagos, Reference Panagos2016).

Enfin, la troisième raison est qu'en pratique, le colonisateur n'a pas intérêt à reconnaître l'Autochtone comme son égal (Coulthard, Reference Coulthard2014 : 40–41). En effet, ses institutions tout comme son modèle économique reposent sur l'invasion et l'exploitation des territoires des peuples autochtones. Toute concession au niveau des droits territoriaux ou de l'autonomie politique restera nécessairement limitée par cet impératif de perpétuation de l'entreprise coloniale, limitant par le fait même le potentiel transformateur des politiques de reconnaissance (Coulthard, Reference Coulthard2014).

En conséquence, le processus d'autodétermination passe par un refus de ce paradigme donc par une sortie de cette logique de dépendance institutionnelle face à l’État colonial d’établissement. Mais plus important encore, les sociétés autochtones n'ont pas besoin de chercher à se faire reconnaitre par l’État, ni même d'en faire sécession. Elles n'ont pas besoin de se voir reconnaitre des droits ou un statut, ou de déclarer leur indépendance. En effet, si les sociétés allochtones et autochtones reposent sur des ontologies incompatibles, alors cela signifie que la violence coloniale peut faire taire l'expression des valeurs, des cultures, des institutions, des systèmes juridiques, sociétaux et économiques autochtones, mais elle ne peut les annihiler. L'incompatibilité implique que le colonialisme ne puisse transformer les sociétés et les individus autochtones.

Dans cette optique, le processus d'autodétermination doit d'abord considérer l’État colonial pour ce qu'il est : un ensemble d'institutions illégitimes et étrangères pour les sociétés autochtones (Alfred, Reference Alfred2005 ; Palmater, Reference Palmater2015). Ce processus sera constitué d'actions visant la résurgence des ontologies, des identités, des institutions et des systèmes juridiques, politiques, sociétaux, économiques autochtones (Simpson, Reference Simpson2017). Il s'opère au-delà et en dehors des structures coloniales. Autrement dit, le processus d'autodétermination appelle à des actions qui permettent la « reprise du contrôle » de la souveraineté collective autochtone (Ponting, Reference Ponting1997 : 134) en dehors de l’État colonial d’établissement. En somme, ces actions ne doivent pas être modelées par la philosophie constitutionnaliste libérale (Alfred, Reference Alfred2014) ; elles doivent être anticapitalistes (Kulchyski, Reference Kulchyski1994 ; Ethridge, Reference Ethridge, Woolford, Benvenuto and Hinton2014), contre le patriarcat (Palmater, Reference Palmater2015 ; Simpson, Reference Simpson2017) et contre l'hétéronormativité (Driskill et al., Reference Driskill, Finley, Gilley and Morgensen2011 : 3–7). Leanne Betasamosake Simpson parle à ce titre de « projet radical de résurgence » (Reference Simpson2017). Fort logiquement, la participation aux institutions démocratiques ne fait pas partie de ce processus.

2.3 Une relation de nations à nation basée sur un espace de non-interférence

Le processus d'autodétermination doit conduire les nations autochtones à ressurgir en dehors des contraintes et des interférences coloniales. Dans cette perspective, l'espace juridique et politique qui caractérise la relation de nations à nation est celui d'une cohabitation sur un même territoire, sans interférence de la nation canadienne sur les nations autochtones et inversement. Cet espace suppose la mise en œuvre d'un pluralisme juridique fort au sein de territoires partagés ; d'où la mise en place sur un même territoire d'au moins deux sources juridiques, deux systèmes judiciaires et deux modes de gouvernance. Les Autochtones et allochtones seront alors sujets de leurs propres systèmes de gouvernance et de droit respectifs. Alors que Poelzer et Coates assimilent cette situation à celle d'un régime de « souveraineté-association » (Reference Poelzer and Coates2015 : 37), nous préférons parler de l’établissement d'un régime de « souverainetés-dissociation » dans le sens où ces différentes sociétés devront–par principe–s'ignorer.

Dans cette optique, la participation aux institutions démocratiques canadiennes ne peut que nuire à la création de cet espace, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, parce qu'en se conformant aux termes coloniaux de la participation, les Autochtones qui participent renforcent des structures qui ont pour unique bénéficiaire l’État colonial (Ponting, Reference Ponting1997 : 363). Ensuite, parce qu'en participant, ils acceptent de facto et de jure la souveraineté de l’État colonial d’établissement. Or, la résurgence des systèmes politiques, philosophiques, économiques et sociétaux des nations autochtones ne peut s'opérer qu’à la condition de nier cette souveraineté coloniale illégitime. En outre, les Autochtones qui participent seraient aliénés ou des « colonisés internes » (Murphy, Reference Murphy2008 : 196–197), car ils accepteraient les valeurs associées à une société qui n'est pas la leur. Alfred précise que ce faisant, les Autochtones qui participent seraient condamnés à un éternel mal-être interne : du fait de l'incompatibilité entre les cultures, ils n'intérioriseront jamais réellement les valeurs de la société allochtone et ne seront jamais pleinement acceptés par cette dernière (Reference Alfred2005 : 129). En résumé, la participation renforce la relation coloniale et ne peut conduire qu’à une assimilation des individus et des nations autochtones à la société canadienne.

3. L'autodétermination relationnelle

Cette critique de la participation, fondée sur le caractère totalisant et indépassable du colonialisme et sur l'incompatibilité des ontologies autochtones et allochtones, n'est pas partagée par tous les intellectuels et activistes décoloniaux. Pour certains, si le colonialisme est bel et bien omniprésent et s'il existe bien des différences ontologiques profondes entre les sociétés autochtones et allochtones, ces différences ne sont pas incommensurables entre elles et n'empêchent pas, de fait, le dialogue. Ceci est d'autant plus vrai que les identités autochtones sont complexes et multiples. Pour ces auteurs, le processus d'autodétermination ne peut faire abstraction du contexte dans lequel il s'inscrit. Plutôt que d'ignorer cette réalité, ce deuxième groupe propose plutôt de transformer de l'intérieur les institutions par l'action politique. Ainsi, ces auteurs rejettent tous le fait que les valeurs autochtones avec les valeurs allochtones seraient incompatibles (1). Dès lors, l'autodétermination revêt une dimension relationnelle. Sans négliger le projet de résurgence des sociétés autochtones, celui-ci doit s'accompagner d'une transformation des institutions coloniales. Dans cette optique, la participation peut faire partie du processus d'autodétermination (2) si et seulement si cette participation est faite dans le but de former un espace juridique et politique permettant l’établissement d'une relation de nations à nation basée sur la non-domination (3).

3.1 L'inexistence d'une incompatibilité

Les auteurs regroupés ici se différencient des précédents concernant deux points majeurs. Premièrement, ils considèrent que, si le colonialisme d’établissement est un projet totalisant, il est nécessaire d'accepter la prémisse selon laquelle il établit inévitablement une relation entre les Autochtones et les colonisateurs (Dhoot, Reference Dhoot, Dryden, Lenon and Awwad2015 : 55). En effet, les structures de dominations du colonialisme d’établissement s'exercent sur les Autochtones et sur la manière dont ils vivent (Rifkin, Reference Rifkin2012 : 35). Dit autrement, l’État colonial en tant que projet totalisant les maintient dans un climat de violence qui influe sur leurs réalités et leurs vécus (Turner, Reference Turner2014 : 109). Les Autochtones subissent cette réalité et ne peuvent faire abstraction des contraintes et des violences amenées par le passé et le présent du colonialisme (Rowse, Reference Rowse and Woons2015 : 34). Il en résulte que les identités des Autochtones et celles du colonisateur se forment, se définissent, se contraignent, se transforment mutuellement à l'intérieur des rapports coloniaux (Morgensen, Reference Morgensen2011 : 23 ; Green, Reference Green and Green2017 : 31). Il est donc impossible de penser une identité autochtone qui soit le reflet d'une image de « continuité insulaire » qui ne soit pas affectée par le colonialisme (Rifkin, Reference Rifkin2012 : 35)–tout comme il est impossible de penser une identité coloniale non affectée par les actions des Autochtones (Schotten, Reference Schotten2018 : 58–59).

Deuxièmement, il faut souligner que même si les rapports sont inégalitaires et qu'il est évident que les actions coloniales affectent bien plus les Autochtones que les allochtones, cette relation doit être prise en compte pour imaginer une relation de nations à nation. Ce dernier point est fondamental et mérite que nous nous y attardions, car il résume les principales critiques adressées aux tenants de l'autodétermination incompatible par les tenants de l'autodétermination relationnelle.

D'abord, le fait de considérer les valeurs autochtones et allochtones comme étant incompatibles viendrait confirmer la dichotomie entre une société coloniale nécessairement moderne et une société autochtone nécessairement traditionnelle (Starblanket et Stark, Reference Starblanket, Stark, Asch, Borrows and Tully2018 :193–200). En reproduisant cette dichotomie, les penseurs de l'autodétermination incompatible se conformeraient malgré eux à l’« Autochtone inventé » par l’État colonial en réifiant l'image d'un « Blanc civilisé » face à un « Autochtone en dehors du progrès » (Starblanket et Stark, Reference Starblanket, Stark, Asch, Borrows and Tully2018 : 196). Il y aurait alors un risque de légitimer et de renforcer cet imaginaire colonial en insistant sur la nécessaire authenticité des peuples autochtones (Starblanket et Stark, Reference Starblanket, Stark, Asch, Borrows and Tully2018 : 196).

Ensuite, l'appel au retour des valeurs traditionnelles, non discutées et non affectées par les violences coloniales, peut conduire à reproduire des pratiques oppressives ou d'exclusions au sein même des communautés (Starblanket et Stark, Reference Starblanket, Stark, Asch, Borrows and Tully2018 : 196–197). En d'autres termes, cette division peut renforcer des rapports de pouvoir au sein même des communautés, en séparant ceux qui seraient les « vrais » autochtones (ceux qui refusent les valeurs allochtones) de ceux qui seraient les « faux » autochtones (ceux qui subissent l’évolution de leurs cultures et de leurs identités à cause des violences coloniales).

Puis, les tenants d'une conception de l'autodétermination incompatible risqueraient de reproduire les travers du colonialisme qu'ils dénoncent en proposant une vision idéalisée et irréalisable du projet d’émancipation des peuples autochtones (Lightfoot, Reference Lightfoot, Stevens and Michelsen2016). En effet, il est impossible de concevoir aujourd'hui des sociétés autochtones et des sociétés allochtones vivant côte à côte dans une complète indifférence et sans influences mutuelles des unes sur les autres (Woons, Reference Woons2015 : 5). Lightfoot parle en ce sens « d'apories » dans la logique des tenants de l'incompatibilité (Reference Lightfoot, Stevens and Michelsen2016), laquelle empêche de considérer les Autochtones comme des agents stratégiques, capables de redéfinir leurs relations avec l’État colonial (Lightfoot, Reference Lightfoot, Stevens and Michelsen2016 : 167–168).

3.2 Un processus d'autodétermination qui vise la transformation de la société coloniale

Les peuples autochtones ne peuvent ignorer le colonialisme et ses effets sur leur vie de tous les jours. Ils ne peuvent faire abstraction des contraintes imposées par les politiques passées et actuelles pour faire resurgir des sociétés autochtones « authentiques ». Dès lors, ils doivent agir contre les violences coloniales, à la fois par la protection de leurs valeurs et de leurs philosophies et par la remise en cause des structures du colonialisme d’établissement (Turner, Reference Turner2014 : 113). Bien sûr, les tenants de cette conception relationnelle de l'autodétermination constatent que les espaces de négociations créés par le paradigme de la reconnaissance sont inégalitaires. Ils sont tout aussi conscients des risques associés à ce qui est communément appelé le « fardeau de la preuve de l'authenticité ».

Cependant, leur perspective considère que le processus d'autodétermination implique de saisir et de créer toutes les opportunités qui permettent d'investir les espaces de domination de l’État colonial (Borrows, Reference Borrows2017b : 140). En somme, il faut pouvoir profiter du paradigme de la reconnaissance. À ce titre, il faut considérer que les espaces de négociations revêtent un caractère paradoxal. Suzack (Reference Suzack, Suzack, Huhndorf, Perreault and Vancouver2010) utilise d'ailleurs le terme de « dialogique paradoxale » dans son travail sur le rapport des femmes autochtones avec le système de justice canadien. Pour elle, bien qu'en entrant en discussion avec les allochtones à l'intérieur des institutions coloniales (dans son cas les institutions judiciaires), les Autochtones adaptent leurs revendications et leurs identités ; ils apportent aussi à l’État colonial de nouvelles façons de comprendre ses relations avec eux (Suzack, Reference Suzack, Suzack, Huhndorf, Perreault and Vancouver2010 : 129).

Ainsi, l'activisme autochtone à l'intérieur des institutions modifie la compréhension des identités et des valeurs autochtones. Il conduit à des (r)évolutions dans les structures, dans les philosophies, dans les principes de la citoyenneté et dans les principes juridiques de l’État colonial d’établissement (Lightfoot, Reference Lightfoot, Stevens and Michelsen2016). Chaque fois que les Autochtones utilisent les institutions coloniales pour remettre en cause le colonialisme, ils contribuent à mettre en place, étape par étape, les fondations pour que de véritables changements s'opèrent. Plus concrètement, les Autochtones peuvent profiter des espaces de négociations et investir les structures de dominations dans le but de contredire le narratif colonial (LaRocque, Reference LaRocque1975) ; pour regagner une capacité d'agir en obtenant des compétences politiques (Duffy, Reference Duffy1988 ; Rasing, Reference Rasing2017) ; pour établir des traités modernes plus justes (Aldridge et Fenge, Reference Aldridge2015) ; pour transformer le droit canadien (Borrows, Reference Borrows, Borrows and Coyle2017a, Reference Borrows2017b) ; pour transformer le droit international (Lightfoot, Reference Lightfoot and Maas2013, Reference Lightfoot, Stevens and Michelsen2016 ; Barelli, Reference Barelli2016), etc. Ces actions déstabilisent les fondements coloniaux des États. Elles présentent des alternatives pour penser de nouvelles relations (Barelli, Reference Barelli2016, 189–190) et rendent, à terme, les institutions coloniales plus favorables à l'acceptation de sociétés autochtones autodéterminées (Siobhán et Murphy, Reference Siobhán and Murphy2005 : 3–38).

En définitive, ces actions visent la protection et l'affirmation de leurs valeurs, de leurs philosophies, de leurs langues, de leurs rapports sociétaux, de leurs droits et confrontent les structures du colonialisme d’établissement (Turner, Reference Turner2014 : 113). Fort logiquement, la participation aux institutions démocratiques peut faire partie de ce processus de subversion de l'intérieur, mais sous certaines conditions. En effet, ces actions doivent revêtir une dimension stratégique dans le sens où elles utilisent le langage politico-légal de la culture dominante afin d’élargir le champ des possibles (Turner, Reference Turner2014 : 110). Dans ce cas, certains auteurs vont même considérer qu'elles contribuent à l’« autochtonisation des structures coloniales » (Nadasdy, Reference Nadasdy2018 : 14 et 309), c'est-à-dire qu'elles rendent les institutions plus favorables et perméables aux revendications, aux traditions et aux valeurs autochtones.

3.3 Une relation de nations à nation basée sur un espace de non-domination

Les sociétés autochtones autodéterminées ne sont pas définies par avance puisqu'elles dépendent de l’évolution de leurs relations avec la société canadienne. La relation de nations à nation induite par cette réalité implique la mise en place d'un espace juridique et politique basée sur un pluralisme juridique faible, c'est-à-dire des droits et des systèmes de gouvernances différents pour les Autochtones et les allochtones mais qui reposeront sur une source juridique commune néanmoins négociée entre les nations autochtones et la nation canadienne (Hoehn, Reference Hoehn2012). Cette relation peut être bénéfique aussi pour la société canadienne. En effet, en considérant que le processus d'autodétermination permet aux Autochtones d'imposer, étape par étape, un nouveau régime de valeurs et de vérités à la nation canadienne (Simpson et Smith, Reference Simpson2014 : 3), la relation qui en découle va transformer pour le mieux la société canadienne. Par exemple, dans l'ouvrage Resurgence and Reconciliation: Indigenous-Settler Relations and Earth Teachings, Borrows (Reference Borrows, Asch, Borrows and Tully2018 : 49) rappelle que les valeurs autochtones, si elles sont reprises par les sociétés allochtones, peuvent permettre une réconciliation de tous avec la Terre. Dans le même ordre d'idées, plusieurs auteurs décoloniaux qui s'identifient comme féministes et/ou 2ELGBTQ+ soutiennent que les « performances » décoloniales des genres par les Autochtones peuvent avoir des influences positives sur les rapports genrés allochtones (Morgensen, Reference Morgensen2011 ; Rifkin, Reference Rifkin2011 ; Larocque, Reference LaRocque and Green2017).

Dans cette optique, la participation fait à la fois partie du processus d'autodétermination autochtone et contribue à la formation d'une relation de nations à nation basée sur un espace juridique et politique d'interdépendance égalitaire et vertueuse entre les Autochtones et les allochtones (Smith, Reference Smith2006 : 191). Pour reprendre l'idée d'Iris Marion Young, l'autodétermination relationnelle implique que la nation autodéterminée dispose des capacités de déterminer son propre devenir politique dans les limites, le respect et la coopération des autres sociétés avec qui elle est en relation. En conclusion, cette relation est basée sur une « relation de non-domination » (Reference Young2007 : 50).

Conclusion

À l'heure actuelle, l’état de la littérature sur la participation des Autochtones aux institutions démocratiques est principalement théorique. Il ne nous appartenait pas, en tant que chercheur allochtone, de donner raison ou tort à l'un ou l'autre des positionnements sur le sujet, mais bien d'expliciter ces positions et ces raisonnements, car ceux-ci exercent une influence sur la manière dont il est possible de concevoir à la fois la signification de la participation et ses impacts sur les mouvements autochtones visant l'autodétermination. Nous avons identifié que les auteurs décoloniaux peuvent être regroupés en deux grands courants de pensée.

D'un côté, nous trouvons les tenants de l'autodétermination incompatible. Ces auteurs considèrent que le colonialisme d’établissement est un projet totalisant et qu'il est impossible de le modifier de l'intérieur. En outre, pour eux, il faut assumer le fait que les sociétés autochtones et allochtones ont des valeurs incompatibles et qu'il est donc impossible d'envisager le moindre dialogue entre les deux sociétés. Les Autochtones et les allochtones ne peuvent pas se comprendre, et comme ils ne peuvent pas se comprendre, le processus d'autodétermination autochtone doit se concentrer sur la résurgence des valeurs, des institutions, des philosophies, des rapports sociaux, des rapports de genres, des systèmes juridiques et économiques autochtones. Cette résurgence doit aboutir à la mise en en place d'une relation de nations à nation basée sur une non-interférence d'un système sur les autres et inversement. Il n'y a pas besoin de faire sécession ou de discuter avec un État par essence illégitime et dangereux pour les Autochtones. Dans cette optique, la participation aux institutions démocratiques ne peut être envisagée et doit même être condamnée.

De l'autre, nous trouvons les tenants de l'autodétermination relationnelle. Pour eux, comme le colonialisme d’établissement est un projet totalisant, il est impossible pour les Autochtones d'ignorer son impact sur leurs sociétés et sur la relation qu'il a institué entre eux et les allochtones. En outre, les valeurs autochtones et allochtones ne sont pas et ne doivent pas être considérées comme incompatibles. Les Autochtones et les allochtones ont beau être différents : ils peuvent se comprendre, et comme ils peuvent se comprendre, le processus d'autodétermination autochtone doit à la fois se concentrer sur la résurgence des valeurs, des institutions, des philosophies, des rapports sociaux, des rapports de genres de chaque nation autochtone, et créer des opportunités au sein des structures du colonialisme d’établissement pour les modifier de l'intérieur et pour les rendre tolérantes aux résurgences autochtones. Dans cette optique, la participation aux institutions démocratiques peut être envisagée et doit même être souhaitée si elle contribue à établir une relation de nations à nation basée sur la logique d'une non-domination.

Pour terminer, il est important de rappeler que si cette opposition est forte sur le plan théorique, elle l'est très certainement moins en pratique. Il est évident que les Autochtones qui participent (et ceux qui ne participent pas) ne prennent pas leur décision en suivant ces raisonnements théoriques. De manière tout aussi évidente, il est fort probable qu'en pratique, plusieurs Autochtones peuvent à la fois participer aux institutions démocratiques (notamment par le vote), tout en prenant part à des actions moins formelles ou plus « radicales » contre l’État colonial d’établissement. Néanmoins, comme nous le supposons et en nous basant sur les exemples d'autres pays, à mesure que la participation des Autochtones aux institutions démocratiques canadiennes prendra de l'ampleur, ce débat sur l'opportunité ou non de participer prendra lui aussi de l'ampleur. Il devient dès lors impératif de le nourrir d’études empiriques afin de mieux saisir, en pratique, les significations et les impacts de la participation autochtone dans toutes ses nuances.

Footnotes

1 L'usage du terme « Autochtone » dans cet article comprend tous les individus qui sont identifiés et qui s'identifient comme des Autochtones. Cependant, cet usage ne doit pas effacer la diversité des individus et des nations qui se cachent derrière ce terme essentialisant (Dabin, Reference Dabin2019 : 31 ; Dabin, Reference Dabin, Mathieu, Guénette and Gagnon2020 : 295). En outre, en tant qu'universitaire allochtone, nous bénéficions des politiques coloniales donc d'un statut privilégié par rapport aux individus et aux nations autochtones touchés par ces politiques. À ce titre certains auteurs, dont plusieurs que nous citons dans ce texte, vont critiquer notre démarche et la qualifier d'illégitime. Nous en prenons acte et comprenons parfaitement cette critique, tout en précisant que notre démarche, dans ce texte et dans l'ensemble de nos travaux, vise humblement à répondre à l'injonction formulée par Emma Larocque dans son article « Décoloniser les postcoloniaux » (Reference LaRocque, Jeannotte, Lamy, St-Amand, Pelletier and Armstrong2018). Pour elle, « la responsabilité de faire le ménage dans les vestiges hérités de l’époque coloniale [. . .] relève d'abord du colonisateur » (Larocque, Reference LaRocque, Jeannotte, Lamy, St-Amand, Pelletier and Armstrong2018 : 195). En considérant la diversité des pensées dans la littérature décoloniale ; en présentant des raisonnements théoriques qui remettent en cause un certain impérialisme des connaissances allochtones (Larocque, Reference LaRocque, Jeannotte, Lamy, St-Amand, Pelletier and Armstrong2018 : 196) sur les concepts de colonialisme d’établissement, de participation et d'autodétermination ; en nous adressant aux futurs chercheurs de la participation des Autochtones aux institutions démocratiques canadiennes ; et surtout en ne prenant jamais parti dans ce débat ; nous essayons de contribuer à faire ce « ménage ».

2 Le terme de « littérature décoloniale » fait ici référence à toutes les études qui portent sur une forme de colonialisme particulière et la relation entre les colonisateurs et les colonisés qu'elle induit (Veracini, Reference Veracini2011), à savoir le colonialisme d’établissement et la relation entre les colonisateurs et les Autochtones.

3 « Inuit » étant le pluriel d'Inuk, il est convenu aujourd'hui de ne plus mettre de « s » à la fin du mot dans la littérature en français.

4 La littérature francophone tend à traduire « settler colonialism » par « colonialisme de peuplement ». Nous préférons toutefois le traduire par « colonialisme d’établissement » puisque la traduction « de peuplement » est de plus en plus critiquée par les militants, activistes et auteurs autochtones qui s'expriment en français.

5 Il est très important pour le lecteur de comprendre ici que nous présentons la position des auteurs en étude décoloniale. De fait, si qualifier le Canada comme un État colonial d’établissement peut faire débat dans la littérature canadienne, il ne le fait pas au sein de la littérature décoloniale. Au sein de cette littérature, le Canada est un État colonial d’établissement car il présente toutes les caractéristiques propres à ce type d’État.

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