Hostname: page-component-76fb5796d-45l2p Total loading time: 0 Render date: 2024-04-25T09:55:44.946Z Has data issue: false hasContentIssue false

Libéralisme et nationalisme: où tracer la ligne?*

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

Pierre-Yves Bonin
Affiliation:
Collège Ahuntsic

Abstract

Two ideologies have survived the turmoil of the twentieth century: nationalism and liberalism. It is therefore very important to confront them and to see how compatible they are. In this article the author presents and discusses the national policies advocated by the three most influential liberal schools: the neutralists, the autonomists and the nationalists.

Résumé

Étant donné la renaissance du nationalisme dans plusieurs régions du globe et l'influence considérable exercée par la pensée politique libérale partout dans le monde, il devient de première importance de s'interroger sur la compatibilité du libéralisme et du nationalisme. L'étude qui suit examine et évalue les politiques nationales proposées par les trois groupes de libéraux actuellement les plus influents: les neutralistes, les autonomistes et les nationalistes.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1997

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

References

1 Voici une liste de quelques travaux récents exprimant une opinion favorable à l'égard d'un rapprochement entre le libéralisme et le nationalisme: Tamir, Yael, Liberal Nationalism (Princeton: Princeton University Press, 1993)Google Scholar; Taylor, Charles, « The Politics of Recognition », dans Gutman, Amy, dir., Multiculturalism and « The Politics of Recognition » (Princeton: Princeton University Press, 1992), 2574Google Scholar; Walzer, Michael, « Nation and Universe », dans Petersen, G. B., dir., The Tanner Lectures on Human Values (Salt Lake City: University of Utah Press, 1990)Google Scholar et « Comments on “The Politics of Recognition” », dans Gutman, dir., Multiculturalism and « The Politics of Recognition », 99–104; Kymlicka, Will, Liberalism, Community and Culture (Oxford: Clarendon Press, 1991)Google Scholar et Multicultural Citizenship (Oxford: Clarendon Press, 1995); Lind, Michael, « In Defense of Liberal Nationalism », Foreign Affairs 73 (1994), 8799CrossRefGoogle Scholar et The Next American Nation (New York: Free Press, 1995); Miller, David, « In Defense of Nationality », Journal of Applied Philosophy 10 (1993), 315CrossRefGoogle Scholar, et On Nationality (Oxford: Clarendon Press, 1995); Buchanan, Allen, Secession (San Francisco: Westview Press, 1991)Google Scholar; Nodia, Ghia, « Nationalism and Democracy », dans Diamond, Larry et Plattner, Marc F., dir., Nationalism, Ethnic Conflict, and Democracy (Baltimore: The Johns Hopkins University Press, 1994), 322Google Scholar; Francis Fukuyama, « Comments on Nationalism and Democracy », dans ibid., 23–28; et Raz, Joseph, « Multiculturalism: A Liberal Perspective », Dissent 41 (1994), 6779.Google Scholar

2 Voir Tamir, Liberal Nationalism, 194.

3 Gellner, Voir Ernest, Nations and Nationalism (Ithaca: Cornell University Press, 1983)Google Scholar; et Berlin, Isaiah, Four Essays on Liberty (Oxford: Oxford University Press, 1969).Google Scholar

4 Voir Fukuyama, « Comments on Nationalism and Democracy »; Lind, « In Defense of Liberal Nationalism », 95–97; et Miller, On Nationality, 86–98.

5 Cette contribution, connue et appréciée des libéraux du 19e siècle, puis malheureusement sous-estimée par leurs disciples, a récemment été redécouverte par les libéraux contemporains. Sur cette intéressante histoire, voir les remarques de Kymlicka, Will dans « Liberalism and the Politicization of Ethnicity », Canadian Journal of Law and Jurisprudence 4 (1991), 239–54CrossRefGoogle Scholar et le chapitre 10 de Kymlicka, Liberalism, Community and Culture.

6 Ces distinctions ne sont pas toujours évidentes, plusieurs auteurs chevauchant deux types de libéralisme. Par exemple, certains neutralistes (Kymlicka) sont également autonomistes et certains autonomistes sont aussi très nationalistes (Margalit).

7 Le libéralisme est notoirement multiforme et par conséquent difficile à définir. Certains l'identifient à l'humanisme (Schklar), à la tolérance (Taylor), au raisonnable (Rawls), à l'autonomie (Kymlicka et Raz), au scepticisme (Barry), d'autres, plus curieusement, à l'égalité (Dworkin). Il y a le libéralisme socialdémocrate des Américains, celui, plus traditionnel, de la foi en l'entreprise privée des Britanniques et des Français, et enfin le libéralisme du laisser faire défendu par les libertaires et les conservateurs de tous les pays.

8 Tous les libéraux devraient, sans trop de difficultés, accepter la définition proposée du libéralisme. La principale objection pourrait venir de ceux d'entre eux qui réclament une répartition substantielle des richesses et qui, pour y parvenir, ne s'opposent pas à une intervention musclée de l'État dans la sphère économique. Ces libéraux pourraient done hésiter à accepter la seconde caractéristique. Étant donné que ma discussion se limite surtout aux interventions de l'État en matière culturelle, le débat économique et social entre libéraux de droite (Nozick) et de gauche (Rawls) ne devrait pas affecter la présente discussion.

9 On trouve cette définition dans de nombreux dictionnaires de science politique: Miller, David, The Blackwell Encyclopedia of Political Thought (Oxford: Blackwell, 1987)Google Scholar; Riff, Michael, Dictionary of Modern Political Ideologies (New York: St. Martin's Press, 1987)Google Scholar; Ashford, Nigel et Davies, Stephen, A Dictionary of Conservative and Libertarian Thought (London: Routledge, 1991)Google Scholar; et Scruton, Roger, Dictionary of Political Thought (New York: Harper & Row, 1982).CrossRefGoogle Scholar

10 Parce qu'elle déjoue tous les efforts, la définition du mot « nation » est laissée en suspens.

11 Pour une liste des conditions morales limitant l'accession à la souveraineté voir Buchanan, Secession.

12 Les minorités nationales ne doivent pas être confondues avec les communautés d'immigrants. Ce sont des peuples qui possèdent des droits sur le territoire qu'ils occupent. Voir à ce sujet, Kymlicka, Multicultural Citizenship, 11–15, et aussi « Social Unity in a Liberal State », dans Paul, G. F., Paul, J. et Miller, F. D. Jr., dir., The Communitarian Challenge to Liberalism (Cambridge: Cambridge University Press, 1996), 106–15.Google Scholar

13 Voir aussi l'article de Fukuyama « Comments on Nationalism and Democracy ».

14 Voir Gottlieb, Gidon, « Nations without States », Foreign Affairs 73 (1994), 100–12.CrossRefGoogle Scholar

15 Le cas des sociétés où plusieurs groupes ethniques partagent un même territoire constitue un cas spécial extrêmement délicat. Il pose des problèmes particuliers et ne sera pas traité ici. Pour ceux que la question intéresse, voir Raz, « Multiculturalism ».

16 Il existe plusieurs interprétations de la règle de neutralitè (neutralitè de conséquence, neutralité de justification, neutralité de résultat, etc.). Parce que le choix entre ces diverses interprétations n'influence que très peu la présente discussion, j'ai préféré ne pas élaborer cet aspect de la question. Pour ceux que ça intéresse, la règle de neutralité la plus plausible et la plus souvent défendue par les neutralistes est la « neutralité de justification ». Pour une défense de cette règie: Ackerman, Bruce, « Neutralities », dans Douglass, R. Bruce, Mara, Gerard D. et Richardson, Henry S., dir., Liberalism and the Good (New York: Routledge, 1990), 3839Google Scholar; Rawls, John, Political Liberalism (New York: Columbia University Press, 1993), 193Google Scholar; Kymlicka, Will, « Liberal Individualism and Liberal Neutrality », Ethics 99 (1989), 884CrossRefGoogle Scholar; et Larmore, Charles E., Patterns of Moral Complexity (Cambridge: Cambridge University Press, 1987), 44.CrossRefGoogle Scholar

17 L'expression « libéraux neutralistes » est également plus exacte car de nombreux partisans du libéralisme politique n'adhèrent pas à la règle de neutralité. Par exemple, Barry, Brian, Justice as Impartiality (Oxford: Oxford University Press, 1995), 143Google Scholar, et Moon, J. Donald, Constructing Community (Princeton: Princeton University Press, 1993), 6374.Google Scholar

18 Voir Kukhatas, Chandran, « Are There Any Cultural Rights? » Political Theory 20 (1992), 116.Google Scholar

19 Au sujet du nationalisme civique et du patriotisme constitutionnel, voir: Derriennic, Jean-Pierre, Nationalisme et démocratie (Montréal: Boréal, 1995), 1721Google Scholar; Habermas, Jürgen, « Citizenship and National Identity: Some Reflections on the Future of Europe », Praxis International 12 (19921993), 119Google Scholar; et Ignatieff, Michael, Blood and Belonging (London: Viking, 1993), 36.Google Scholar Pour un point de vue critique, on consultera Miller, On Nationality, 163 et 189, et Kymlicka, Will, « Misunderstanding Nationalism », Dissent (1995), 131–32.Google Scholar

20 Rawls, Political Liberalism, 197; Macedo, Stephen, « Liberal Civic Education and Religious Fundamentalism: The Case of God v. John Rawls? » Ethics 105 (1995), 468–96CrossRefGoogle Scholar; et Gutman, Amy, « Civic Education and Social Diversity », Ethics 105 (1995), 561.Google Scholar

21 Galston, William, « Two Concepts of Liberalism », Ethics 105 (1995), 520CrossRefGoogle Scholar; et Kukhatas, « Are There Any Cultural Rights? » 117–26.

22 J. S. Mill considérait l'existence d'une langue commune comme une condition de la démocratie. Voir les commentaires intéressants de Tamir dans Liberal Nationalism, 128.

23 Concernant les politiques sociales, les neutralistes ne parlent pas tous de la même voix. Certains préconisent une intervention substantielle de l'État (Rawls), tandis que d'autres s'y opposent (Kukhatas).

24 Voir Schlesinger, Arthur, The Disuniting of America (New York: W. W. Norton, 1991)Google Scholar; Lind, The Next American Nation; et Bissoondath, Neil, Selling Illusions: The Cult of Multiculturalism in Canada (Toronto: Penguin, 1994).Google Scholar

25 Voir Miller, On Nationality, 165; et Taylor, Charles, « Cross Purposes », dans Rosenblum, Nancy L., dir., Liberalism and the Moral Life (Cambridge: Harvard University Press, 1989), 175.Google Scholar

26 Voir Larmore, Patterns of Moral Complexity, 67–68.

27 Voir Beiner, Ronald, What's the Matter with Liberalism? (Los Angeles: University of California Press, 1992)Google Scholar; et Raz, Joseph, The Morality of Freedom (Oxford: Clarendon Press, 1986).Google Scholar Cette opinion est discutée par Kymlicka dans son article « Liberal Individualism and Liberal Neutrality » (894–95). Kymlicka suggère, pour contourner la difficulté, de donner des crédits d'impôt à ceux qui favorisent la culture nationale. Cette proposition est intéressante, et j'y reviendrai plus loin, mais elle n'est pas neutre. L'attitude favorable à la culture qu'elle présuppose enfreint la règie de neutralité.

28 On trouvera des conclusions identiques, à savoir que la neutralité constitue une solution adéquate seulement pour les grandes cultures, Margalit, Chez Avishai et Halbertal, Moshe, « Liberalism and the Right to Culture », Social Research 61 (1994), 492 et 510.Google Scholar

29 Kukhatas, « Are There Any Cultural Rights? » 123.

30 Du moins, les libéraux modernes avaient oublié, jusqu'à tout récemment, les remarques pertinentes de plusieurs des fondateurs du libéralisme. Sur cette question voir Kymlicka, Multicultural Citizenship, chap. 4, et Liberalism, Community and Culture, 177–78.

31 Bien que ces auteurs aient surtout traité du cas des minorités nationales, la plupart de leurs réflexions et conclusions sur le rô1e de la culture peuvent aisément être étendues aux majorités.

32 Kymlicka écrit ceci: « Les libéraux doivent se sentir concernés par le sort des structures culturelles, non pas parce qu'elles possèdent un statut moral, mais parce que c'est seulement par l'intermédiaire d'une riche et sécure structure culturelle que les individus deviennent plus clairement conscients des options qui s'offrent à eux, et qu'ils sont en mesure d'examiner intelligemment leurs valeurs. Sans une telle structure culturelle, les enfants et les adolescents ne disposent d'aucun modèle, ce qui les mène au découragement et à l'évasion, une condition décrite de façon poignante dans un récent article de Seltzer sur les adolescents dans les communautés inuits » (traduction libre de Liberalism, Community and Culture, 165). On trouve l'équivalent chez Raz dans « Multiculturalism » (70–71) et avec Margalit, Avishai dans « National Self-Determination », The Journal of Philosophy 87 (1990), 449.CrossRefGoogle Scholar

33 Kymlicka, Multicultural Citizenship, 76; et Raz, « Multiculturalism », 78.

34 Waldron, Jeremy, « Minority Cultures and the Cosmopolitan Alternative », University of Michigan Journal of Law Reform 25 (19911992), 751–93Google Scholar; et Kukhatas, « Are There Any Natural Rights? »

35 Il faut signaler que plusieurs libéraux autonomistes, notamment Dworkin et Kymlicka, endossent la règle de neutralité de l'État.

36 Voir Tomasi, John, « Kymlicka, Liberalism, and Respect for Cultural Minorities », Ethics 105 (1995), 587–95.CrossRefGoogle Scholar

37 Kymlicka, Liberalism, Community and Culture, 170 et 197–99.

38 Cette contrainté empêcherait le gouvernement américain de forcer l'intégration des minorités indiennes et portoricaines comme le souhaite le libéral nationaliste Lind dans son ouvrage The Next American Nation.

39 Kymlicka donne l'exemple des Québécois qui, pendant la révolution tranquille, ont considérablement diminué le rô1e de la religion (contenu) tout en conservant leur langue (structure) (Liberalism, Community and Culture, 167, et Multicultural Citizenship, 104–05).

40 Kymlicka, Multicultural Citizenship, 42–43.

41 De l'aveu même de Kymlicka cette distinction n'est pas toujours facile à effectuer (ibid.). Il peut arriver qu'une communauté doive limiter les libertés de ses membres pour protéger la structure culturelle. C'est le cas des communautés amérindiennes qui désirent empêcher leurs membres de vendre leurs terres à des non-membres.

42 Ce flottement est bien mis en évidence par Tomasi, « Kymlicka, Liberalism, and Respect for Cultural Minorities », 587–95.

43 Raz et Margalit, « National Self-Determination », 449.

44 Cette règie a été explicitement proposéd par Tamir dans Liberal Nationalism, Charles Taylor dans « The Politics of Recognition » et par David Miller dans On Nationality. Cette règie est également défendue et endossée implicitement par plusieurs communautariens, démocrates et républicans. Voir Sunstein, Cass, The Partial Constitution (Cambridge: Harvard University Press, 1993)Google Scholar; Sandel, Michael, « Democrats and Community », The New Republic 22 (février 1988), 2023Google Scholar; et Walzer, « Comments on “The Politics of Recognition” ».

45 Miller, On Nationality, 87–90.

46 Ibid., 184.

47 Sur la définition des biens premiers, voir Rawls, John, Théorie de la justice (Paris: Seuil, 1987), 121–24.Google Scholar Sur la culture considérée comme bien premier, voir Kymlicka, Liberalism, Community and Culture, 162–69, et le commentaire de Tomasi, « Kymlicka, Liberalism, and Respect for Cultural Minorities », 581–85. Sur la culture considérée comme bien public, voir Miller, On Nationality, 87.

48 Traduction libre de « On this view, political arrangements should reflect this unique character and draw on the history, the culture, the language, and at times, the religion of the national group, thereby enabling its members to regard it as their own » (Tamir, National Liberalism, 74, cité par Kymlicka dans « Misunderstanding Nationalism », 135).

49 Au sujet du traitement réservé aux minorités nationales, des différences considérables existent parmi les libéraux nationalistes. Certains, notamment Lind et peut-être Walzer, préconisent tout simplement leur assimilation, d'autres, Tamir et Taylor, sont plus généreux et proposent de leur accorder une large autonomie. Voir Tamir, Liberal Nationalism, 53–56, et les remarques critiques de Kymlicka dans Liberalism, Community and Culture, 220–36.

50 Tant que l'État ne limite pas l'exercice des droits et libertés fondamentaux, la règie nationaliste permet à l'État de soutenir, financièrement ou autrement, n'importe quelle conception du bien, y compris une religion particulière. La position des libéraux nationalistes se trouve done à rejeter la séparation de l'Église et de l'État et va ainsi à l'encontre de pratiques libérales solidement établies. Sur la position des libéraux nationalistes concernant la religion, voir Miller, On Nationality, 100 et 189; Walzer, « Comments on “The Politics of Recognition” », 99; et Tamir, Liberal Nationalism, 74.

51 Voir Tamir, Liberal Nationalism, 96; et les commentaires de Kymlicka dans Multicultural Citizenship, 89–90.

52 Kymlicka, « Misunderstanding Nationalism », 135.

53 Dans son premier ouvrage, Liberalism, Community and Culture (166–67), Kymlicka accordait une grande importance à cette distinction. Dans son plus récent livre, Multicultural Citizenship (35–44), Kymlicka préfère insister sur une autre distinction, celle entre « protection externe » et « restriction interne ». À mon avis, la première distinction est suffisante. La seconde me paraît trop contraignante.