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L'Abrégé de l'Almageste: un inédit d'Averroès en version hébraïque*

Published online by Cambridge University Press:  24 October 2008

Juliane Lay
Affiliation:
Centre d'histoire des sciences et des philosophies arabes et médiévales, C.N.R.S., 7 rue Guy Môquet, B.P. n° 8, 94801 Villejuif Cédex, France

Abstract

The Compendium of the Almagest of Averroes, extant only in Hebrew translation, remains unpublished and hardly studied. The present article aims to make it known. It provides a history of the Compendium: its date of writing, translation into Hebrew, and the transmission, reception, and audience of the Hebrew translation, as well as a preliminary study of the text. This includes an annotated outline of its contents, and a discussion of its sources and their critical use by Averroes. The article also contains a translation of significant extracts from the Prologue, with a brief analysis. The Compendium provides direct and relatively early evidence from a leading protagonist of the 12th-century movement by Andalusian thinkers – mostly Aristotelian philosophers – to criticize and reform Ptolemean astronomy.

L'Abrégé de l'Almageste d'Averroès, conservé uniquement en traduction hébraïque, reste inédit et peu étudié. Cet article a pour but de le faire connaître. Après avoir retracé l'histoire de l'Abrégé: date de rédaction, traduction, transmission de cette traduction, diffusion et audience, nous procédons à une première étude du texte: aperçu commenté du contenu, identification des sources et examen de leur exploitation critique par Averroès. Nous donnons également une traduction d'extraits significatifs du Prologue de l'Abrégé, avec une brève analyse. Avec l'Abrégé, nous disposons d'un témoignage direct et relativement précoce, dû à l'un des plus importants artisans du mouvement de contestation et de réforme de l'astronomie ptoléméenne, animé au XIIe siécle par des penseurs andalous, philosophes aristotéliciens pour la plupart.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 1996

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References

1 À notre connaissance, l'original arabe de l'Abrégé n'a été conservé dans aucune copie totale ou partielle. Le manuscrit arabe: Paris, Bibliothèque Nationale de France [BNF], MS Arabe 24586, fols. 26v–27v n'est pas un extrait de l'Abrégé, contrairement à ce qui a été affirmé, notamment par Sezgin, F., Geschichte des arabischen Schriftums, VI (Leiden, 1978), p. 93.Google Scholar

2 Steinschneider, M., dans une note: “Miscellen und Notizen von M. Steinschneider,” Zeitschrift für hebraeische Bibliographie, 7 (1903): 5860, cite les propos d'un traducteur du XIVe siècle, Alfonsus Dionysii de Lisbonne qui écrivait avoir vu un Almagesti abbreviatum d'Averroès traduit (en latin ou en castillan?) pour le Roi Alphonse X, et que l'on pouvait trouver à Bologne et en Espagne. Il s'agit probablement de l'Almagestum parvum, comme l'ont suggéréGoogle Scholar; Lorch, R. et Isaacs, H., “Progress on Ibn Rushd's Compendium of the Almagest,” British Society of Middle Eastern Studies Bulletin, 4 (1977): 54–5. Sur l'Almagestum parvum, voir la publication récente:CrossRefGoogle ScholarLorch, R., “Some remarks on the Almagestum parvum,” dans Demidov, S. S., Folkerts, M., Rowe, D.E., Scriba, Ch.J. (éd.), Amphora, Festschrift für Hans Wussing zu seinem 65. Geburtstag (Basel/Boston/Berlin, 1992), pp. 407–37. Nous remercions E. Knobloch de nous avoir signalé cette étude.Google Scholar

3 Cf. Steinschneider, M., Die hebraeischen Übersetzungen des Mittelalters und die Juden als Dolmetscher [HÜ] (Berlin, 1893), pp. 546–9, XXIX. II n'existe aucune autre étude un peu substantielle sur l'Abrégé.Google ScholarMunk, S., Mélanges de philosophie juive et arabe (Paris, 1859; réimpr. Paris, 1955) apporte quelques indications ponctuelles.Google ScholarRenan, E., Averroès et l'averroïsme, Œuvres complètes de Ernest Renan, tome III (Paris, 1949), p. 74 lui consacre quelques lignes et donne en appendice, pp. 350–2, la liste des œuvres d'Ibn Rushd (sans doute la plus ancienne) du MS 884 de l'Escorial où figure l'Abrégé. Quelques publications abordent ponctuellement des aspects du texte ou de son histoire. Nous les citerons le moment venu.Google Scholar

4 Goldstein, B. R., Al-Biṭrūjī: On the Principles of Astronomy (New Haven/London, 1971). L'auteur porte sur la tentative d'al-Bitrūjī le jugement suivant (p. IX): “Unfortunately, the models he constructed with the aim of replacing those of Ptolemy are successful only in a very limited sense, and from the point of view of quantitative astronomy not at all.”;Google Scholar;

5 Sabra, A. I., “The Andalusian revolt against Ptolemaic astronomy. Averroes and al-Biṭrūjī,” Mendelsohn, dans Everett (éd.), Transformation and Tradition in the Sciences (Cambridge, 1984), pp. 133–53, reprisGoogle Scholardans, Optics, Astronomy and Logic. Studies in Arabic Science and Philosophy, Variorum CSS 444 (London, 1994), sous le n°XIV.Google Scholar

6 Alonso, M., Teología de Averroes (Madrid/Granada, 1947), pp. 5198.Google Scholar

7 al-‘Alawī, J., Al-Matn al-Rushdī: Madkhal li-qirā'a jadīda (Casablanca, 1986), p. 51.Google Scholar

8 Rushd, Ibn, Kol mele'khet ha-Higayyon (Riva di Trento, 1559), fol. 2r:10–12; édition de la traduction hébraïque (Jacob b. Makhir, 1289) de l'Abrégé de logique. Le titre à donner à cette œuvre fait encore l'objet de discussions parmi les spécialistesGoogle Scholar, Butterworth, cf. C. E. (éd., transi.), Averroes' Three Short Commentaries on Aristotle's “Topics,” “Rhetoric,” and “Poetics” (Albany, 1977), pp. 510. Nous adoptons le titre proposé parGoogle Scholaral-'Alawī, J., Al-Matn al-Rushdi, pp. 49–52 etGoogle ScholarElamrani-Jamal, A., “Averroès, le commentateur d'Aristote?”, dans Sinaceur, M. A. (éd.), Penser avec Aristote (Paris, 1991), pp. 643–51.Google Scholar

9 Aristotelis opera cum Averrois commentariis (Venise, 15621574; réimp. Frankfurt a M., 1962), I 2a, fol. 36 C: 2–5. C'est à cette édition que nous renverrons chaque fois que nous citerons une traduction latine d'une œuvre d'Averroès.Google Scholar

10 Al-‘Alawī, Al-Matn al-Rushdī, p. 53.

11 Guichard, P., L'Espagne et la Sicile musulmanes aux XIe et XIIIe siècles (Lyon, 1990), pp. 183–8Google Scholar; al-Salā, Ibn Ṣāḥib, Al-Mann bi-al-imāma, éd. ‘al-Tāzī, Abd al-Hādī (Beyrouth, 1964); traduction espagnole deGoogle ScholarMiranda, A. Huici (Valence, 1969), voir pp. 17, 38.Google Scholar

12 Munk, Mélanges, p. 423.

13 Steinschneider, , p. 547; Renan, Averroès et l'averroïsme, pp. 350–2. L'Abrégé y est en troisième position. Le Mukhtasar al-Majistī figure également dans le dictionnaire biobibliographique al-Marrākushī, d'Ibn al-Malik, Al-Dhayl wa-al-takmila, vol. VI (Beyrouth, 1970), p. 23.Google Scholar

14 Gordon, M. L., The Rationalism of Jacob Anatoli, Ph. D. (Yeshiva University, New York, 1974). Signalons l'étude la plus récente sur son activité à la cour de Frédéric II:Google ScholarSirat, C., “Les traducteurs juifs à la cour des rois de Sicile et de Naples,” dans Traduction et traducteurs au Moyen Âge. Actes du colloque international du CNRS organisé à Paris, IRHT les 26–28 mai 1986 (Paris, 1989), pp. 169–91.Google Scholar

15 Steinschneider, , , pp. 198–200. Le troisième traité serait dû en fait à Abū Muhammad 'Abdallāh, un fils d'Averroès.Google Scholar

16 Sermoneta, G., Un glossario filosofico ebraico-italiano del XIII secolo (Roma, 1969), p. 34.Google Scholar

17 Malmad ha-talmidim, éd. Mekiṣey Nirdamim (Lyck, 1866): recueil d'homélies sabbatiques, mettant en pratique la méthode exégétique de Maïmonide dans le Guide. Jacob s'y livre à quelques confidences.

18 Steinschneider, M., “Verzeichniss der hebraeischen Handschriften,” dans Die Handschriften-Verzeichnisse der Königlichen Bibliothek zu Berlin, Zweiter Band (Berlin, 1878), p. 97 (n. 3).Google Scholar

19 A BERLIN, Staatsbibliothek, fol. 1197 (Steinschneider 228); B OXFORD, Bodleian Library, MICH. 242 (Ol.45)1 (Neubauer 20121); G SAINT-PETERSBOURG, Bibliothèque Saltykov-Shchédrin, Firk. 347; D PARIS, Bibliothèque Nationale de France, Hébreu 10182; H PARIS, Bibliothèque Nationale de France, Hébreu 6962; V WIEN, Österreichische Nationalbibliothek, Cod. heb. 661 (Schwarz 1951 ); K NAPOLI, Biblioteca Nazionale, III F,121; L MÜNCHEN, Bayerische Staatsbibliothek 314; R OXFORD, Bodleian Library, OPP. ADD. fol. 172 (Neubauer 20112 ) – c'est à ce MS R que nous renverrons; S MANTOVA, Biblioteca Comunale, 1V2; T PARIS Bibliothèque Nationale de France, Hébreu 9033. Un douzième MS, TORINO, Biblioteca Nazionale, Codex LXXVIII (A. III. 29) a été détruit dans l'incendie de 1904. Nous disposons, cependant, de quelques indications à son sujet: Peyron, B., Codices hebraici exarati Regiae Bibliothecae quae in Taurinensi Athenaeo asservantur (Turin, 1880), pp. 75–6.Google Scholar Cette liste, déjà donnée par Steinschneider, , pp. 547, XXIX, a été confirmée par les fichiers de l'Institut des Microfilms à la Bibliothèque Nationale et Universitaire de Jérusalem que Colette Sirat a eu l'ainabilité de consulter pour nous. Mis à part D et A que l'on peut dater du XIVe siècle, la majorité des MSS conservés ont été copiés entre la fin du X1Ve et le début du XVe ou au XVe (G, H, Turin, K= 1492). Les copies V(1557), L (XVIe ) et B (XVIe, peut-être même XVIIe) témoignent de l'intérêt que l'on portait encore à l'Abrégé au-delà du moyen âge. Titre: seulement sept MSS sur douze portent un titre et ils en donnent un énoncé variable, même si “l'Almageste” y figure toujours. Ces titres sont donc vraisemblablement dus à l'initiative des scribes. Incipit: “Puisqu'il a été démontré ailleurs que les sciences spéculatives …”. Explicit: “Tel est l'ensemble de cc dont nous voulions traiter, dans cette [seconde] partie, à propos du contenu du livre de Ptolémée en fait de démonstrations mathématiques.” Colophon: “A composé [ce livre] le philosophe Ibn Rushd, à partir d'un choix de propos du livre de Ptolémée en astronomie, sous la forme d'un abrégé clair comme il en a l'heureuse habitude. L'a traduit, le savant maître Jacob b. Abba Mari b. Shimshon b. Anatoli (Turin, V, T, K) [ou Anatolio (B, D, H, S)], dans la ville de Naples, en l'an 5991 (Turin, B, D, H, V) [ou 5995 (K, S, T)], après la création du monde [1231 ou 1235].”

20 Acronyme de 'Ani (ou 'En) Profiat Duran, nom provençal d'Isaac b. Moïse haLevi (vers 1340 - après 1414). Sur cet auteur, médecin, philosophe, astronome, philologue, polémiste anti-chrétien et familier de Ḥasday Crescas dont les fils étaient sesélèves, voir Levinger, J. S., Garbell, I. et Sirat, C., “Duran, Profiat,“ Encyclopaedia Judaica (Jérusalem, 1971), cc. 299301. Le Commentaire d'Efodi est digne d'intérêt pour la pertinence de ses remarques et pour la culture en astronomie qui y est opportunément exploitée. L'auteur cite notamment Jābir b. Aflah (il sait faire bénéficier son lecteur de sa connaissance de l'I๣lāḥ, en particulier, lorsqu'il restitue la totalité d'un raisonnement de Jābir qu'verroès se contente de résumer en une phrase sibylline); Gersonide, dans les Guerres du Seigneur et Abū al-Ṣalt Umayya (orthographié al-Ṣalt), “dans son livre Haspaqa limmudit” (MS E, fol. 110r). Cet ouvrage, “Compendium mathématique,” dont on n'a, semble-t-il, conservé qu'une partie consacrée à la musique, contenait donc de l'astronomie. Sur son auteur, d'origine andalouse (Dénia 1067 - al-Mahdiyya 1134), en attendant une mise à jour plus récenteGoogle Scholar, Mill´s, voir J. M., “Abu 1-Ṣalt Umayya b. 'Abd al-'Azīz b. Abī 1-Ṣalt al- Andalusī,” Encyclopédie de l' Islam, 2e éd. (Leiden/Paris, 1960), I, p. 153. Le MS hébreu de la BNF contenant le traité de musique porte le n°1037 (et non 1036).Google Scholar

21 Cf. Steinschneider, , p. 547.

22 Dans son Ya'ir Nativ, écrit probablement vers le milieu du XIIIe siècle, en Espagne, Jehuda b. Samuel b. Abbas recommande l'étude de l'Abrégé pour comprendre les théories générales de l'Almageste. Cf. Steinschneider, , pp. 35–6.

23 Sur ce savant important, voir Goldstein, B. R., “The medieval Hebrew tradition in astronomy,” Journal of the American Oriental Society, 85 (1965): 145–8 (voir pp. 147–8)CrossRefGoogle Scholar; Id., “The Hebrew astronomical tradition: New sources,” Isis, 72 (1981): 237–51.CrossRefGoogle Scholar

24 Joseph b. Naḥmias (Tolède, milieu du XIVe siècle), qui connaissait peut-être l'original arabe de l'Abrégé, a écrit un traité en arabe intitulé “La lumière du monde” dont il ne subsiste qu'un MS en caractères hébreux (Roma, Biblioteca Vaticana, MS 392) et une copie d'une traduction hébraïque anonyme (Oxford, Bodleian Library, MS Canon Misc. 334). Son système était destiné à améliorer celui d'al-Bitrūjī. Dans le MS d'Oxford, le traité de Joseph est suivi d'un commentaire d'Efodi où celui-ci cite “l'Almageste” d'Averroès. Cf. Steinschneider, , pp. 597–8; Id., Mathematik bei den Juden (Hildesheim, 1964), pp. 114, 181Google Scholar; Goldstein, B. R., “The survival of Arabic astronomy in Hebrew,” Journal for the History of Arabic Science, 3 (1979): 31–9 (voir p. 33).Google Scholar

25 Berman, L. V., “Greek into Hebrew: Samuel ben Judah of Marseilles, fourteenth century philosopher and translator,” dans Altmann, A. (éd.), Jewish Medieval and Renaissance Studies (Cambridge, 1967), pp. 289319. Voir, en particulier, l'appendice D.Google Scholar

26 Goldstein, B. R., “Some medieval reports of Venus and Mercury transits,” Centaurus, 14 (1969): 4959, voir pp. 54–5.CrossRefGoogle Scholar

27 Paris, BNF, MS Héb. 725, fol. 60r-10.

28 Kibre, Cf. P., The Library of Pico della Mirandola, 2nd printing (New York, 1966), pp. 203–4.Google Scholar

29 Goldstein, “Some medieval reports,” pp. 58 (n. 17) et 53–4 (résumé et analyse du récit d'Averroès destiné à défendre, contre Jābir, l'ordre des planètes de Ptolémée). En effet, dans l'Abrégé (MS R, fol. 124v: 17–19), Averroès rapporte que le neveu d'Ibn Mu'ādh aurait vu, du temps d'Ibn Mu'ādh, deux taches noires sur le soleil et que luimême avait trouvé, après calculs, qu'à ce moment-là Vénus et Mercure étaient en conjonction avec le soleil. Quand ils traitent de la question de l'ordre des planètes, J. Pic de la Mirandole et N. Copernic exploitent, en le déformant, le récit d'Averroès.

30 Cf. Renan, Averroès et l'averroïsme, p. 74.

31 Nous citons le Commentaire sur la Sphère de Sacrobosco, dû à Ch. Clavius, d'après l'édition de Lyon, 1618, p. 586. Nous remercions E. Knobloch qui nous a indiqué ce passage.

32 Cf. Monfasani, J. (éd.), Collectanea Trapezuntiana. Texts, Documents, and Bibliographies of George of Trebizond (Binghamton/New York, 1984), pp. 52, 677–78. La liste des vingt-deux critiques figure dans: Torino, Biblioteca Nazionale e Universitaria, MS G II 36, fols. 27r-28r. Les quelques indications données par J. Monfasani sur le contenu du manuscrit (p. 52) révèlent des similitudes avec le texte d'Efodi.Google Scholar

33 Les passages correspondants sont, dans la Tuḥfat al-Tullāb: Roma, Biblioteca Vaticana, MS Or. 1403, fol. 123r: 16–22 et, dans l'Abrégé: MS R, fol. 129r: 18–24. Nous remercions A. Djebbar qui nous a fait connaître cet extrait de l'œuvre d'Ibn Haydūr.

34 Aballagh, M., “Les fondements des mathématiques à travers le Raf al-Ḥijāb d'Ibn al-Bannā’ (1256–1321),” Histoire des mathématiques arabes, Premier colloque international sur l'histoire des mathématiques arabes. Actes du colloque (Alger,1988), pp. 133–56.Google Scholar Voir pp. 141, 153 (n. 31).

35 Nous lisons la Syntaxe mathématique, plus connue sous son titre arabe “Almageste” [Alm], dans la traduction anglaise de Toomer, G. J., Ptolemy's Almagest (London, 1984). La première partie représente un tiers de l'Abrégé. Les passages inspirés de l'Almageste y sont moins massivement présents (env. 75 %) que dans la seconde partie (env. 95 %).Google Scholar

36 Cette phrase est précédée d'un résumé du contenu des deux parties: “Dans le premier traité, il sera question des orbes, de leurs situations, de leur nombre et des raisons qui ont conduit à cela [les astronomes]. Dans le second traité, nous ferons partiellement état de la détermination de leurs mouvements, des valeurs de leurs inégalités et des rapports mutuels entre leurs parties.”

37 Dans la table des matières analytique, telle que nous l'avons établie, nous avons, d'une façon générale, respecté le découpage du texte proposé par les MSS. Nous avons, cependant, isolé quelques chapitres et nous leur avons attribué un titre. Dans ce cas, celui-ci n'est pas entre guillemets. Nous verrons plus loin (Sources de l'Abrégé) qu'outre l'Almageste Averroès a consulté d'autres œuvres. Parmi celles-ci, retenons, dans l'immédiat: Le traité sur la configuration du monde d'Ibn al-Haytham et l'Iṣlāḥ al-Majisṭī (Correction de l'Almageste) de Jābir b. Aflah. La Configuration a bénéficié d'une publication récente: al-Haytham's, IbnOn the Configuration of the World, éd., trad., introd. et notes de Langermann, Y. Tzvi (New York/London, 1990). Les versions arabes et hébraïques de I'Islah étant inédites, nous nous référons à la traduction latine [Geber] due à Gérard de Crémone et éditée parGoogle ScholarApianus, P., Gibri filii Affla Hispalensis, de astronomia libri IX in quibus Ptolemaeum … emendavit (Nuremberg, 1534). Nous indiquons entre crochets droits les passages correspondantsdans l'Almageste, la Configuration et l'Iṣlslaḥ. En ce qui concerne l'Almageste, nous n'avons pas fait de distinction entre correspondance directe et indirecte, c'est-àdire lorsqu'il s'agit de passages dépendant de la Syntaxe, mais par l'intermédiaire de l'Islāh.Google Scholar

38 Pour ne pas alourdir la table des matières, nous n'avons détaillé les sujets étudiés dans l'Almageste et dans l' Abrégé (seconde partie) que pour ce chapitre.

39 L'Abrégé s'inspire de la Configuration quand il s'agit de décrire l'agencement dans l'espace et les mouvements des sphères matérielles supposées correspondre, selon l'auteur, aux cercles du modèle géométrique de l'Almageste.

40 Averroès ouvre un chapitre à part pour faire état de la divergence qui oppose Ptolémée et Jàbir sur l'ordre des planètes. Il est important d'insister sur le fait que, de toutes les critiques de Jā;bir contre l'Almageste, la contestation de la position de Mercure et Vénus par rapport au soleil est la seule à avoir une portée cosmologique.

41 Sur cette méthode de Jābir, Swerdlow, voir N. M., “Jabir ibn Aflah's interesting method for finding the eccentricities and direction of the apsidal line of a superior planet,” dans King, D. and Saliba, G. (éd.), From Deferent to Equant, Annals, New York Academy of Sciences 500 (New York, 1987), pp. 501–12.Google Scholar

42 Les noms d'Ibn Bā;jja et d'Ibn Tufayl n'apparaissent pas.

43 MS R fol. 124v: 18–19. Cette anecdote révèle qu'Averroès avait reçu en astronomie un enseignement assez complet pour inclure le maniement des tables. Jusqu'à présent, nous n'avons pas réussi à identifier le personnage, qui lui avait dispensé cet enseignement. D'autres témoignages autobiographiques, très connus ceux-là, sont complétés par celui de l'Abrégé. Ils nous avaient informés qu'Averroès s'intéressait à l'astronomie dès sa jeunesse et que son intérêt n'était pas celui d'un amateur. Nous pensons aux observations d'étoiles non visibles en Andalousie qu'il avait réalisées quand il était au Maroc et qui sont relatées dans le Commentaire moyen et le Grand commentaire du De caelo, cf. Aristotelis opera cum Averrois commentariis V 171 D et 312 M - 313 A, respectivement. L'observation décrite dans le Commentaire moyen est datée: 548/1153.

44 Goldstein, Cf. B. R., “The Arabie version of Ptolemy's planetary hypotheses,” Transactions of the American Philosophical Society, N. S. 57 (1967): 355. Nous disposons depuis peu, pour le premier traité (ou “livre”), d'une édition critique du texte arabe et d'une traduction française:CrossRefGoogle ScholarMorelon, R., “La version arabe du Livre des Hypothèses de Ptolémée,” Mélange de l'Institut Dominicain d'Études Orientales du Caire, 21 (1993): 785. Le titre hébreu Sefer ha-Sippur correspond au titre arabe Kitāb al-iqtisās que R. Morelon (p. 8) traduit par “Livre de l'exposition.”;Google Scholar;

45 Sur cet auteur (première moitié du XIIe siècle) et sur l'Iṣāḥ, Lorch, voir R., “Jābir ibn Aflaḥ,” Dictionary of Scientific Biography [DSB], vol. VII (1973), pp. 37–9Google Scholar; Id., “The astronomy of Jābir ibn Aflah,” Centaurus, 19 (1975): 87107. Rappelons (cf. n. 40) que nous utilisons ici la version latine de l'lslāh: Geber. Nous avons consulté l'lslāh dans la traduction hébraïque de Moïse b. Tibbon (Oxford, Bodleian Library, MS OPP. Add. fol. 171, fols. 1–100) et dans l´édition critique du texte arabe, encore inédite, de H. Hugonnard-Roche qui a eu l'amabilité de nous la communiquer.Google Scholar

46 Geber, p. 1: 12–14.

47 Geber, p. 2: 34–37.

48 MS R, fol. 148- 9.

49 MS R, fol. 129r: 23–24.

50 Geber, p. 1: 1–4.

51 Geber, pp. 2: 49–3: 25.

52 al-Haytham, Sur Ibn (965 - vers 1040), voir la notice de A. I. Sabra dans le DSB, vol. VI (1972), pp. 189–210. Rappelons que c'est M. Steinschneider qui a découvert la ConfigurationGoogle Scholar, cf. Steinschneider, M., “Notice sur un ouvrage inédit d'Ibn Haitham,” Bullettino di bibliografia e di storia delle scienze matematiche e fisiche, 14 (1881): 721–36 etGoogle Scholar “Supplément,” Ibid.. 16 (1883): 505–13. Dans la “notice” (p. 728), M. Steinschneider nous informe qu'Averroès, dans l'Abrégé de l'Almageste, cite plusieurs fois Ibn al-Haytham, en particulier, à propos du mouvement en inclinaison de la lune. Comme nous le verrons plus loin, Averroès se réfère en fait, en l'occurrence, aux Shukūk 'alā Baṭlamyūs et non à la Configuration. Récemment, R. Rashed s'est interrogé sur l'attribution de la Configuration à al-Ḥasan ibn al-Haytham et pense l'attribuer plutôt à Muḥammad ibn al Haytham, cf. Rashed, R., Les mathématiques infinitésimales du IXe au XIe siècle. Vol. II: Ibn al-Haytham (London, 1993), pp. 1314, 490–1. Quoiqu'il en soit, pour Averroès, al-Ḥasan ibn al-Haytham, auteur des Shukūk, est aussi celui de la Configuration.Google Scholar

53 Parmi les auteurs d'abrégés “autres” qu'Ibn al-Haytham auxquels Averroès fait allusion, il peut s'agir, notamment, d'al-Farghānī (fl.: 833–861). À son sujet, voir la notice de Sabra dans le, A. I.DSB, vol. IV (1971), pp. 541–5. Nous avons consulté les Elementa astronomica dans la traduction latine deGoogle ScholarGolius, J.: Al-Farghānī, Kitāb fi al-ḥarak¯t al-samāwiyya wa-jawāmi''ilm al-nujūm (Amsterdam, 1669). Averroès pouvait faire les mêmes reproches aux Éléments d'al-Farghānī que ceux qu'il adressait à la Configuration d'Ibn al-Haytham. En effet, les Éléments se limitent à une synthèse non technique, sans aucune démonstration, et purement descriptive de l'Almageste. En outre, la première partie de 1'Abrégé, la Configuration et les Éléments ont globalement les mêmes têtes de chapitres et portent donc sur la même “part” de l'astronomie ptoléméenne. Si nous ne retrouvons pas de traces des Éléments dans l'Abrégé, c'est sans doute parce qu'al-Farghānī en était resté aux modèles géométriques et n'avait pas, comme Ibn al-Haytham, tenté de transposer ceux-ci dans l'espace à trois dimensions, sous la forme d'une “configuration” de sphères matérielles.Google Scholar

54 MS R, fol. 104r: 8–10. Les notions traduites en hébreu par 'immut et siyyur ont un rôle important dans l'élaboration de l'Abrégé (voir les quelques lignes de commentaire qui suivent cet extrait et celles que nous consacrons au même passage, P7-P10, dans notre analyse du Prologue). C'est pourquoi, dans le but de faciliter les comparaisons, autour de ces deux termes, entre l'Abrégé et d'autres textes d'Averroès (en particulier l'Abrégé de logique), nous avons ajouté, dans l'extrait traduit, à côté du terme hébreu des manuscrits, son équivalent arabe entre crochets droits. Les équivalences siyyur-tasawwur et 'immut-tasdīq chez Averroès et chez d'autres auteurs arabes sont établies depuis longtemps. Voir, par exemple: Steinschneider, M., Al-Farabi (Saint-Pétersbourg, 1869), p. 147Google Scholar; Wolfson, H. A., “The terms tasawwur and tasdīq in Arabic philosophy and their Greek, Latin and Hebrew equivalents,” The Moslem World, 33 (1943): 114–28 (tableau récapitulatif, p. 126).CrossRefGoogle Scholar

55 En outre, on constate que, parmi ces descriptions d'agencement de sphères matérielles, les plus détaillées (chapitres L et M) sont entrecoupées de remarques comme celle-ci: “Il a été démontré plus haut pour quelle raison il était nécessaire de supposer l'existence de cette sphère.” Par ailleurs, le modèle cosmologique commun aux planètes supérieures est annoncé par: “Description (siyyur - [tasawwur]) de ces corps sphériques.” Une fois le modèle cosmologique dècrit, le chapitre consacré à ces planétes se termine sur: “Telle est la part de la représentation (siyyur - [tasawwur]) et du jugement ('immut - [tasdīq]), en usage dans cette science, dont nous avons voulu traiter dans cette première partie.”

56 Les deux textes commencent par le soleil “parce que son étude mathématique est la plus simple” (Abrégé), parce que son orbe est “le plus noble” (Configuration). Ensuite, l'ordre des chapitres suit celui de l'étagement des sphères planétaires, de la plus intérieure aux plus extérieures. Alors que la Configuration poursuit et s'achève sur les chapitres consacrés à l'orbe des étoiles fixes et à l'orbe suprême, l'Abrégé, après avoir traité de la sphère des fixes, mais sans plus aucun élément rappelant la Configuration, passe totalement sous silence la neuvième sphère. En fait, sans le dire explicitement, Averroès ne croit pas à l'existence de cette sphère. Dans le chapitre S, il se trahit. En effet, il considère la sphère des étoiles fixes comme “la plus grande sphère” et lui attribue le mouvement diurne. Que devient le mouvement propre de la huitième sphère? Le lecteur chercherait en vain la réponse personnelle d'Averroès à cette question dans le chapitre EF. Il y expose les deux théories concurrentes (la précession de Ptolémée et la trépidation d'Azarquiel) mais il se garde bien de trancher. Grâce à l'Épitomé de la Métaphysique, nous savons qu'il jugeait impossible l'existence de cette neuvième sphère dépourvue d'astres, moteur du mouvement diurne. Cf. Rodriguez, C. Quiros, Averroes, Compendio de metafisica (Madrid, 1919), p. 134, § 15,16 (texte arabe), pp. 213–15 (trad. espagnole); Aristotelis opera cum Averrois commentariis VIII 387 D-F.Google Scholar

57 MS R, fol. 120v: 24 - 121r:2.

58 Sur les Shukū;k, voir l'édition du texte par Sabra, A. I. et Shehaby, N., Al-Shukūk 'alā Batlamyūs (Le Caire, 1971) et les travaux deGoogle ScholarPines, S. et Sabra, A. I.: Pines, S., “Ibn al-Haytham's critique of Ptolemy,” Actes du Xe congrès international d'histoire des sciences, Ithaca 1962 (Paris, 1964): 547–50Google Scholar; Sabra, A. I., “An eleventh-century refutation of Ptolemy's planetary theory,” dans Science and History: Studies in Honor of Edward Rosen, Studia Copernicana 16 (Wroclaw, 1978), pp. 117–31, repris dans Optics, Astronomy and Logic, sous le n° X1V.Google Scholar

59 Nous ne mentionnons que les difficultés qui figurent, à la fois, dans les Shukūk (première partie: Almageste) et dans l'Abrégé. Les mouvements d'oscillation des épicycles dans le mouvement en latitude des cinq planètes (Shukūk, deuxième partie: Hypothèses) sont décrits dans l'Abrégé sans donner lieu à aucune remarque alors qu'ils sont considérés comme l'une des difficultés de l'astronomie ptoléméenne dans l'Epitomé du De caelo (cf. Hugonnard-Roche, H., “L'Epitomé du De Caelo d'Aristote par Averroès: questions de méthode et de doctrine,” Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, Année 1984 (1985): 739, voir p. 20) et dans le Grand commentaire de la Métaphysique, livre XII, comm. 44Google Scholar(Averroès, , Tafsīr Mā ba'd aTabi'atī, éd. Bouyges, M., 4 vol. (Beyrouth, 19381952), vol. III, p. 1657: 3; Aristotelis opera cum Averrois commentariis VIII 328 L, M - le texte de la version latine est corrompu).Google Scholar

60 Ibn al-Haytham résume les propos de Ptolémée (Alm V 5) comme suit: “Le diamètre de l'épicycle de la lune dont l'extrémité est l'apogee [moyen] de l'épicycle est toujours dirigé (yuḥadhi) vers un point, sous le centre du monde [par rapport à l'apogée du déférent], dont la distance au centre du monde est égale à la distance du centre du monde au centre de l'excentrique” (Shukük, p. 15: 4–7).

61 Pinès, “Ibn al-Haytham's critique,” pp. 549–50 (n.8).

62 Shukūk, p. 27: 9–10; trad, de Sabra, “An eleventh-century refutation,” p. 130. Nous préférons traduire ḥarakāt mustawiya par mouvements “uniformes“ plutôt que “réguliers.”

63 Alm IX 2, p. 420.

64 Shukūk, p. 16: 17; Sabra, , “An eleventh-century réfutation,“ p. 12. Cette exigence n'est pas énoncée dans l'Almageste, mais elle léest dans les Hypothèses puisqu'au début du livre II, Ptolémée affirme: “Pour chacun de ces mouvements qui diffèrent en quantité ou en espèce, il y a un corps qui se meut autour de pôles, entre des limites et en un lieu qui lui sont propres, d'un mouvement volontaire …” (Paris, BNF, MS Héb. 1028, fol. 72r: 7–9). Or, comme le montre Ibn al-Haytham dans les Shukūk, l'auteur des Hypothèses n'a pas associé un corps sphérique à chaque mouvement de l'Almageste. Par conséquent, aux yeux d'Ibn-Haytham, non seulement Ptolémée a élaboré des configurations qui ne peuvent exister réellement, mais il s'est lui-même contredit. Il semble donc que la conception réaliste de l'astronomie affirmée par Ibn al-Haytham, notamment dans la phrase citée, se limite aux principes physiques posés par Ptolémée. Si Ibn al-Haytham, dans les Shukūk, se tait sur l'épicycle et l'excentrique, c'est peut-être aussi parce que, praticien de l'astronomie, il sait que sans eux on ne peut plus dresser de tables.Google Scholar

65 Shukūk, p. 34: 5–8

66 Pinès, “Ibn al-Haytham's critique, p. 550 (n. 10). Dans une lettre à son ami Abū Ja'far Yūsuf (Oxford, Bodl. Libr., MS Pococke 206, fol. 208v), Ibn Bājja mentionne les Shukūk mais en les dénigrant. S. Pinès résume ainsi ses propos: “In his opinion, Ibn al-Haytham, who, according to him was not a professional astronomer, his knowledge of the science being confined to its easier parts, was prone to reject astronomical theories whose correctness was not immediately evident to him.” Le texte de cette lettre a été récemment publié: al-'Alawī, Jamāl al-Dīn (éd.), Rasā'il falsafiyya li-Abī Bakr b. Bājja (Beyrouth, 1983), pp. 7781.Google Scholar

67 Les quatre premiers mouvements sont ceux de la lune sur l'épicycle, du centre de l'épicycle sur le déférent, des nœuds et celui du centre de l'épicycle par rapport au centre du déférent.

68 MS R, fol. 111v: 16–23 (le découpage du texte en phrases est de notre fait). On remarquera qu'Averroès ne partageait pas l'opinion dévalorisante d'Ibn Bājja. Il a autant de respect pour les Shukūk que pour la Configuration sinon davantage. En effet, les Shukūk avaient le mérite de dénoncer les difficultés passées sous silence dans la Configuration.

69 Voir la traduction qu'en donne Sabra, “An eleventh-century réfutation,” pp. 124–7.

70 En raison de l'intérêt de ce passage, nous en donnons une traduction: “C'est ainsi que Ptolémée a établi, pour la lune et les autres astres [errants], plusieurs mouvements qui ne l'avaient pas été avant lui, comme le mouvement, pour la lune, qu'il appelle mouvement de prosneuse et le mouvement des diamètres des épicycles qu'il posé pour les planètes. Cet homme n'était pas capable d'attribuer une configuration [de sphères matérielles] à ces mouvements. Il en est de même pour son idée selon laquelle les mouvements uniformes des planètes, dans leurs orbes excentriques, s'effectuaient autour d'autres centres que ceux des orbes excentriques [déférents]: il n'était pas capable d'attribuer à cela [i.e. hypothèse de l'équant] une configuration qui fût conforme aux principes sur lesquels il se fondait et qui [s'appliquaient] aux orbes épicycles et excentriques. Tout ceci est évident pour celui qui a une faible pratique de l'astronomie” (Grand commentaire de la Métaphysique, livre XII, comm. 44, éd. Bouyges, M., p. 1657: 19). Nous observons qu'Averroès établit une hiérarchie parmi les difficultés créées par les innovations de Ptolémée: les mouvements de va-etvient, l'hypothèse de l'équant (le problème que cette dernière pose est bien plus clairement énoncé ici que dans l' Abrégé) d'une part, l'épicycle et l'excentrique d'autre part. Pour ces derniers Ptolémée n'a eu aucune difficulté, dans les Hypothèses, à leur associer un corps sphérique mû d'un mouvement circulaire uniforme, mouvement conforme aux principes qu'il avait lui-même posésGoogle Scholar (Alm IX 2).

71 Sur al-Zarqāllu (fl. 1075; Tolède, puis Cordoue où il meurt en 1100), voir la notice de Vernet, J. dans le DSB, vol. XIV (1976), pp. 592–5.Google Scholar

72 Cf. la publication (fac-similé) de la traduction hébraïque de Samuel b. Judah, avec traduction en castillan, par Millás-Vallicrosa, J. M., Estudios sobre Azarquiel (Madrid / Granada, 1943–50), pp. 250343.Google Scholar

73 Œuvre perdue dont G. J. Toomer a tenté de reconstituer le contenu: Toomer, G. J., “The solar theory of az-Zarqal. A theory of errors,“ Centaurus, 14 (1969): 306–36.CrossRefGoogle Scholar

74 On le savait déjà pour le premier traité: Millás-Vallicrosa (Estudios, p. 347) avait relevé une allusion à ce traité dans l'Épitomé de la Métaphysique. Cf. Rodriguez, Averroès, Compendio de metafisica, p. 134, § 15 (texte arabe), pp. 213–14 (trad. espagnole). Averroès y attribue, nommément à Azarquiel et à ceux qui l'ont suivi, l'élaboration d'une configuration dont découle nécessairement le mouvement d'accès et de recès.

75 MS R, fol. 124r: 18–27.

76 Cette attribution a été remise en cause par Morelon, R. qui a montré que ce texte avait dû étre élaboré dans l'entourage des Banū M¯sāGoogle Scholar, cf. Morelon, R., Thābit ibn Qurra. Œuvres d'astronomie (Paris, 1987), pp. XLVIII–LIII.Google Scholar

77 Sur la théorie de la trépidation d'Azarquiel et ce qui la différencie de celle du De motu octavae spherae (attribué, au moyen âge, à Thàbit ibn Qurra), voir Goldstein, B. R., “On the theory of trepidation,” Centaurus, 10 (1964): 232–47, en particulier pp. 238–46. On ne rencontre, dans l' Abrégé, aucune allusion à la théorie de la trépidation du De motu, ni à son auteur présumé. Ceci confirme l'observation de H. Hugonnard-Roche: l'attribution de la théorie de la trépidation au seul Azarquiel est un trait commun à toute la tradition astronomique arabe d'Espagne.CrossRefGoogle ScholarCf. Hugonnard-Roche, “L'Épitomé du De Caelo,” pp. 22–3.Google Scholar

78 MS R, fol. 145r: 15–26.

79 Alm III 4.

80 MS R, fol. 145v: 27–146v: 1. Ce mouvement du centre de l'excentrique sur un petit cercle lui-même excentré, pour rendre compte de la diminution de l'excentricité solaire depuis Ptolémée jusqu'à son époque, a été introduit par Azarquiel dans son traité sur le soleil. La trépidation de l'apogée n'est qu'une conséquence du nouveau modèle, ignorée d'Azarquiel lui-même.Google ScholarCf. Toomer, “The solar theory,” p. 327.Google Scholar

81 Pinès, “Ibn al-Haytham's critique,” p. 549. Il poursuit: “In this respect he is a forerunner of the Aristotelian Spanish Philosophers of the 12th century who brought about a crisis in science by pointing out that the Ptolemaic system is incompatible with physical science and must, because of this fact, be rejected.”Google Scholar;

82 Le découpage en phrases et la numérotation ont été introduits par nous. Certaines phrases hébraïques très longues ont été fragmentées. Nous désignons une phrase du prologue par le sigle P suivi de son numéro d'ordre. Pour consulter l'ensemble du prologue (phrases P1-P62), voir MS R, fol. 104r: 1 - 105r: 10.Google Scholar

83 On retrouve la même hiérarchie des sciences théorétiques (métaphysique, physique/mathématiques) où seules les deux premières sont “destinées” (mekhuwwanot) à la perfection de l'homme, dans le Commentaire de la République de Platon. Entre 1159 et 1162, Averroès n'a pas encore écrit ce commentaire. On peut toutefois penser que c'est à l'œuvre de Platon qu'il renvoie ou plus exactement au sens qu'il lui donne et dont il fera état plus tard dans son commentaire. Celui-ci permet d'éclairer le texte de l'Abrégé, un peu succinct. Nous y renvoyons le lecteur, soit dans la traduction de Rosenthal, E. I. J., qui accompagne son édition de la version hébraïque: Averroès' Commentary on Plato's Republic (Cambridge, 1969), p. 199200 (trad.), pp. 75–6 (texte hébreu); soit dans la traduction deGoogle ScholarLerner, R., Averroès on Plato's Republic (Ithaca / London, 1974), pp. 9697. Il y apparaît clairement que ces sciences sont classées selon deux modes, c'est-à-dire en fonction du niveau ontologique des sujets qui y sont étudiés: “les choses qui existent vraiment” (métaphysique, physique) et “les apparences des choses qui existent” (mathématiques) et, dans l'ordre inverse, selon la difficulté croissante de leur apprentissage. Ainsi, commencera- t-on par l'arithmétique qui est la science mathématique la plus facile en raison de sa plus grande liberté (neqiyyut) par rapport à la matière.Google Scholar

84 La traduction que nous proposons de 'immut - taṣdīq et de siyyur - tasawwur: “jugement” et “représentation” s'inspire de celles que donnaient Van Ess, J., Die Erkenntnislehre des 'Adudaddin al-Ici (Wiesbaden, 1966), p. 95: “Urteil” et “Vorstellung” etGoogle ScholarVajda, G., “Autour de la théorie de la connaissance chez Saadia,” Revue des etudes juives, 126 (1967): 375–97 (voir p. 390): “jugement” (prédication d'un attribut relativement à un sujet) ou “assentiment” (tenir pour vrai), selon que le contexte est logique ou psychologique, d'une part; “concept,” d'autre part. Averroès lui-même, à l'époque de la rédaction de l'Abrégé, donne de ce couple de notions deux définitions qui s'éclairent l'une l'autre, dans le prologue de l'Abrégé de logique et dans celui de 1'Abrégé de I'Almageste (P13, P14):Google Scholar1 - “La conception (siyyur) est la saisie (havana) de la chose par ce qui en établit l'essence [ …]; elle répond, la plupart du temps et en premier lieu, à la question: qu'est-ce? […] Le jugement ('immut) est l'affirmation ou la négation de la chose […] il répond à la question: est-ce que?” Cf. Rushd, Ibn, Kol mele'khet ha-Higayyon, fol. 19–21. 2 - “Les questions qui relèvent du jugement (she'elot 'immutiyyot) explicitent en le démontrant quels sont les prédicats [convenant] à ces sujets [de l'astronomie] et ce, en fonction des espèces de démonstrations (moftim) en usage dans cette science. Les questions qui relèvent de la représentation (she'elot ṣiyyuriyyot) ont pour but de décrire (ṣiyyur) les différentes espèces de sujets et leurs propriétés et ce, également, en fonction [du mode] de représentation (ṣiyyur) en usage dans cette science.” Cf. MS R, fol. 104r: 14–17. On notera que, d'apràs cet extrait, Averroès attribue à l'astronomie un 'immut - tasdīq et un siyyur - tasawwur qui lui sont propres.Google Scholar

85 Les “sujets” de l'astronomie sont les corps sphériques dont les astres sont la partie visible (cf. P17).Google Scholar

86 Un extrait de l'épitomé de la Métaphysique (livre IV) confirme la critique portée dans l'Abrégé contre les observations nécessitant la collaboration de plusieurs générations d'observateurs et donne des prémisses communément admises une définition très éclairante: “Quant à l'évaluation du nombre de ces mouvements et des corps qui se meuvent par leur moyen, cela doit être reçu de l'art de l'astronomie mathématique. Admettons à ce sujet ce qui, ici et à notre époque, est le plus communément admis, c'est-à-dire ce sur quoi les experts de cet art ne sont pas en désaccord depuis Ptolémée jusqu'à nos jours, et laissons ce qui est objet de désaccord aux experts de cet art. En outre, une part importante des choses qui concernent ces mouvements nepeut être déterminée seins que l'on fasse usage de prémisses communément admises (muqaddimāt mashhūra - haqdamot mefursamot). En effet, pour déterminer une part importante de ce qui concerne ces mouvements, on a besoin d'une longue durée épuisant plusieurs vies humaines. Or les prémisses communément admises, dans un art donné, sont celles pour lesquelles il n'y a pas de désaccord parmi ses experts. Aussi, allons-nous utiliser ici de telles prémisses.” Cf. Talkhīs Mā ba'd al-tabiī'a, éd.Amīn, 'Uthmàn (Le Caire, 1958), p. 130 § 13 et Paris, BNF, Hébreu 918, fols. 140b - 141a. Bien qu'il soit intitulé talkhīs, il s'agit d'un épitomé, le dernier des Jawàmi'. Ici, dans l'épitomé de la Métaphysique, comme plus loin dans le prologue de l'Abrégé (P40), le lecteur est averti: le texte qui suit est censé rendre compte des théories des astronomes pour lesquelles il n'y a pas de divergence entre eux; iln'est donc pas l'expression de l'opinion personnelle d'Averroès.Google Scholar

87 Mofet (au pluriel: moftim) que nous traduisons systématiquement par “démonstration” (P33, P35, P36) désigne tantôt une démonstration sans autre précision (P33) mais incluant le signe, tantôt une émonstration que l'on pourrait qualifier de “scientifique” (P35, P36) parce qu'elle permet de détenir la science, c'est-à-dire de connaître par les causesGoogle Scholar(cf. Aristote, Seconds Analytiques I, 2, 71b 9–12).Google Scholar Cette démonstration “scientifique” (démonstration propter quid ou démonstration absolue) s'oppose à la démonstration à partir du signe (re'aya ou mofet re'aya) qui ne donne pas accès à cette connaissance. En effet, la démonstration par signe ne fait pas connaître la cause en tant que telle, c'est-à-dire en tant que produisant nécessairement l'effet. Sur le terme mofet re'aya et sur son équivalent latin demonstratio per signum (ou demonstratio quia), voir Goldstein, H. Tunik, Averroes' Questions in Physics (Dordrecht/Boston/London, 1991), pp. 60, 118. Rappelons que la distinction entre démonstration quia et démonstration propter quid est développée par Aristote dans les Seconds Analytiques I, 13.Google Scholar

88 Les termes “antérieurs” et “postérieurs” renvoient à une antériorité et une postériorité quant à l'existence et non quant à la connaissance: “…il n'y a pas identité entre ce qui est antérieur par nature et ce qui est antérieur pour nous, ni entre ce qui est plus connu par nature et plus connu pour nous.” Cf. Aristote, , Seconds Analytiques I, 2; trad. deGoogle ScholarTricot, J. (Paris, 1970), p. 9. Ici, en astronomie, ce qui est postérieur ontologiquement, c'est-à-dire les mouvements observés (ou phénomènes), est antèrieur pour nous parce que mieux connu.Google Scholar

89 La mēme objection (P32 - P37), mais plus développée, sera reprise dans le Grand commentaire du De caelo, cf. Aristotelis opera cum Averrois commentariis V 118 K-L. Le passage a été traduit en français et commenté parGoogle ScholarDuhem, P., Le système du monde, 10 vol. (Paris, 19131959), tome II, pp. 136–7.Google Scholar

90 Hugonnard-Roche, “L'Epitomé du De Caelo,” p. 11.Google Scholar

91 Ainsi, à la fin des “remarques critiques” du chapitre L, il précise sur quoi porteront ses recherches: “Nous rechercherons donc comment peut être créé un mouvement en dehors du centre ou un mouvement tantôt direct et tantôt rétrograde, à partir d'une composition de mouvements circulaires autour du centre. De plus, nous avons trouvé que sans [cette composition], il n'était pas possible d'accéder a la perfection car ce n'est que par cette voie que l'on peut connaître les causes qui peuvent être vraies pour les corps célestes.” Cf. MS R, fol. 115r: 1–4. Si Averroès envisage de rechercher une composition de mouvements circulaires uniformes “homocentrés,” en prévoyant d'y investir un temps qui risque d'être long, c'est que cette composition n'exsiten pas encore. Il ne s'agit donc pas, pour lui, d'un retour à l'astronomie du temps d'Aristote.Google Scholar

92 Dans le Grand commentaire de la Métaphysique, Averroès, qui n'a pas réussi à réformer l'astronomie, se trouve donc devant la même situation qu'à l'epoque de 1'Abrégé: “À cause de la difficulté de ces choses [i.e. le nombre des mouvements proposés par les astronomes], on ne peut utiliser des prémisses certaines (yaqīniyya). Ce sont des [prémisses] communément admises (mashhūrāt) qui sont utilisées à ce sujet à la place de [prémisses] certaines, seulement s'il n'y a pas de désaccord à leur propos. S'il y a désaccord, il n'y a pas de chose à laquelle se fier et on ne peut fonder son opinion que sur ce qui est inclus dans le désaccord” (éd. Bouyges, M., p. 1659: 711). Averroès, très préoccupé par les cas de désaccord qui sont autant de points faibles parce que la certitude y est encore moindre, consacrera un chapitre à part à chacun des deux sujets importants de controverse: l'ordre des planètes (chapitre OP) et le mouvement des étoiles fixes (chapitre EF). Il livrera à son lecteur “ce qui est inclus dans le désaccord” c'est-à-dire qu'il exposera les théories concurrentes.Google Scholar

93 En fait, Averroès estime que les démonstrations des astronomes n'ont, des démonstrations par signe, que la forme. Ne disposant que des données de leurs observations, les astronomes ne peuvent accéder aux causes qui sont inconnues et inconnaissables à partir de ces seules données. En outre, il leur arrive fréquemment de proposer des causes qui sont impossibles parce qu'elles violent les principes de la physique. L'épicycle est donné comme exemple de cause de ce type. En dehors du prologue, l'épicycle ne donne lieu à aucune remarque; il fait partie de ce qui est “communément admis” (mashhūr). Le jugement porté par le philosophe Averroès sur le degré de certitude de l'astronomie contraste singulièrement avec l'opinion de son presque contemporain, mathématicien, Jābir b. Aflah (voir, supra, p. 41, dans notre étude des sources, l'extrait de l'introduction à l'sl¯;h). Cette divergence totale d'appréciation a entraīné une différence essentielle, dans la nature et la profondeur de leurs critiques de l'astronomie ptoléméenne.Google Scholar

94 La confrontation du prologue de l' Abrégé où Averroès se résigne à adopter “ce qui est communément admis” avec le prologue aux Jawā;mï' (cf. Hugonnard-Roche, “L'Épitomé du De Caelo,” p. 10) où il se propose simplement d'extraire des traités d'Aristote les “exposés scientifiques” révèle l'inégalité criante entre la physique et l'astronomie quant au degré de certitude qu'Averroès attribue à l'une et à l'autre.Google Scholar

95 “Telles sont les considérations qui ont conduit Ptolémée à [concevoir] ce modèle [de Mercure] qui n'est pas conforme aux corps en mouvement et encore moins aux propriétés de ces corps telles qu'elles sont explicitées en physique. En outre, ces considérations ne sont pas nécessaires, ainsi que nous l'avons dit précédemment dansnotre traité [Prologue, P32-P37]. En effet, ce n'est pas parce qu'existe le postérieur en même temps que l'antérieur [dont l'existence a été] supposée par hypothèse, que l'existence de l'antérieur découle nécessairement du postérieur, puisqu'est possible l'existence de ce postérieur en même temps que celle d'un antérieur qui soit autre que celui qui a été supposé. Ceci est évident d'après le livre des Seconds Analytiques [I, 13]. À cause de cela, ces choses ne font pas partie de ce qui conduit à révoquer en doute ce qui [par ailleurs] est évident en physique et à plus forte raison si [cette évidence résulte] de démonstrations. Il faudrait donc que lui soit trouvé un autre modèle que celui-ci.“ Cf. MS R, fol. 119r: 1–6.Google Scholar

96 Saliba, G., “The astronomical tradition of Maragha: A historical survey and prospects for future research,” Arabie Sciences and Philosophy, 1 (1991): 6799CrossRefGoogle Scholar(voir, p. 88).Google Scholar