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Travailler plus pour consommer plus: Désir de consommer et essor du capitalisme, du XVIIe siècle à nos jours

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Jean-Yves Grenier*
Affiliation:
EHESS

Résumé

Dans un livre marquant – The industrious revolution: Consumer behavior and the household economy, 1650 to the present – Jan de Vries s’intéresse aux transformations économiques qui précédent précèdent la Révolution industrielle. L’originalité de ce livre est d’expliquer l’intensification du travail observée au XVIIIe siècle non pas comme le résultat d’une contrainte (démographique ou sociale) mais d’un nouveau désir de consommer qui apparaît à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle. Cet éclairage très argumenté des débuts de la Révolution industrielle, mais aussi de notre modernité orientée par les phénomènes de consommation, appelle au débat. Cet article examine en détail la logique de l’argumentation proposée et il met en évidence la signification économique mais aussi politique qui est attribuée à la consommation.

Abstract

Abstract

Jan de Vries’s recent book–The industrious revolution: Consumer behavior and the household economy, 1650 to the present–focuses on the economic transformations that preceded the Industrial Revolution. The originality of this book lies in explaining how the intensification of labour observed in the eighteenth century was not the result of any constraint, demographic or social, but of a new kind of consumer desire that seems to have appeared in the first part of that century. This new and strongly documented interpretation of the beginnings of the Industrial Revolution, and of our consumer-oriented modernity, calls for debate. This article discusses in details the logic of this argumentation and shows the economic and political meaning attributed to consumption.

Type
Travail et création
Copyright
Copyright © American Society of International Law 2010

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Footnotes

*

À propos de Jan De Vries, The industrious revolution: Consumer behavior and the household economy, 1650 to the present, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.

References

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8 - Parmi les très nombreux exemples de cette revendication des travailleurs pour le libre choix du rythme du travail (plus que de la quantité de travail), voir le cas des ouvriers papetiers, particulièrement bien analysé par Rosenband, Leonard N., Papermaking in eighteenth-century France: Management, labor and Revolution at the Montgolfier mill, 1761-1805, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2000 Google Scholar. Plus généralement, sur la liberté comme caractéristique centrale dans le comportement des catégories populaires, voir Cohen, Deborah, La nature du peuple. Les formes de l’imaginaire social (XVIIIe-XXIe siècles), Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 350 Google Scholar sq.

9 - J. de Vries, The industrious revolution..., op. cit., p. 43.

10 - Ibid., p. 12.

11 - Ibid., p. 177.

12 - Lancaster, Kelvin, Modern consumer theory, Aldershot, Edward Elgar, 1991 Google Scholar, et Becker, Gary S., « A theory of the allocation of time», The Economic Journal, 299, 1965, p. 493-517 CrossRefGoogle Scholar.

13 - Voir par exemple la formulation de cette opposition chez Steuart, James, An inquiry into the principles of political economy, Londres, A. Millar and T. Cadell, 1767 Google Scholar, chap. 22.

14 - J. de Vries, The industrious revolution..., op. cit., p. 45.

15 - Voir en premier lieu Cantillon, Richard, Essai sur la nature du commerce en général, Paris, Éd. de l’INED, [1755] 1997 Google Scholar, Ire partie, chap. XIV.

16 - J. de Vries, The industrious revolution..., op. cit., p. 52.

17 - J. de Vries fait en particulier référence aux travaux de Cissie Fairchild sur la France du XVIIIe siècle dans lesquels l’invention signifie un affranchissement des choix de classe au profit de l’exression par les populations de leurs aspirations sociales: Fairchild, Cissie, «Determinants of consumption patterns in eighteenth-century France», in Schuurman, A. et Walsh, L. S. (dir.), Material culture: Consumption, life-style, standard of living, 1500-1900, Milan, Eleventh International Economic History Congress, 1994, p. 55-70 Google Scholar.

18 - La variété des biens acquis et possédés, les modalités de leur distribution ainsi que les nouveaux stylesde consommation qui se développent entre 1650 et1850 sont étudiés en détail au chapitre 4.

19 - J. de Vries, The industrious revolution..., op. cit., p. 122 sq.

20 - Observons que si E. P. Thompson explique les nouveaux rythmes du travail par « un des besoins les plus pressants auxquels le capitalisme industriel faisait appel pour stimuler son progrès », il fait également rapidement allusion à un désir nouveau de consommation, en l’occurrence celui d’une femme qui reproche à son mari trop attaché à la pratique du Saint-Lundi de ne pas travailler assez.

21 - J. de Vries, The industrious revolution..., op. cit., p. 5: non seulement dans l’historiographie mais dans l’ensemble des sciences sociales.

22 - Brewer, John et Porter, Roy (dir.), Consumption and the world of goods, Londres, Routledge, 1993 Google Scholar. Jan de Vries a publié un important article dans cet ouvrage: « Between purchasing power and the world of goods: Understanding the household economy in early modern Europe», p. 85-132.

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26 - Zelizer, Viviana A., La signification sociale de l’argent, Paris, Le Seuil, [1994] 2005 Google Scholar, en particulier p. 255 sq., montre bien comment les immigrants débarqués aux États-Unis sont en quelque sorte éduqués pour devenir avant toute chose des consommateurs compétents, capables de gérer un budget et effectuer des dépenses judicieuses.

27 - Sur la société américaine unifiée par la consommation, voir Zunz, Olivier, Le siècle américain. Essai sur l’essor d’une grande puissance, Paris, Fayard, [1998] 2000 Google Scholar.

28 - J. de Vries, The industrious revolution..., op. cit., p. 52-53.

29 - Schama, Simon, L’embarras de richesses. Une interprétation de la culture hollandaise au siècle d’Or, Paris, Gallimard, [1985] 1991 Google Scholar.

30 - J. de Vries, The industrious revolution..., op. cit., p. 45.

31 - J. de Vries souligne que, si certains chercheurs restent bloqués sur de vieilles idéologies, désormais, « l’atmosphère prévalant dans les milieux académiques tend à célébrer le triomphe de la volonté du self-fashioning individual » qui mobilise la consommation comme un signe d’identité culturelle (ibid., p. 5-6).

32 - Il s’agit en somme pour ces auteurs d’appliquer l’utilité marginale décroissante de la théorie néo-classique non plus à la seule consommation immédiate d’un même bien mais à celle, dans le temps, de biens toujours renouvelés.

33 - Beckerman, Wilfred, «The economist as a modern missionary», The Economic Journal, 261, 1956, p. 108-115 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 112.

34 - De façon assez radicale, on sait combien Keynes, John Maynard, The collected writings of John Maynard Keynes, t. 9, Essays in persuasion , Londres, Macmillan/St. Martin’s Press, 1972, p. 328 Google Scholar, plus encore que de l’insuffisance du consumer desire, s’inquiète de l’incapacité de la plupart de ses contemporains de développer un art de vivre compatible avec la société d’abondance et de loisir: « Il n’y a aucun pays, ni aucun peuple, je pense, qui peut regarder sans effroi vers l’âge de la société du loisir et de l’abondance. »

35 - Simmel, Georg, Philosophie de l’argent, Paris, PUF, [1900] 1987 Google Scholar, en particulier chap. 6: « Le style de vie ».