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Méditations mathématiques

Retour sur une pratique morale des sciences à l’âge classique

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Stéphane Van Damme*
Affiliation:
SciencesPo, Paris, Centre d’histoire

Résumé

Dans quelle mesure les savants ont-ils utilisé les sciences pour poursuivre une bonne vie au XVIIe siècle? Comment articuler révolution scientifique et questionnement éthique? Ce sont les questions que formule l’historien des sciences Matthew Jones dans son ouvrage The good life in the scientific revolution. Son projet s’inscrit d’abord dans les prolongements des recherches sur une histoire sociale de la vérité qui a encouragé de nombreux historiens depuis deux décennies à déchiffrer les normes morales qui garantissent l’usage et la production des énoncés scientifiques. La civilité, la politesse, l’honneur ont donné lieu à des recherches précises qui ont permis de souligner le contexte culturel et social qui entoure les pratiques de l’innovation scientifique à l’âge classique. Ensuite, il approfondit ces interrogations en se demandant comment la pratique mathématique est considérée comme une mise en jeu, et non comme le reflet, de ces normes morales. Cet article se propose de discuter des apports de ce livre en examinant d’abord les trois formes d’expérimentation d’une morale mathématique menées par Descartes, Pascal et Leibniz. L’article montre ensuite comment Matthew Jones puise dans les travaux de Pierre Hadot sa conception des exercices mathématiques comme exercices spirituels. Dans un troisième temps, l’article étudie dans quelle mesure le livre illustre un retour de la question morale en histoire des sciences anglophone depuis une vingtaine d’années alors que l’épistémologie classique à la française s’est toujours tenue à distance de ce questionnement. On montrera comment ces approches ouvrent des pistes de réflexion pour les historiens pour mieux saisir les relations entre sciences et religion à l’époque moderne.

Abstract

Abstract

To what extent did scholars use science to pursue a good life in the seventeenth century? How to articulate Scientific Revolution and ethical questions? These are the questions at the core of the investigation led by the historian of science Matthew Jones in his book The Good Life in the Scientific Revolution. At first glance, his first project is simply an extension of research on a social history of truth that has encouraged many historians for two decades to decipher the moral norms that gave credit to the use and production of scientific knowledge. Civility, politeness, honour led to specific research that highlighted the cultural and social context surrounding the practices of scientific innovation in the classical age. This book deepens these questions by asking how mathematical practices were considered as moral reflections. This article will discuss the contribution of this book by first examining the three attempts at experimenting mathematical morals led by Descartes, Pascal and Leibniz. The article then shows how Matthew Jones successfully draws on the work of Pierre Hadot by considering mathematical exercises as spiritual exercises. In a third broader step, the article examines how the book exemplifies a return of the moral issue in Anglophone history of science in the last twenty years while the French classical epistemology has always kept away from this kind of questioning. The article argues that these approaches open up avenues of research for historians to better understand the relationship between science and passion, science and spirituality, and more largely science and religion in the early modern period.

Type
Histoire des savoirs
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2012

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References

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2 - Shapin, Steven, A social history of truth: Civility and science in seventeenth-century England, Chicago, University of Chicago Press, 1994 Google Scholar. Depuis ce livre, d’autres tentatives ont été menées qui ont tendance à pluraliser le modèle. Ainsi par exemple, du côté d’une histoire intellectuelle des « vérités dissonantes » située en amont de la chronologie du livre de Matthew Jones, voir Bianchi, Luca, Pour une histoire de la double vérité, Paris, J. Vrin, 2008 Google Scholar.

3 - Shapiro, Barbara J., Probability and certainty in seventeenth-century England: A study of the relationships between natural science, religion, history, law, and literature, Princeton, Princeton University Press, 1983 Google Scholar. Schaffer, Simon, « Making certain », Social studies of science, 14-1, 1984, p. 137-152CrossRefGoogle Scholar.

4 - Shapiro, Barbara J., A culture of fact: England 1550-1720, Ithaca, Cornell University Press, 2000 Google Scholar.

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6 - Baruch Spinoza, OEuvres, IV, Traité politique, Lettres, trad. et notes par C. Appuhn, Paris, GF-Flammarion, 1966, lettre VII, p. 145. Sur la correspondance de Spinoza, voir Henri LAUX, « La correspondance », in Moreau, P.-F. et Ramond, C. (dir.), Lectures de Spinoza, Paris, Ellipses, 2006, p. 203-219Google Scholar. Voir plus généralement Moreau, Pierre-François, Spinoza et le spinozisme, Paris, PUF, 2003 Google Scholar. Sur les relations avec Oldenburg, voir Hall, Marie Boas, Henry Oldenburg: Shaping the Royal Society, Oxford, Oxford University Press, 2002, p. 61-63Google Scholar.

7 - Dans son fameux article « Spinoza » du Dictionnaire historique et critique, Pierre Bayle le rappelle: « Lorsque Spinoza se fut tourné vers les études philosophiques, il se dégoûta bientôt des systèmes ordinaires et trouva merveilleusement son compte dans celui de Mr Descartes. Il se sentit une si forte passion de chercher la vérité, qu’il renonça en quelque façon au monde pour mieux vaquer à cette recherche. Il ne se contenta pas de s’être débarrassé de toutes sortes d’affaires, il abandonna Amsterdam, à cause que les visites de ses amis interrompaient trop ses spéculations. Il se retira à la campagne, il y médita tout à son aise, il y travailla à des microscopes et à des télescopes. » (Pierre Bayle, Pour une histoire critique de la philosophie. Choix d’articles philosophiques du Dictionnaire historique et critique, intro. générale et prés. par J.-M. Gros, avec la coll. de J. Chomarat, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 526).

8 - Sur l’honneur, voir Catherine Goldstein, « L’honneur de l’esprit: de la République des mathématiques », in Cosandey, F. (dir.), Dire et vivre l’ordre social en France sous l’Ancien Régime, Paris, Éd. de l’EHESS, 2005, p. 191-230Google Scholar, et Terrall, Mary, «Gendered spaces, gendered audiences: Inside and outside the Paris Academy of Sciences », Configurations, 3-2, 1995, p. 207-232CrossRefGoogle Scholar, sur la virilité. À noter que l’honneur est devenu une catégorie historiographique centrale dans l’histoire sociale anglophone.

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10 - Shapin, Steven, « ‘The mind is its own place’s’: Science and solitude in seventeenthcentury England », Science in Context, 4-1, 1991, p. 191-218CrossRefGoogle Scholar.

11 - Paul, Charles B., Science and immortality: The eloges of the Paris Academy of Sciences (1699-1791), Berkeley, University of California Press, 1980 Google Scholar.

12 - Voir le livre Romano, d’Antonella, La contre-réforme mathématique. Constitution et diffusion d’une culture mathématique jésuite à la Renaissance, 1540-1640, Rome, École française de Rome, 1999 CrossRefGoogle Scholar; Dear, Peter, Discipline & experience: The mathematical way in the scientific revolution, Chicago, Chicago University Press, 1995 CrossRefGoogle Scholar.

13 - Hallyn, Fernand, Les structures rhétoriques de la science. De Kepler à Maxwell, Paris, Le Seuil, 2004, p. 12 Google Scholar, oppose deux approches de la rhétorique: l’approche rhétorique qui « étudie des techniques d’argumentation et de persuasion » qui revient à « observer la manière dont la science faite se présente à son public » et l’approche poétique qui « peut aussi être appelée une ‘rhétorique profonde’ explore la formation des représentations. Elle a pour objet la science en train de se faire. Elle tente notamment de découvrir dans les processus d’invention et de découverte les traces d’une activité où un imaginaire tropologique (producteur d’opérations sémantiques, telles que la métonymie et la métaphore, conduisant à des transformations conceptuelles) et narratif (producteur de récits tels que les expériences de pensée, à valeur d’exploration et d’argumentation) est à l’oeuvre. La poétique ou la rhétorique profonde aborde l’énoncé en tant que texte. Elle le considère comme une structure ou une composition formelle et thématique plus ou moins cohérente, douée de ressemblances et de différences avec d’autres compositions ou structures qui n’appartiennent pas nécessairement au même champ, mais sont les traces d’un travail heuristique dont le produit s’y est déposé. »

14 - Cahné, Pierre-Alain, Un autre Descartes: le philosophe et son langage, Paris, J. Vrin, 1980 Google Scholar.

15 - Cavaillé, Jean-Pierre, Descartes, la fable du monde, Paris, J. Vrin, 1991 Google Scholar.

16 - Blair, Ann, The theater of nature: Jean Bodin and Renaissance science, Princeton, Princeton University Press, 1997 Google Scholar.

17 - À noter qu’il existe aussi une épistémologie historique des mathématiques, voir Rabouin, David, universalis, Mathesis. L’idée de « mathématique universelle » d’Aristote à Descartes, Paris, PUF, 2009 Google Scholar.

18 - Hadot, Pierre, Qu’est-ce que la philosophie antique?, Paris, Gallimard, 1995, p. 19 Google Scholar.

19 - Hadot, Pierre, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Études augustiniennes, 1981, p. 9 Google Scholar.

20 - Ibid., p. 9. On se reportera aussi à Hadot, Pierre, La philosophie comme manière de vivre. Entretiens avec Jeannie Carlier et Arnold I. Davidson, Paris, Albin Michel, 2001 Google Scholar, en particulier chap. 6.

21 - Dans son chapitre « Exercices spirituels » qui définit son programme de recherche, P. Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, op. cit., p. 59-70, consacre la quatrième partie à l’apprentissage du lire comme un des lieux essentiels de la formation spirituelle.

22 - Domanski, Juliusz, La philosophie, théorie ou manière de vivre? Les controverses de l’Antiquité à la Renaissance, Fribourg/Paris, Éd. universitaires/Éd. du Cerf, 1996 Google Scholar. J. Domanski montre ainsi que Pétrarque puis Érasme rejettent l’idée d’une éthique purement théorique et descriptive et refusent de réduire les « philosophes » au détenteur de chaires universitaires.

23 - Voir les nuances que P. Hadot apporte à l’usage de la notion d’exercice spirituel, Exercices spirituels et philosophie antique, op. cit., p. 26.

24 - Parmentier, Bérangère, « Arts de parler, arts de faire, arts de plaire. La publication des normes éthiques au XVIIe siècle », Littératures Classiques, 37, 1999, p. 141-154Google Scholar.

25 - Dans cette perspective, voir la réflexion collective menée par Jacob, Christian (dir.), Lieux de savoir, t. I, Espaces et communautés; t. II, Les mains de l’intellect, Paris, A. Michel, 2007-2010Google Scholar.

26 - Comme l’écrit Michel Foucault, Le courage de la vérité. Le gouvernement de soi et des autres II. Cours au Collège de France, 1983-1984, éd. établie sous la dir. de F. Ewald et A. Fontana par F. Gros, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2009, p. 159: « Le cynisme ne se contente pas de coupler ou de faire se correspondre, dans une harmonie ou une homophonie, un certain type de discours et une vie conforme aux principes énoncés dans le discours. Le cynisme lie le mode de vie et la vérité sur un mode beaucoup plus serré, beaucoup plus précis. Il fait de la forme de l’existence une condition essentielle pour le dire-vrai. Il fait de la forme de l’existence la pratique réductrice qui va laisser place au dire-vrai. Il fait enfin de la forme de l’existence une façon de rendre visible, dans les gestes, dans les corps, dans la manière de s’habiller, dans la manière de se conduire et de vivre, la vérité elle-même. En somme, le cynisme fait de la vie, de l’existence, du bios, ce qu’on pourrait appeler une aèthurgie, une manifestation de la vérité. »

27 - Heinrich Niehues-Pröbsting, « The modern reception of cynism: Diogenes in the enlightenment », in Branham, R. Bracht et Goulet-Cazé, M.-O. (dir.), The Cynics. The cynic movement in Antiquity and its legacy, Berkeley, University of California Press, 1996, p. 329-365Google Scholar, en particulier p. 330.

28 - Goldstein, Catherine, Un théorème de Fermat et ses lecteurs, Paris, Presses universitaires de Vincennes, 1995 Google Scholar.

29 - On passerait ainsi du paradigme de cérémonies des savoirs décrites dans Shapin, Steven et Schaffer, Simon, Léviathan et la pompe à air. Hobbes et Boyle entre science et politique, Paris, La Découverte, [1985] 1993 Google Scholar, à celui du paradigme spectaculaire de la performance: Schaffer, Simon, «Natural philosophy and public spectacle in the eighteenth century », History of Science, 51, 1983, p. 1-43CrossRefGoogle Scholar; Golinski, Jan, Science as public culture: Chemistry and Enlightenment in Britain, 1760-1820, Cambridge, Cambridge University Press, 1992 Google Scholar.

30 - Ribard, Dinah, « Réflexions sur l’écriture comme lieu de savoir dans les livres de philosophie en France au XVIIe siècle », Revue de Synthèse, 3-4, 2007, p. 395-417CrossRefGoogle Scholar.

31 - Ribard, Dinah, « Philosophie et non-philosophie: Fontenelle et Descartes », Revue Fontenelle, 2, 2004, p. 55-68Google Scholar.

32 - P. Hadot, Qu’est-ce que la philosophie antique?, op. cit., p. 17-18.

33 - C’est aujourd’hui l’orientation choisie par une histoire anglophone de la philosophie qui s’interroge sur les modes de transmission et les effets de réinvention des traditions antiques, voir par exemple Sarah HUTTON, « Introduction », in Hedley, D. et Hutton, S. (dir.), Platonism at the origins of modernity: Studies on platonism and early modern philosophy, Dordrecht, Springer, 2008, p. 1 Google Scholar.

34 - Aristote, Éthique à Nicomaque, trad. et éd. de R. Bodéüs, Paris, Flammarion, 2004, sixième partie, « Les vertus intellectuelles », p. 289-344.

35 - Adam, Charles et Tannery, Paul (éd.), OEuvres de Descartes, Paris, J. Vrin, 1996, vol. VIII-B, 26, p. 2-7Google Scholar.

36 - Sur la générosité, voir Kambouchner, Denis, Descartes et la philosophie morale, Paris, Hermann, 2008 Google Scholar, chap. IV.

37 - Christian Lazzeri, « Pascal et le bonheur inaccessible », in Caillé, A.,Senellart, M. et Lazzeri, C. (dir.), Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique. Le bonheur et l’utile, Paris, Flammarion, [2001] 2007, t. 1, p. 401-414Google Scholar, ici p. 409.

38 - M. Jones, The good life in the scientific revolution…, op. cit., chap. 4.

39 - Ibid., p. 169.

40 - Shapin, Steven, The scientific life: A moral history of a late modern vocation, Chicago, University of Chicago Press, 2008 CrossRefGoogle Scholar.

41 - Voir Pestre, Dominique, Sciences, argent et politique: essai d’interprétation, Paris, INRA Éditions, 2003 CrossRefGoogle Scholar.

42 - Sur la tension entre cet absolutisme et le régime de la curiosité, voir l’interprétation d’Hans Blumenberg, La légitimité des Temps modernes, Paris, Gallimard, [1988] 1999. Sur ce texte, voir le commentaire éclairant de Monod, Jean-Claude, La querelle de la sécularisation. Théologie politique et philosophies de l’histoire de Hegel à Blumenberg, Paris, J. Vrin, 2002 Google Scholar.

43 - M. de Certeau, « Politique et mystique. René d’Argenson (1596-1651) », Le lieu de l’autre…, op. cit., p. 265-300, sur la « philosophie surnaturelle » du magistrat, p. 269-276.

44 - Ibid., p. 239-248.

45 - Lorraine Daston, « The moral economy of science », Osiris, 10, 1995, p. 2-24.

46 - Porter, Theodore, « Objectivity as standardization: The rhetoric of impersonality in measurement, statistics, and cost-benefit analysis », Annales of Scholarship, 9, 1992, p. 19-59Google Scholar; Schaffer, Simon, « Astronomers mark time: Discipline and the personal equation », Science in Context, 2-1, 1988, p. 115-145CrossRefGoogle Scholar.

47 - L.Daston, « The moral economy of science », art. cit., p. 4: « Ici le terme économie a aussi une connotation démodée: il se réfère non pas à l’argent, aux marchés, au travail, à la production ou à la distribution des ressources matérielles, mais plutôt à un système organisé qui affiche certaines régularités qui sont explicables mais pas toujours prévisibles dans leurs détails. »

48 - Ibid., p. 3: « On peut l’affirmer plus fortement et plus spécifiquement: certaines formes d’empirisme, de quantification, d’objectivité elles-mêmes ne sont pas simplement compatibles avec une économie morale: elles requièrent des économies morales. »

49 - Ibid., p. 6.

50 - Voir C. Goldstein, « L’honneur de l’esprit… », art. cit.

51 - Mackenzie, Donald, Mechanizing proof: Computing, risk, and trust, Cambridge, MIT Press, 2001, p. 10-11Google Scholar.

52 - Ibid., p. 11.

53 - On peut reprendre ici la définition proposée par Lorraine Daston, « Une histoire de l’objectivité scientifique », in Braunstein, J.-F. (dir.), L’histoire des sciences. Méthode, styles et controverses, Paris, J. Vrin, 2008, p. 367 Google Scholar: « Ce que j’entends par épistémologie historique est l’histoire des catégories qui structurent notre pensée, qui modèlent notre conception de l’argumentation et de la preuve, qui organisent nos pratiques, qui certifient nos formes d’explication et qui dotent chacune de ces activités d’une signification symbolique et d’une valeur affective. Cette épistémologie historique peut (et en fait, elle le doit) renvoyer à l’histoire des idées et des pratiques, tout autant qu’à l’histoire des significations et des valeurs qui constituent les économies morales des sciences. »

54 - James, Susan, Passion and action: The emotions in seventeenth-century philosophy, Oxford, Clarendon Press, 1997 Google Scholar; Jacques, Roux, Florian Charvolin et Aurélie Dumain, « Les ‘passions cognitives’ ou la dimension rebelle du connaître en régime de passion. Premiers résultats d’un programme en cours », Revue d’anthropologie des connaissances, 3-3, 2009, p. 369-385Google Scholar.

55 - René, Descartes, « Les passions de l’âme», OEuvres philosophiques, vol. III, 1643-1650, Paris, Bordas, 1989, p. 1010 (art. 75)Google Scholar. Voir Kambouchner, Denis, L’homme des passions. Commentaires sur Descartes, Paris, Albin Michel, 1995, t. I, p. 237240 Google Scholar.

56 - Sur le régime de l’attention, voir Daston, Lorraine, « Attention and the values of nature in the Enlightenment », in Daston, L. and Vidal, F. (dir.), The moral authority of nature, Chicago, University of Chicago Press, 2004, p. 100126 Google Scholar. L. Daston écrit: « J’affirme que la valorisation de la nature fut construite à partir de modes hautement élaborés d’attention, d’observation et de description appliqués aux objets naturels », p. 101.

57 - R. Descartes, « Les passions de l’âme », op. cit., p. 1011 (art. 385).

58 - P. Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, op. cit., p. 31.

59 - L. Daston, « Attention and the values of nature in the Enlightenment », art. cit., p. 102.

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62 - Sur ce point, le récent livre de Dew, Nicholas, Orientalism in Louis XIV's France, Oxford, Oxford University Press, 2009 CrossRefGoogle Scholar, tente de situer au sein des réseaux de l’orientalisme baroque le rôle joué par les libertins comme François Bernier, voir chap. III.

63 - Pour reprendre les termes de Bachelard, Gaston, Essai sur la connaissance approchée, Paris, J. Vrin, [1928] 1987, p. 13 Google Scholar.

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65 - Si l’on excepte Catherine Brice et Romano, Antonella (dir.), Sciences et religions de Copernic à Galilée, 1540-1610, Rome, École française de Rome, 1999 Google Scholar.

66 - Sur cette tension entre religion et confession, voir Büttgen, Philippe et Duhamelle, Christophe (dir.), Religion ou confession. Un bilan franco-allemand sur l’époque moderne, XVIe-XVIIIe siècles, Paris, Éd. de la MSH, 2010 Google Scholar.

67 - Ce courant est particulièrement fort en Italie avec les travaux de Romano Madera. Voir Madera, Romano et Tarca, Luigi Vero, La filosofia come stile di vita. Introduzione alle pratiche filosofiche, Milan, Bruno Mondadori, 2003 Google Scholar.

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69 - Les études sur la dédisciplinarisation de la philosophie à l’âge classique achoppent sur cette question de la diffusion de la philosophie dans la société, toujours comprise en termes d’une « vulgarisation », d’une « divulgation » d’un corpus philosophique scolaire sans s’attacher à décrire une pluralité des modes de présence.

70 - Perrot, Jean-Claude, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Éd. de l’EHESS, 1992 Google Scholar.

71 - D’un côté, selon M. de Certeau, L’écriture de l’histoire…, op. cit., p. 156, « une éthique autonome se constitue qui a pour cadre de référence l’ordre social, ou la conscience », de l’autre le développement d’une théologie positive et d’une « herméneutique cléricale » qui fait retour aux origines du christianisme: « Une science des moeurs juge désormais l’idéologie religieuse et ses effets, là où une ‘science de la foi’ classait les comportements dans une sous-section intitulée ‘théologie morale’ et hiérarchisant les conduites selon les codes de la doctrine. »

72 - Armogathe, Jean-Robert, La nature du monde. Science et exégèse au XVIIe siècle, Paris, PUF, 2007 Google Scholar.

73 - De nombreux travaux ont porté sur une réévaluation de ces relations entre mystique et science autour de Joseph Priestley, comme ceux de John Christie par exemple. Voir les articles classiques de Schaffer, Simon, « Priestley and the politics of spirit », in Anderson, R. G. W. et Lawrence, C. J. (dir.), Science, medicine and dissent: Joseph Priestley, Londres, Wellcome Institute/Science Museum, 1987, p. 39-53Google Scholar; Id., « Measuring virtue: Eudiometry, enlightenment and pneumatic medicine », in French, R. K. et Cunningham, A. R.(dir.), The medical enlightenment of the eighteenth century, Cambridge, Cambridge University Press, 1990, p. 281-318Google Scholar.

74 - Riskin, Jessica, Science in the age of sensibility: The sentimental empiricists of the French Enlightenment, Chicago, University of Chicago Press, 2002 CrossRefGoogle Scholar.