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Libérer le libertinage. Une catégorie à l’épreuve des sources

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Jean-Pierre Cavaillé*
Affiliation:
EHESS – Centre de recherches historiques – Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire

Résumé

L’article cherche à jeter les bases d’une réinterprétation à la fois historique et philosophique du libertinage, à partir d’une analyse critique de la catégorie historiographique, qui est devenue plutôt un obstacle qu’une aide à l’élucidation de ce que les termes (libertin, libertinage, libertinisme) ont voulu dire et faire, dans une série de conjonctures sociales et culturelles, entre XVIe et XVIIIe siècles, au sein d’un espace élargi à la plus grande partie de l’Europe. D’un point de vue méthodologique, il s’agit d’échapper au dilemme opposant une conception essentialiste du libertinage, à la recherche des indices qui en permettrait l’identification, à une approche nominaliste affirmant que le libertinage n’existe pas en dehors des discours qui le dénoncent, en proposant l’alternative d’une approche relationnelle et interactionnelle, sensible à la multiplicité et à la diversité des situations, suivant les contextes sociaux et les conjonctures événementielles. L’auteur ne renonce pas pour autant à tenter une interprétation globale des phénomènes désignés par les termes, à travers une réflexion sur le rôle central joué par la notion de liberté dans les controverses autour du libertinage.

Abstract

Abstract

This paper tries to lay the foundations for an historical and philosophical reinterpretation of libertinism, from a critical analysis of the historiographical category, which has become more hindrance than help to illuminate what the terms (libertine, libertinage, libertinism) signify and do, within a series of social and cultural circumstances, between the sixteenth and eighteenth centuries, in an area virtually expanded to all Europe. From a methodological point of view, the goal is to escape the dilemma between an essentialist approach of libertinism, looking for clues that could identify it, and a nominalist approach within which libertinism does not exist outside the discourse that denounces it. Hence this article offers an alternative with a relational and interactional approach, paying attention to the multiplicity of cultural and social situations. Nonetheless the author does not renounce to attempt a comprehensive interpretation of the phenomena described by the term, through a reflection on the central role of the notion of liberty within the controversies around libertines and libertinism.

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Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2009

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References

1 - On trouvera des compléments de bibliographie critique en ligne: Jean-Pierre Cavaille, «Libertinage, irréligion, incroyance, athéisme dans l’Europe de la première modernité (XVIe-XVIIe siècles). Une approche critique des tendances actuelles de la recherche (1998-2002)», Les Dossiers du Grihl, http://dossiersgrihl.revues.org/document279.html, ainsi qu’une bibliographie évolutive, à la même adresse.

2 - Nous envisageons ici comme une limite étroite de l’ouvrage, par ailleurs magistral, de René Pintard, ce qu’en son temps Febvre, Lucien, «Aux origines de l’esprit moderne: libertinisme, naturalisme, mécanisme», Au cœur religieux du XVIe siècle, Paris, LGF, [1957] 1983, p. 438 Google Scholar, considérait comme une marque de sagesse méthodologique: «très sagement, René Pintard ne s’est laissé aller ni à faire proprement de l’histoire philosophique, ni à tenter de faire de l’histoire sociale [...] il est resté solidement campé sur ses pieds, et les pieds sur son terrain à lui, sur son sol natal et péculier », qu’il désigne comme « histoire littéraire ».

3 - Le chercheur dispose d’un certain nombre d’études consacrées à l’usage des termes dans les textes. En particulier: Busson, Henri, «Les noms des incrédules au XVIe siècle», Bibliothèque d’Humanisme et de Renaissance, 16-3, 1954, p. 274283 Google Scholar; Schneider, Gerhard, Der Libertin. Zur Geistes- und Sozialgeschichte des Bürgertums im 16. und 17. Jahrhundert, Stuttgart, Metzler, 1970 Google Scholar; Margolin, Jean-Claude, «Libertins, libertinisme et libertinage au XVIe siècle», in Aspects du libertinisme au XVIe siècle. Actes du colloque international de Sommières, Paris, Vrin, 1974, p. 133 Google Scholar; Wirth, Jean, «‘Libertins’ et ‘épicuriens’. Aspects de l’irréligion au XVIe siècle», Bibliothèque d’Humanisme et de Renaissance, 39-3, 1977, p. 601627 Google Scholar, repris in Id., Sainte Anne est une sorcière et autres essais, Genève, Droz, 2003, p. 25-67; de Donville, Louise Godard, Le libertin des origines à 1665: un produit des apologètes, Paris/Seattle, Papers on French seventeenth century literature, 1989 Google Scholar.

4 - Voir en particulier Tenenti, Alberto, «Milieu XVIe siècle, début XVIIe siècle. Liber-tinisme et hérésie», Annales ESC, 18-1, 1963, p. 119 Google Scholar, repris in Hérésies et sociétés dans l’Europe pré-industrielle: 11e-18e siècles, Paris/La Haye, Mouton, 1968, p. 303-321 et G. Schneider, Der Libertin..., op. cit.

5 - Voir à ce sujet les remarques critiques de Van Damme, Stéphane, L’épreuve libertine. Morale, soupçon et pouvoirs dans la France baroque, Paris, Éd. du cnrs, 2008 Google Scholar. Mais voir déjà Gregory, Tullio, «Il libertinismo della prima metà del Seicento, stato attuale degli studi e prospettive di ricerca », in Gregory, T. et al. (dir.), Ricerche su letteratura libertina e letteratura clandestina nel Seicento, Florence, La nuova Italia, 1981, p. 348 Google Scholar.

6 - Voir surtout G. Schneider, Der Libertin..., op. cit.

7 - Denis, Jacques, Sceptiques ou libertins de la première moitié du XVIIe siècle: Gassendi, Gabriel Naudé, Guy Patin, La Mothe le Vayer, Cyrano de Bergerac, Genève, Slatkine, [1884] 1970 Google Scholar.

8 - Pintard, René, Le libertinage érudit dans la première moitié du XVIIe siècle, nouv. éd. augmentée d’un avant-propos, de notes et de réflexions sur les problèmes de l’histoire du libertinage, Genève, Slatkine, [1943] 1983 Google Scholar; Id., La Mothe le Vayer, Gassendi, Guy Patin. Études de bibliographie et de critique suivies de textes inédits de Guy Patin, Paris, Boivin, 1943.

9 - Grousset, René, Les libertins, in Doumic, R. et de la Tour, P. Imbart (dir.), Œuvres posthumes de René Grousset. Essais et poésies, recueillis et publiés avec des notices par René Doumic et Pierre Imbart de la Tour, Paris, Hachette, 1886, p. 63124 Google Scholar. Le premier, dit R. Pintard dans son propre ouvrage, à avoir « soulevé un coin du voile ». C’est étonnant, car R. Pintard est en réalité beaucoup plus redevable à J. Denis, dont non seulement il exploite le terrain délimité, mais auquel il doit de façon extrêmement frappante son interprétation historique du phénomène.

10 - Perrens, François-Tommy, Les libertins en France au XVIIe siècle, Paris, L. Chailley, 1896 Google Scholar.

11 - « ‘Libertin’ est une accusation, qui renvoie toujours à des contextes polémiques... »: Vittor Comparato, Ivo, «Il pensiero politico dei libertini», in Firpo, L. (dir.), Storia delle idee politiche, economiche e sociali, vol. 4-1, L’età moderna , Turin, utet, 1980, p. 95165 Google Scholar.

12 - Voir Foucault, Didier, Histoire du libertinage: des goliards au marquis de Sade, Paris, Perrin, 2007, p. 207 Google Scholar sq.

13 - R. Grousset, Les libertins, op. cit., p. 65; Strowski, Fortunat, Pascal et son temps, t. I, De Montaigne à Pascal , Paris, Plon-Nourrit, 1907, p. 128129 Google Scholar; Brun, Pierre-Antonin, Savinien de Cyrano Bergerac. Sa vie et ses œuvres d’après des documents inédits, Genève, Slatkine, [1893] 1970, p. 52 Google Scholar; Lachevre, Frédéric (éd.), Le libertinage au XVIIe siècle, Genève, Slatkine, [1909-1928] 1968 Google Scholar, en particulier, t. V, p. XXIII. Même R. Pintard me semble très marqué, dans son appréhension au moins de ce qu’il appelle le « libertinage flamboyant », par la rhétorique garassienne. Voir à ce sujet, mon précédent article, Cavaille, Jean-Pierre, «Les libertins: l’envers du Grand Siècle», Cahiers du CRH, 28-29, 2002, p. 1137 Google Scholar.

14 - Voir en particulier L. Febvre, « Aux origines de l’esprit moderne... », art. cit., p. 462, qui reprend et durcit les conclusions de R. Pintard dans le compte rendu qu’il lui consacre. Voir Zoli, Sergio, L’Europa libertina, secc. 16-18. Bibliografia generale, Fiesole, Nardini, 1997, p. 39 Google Scholar.

15 - G. Schneider, Der Libertin..., op. cit., chap. 3: « Ausweitung des Begriffs in der konfessionellen Polemik und U¨ bergang zur Bedeutung ‘irréligieux’ ». Selon lui, il s’agit d’un glissement sémantique opéré par les disciples de Calvin, comme Pierre Viret; ce que conteste Jean Wirth, qui rattache Calvin à l’usage du mot dans la poésie goliarde: J. Wirth, « ‘Libertins’ et ‘épicuriens’... », art. cit. Il est en tout cas sûr que cette double signification (immoralité et impiété) est déjà engagée dans les textes italiens qui désignent les « libertini » de Sienne et de Florence. Voir Barthas, Jérémie, «Retour sur la notion de libertin à l’époque moderne. Les politiques libertins à Florence, 1520-1530», Libertinage et Philosophie au XVIIe siècle, 8, 2005, p. 115134 Google Scholar.

16 - Voir par exemple, Voet, Gijsbert, De Atheismo, in G. Voetii selectarum disputationum theologicarum, Ultrajecti, Apud Johannem à Waesberge, 1648, t. 1, p. 139 Google Scholar; Stoppa, Giovanni Battista, La religion des Hollandois représentée en plusieurs lettres écrites par un officier de l’armée du Roy à un pasteur et professeur en théologie de Berne, Paris, chez François Clousier, chez Pierre Auboüin, 1673 Google Scholar; Corneille, Thomas, Dictionnaire des arts et des sciences par M.D.C..., Paris, Vve de J. B. Coignard, 1694 Google Scholar, entrée « Libertin ».

17 - Par exemple de Patot, Simon Tyssot, Voyages et avantures de Jaques Massé, Bordeaux, Chez J. L’Aveugle, 1710 Google Scholar; Deschamps, Léger-Marie, Correspondance générale établie à partir des archives d’Argenson; avec les Lettres sur l’esprit du siècle, 1769 et La voix de la raison contre la raison du temps, éd. par Delhaume, B., Paris, H. Champion, 2006 Google Scholar; Hume, David, Principal writings on religion including Dialogues concerning natural religion and The natural history of religion, éd. par Gaskin, J. C. A., Oxford/New York, Oxford University Press, [1779] 1993 Google Scholar, etc., sans parler des « libertins » de Sade, raisonneurs impénitents, qui invitent leurs victimes à lire Vanini et Spinoza.

18 - Mais il convient en fait d’étendre l’enquête au nouveau continent. Là aussi, comme en Hollande et en Angleterre, on mena la lutte contre les libertins antinomistes. Voir par exemple Winthrop, John, A short story of the rise, reign, and ruin of the Antinomians, Familists, and libertines that infected the churches of New-England..., Londres, Smith, R., 1644 Google Scholar. Les travaux sur les « libertins » d’outre-Atlantique sont encore rares. Voir cependant le livre important de Garraway, Doris L., The libertine colony: Creolization in the early French Caribbean, Durham, Duke University Press, 2005 CrossRefGoogle Scholar.

19 - Voir par exemple Sergio Bertelli cité par J. Barthas dans son article. Il faut cependant reconnaître son souci d’envisager le phénomène à l’échelle européenne: Bertelli, Sergio, «Presentazione», in Bertelli, S. (dir.), Il Libertinismo in Europa, Milan/Naples, Ricardo Ricciardi, 1980, p. 324 Google Scholar; Id., « Il Libertinismo in Europa», in N. Tranfaglia et M. Firpo (dir.), La storia: i grandi problemi dal Medioevo all’eta contemporanea, Turin, utet, 1986, t. IV-2, p. 565-598. Mais voir également, dans les mêmes années, V. I. Comparato, « Il pensiero politico dei libertini », art. cit., et T. Gregory, « Il libertinismo della prima metà del Seicento... », art. cit. Tous ces auteurs ont appréhendé la nécessité d’excéder les frontières de la France dans les études sur le libertinisme, appelant de leurs vœux l’ouverture ou l’approfondissement d’enquêtes nationales: Italie, Angleterre, Hollande, Suède... Il me semble cependant, trois décennies après, que ces propositions n’ont guère été suivies de résultats notables. En outre, dans les études d’histoire culturelle et d’histoire intellectuelle, le choix de la nation (qui souvent ne correspond même pas à une unité étatique et là encore domine une démarche de projection a posteriori) manque de pertinence. Il s’agit en effet d’une unité à la fois trop large et trop réduite.

20 - Zoli, Sergio, Europa libertina tra Controriforma e Illuminismo: l’« Oriente » dei libertini e le origini dell’illuminismo: studi e ricerche, Bologne, Capelli, 1989 Google Scholar; Id., L’Europa libertina..., op. cit., p. 5-48; Id., Dall’Europa libertina all’Europa illuminista: stato laico e « Oriente » libertino nella politica e nella cultura dell’eta dell’assolutismo e della ragion di stato, da Richelieu al secolo dei lumi: alle origini del laicismo e dell’illuminismo, Fiesole, Nardini, 1997.

21 - Voir en particulier Kaplan, Benjamin J., Calvinists and libertines: Confession and community in Utrecht 1578-1620, Oxford, Clarendon Press, 1995 CrossRefGoogle Scholar.

22 - Knox, John, An Answer to a great number of blasphemous cavillations written by an Anabaptist and adversarie to Gods eternal Predestination, etc., Genève, Jean Crespin, 1560 (réed. à Londres en 1591)Google Scholar.

23 - Il y aurait ici trop de textes à citer, depuis le pamphlet intitulé The unfouldyng of sundry untruths and absurde propositions latelye propounded by one I.B. a greate favourer of the horrible heresie of the libertines, Londres, T. Dawson, 1581, jusqu’aux ouvrages de Thomas Edwards, Samuel Rutherford et Richard Baxter. En l’absence de bibliographie et d’études spécifiques sur la question, on pourra se plonger dans la base de textes en partie digitalisés EEBO.

24 - Voir par exemple William Shakespeare, Macbeth, acte I, scène III; Ben Johnson, The Poetaster, acte I, scène II, etc.

25 - Voir De Caprariis, Vittorio, «Libertinage e libertinismo», Letterature moderne, II, 1951, p. 241161 Google Scholar; et surtout S. Zoli, L’Europa libertina..., op. cit., p. 40-41, qui considère le « fenomeno libertino » comme « momento centrale della cultura e della società europea tra l’età del Rinascimento e l’età delle Lumières ».

26 - Voir en particulier F. Lachevre, « Avant-propos», Le libertinage au XVIIe siècle, t. V, Les recueils collectifs de poésies libres et satiriques publiés depuis 1600 jusqu’à la mort de Théophile (1626), op. cit. Ces attaques, notons-le, n’étaient pas un pur délire paranoïaque du militant de l’Action française, car elles possèdent leur propre contexte. On n’a pas suffisamment remarqué, en effet, le rôle déterminant joué par des éditeurs liés au mouvement révolutionnaire, comme Auguste Poulet-Malassis et Jules Gay, dans la rediffusion de textes « libertins » du XVIIe siècle, du reste régulièrement condamnés par les tribunaux. F. Lachèvre produit, peu ou prou, les mêmes textes, mais comme des pièces à conviction à charge du libertinage. Sur sa méthode, on lira avec profit, S. Van Damme, L’épreuve libertine..., op. cit., chap. 1.

27 - Spini, Giorgio, Ricerca dei libertini. La teoria dell’impostura delle religioni nel Seicento italiano, Florence, La Nuova Italia, [1950] 1983, p. 42 Google Scholar.

28 - Ibid., p. IX et X. Voir l’article éclairant de Bertelli, Sergio, «Il libertinismo italiano di Giorgio Spini», Rivista Storica Italiana, 119-1, 2007, p. 188203 Google Scholar.

29 - Voir la bibliographie dans Les Dossiers du Grihl, op. cit.

30 - Voir G. Schneider, Der Libertin..., op. cit.

31 - L’approche des libertins en termes de classes sociales n’a pas donné à ce jour de résultats convaincants. Voir Borkenau, Franz, Der U¨ bergang vom feudalen zum bürgerlichen Weltbild, Paris, Alcan, 1934 Google Scholar; Negri, Antonio, «Problemi di storia dello Stato moderno. Francia: 1610-1650», Rivista critica di storia della filosofia, XXII, 1967, p. 182220 Google Scholar; Nagy, Péter, Libertinage et révolution, Paris, Gallimard, 1975 Google Scholar. V. I Comparato, « Il pensiero politico dei libertini », art. cit., p. 97, a donné un résumé très précis des positions représentées par les deux premiers auteurs: « La première y a vu une résistance de la classe aristocratique au procès de normalisation et de contrôle requis par l’État absolu. La seconde, prenant acte du rapport entre l’évolution des classes et l’État machine, a considéré le phénomène libertin comme un indice du repli bourgeois après l’aventure révolutionnaire de la première Renaissance. » P. Nagy voit dans le « libertinage érudit » l’expression de l’« aile marchante et consciente » de la bourgeoisie, confisquée ensuite par les aristocrates désenchantés de l’après-Fronde (Libertinage et révolution, op. cit., p. 21). L’étude des statuts sociaux des libertins devrait sans aucun doute être reprise de manière beaucoup plus précise et détaillée, en partant du fait que sont appelés libertins des individus et des groupes appartenant à toutes les strates de la société, mais il est aussi évident que le mot change en partie de sens selon l’appartenance sociale à la fois du libertin et de celui qui le déclare tel.

32 - «Libertin», en France tout au moins, est un terme très souvent employé pour dénoncer les gueux ou «mauvais pauvres» au moment du grand renfermement. Les occurrences sont multiples dans les textes et il n’existe sur ce sujet, à ma connaissance, aucune littérature spécifique. Pour citer un seul exemple, voir La mendicité abolie dans la ville de Montauban, par un bureau de Charité. Avec la réponse aux principales objections que l’on peut faire contre cet établissement, Toulouse, chez Jean Boude, n. d.

33 - R. Pintard, Le libertinage érudit..., op. cit., p. 25.

34 - L. Godard de Donville, Le libertin des origines à 1665..., op. cit., p. 116.

35 - Ibid., p. 97.

36 - Voir au contraire ses articles très informés sur le milieu de Théophile de Viau: de Donville, L. Godard, «Théophile et son milieu dans les années précédant son procès», in Duchêne, R. (dir.), Théophile de Viau, Paris/Seattle, Papers on French seventeenth century literature, 1991, p. 3144 Google Scholar et dans la bibliographie des Dossiers du Grihl, op. cit.

37 - L. Godard de Donville, Le libertin des origines à 1665..., op. cit., p. 267: « Il [Garasse] risque (à long terme du moins, et bien malgré lui), d’avoir surtout donné corps à ce monstre imaginaire, et d’avoir crédité l’incrédulité du temps d’une puissante, formée, et déterminée aspiration à la liberté ! » Voir la démarche similaire mais pour une période encore plus tardive Kors, d’Alan Charles, Atheism in France, 1650-1729, t. 1, The orthodox sources of disbelief , Princeton, Princeton University Press, 1990 CrossRefGoogle Scholar.

38 - Voir en particulier Jouhaud, Christian, «La méthode de François Garasse», in Giard, L. et de Vaucelles, L. (dir.), Les Jésuites à l’âge baroque (1540-1660), Grenoble, J. Millon, 1996, p. 243260 Google Scholar, mais aussi certains travaux de L. Godard de Donville, « Théophile et son milieu... », art. cit. Voir enfin le livre de S. Van Damme, L’épreuve libertine... op. cit.

39 - Ogier, François, «Préface», Jugement et censure du livre de la doctrine curieuse du P. François Garasse..., Paris, 1623 Google Scholar, n. p. « Ce mesme pere Garasse descrivant la Bibliotheque des libertins, dont il pourroit estre le Bibliothecaire, met Machiavelle au premier rang »: Machon, Louis, «Préface», Apologie pour Machiavelle, bibliothèque de Bordeaux, ms 335, p. 30 Google Scholar.

40 - Par exemple, à travers la redéfinition du terme. Ainsi la déclaration de Tobias Crisp, pasteur à fortes tendances antinomistes: « Libertin est le plus glorieux titre sur la Terre, si l’on entend par là celui qui est vraiment libre par le Christ »: Crisp, Tobias, Christ alone exalted in fourteene sermons preached in, and neare London, etc., Londres, Richard Bishop, 1643 Google Scholar, cité par Adamo, Pietro, Il Dio dei blasfemi: anarchici e libertini nella rivoluzione inglese, Milan, Unicopli, 1993, p. 86 Google Scholar. Voir également l’éloge d’un « libertinism » redéfini de la part des ranters, en particulier Coppe, Abiezer, A fiery flying roll... 1649. (A second fiery flying roule.), Exeter, The Rota/University of Exeter, [1649] 1973 Google Scholar, t. I, et redéfinissant longuement ce qu’est « the true libertine », Salmon, Joseph, Divinity anatomized: Or, truth nakedly appearing out of its fleshly cloathing, and creature attire, Londres, for Giles Calvert, 1649 Google Scholar (je remercie Mario Caricchio de m’avoir signalé ce texte, dont il prépare actuellement l’édition).

41 - Au sens où Théophile de Viau récuse de toute son énergie les accusations de libertinage qui le diffament, et justifient son arrestation, les très dures conditions de son incarcération, l’âpreté de l’instruction du procès et la très sérieuse menace du bûcher. Cela n’enlève rien au fait que son œuvre, y compris celle qu’il produit en prison pour se justifier, participe de multiples façons à la culture identifiée par ses ennemis comme libertine. Voir Rosellini, Michèle, «Écrire de sa prison: l’expérience de Théophile de Viau», Cahiers du CRH, 39, 2007, p. 1738 Google Scholar.

42 - Ce qui n’est qu’une potentialité théorique dans le contexte du procès de Théophile de Viau, mais qui deviendra une réalité, dans la revendication plus tardive du libertinage, lorsque des acceptions plus socialement acceptables sont produites. Mais je veux montrer ainsi que l’approche relationnelle du libertinage, à laquelle conduit la constatation de sa fonction principalement accusatoire, s’impose tout autant lorsqu’une identité libertine est revendiquée, parce que précisément, celle-ci se décide dans l’acte même, éminemment social, de revendication.

43 - La liste des auteurs qui utilisent ce vocabulaire serait fastidieuse. Voir cependant, outre R. Pintard, G. Spini, Ricerca dei libertini..., op. cit., p. 13.

44 - Ibid.

45 - Ce paradigme de la dissimulation a bien été mis en exergue, depuis les premiers travaux consacrés aux libertins. Il a généralement été perçu négativement, comme manque de courage et de consistance intellectuelle. Pour une appréhension toute différente, je me permets de renvoyer à mes propres travaux.

46 - Voir G. Schneider, mais aussi, déjà dans une perspective étrangère au marxisme, le travail de reconstitution des réseaux de « libertins érudits » chez R. Pintard.

47 - Voir cependant A. Tenenti, « Milieu du XVIe siècle, début du XVIIe siècle. Liberti-nisme et hérésie », art. cit., qui relève cependant plutôt de l’histoire des idées et se concentre en fait, pour différencier divers types de libertinisme, sur quelques textes clés: le pamphlet de Calvin, L’Heptaplomeres attribué à Bodin, la Sagesse de Charron.

48 - Voir en particulier le compte rendu du livre de R. Pintard par L. Febvre, « Aux origines de l’esprit moderne... », art. cit. De manière révélatrice, L. Febvre salue en R. Pintard, outre « l’historien de la littérature » qu’il est par « profession », un « amateur d’âmes par nature et par tempérament ». Il serait sans aucun doute intéressant de considérer, sous une apparence de rupture méthodologique, la profonde continuité entre l’« histoire morale » ou histoire « du sentiment moral », envisagée dans le cadre des études littéraires, et l’histoire des mentalités pratiquée à cette époque par les historiens des Annales. Cette continuité est perçue par R. Pintard, « Les problèmes de l’histoire du libertinage», Le libertinage érudit, op. cit., p. XLII, qui attend de l’histoire des mentalités les éclairages faisant défaut à sa propre recherche.

49 - Le recours à l’analyse interactionnelle, proposée par les sociologues de « l’école de Chicago » et en particulier par Howard Becker, peut se révéler très utile pour sortir du dilemme entre l’essentialisation du libertinage et sa dissolution. Soit le cadre épistémo-logique tracé par H. Becker, assez bien adapté au traitement des apories posés par les dénominations et représentations des libertins et du libertinage: Becker, Howard S. et McCall, Michael M. (dir.), «Introduction», Symbolic interaction and cultural studies, Chicago, University of Chicago Press, 1990, p. 3 CrossRefGoogle Scholar: «Tout événement humain peut être compris comme le résultat de l’ajustement continuel de ce que les individus impliqués (en gardant à l’esprit qu’il peut y en avoir un très grand nombre) font à la lumière de ce que font les autres. Cela ne peut arriver que si les êtres humains agissent proprement d’une manière non automatique, et construisent plutôt une ligne d’action en tenant compte de la signification de ce que les autres font en réponse à leurs précédentes actions. Les êtres humains ne peuvent agir que de cette façon s’ils incorporent les réponses des autres dans leurs propres actes et anticipent ainsi ce qui arrivera probablement, dans le procès de création d’un ‘soi’ au sens de Mead. »

50 - S. Van Damme, L’épreuve libertine..., op. cit.

51 - Sur le philo-libertinisme de Marguerite de Navarre, voir J.-C. Margolin, « Libertins, libertinisme et libertinage... », art. cit., p. 11 et G. Schneider, Der Libertin..., op. cit., p. 81 sq.

52 - Je pense évidemment ici aux travaux de Carlo Ginzburg, Giovanni Levi, Edoardo Grendi, et de tous ceux qui se reconnaissent d’une manière ou de l’autre dans leurs projets respectifs. Du reste, l’ouvrage de C. Ginzburg sur le meunier Menocchio reste un modèle, qui plus est consacré à ce qui ressemble fort à un phénomène de « libertinisme », même si le terme n’apparaît pas dans les actes du procès. Et l’histoire du libertinage aurait bien fait de s’en inspirer. Ginzburg, Carlo, Le fromage et les vers. L’univers d’un meunier du XVIe siècle, Paris, Flammarion, [1976] 1980 Google Scholar. Spini, Giorgio, «Noterelle libertine», Rivista Storica Italiana, LXXXVIII, 1976, p. 792802 Google Scholar, a montré à quel point le cas Menocchio relevait de cette culture que lui-même définit comme libertine, tout en se montrant absolument imperméable aux réflexions méthodologiques de C. Ginzburg, réduites à de simples « divagations ».

53 - Voir par exemple Mémoires de madame de Motteville, Paris, Foucault, 1824, t. I, p. 286 et t. IV, p. 73-74.

54 - Je me réfère ici aux deux occurrences connues du terme dans la poésie goliarde. Dans une pièce datable du début du XIIIe siècle, des libertini boivent à la santé des « captifs » et de tous les autres. L. Gordard de Donville a suggéré une relation avec Liber (Bacchus), par ailleurs invoqué dans ces pièces, des Carmina Burana.

55 - Voir surtout la définition lumineuse de Fulvio Frugoni: « libertino è termine gallico e s’intende di uno che abbia libertà di coscienza, la quale consiste nella schiavitudine al vizio »: Frugoni, Fulvio, Il cane di Diogene, opera massima, Venise, A. Bosio, 1687 Google Scholar, cité par G. Spini, Ricerca dei libertini..., op. cit., p. 349. Il est intéressant de voir que vers la fin du XVIIe siècle, le terme est perçu en Italie comme d’origine française, alors que c’est en italien qu’il est d’abord attesté au XVIe siècle comme le montre J. Barthas, « Retour sur la notion de libertin... », art. cit.

56 - Voir en particulier le discours de Thomasius, Jakob, Adversus philosophos libertinos. Programmata XXXIX [1665], in Sparn, W. (éd.), Gesammelte Schriften, t. 6. Dissertationes LXIII: varii argumenti magnam partem ad historiam philosophicam & ecclesiasticam pertinentes... , Hildesheim, Olms-Weidmann, [1693] 2004 Google Scholar. Sur ce texte, je me permets de renvoyer à mon article à paraître, « Libertinisme et philosophie: catégorie historio-graphique et usage des termes dans les sources», Libertinage et philosophie.

57 - Voir la lettre de François de Sales à Jeanne de Chantal du 8 juin 1606, première occurrence du terme selon G. SCHNEIDER, Der Libertin..., op. cit., p. 230-231, où le théoricien du pur amour oppose la vraie liberté, « sainte et charitable liberté d’esprit », et la fausse, dissolution, libertinage, masque de liberté. G. Schneider fait remarquer que cette équation libertinage = liberté de la chair = dissolution = instabilité de l’esprit = excès de liberté nous reconduit au plus proche de la polémique de Calvin.

58 - L’accusation selon laquelle la doctrine de la prédestination conduit au libertinage spirituel et moral est constante, obligeant les théologiens calvinistes à redoubler d’efforts pour se démarquer des hérésies libertines.

59 - Garasse, François, La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps ou prétendus tels, Paris, S. Chappelet, 1623, p. 223224 Google Scholar.

60 - L’identification du scepticisme moderne à un fidéisme authentique, promue par une certaine historiographie révisionniste. Voir en particulier l’ouvrage de Popkin, Richard, Histoire du scepticisme d’Érasme à Spinoza, Paris, PUF, [1979] 1995 Google Scholar, qui va à l’encontre, là aussi, de la manière dont le scepticisme est d’abord perçu par les contemporains, le plus souvent comme l’un des ingrédients ou l’une des formes du libertinage.

61 - Les critiques de la censure livresque n’ont pas attendu le XVIIIe siècle pour se développer. Voir évidemment l’Aréopagite de Milton, mais aussi les textes de Ferrante Pallavicino, etc.

62 - Voir au moins le livre stimulant de Schnur, Roman, Individualismus und Absolutismus: Zur politischen Theorie vor Thomas Hobbes (1600-1640), Berlin, Duncker & Humblot, 1963 Google Scholar.

63 - Voir au moins la célèbre étude Kantorowicz, d’Ernst H., «Mysteries of state. An absolutist concept and its late mediaeval origins», Harvard Theological Review, XLVIII-1, 1955, p. 6591 CrossRefGoogle Scholar (trad. in Kantorowicz, Ernst H., Mourir pour la patrie et autres textes, Paris, PUF, 1984, p. 75103)Google Scholar ainsi que l’ouvrage de Gauchet, Marcel, Le désenchantement du monde: une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985 Google Scholar. Soit pour le dire dans les termes de l’apologiste de Machiavel, « l’Estat n’est plus dedans la religion, mais la religion est dedans l’Estat »: L. Machon, Apologie pour Machiavelle, op. cit., liv. I, maxime 5.

64 - Louis Machon est un théoricien extrémiste de la raison d’État. Voir son Apologie pour Machiavelle, op. cit., dont la publication ne fut jamais autorisée.

65 - La littérature sur le machiavélisme et l’anti-machiavélisme est énorme. Voir tout de même l’ouvrage classique de Procacci, Giuliano, Studi sulla fortuna del Machiavelli, Rome, Istituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, 1965 Google Scholar, mis à jour et restructuré sous le titre Machiavelli nella cultura Europea dell’età moderna, Rome/Bari, Laterza, 1995.

66 - Voir par exemple de Lens, Jean, Joannis Lansaei,. .. Orationes duae. I. contra, hoc est romanae Ecclesiae desertores, qui se solos patriae veros amatores esse falso jactitant; II. contra genethliacorum superstitionem, Louvain, P. Zangrium Tiletanum, 1579, p. 3536 Google Scholar. Voir Kaplan, Benjamin J., «‘Remnants of the papal yoke’: Apathy and opposition in the Dutch reformation», The Sixteenth Century Journal, 25-3, 1994, p. 653669 CrossRefGoogle Scholar.

67 - Auvray, Jean, Les guerriers volontaires, in Le banquet des muses ou Les divers satires du sieur Auvray contenant plusieurs poëmes non encore veuës ny imprimez: Ensemble est adjousté l’Innocence descouverte, tragi-comédie, par le même autheur, Rouen, D. Ferrand, 1628 Google Scholar: « Ces subjects rebelles,/ mutins, capricieux, libertins, infidelles/. .../ cét esprit possedé d’une infernale rage/ ne veut point d’autre loy que le libertinage,/ tout servage il deteste et son ambition/ ne respire que meurtre et que rebellion ».

68 - Sur l’imposture politique des religions, voir, outre le livre déjà cité de Spini, G., Berti, Silvia, «Unmasking the truth: The theme of imposture in early modern European culture», in E.|Force, J. et Katz, D. S. (dir.), Everything connects: In conference with R. H. Popkin. Essays in his honor, Leyde/Boston, Brill, 1999, p. 2136 Google Scholar; Paganini, Gianni, « Legislatores et impostores. Le Theophrastus redivivus et la thèse de l’imposture des religions à la moitié du XVIIe siècle», in Cavaille, J.-P. et Foucault, D. (dir.), Sources antiques de l’irréligion moderne: le relais italien, XVe-XVIIe siècles, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2001, p. 181218 Google Scholar; Cavaille, Jean-Pierre, «Imposture politique des religions et sagesse libertine», Littératures Classiques, 55, 2005, p. 2742 Google Scholar et surtout, pour l’histoire du motif, l’étude introductive de Françoise CHARLES-DAUBERT à son édition de: Le Traité des trois imposteurs et de Spinosa, L’Esprit. Philosophie clandestine entre 1678 et 1768, Oxford, Voltaire Foundation, 1999 Google Scholar.

69 - Les textes qu’il faudrait citer sont fort nombreux. Voir cependant au moins pour le premier point les fortes considérations de Pallavicino, Ferrante, La retorica delle puttane, éd. par Coci, L., Milan/Parme, Fondazione Pietro Bembo/U. Guando, [1642] 1992 Google Scholar; pour le second, l’ouvrage de son ami Rocco, Antonio, L’Alcibiade fanciullo a scola, éd. par Coci, L., Rome, Salerno, [1652] 2003 Google Scholar, et pour le troisième, le texte célèbre de Vanini, Giulio C., De admirandis naturae reginae deaque mortalium arcanis (1616) in Le opere di Giulio Cesare Vanini e le loro fonti, éd. par Corvaglia, L., Galatina, Congedo, 1990, t. 2, p. 326327 Google Scholar, repris par de La Mothe Le Vayer, François, Le banquet sceptique, in Dialogues faits à l’imitation des Anciens, Paris, Fayard, 1988, p. 102103 Google Scholar, qui n’échappa pas à la vigilance de F. Garasse, La doctrine curieuse. .., op. cit., p. 964.

70 - Jean Calvin cité par J.-C. Margolin, « Libertins, libertinisme et libertinage... », art. cit., p. 9.

71 - Calvin, Jean, Contre la secte phantastique et furieuse des libertins qui se nomment spirituels..., Genève, J. Girard, 1545, p. 48 Google Scholar: « tournant la liberté chrestienne en licence dissolue de la chair », ibid., p. 80.

72 - La référence principale est l’épître de saint Jude, et il est intéressant de noter que F. Garasse, La doctrine curieuse..., op. cit., p. 870, dit lui-même l’avoir lue chez Calvin.

73 - J. Calvin, Contre la secte phantastique..., op. cit., p. 53, 55 et 60.

74 - Ibid., p. 50: « Ilz font à croire que l’homme se tourmente en vain s’il fait scrupule de rien, mais que chacun se doit laisser mener par son esprit. »

75 - Voir, par exemple, le pamphlet attribué à l’humaniste calviniste du Jon, François (Junius, Francicus), Brief discours envoyé au roy Philippe nostre Sire & souverain seigneur: pour le bien & profit de sa majesté, & singulièrement de ses Païs-Bas, auquel est montré le moyen qu’il faudrait tenir pour obvier aux troubles émotions pour le faict de la religion & extirper les sectes & héirésies pululantes en les dits païs..., Cambridge, Omnisys, [1565] 1990, p. 1819 Google Scholar.

76 - Viret, Pierre, De origine, continuatione, usu, autoritae, atque praestantia Ministerii verbi Dei, et Sacramentorum: et de controversiis ea de re in Christiano orbo, hoc praesertim saeculo excitatis: ac de earum componedarum ratione, Genève, Oliva R. Stephani, 1554 Google Scholar, t. 1, II, chap. XVI. Voir aussi, Id., L’Intérim fait par dialogues, éd. par G. R. Mermier, New York, P. Lang, [1565] 1985.

77 - P. Viret, « se Dei filios esse, filios Dei peccare non posse: se in libertatem esse assertos », cité par G. SCHNEIDER, Der Libertin..., op. cit., p. 121.

78 - Philips van Marnix van Sint Aldegonde, Ondersoeckinge ende grondelycke wederleg-ginge der geestdryvische leere, in Id., Godsdienstige en kerkelijke geschriften, éd. par J. J. van Toorenenbergen, La Haye, 1873, t. 2, p. 11.

79 - Le spectre est celui de l’éloignement graduel et irréversible de la « vraie » religion (dans les deux camps), jusqu’au libertinage, et enfin jusqu’à l’athéisme. Voir par exemple le catholique Lindan, Guillaume, Discours en forme de dialogue ou Histoire tragique en laquelle est... dépeinte et descrite la source... cause et progrès des troubles... et differens... meuz par Luther, Calvin et leurs conjurez et partizans contre l’Église catholique. Traduit du latin de R. P. Guillaume Lindan,. .. en nostre langue françoise par M. R. Benoist, Paris, G. Chaudière, 1566, p. 88vGoogle Scholar.

80 - F. Garasse, et il n’est pas le seul, insiste longuement sur tout ce qui distingue le libertin, qui est certes sur la voie de l’athéisme, de l’athée accompli, quitte ensuite à les confondre dans le feu de la polémique.

81 - Juste Lipse est défini dans les papiers de Guy Patin, lequel s’appuie sur une information de Grotius, comme un crypto-alumbrado. Pierre Charron est considéré comme un disciple des bégards par Dupleix, Scipion, Histoire générale de France avec l’état de l’Église et de l’Empire, Paris, L. Sonnius, 1621-1628 Google Scholar, cité par Sorel, Charles, Bibliothèque Françoise, Paris, Compagnie des libraires du Palais, 1667, p. 82 Google Scholar. Descartes, qui propose de trouver en lui-même la vérité sans la médiation des Églises et de l’érudition est, pour Martin Schoock, auteur de l’Admiranda methodus, un « enthousiaste » (et notons bien que l’amalgame n’est pas absurde): Descartes, René et Schoock, Martin, La querelle d’Utrecht, éd. par Verbeek, T., Paris, Les Impressions nouvelles, 1988 Google Scholar.

82 - J. Wirth, « ‘Libertins’ et ‘épicuriens’... », art. cit., s’intéresse à juste titre à ces figures mixtes (au sens où elles participent à la fois à la culture des radicalismes religieux et de l’humanisme philosophique), que sont Agrippa de Nettesheim ou Otto Brunfels. L’apparition du syntagme de libertas philosophandi, selon les travaux auxquels il a donné lieu, ne serait pas antérieure à l’Apologie de Galilée par Tommaso Campanella. On le trouve cependant déjà en français dans la Sagesse de P. Charron, et le concept est clairement beaucoup plus ancien.

83 - Trois exemples parmi tant d’autres de chacun de ces types d’écriture: La Sagesse de P. Charron, le Journal de Jean-Jacques Bouchard et le Francion de Charles Sorel.

84 - Voir, même si on ne saurait en partager la thèse générale, Cohn, Norman, Les fanatiques de l’apocalypse. Courants millénaristes du XIe au XVIe siècle, Paris, Julliard, 1962 Google Scholar et surtout, sur les courants radicaux de la Révolution anglaise, Hill, Christopher, Le monde à l’envers. Les idées radicales au cours de la Révolution anglaise, Paris, Payot, 1977 Google Scholar.

85 - Voir l’édition de Calvin, Jean, Ioannis Calvini scripta didactica et polemica. Volumen I, Contre la secte phantastique et furieuse des libertins qui se nomment spirituelz., éd. par van Veen, M., Genève, Droz, 2005, p. 20 Google Scholar.

86 - Mersenne, Marin, L’Impieté des Deistes, Athees et Libertins de ce temps, combatuë [sic] et renversée de point en point par raisons tirées de la philosophie et de la théologie, Paris, P. Bilaine, 1624, p. 562 Google Scholar et F. Garasse, La doctrine curieuse..., op. cit., p. 964.

87 - « Ils ont introduit ce mot de Péché, dont jamais l’Antiquité ni Gréque ni Romaine n’avoit ouÿ parler » [Les bigots] « pleurent sans cesse leurs péchez, et ceux des autres, n’ayant pas un moment dans la vie qui ne soit interrompu par des remords et des scrupules de conscience »: Le philosophe antichrétienDiscours sur ce qu’on appelle philosophe chrestien, éd. par J.-P. Cavaillé, Paris, Les Amis de Paris-Zanzibar, 2001; Mothu, Alain et Sandrier, Alain (dir.), Minora clandestina, I. Le Philosophe antichrétien et autres écrits iconoclastes de l’âge classique, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 1976 Google Scholar.

88 - Guy Patin à Falconet, le 27 août 1648: « guéris du loup-garou et délivrés du mal des scrupules, qui est le tyran des consciences, nous irons peut-être jusque fort près du sanctuaire ». Lettres de Gui Patin, nouv. éd., augm. de lettres inédites, précédée d’une notice biographique, accompagnée de remarques scientifiques, historiques... éd. par J.-H. Reveillé-Parise, Paris, J. H. Baillère, 1846, t. II.

89 - François de La Mothe Le Vayer, « De la vie privée», Dialogues faits à l’imitation des Anciens, op. cit., p. 138.

90 - Campanella, Tommaso, L’Ateismo trionfato overo Riconoscimento filosofico della religione universale contra l’antichristianesmo Macchiavellesco, éd. par Ernst, G., Pise/Rome, Scuola normale superiore/Biblioteca apostolica vaticana, 2004, p. 154 Google Scholar.

91 - del la Madre de Dios, Jerónimo Gracián, Diez lamentaciones del miserable estado de los ateistas de nuestro tiempo, Bruxelles, Roger Velpio et Huberto Antonio, 1611 Google Scholar. Voir Houdard, Sophie, «Un cas d’athéisme spirituel aux Pays-Bas espagnols: les Dix Lamentations de Jérôme Gratien (1611)», Les Dossiers du Grihl, 2007 Google Scholar: http://dossiersgrihl.revues.org/document423.html.

92 - Barbierato, Federico, Politici e ateisti percorsi della miscredenza a Venezia fra sei e settecento, Naples, Edizioni Unicopli, 2006 Google Scholar. Voir la discussion collective de cet ouvrage in Les Dossiers du Grihl, 2007: http://dossiersgrihl.revues.org/document1372.html.

93 - Voir sur les premières théorisation et discussion de la notion (bien que très partiel), Friedrich, Markus, «Orthodoxy and variation: The rolesofadiaphorism in early modern protestantism», in Christensen, D. et Head, R. (dir.), Orthodoxies and heterodoxies in early modern German culture: Order and creativity, 1500-1750, Leyde, Brill, 2007, p. 4569 CrossRefGoogle Scholar. Sur l’usage fait par les hétérodoxies de la notion, voir Ginzburg, Carlo, Il nicodemismo. Simulazione et dissimulazione religiosa nell’Europa del’500, Turin, Einaudi, 1970 Google Scholar et surtout Biondi, Albano, «La giustificazione della simulazione nel Cinquecento», in Eresia e riforma nell’Italia del Cinquecento, Miscellanea I, Florence/Chicago, Sansoni/Newberry Library, 1974, p. 768 Google Scholar.

94 - « Ilz ne font point conscience d’idolâtrer sans aucun scrupule, ilz font semblant d’adherer à toutes les superstitions des Papistes, pour ce que selon leur sentence toutes choses externes sont en la liberté du chrestien. »: J. CALVIN, Contre la secte phantastique..., op. cit., p. 71. Voir Higman, Francis M. (éd.), L’Excuse de Jean Calvin à Messieurs les Nicodé-mites, sur la complainte qu’ils font de sa trop grande rigueur (1544), Three French Treatises , Londres, Athlone Press, 1970 Google Scholar. Parmi les nombreuses études consacrées au nicodémisme, mis à part les deux auteurs cités dans la note précédente, voir les travaux désormais classiques de Delio Cantimori et plus récemment l’intervention de Firpo, Massimo, «Calvino e la Riforma radicale: le opere contro nicodemiti, anabattisti e libertini (1544-1545)», Studi Storici, 48-1, 2007, p. 97105 Google Scholar.

95 - Voir en particulier Villari, Rosario, Elogio della dissimulazione. La lotta politica nel Seicento, Rome, Laterza, 1987 Google Scholar et plus récemment Id., « Napoli 1647. Giulio Genoino dal governo all’esilio», Studi Storici, 48-1, 2007, p. 901-957.

96 - Voir, sur ce point, en particulier l’excellent ouvrage de P. ADAMO sur les ranters: Il Dio dei blasfemi. .., op. cit.

97 - Sur le désir de publication des « libertins érudits » réputés fuir, au nom de leur élitisme aristocratique, tout contact avec le public, voir Gouverneur, Sophie, Prudence et subversion libertines. La critique de la raison d’État chez François de La Mothe Le Vayer, Gabriel Naudé et Samuel Sorbière, Paris, Honoré Champion, 2005, p. 23 Google Scholar.

98 - Une récente approche de la démarche de Montaigne, voir Desan, Philippe, «Le libertinage des Essais », no spécial « Les libertins et Montaigne», Montaigne Studies, XIX, 2006, p. 1728 Google Scholar. Sur la question autobiographique chez Théophile de Viau, voir Dejean, Joan, «Une autobiographie en procès. L’affaire Théophile de Viau», Poétique, 12, 1981, p. 431448 Google Scholar. Sur la querelle autour de la publication des Lettres de Guez de Balzac, voir en particulier Merlin, Hélène, Public et littérature en France au XVIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1994 Google Scholar, et Bombart, Mathilde, Guez de Balzac et la querelle des Lettres. Écriture, polémique et critique dans la France du premier XVIIe siècle , Paris, Champion, 2007 Google Scholar.