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Les religieux mendiants d’Ôsaka durant la période prémoderne

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Tsukada Takashi*
Affiliation:
Université municipale d’Ôsaka

Résumé

Le formidable développement urbain du Japon au XVIIe siècle provoqua la prolifération de populations de mendiants que les autorités guerrières des cités cherchèrent à contrôler. Dans le cas d’Ôsaka, certains groupes discriminés et relégués dans des ghettos, les hinin, avaient fait de la mendicité leur principale activité professionnelle. Mais il existait d’autres types de quêteurs qui prenaient un prétexte religieux pour recueillir les aumônes, parfois en se livrant à diverses performances. Ces individus réduits à la mendicité, mais qui n’étaient pas à l’origine issus de groupes discriminés, étaient en concurrence les uns avec les autres pour capter la charité des citadins. Aussi, bien qu’écartés en apparence de toute forme de propriété, ces individus cherchaient parfois à se regrouper et à former des associations sous le patronage d’une institution religieuse reconnue, afin de défendre leurs intérêts et de les faire reconnaître par les autorités de la ville, soucieuses de leur côté de mieux encadrer ces populations suspectes.

Abstract

Abstract

The tremendous urban development in 17th century Japan led to the proliferation of beggars that the authorities sought to control. In the case of Osaka, some discriminated groups, relegated into ghettos –the hinin– had turned to begging as their main livelihood. But there were also other who used religious pretext to ask for alms, sometimes in exchange of various performances. Those individuals generally came from respectable groups but had been reduced to begging, and were in competition with others for the charity of citizens. They sometimes sought to consolidate their position by forming associations under the patronage of religious institutions, to defend their interests with the city authorities, that in turn used it to better control this suspicious population.

Type
Les statuts sociaux au Japon (XVIIe-XIXe siècle)
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2011

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References

1- L’époque prémoderne va de 1568 à 1867, énglobant l’époque Azuchi-Momoyama (1568-1600), et l’époque d’Edo (1600-1867) (NDT).

2- La ville d’Ôsaka comptait plus de 600 chô, qui étaient regroupés en trois«communes» (gô), à savoir le«groupement du Nord» (Kita gumi), celui du Sud (Minami gumi)et celui de Tenma (Tenma gumi). Un gouverneur était nommé par le shogunat au château d’Ôsaka (Ôsaka-jôdai). Il s’agissait donc d’une cité placée sous le contrôle direct du shogunat depuis 1615, mais dont l’organisation rappelait celle des villes seigneuriales (jôkamachi), à cette réserve près que la population guerrière y était peu nombreuse par rapport à celle des bourgeois : Ôsaka était la grande cité marchande de l’époque d’Edo. Pour la structure de l’ensemble de la ville, voir Takashi, Tsukada, Rekishi no naka no Ôsaka(Ôsaka dans l’histoire), Tôkyô, Iwanami shoten, 2002.Google Scholar

3- Nobuyuki, Yoshida, «Kinsei nihon toshi kasôshakai no sonritsu kôzô» (La couche inférieure de la société japonaise à l’époque prémoderne : sa structure), Rekishigaku kenkyû, 534, 1984, p. 212;Google Scholar Id., «Nihon kinsei ni okeru puroretariateki yôso ni tsuite» (Sur les éléments prolétaires du Japon prémoderne), Rekishigaku kenkyû, 548, 1985, p. 67-75.

4- Takashi, Tsukada, Toshi Ôsaka to hinin(La ville d’Ôsaka et les hinin), Tôkyô, Yamakawa shuppansha, 2001,Google Scholar et Id., Kinsei Ôsaka no hinin to mibunteki shûen(Les hininet les marginaux d’Ôsaka à l’époque prémoderne), Tôkyô, Buraku mondai kenkyûjo, 2007.

5- Il y avait deux préfets (de l’Est et de l’Ouest) à Ôsaka, des guerriers nommés par le shogunat qui supervisaient l’administration et la sécurité dans les quartiers bourgeois.

6- Des artistes ambulants, des montreurs de singe, ou des rônin(anciens samouraïs sans attache vassalique) vivaient également de la mendicité, mais nous n’en parlerons pas dans cette étude consacrée à des personnages officiellement reconnus comme mendiants.

7- Voir Takashi, Tsukada, Kinsei Ôsaka no hinin to mibunteki shûen, op. cit., chap. 7.Google Scholar

8- Les daimyô étaient astreints à alterner une année de séjour dans leurs territoires et une autre dans la capitale shogunale : ils devaient s’y rendre avec une suite dont les effectifs étaient fixés par le shogunat selon les principes du«service militaire», le but étant de surveiller les seigneurs régionaux et de ponctionner leurs ressources (NDT).

9- Municipalité d’Ôsaka (sous la direction de KÔDA Aritomo), Ôsaka-shi shi(Histoire de la ville d’Ôsaka), vol. 3, Ôsaka, Seibundô shuppan, [1911] 1979. Les édits urbains publiés à Ôsaka durant la période prémoderne sont repris, dans l’ordre chronologique, dans les vol. 3 et 4 de cette collection. Tous les édits cités dans le présent article peuvent être identifiés à l’aide de la date de leur promulgation, donnée en note. Ceux qui ne sont pas recueillis dans ces deux volumes font l’objet d’une indication particulière.

10- Dôshinest un terme signifiant à peu près«vocation pour la Voie (bouddhique)» (NDT).

11- « Sennen yori o-fure fumi (Textes des édits des années passées)», ère Meireki 3/8/27, archives conservées à l’université municipale d’Ôsaka, Media Center, sans numéro de cote, consultable sur internet (http://ucrc.lit.osaka-cu.ac.jp/database/sennen/1000.html).

12- Les Japonais de l’époque d’Edo relevaient de groupes de voisinage de cinq (ou dix) foyers, responsables solidairement des actes de chacun de leurs membres (NDT).

13- Mitsu Hachimangû/Mitsu ke Monjo (jô)(Archives du sanctuaire Hachimangû de Mitsu et de la Maison Mitsu, I) : documents 31 et 33 ; ÔSaka Shi-Shi Henanjo (dir.), Ôsaka shishiryô(Documents historiques de la ville d’Ôsaka) 17, Ôsaka, Ôsaka shiyô chôsakai, 1986. Pour en savoir plus sur les mendiants religieux dans le quartier Mitsuji au XVIIe siècle, voir Tsukada Takashi, «Toshi no shûen ni ikiru – 17 seiki no Ôsaka Mitterachô» (Vivre aux marges de la ville : le quartier Mittera d’Ôsaka au XVIIe siècle), inTsukada Takashi (dir.), Mibun teki shûen to kinsei shakai 4(Marges statutaires et société prémoderne, vol. 4), Tôkyô, Yoshikawa Kôbunkan, 2006, p. 183-232.

14- Un yamabushi, appelé également shugen, est une sorte d’ermite qui se soumet à la pratique de l’ascèse dans les montagnes dans le but d’acquérir un pouvoir magique ; cette religion syncrétiste dérivait de cultes ancestraux que les Japonais vouaient à la montagne, soumis à l’influence bouddhiste (NDT).

15- , Shiomura, Kohan Ôsaka an’naiki shûsei(Recueil des vieux guides d’Ôsaka), Ôsaka, Izumi shoin, 1999.Google Scholar

16- En 1696, les effectifs de l’école Tôzan étaient réduits à 130 personnes, tandis que ceux du Honzan étaient passés à 120 personnes.

17- Takashi, Tsukada, «17 seiki nakaba no Ôsaka to toshi hôsei seibi» (Ôsaka au milieu du XVIIe siècle et la mise en place du cadre juridique de la ville), Jinbun kenkyû, 47-8, 1995, p. 1352.Google Scholar

18- Ère Kansei 11/9/11.

19- Inari est une divinité agraire des moissons à l’origine, représentée fréquemment sous la forme d’un renard. Son culte dans de petits sanctuaires était aussi très courant en milieu citadin à l’époque d’Edo (NDT).

20- Les maîtres du Yin et du Yang étaient des sortes de diseurs de bonne aventure (NDT).

21- Ère Bunka 8/4/19.

22- Ère Tenpô 13/6/27. Au début des années 1840, après une famine générale dans les années précédentes, un gouvernement de crise tenta de mener une série de réformes visant à renforcer le shogunat (NDT).

23- Ère Tenpô 14/2/8.

24- Ère Kôka 2/4/8.

25- Les quartiers et grandes avenues d’Ôsaka étaient divisés en sections numérotées (itchôme, première section, nichôme, deuxième section, etc.). Comme ces appellations de rues sont devenues des toponymes, nous les gardons telles quelles en japonais (NDT).

26- Nobuyuki, Yoshida, «Kuramadera Daizôin to Ôsaka no gan’nin nakama» (Le Daizô-in du temple Kurama-dera et la confrérie des gannind’Ôsaka), Mibunteki shûen to shakai=bunka kôzo(Les marginaux et la société : une structure culturelle), Kyôto, Buraku mondai kenkyûjo, 2003, p. 225227.Google Scholar

27- Ibid.

28- Le terme employé en japonais, nakama, est le même que pour les organisations professionnelles corporatives (NDT).

29- Bishamon, ou Bishamonten, est une divinité indienne à l’origine (sanskrit : Vaisra- vana), devenue l’un des sept dieux du bonheur (NDT).

30- Ôsaka-shi shi, op. cit.

31- Yoshida Nobuyuki, «Kuramadera Daizôin to Ôsaka no gan’nin nakama», art. cit., p. 272.

32- Voir Takashi, Tsukada, Kinsei Ôsaka no hinin to mibunteki shûen, op. cit., chap. 8Google Scholar, ainsi que KONDÔ Yoshihiro (dir.), Shirakawa-ke monjin chô(Registre des membres de la congrégation de la maison Shirakawa), Tôkyô, Seibundô, 1972.

33- Ces documents sont édités en six cahiers dans KONDÔ Yoshihiro (dir.), Shirakawa-ke monnin chô, ibid.

34- Les études nationales (kokugaku)étaient un mouvement de réévaluation des antiquités japonaises qui se développa à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Ses préoccupations, essentiellement littéraires à l’origine, devinrent politiques à la fin du shogunat (NDT).

35- Inoue Tomokatsu, «Yoshida-ke Ôsaka yôsho no setchi to Jingidô torishimari yaku/ shintôkata kashirayaku» (La fondation du Bureau d’Ôsaka de la maison Yoshida et l’administrateur des jingidô, ou chef des shintôkata), Ôsaka no rekishi, 55, 2000, p. 69-94.

36- Par exemple Araki Kumenojô, entré dans la confrérie le 17e jour de la 4e lune de 1830, auparavant«shugennommé Shôrin’in, locataire de Awaya Sôsuke, du village de Sonezaki, à Kitashinchi d’Ôsaka».

37- Voir Takashi, Tsukada, «Rokusai nenbutsu to Saihô-ji» (La pratique de rokusai nenbutsuet Saihô-ji), Kinsei Ôsaka no hinin to mibunteki shûen, op. cit., p. 268318.Google Scholar

38- Ôsaka no Buraku shi Iinkai (Comité pour l’histoire des hameaux de parias d’Ôsaka) (dir.), Ôsaka no Buraku shi(Histoire des hameaux de parias d’Ôsaka), vol. 1, Buraku kaihô, Ôsaka, Jinken kenkyûjo, 2000, p. 280. D’autres documents comme le Naniwa-zuru, le guide d’Ôsaka de 1679 que nous avons déjà utilisé, indiquent tous les mêmes chiffres :«Association de Saihô-ji, 19 personnes» et«Association de Hôzanji, 16 personnes».

39- Le dernier caractère chinois jide«Saihô-ji» désigne un monastère bouddhique, et constitue un élément habituel de l’appellation des temples bouddhistes de quelque importance (NDT).

40- Ôsaka-shi shi, op. cit.

41- « Dai-Nenbutsuji 45 dai kiroku narabini matsuji chô (Chronique des 45 générations du Dai-Nenbutsuji et registre des temples affiliés)», Yûzû nenbutsushû nenpyô(Tableau chronologique de la Yûzû nenbutsushû), Ôsaka, Yûzû nenbutsushû sôhonzan Dai-Nenbutsuji ji, 1982.

42- Rokusai Saihô-ji hangata chô(Cahier des rokusaide Saihô-ji), Setsu yô kikan(Étranges vues du soleil de Settsu), vol. 4, Naniwa sôsho(Recueil des documents de Naniwa), p. 244-245.

43- « Machi bugyôjo kyûki» (Notes anciennes sur les Préfectures), Ôsaka machibugyôjo kyûki (jô)(Notes anciennes sur les Préfectures), vol. I, Ôsaka-shi shi shiryô(Documents historiques de la ville d’Ôsaka), 41, 1991, p. 93-119.

44- Le prince Shôtoku (574-622), neveu de l’impératrice Suiko, fut un important homme d’État, célèbre par les réformes qu’il introduisit dans le gouvernement et à la cour, et pour son ardeur à diffuser le bouddhisme (NDT).

45- Ère Kansei 10/11/10.

46- Les documents sur cette affaire sont rassemblés dans Chikamatsu Kyôgendô, Kyôgendô Zoku Baibunroku(Suite du recueil des textes commercialisés de Kyôgendô), document conservé à la bibliothèque de la Diète, Tôkyô.

47- Les services (goyô)peuvent être caractérisés comme des dispositifs visant au maintien de l’ordre dans la communauté et ses périphéries, mais également comme des charges définissant un statut social, un métier, ou les compétences d’une communauté. Ces deux caractérisations ne peuvent bien entendu pas être dissociées facilement.

48- Nobuyuki, Yoshida, «Nishikie no sekai=bunka kôzô» (L’univers des estampes : une structure culturelle), Mibunteki shûen to shakai=bunka kôzo, op. cit., p. 271294.Google Scholar