Hostname: page-component-6d856f89d9-jrqft Total loading time: 0 Render date: 2024-07-16T07:29:18.721Z Has data issue: false hasContentIssue false

Fractionnement tribal et solidarité nationaliste Les insurrections baloutches de 1947 à 2009*

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Luc Bellon*
Affiliation:
Centre d’études turques, ottomanes, balkaniques et centre-asiatiques (CETOBAC)/EHESS/CNRS/Collège de France

Résumé

L’insurrection baloutche au Pakistan révèle une ambivalence entre un programme politique englobant visant à délimiter une « nation » homogène, et un modèle social fondé sur des groupes de parenté unilinéaire d’où découlent des relations segmentaires. Or, en se concentrant sur le rôle des chefs tribaux dans la rébellion, on s’aperçoit que le maintien des références agnatiques et des groupes tribaux peut être facteur de changement. La mise en exergue des contradictions endogènes, donc du sens critique des acteurs sociaux euxmêmes, dévoile les mécanismes par lesquels les contours de l’organisation sociale peuvent être remodelés tout en conservant un registre de valeurs existant et sans basculer dans un nouveau paradigme social.

Abstract

Abstract

The Baloch insurgency in Pakistan shows ambivalence between a political program aiming at framing a homogeneous “nation”, and a social model based on unilinear parental groups and segmentary oppositions. Yet, focusing on the role played by tribal chiefs in the rebellion shows that maintaining agnatic ties and tribal groups can also trigger change. Highlighting the endogenous contradictions–in other words, the critical sense of the social actors themselves–reveals the mechanisms by which the contours of social organization can be altered while keeping the same set of social values and without producing a radically different social paradigm.

Type
L’anthropologie face au temps
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2010

Access options

Get access to the full version of this content by using one of the access options below. (Log in options will check for institutional or personal access. Content may require purchase if you do not have access.)

Footnotes

*

Cet article repose sur des enquêtes menées en 1996, 1998, 2007 et 2009 au Baloutchistan, à Karachi et à Islamabad auprès des personnages politiques, médiatiques, intellectuels et des activistes du mouvement nationaliste. Pour des questions d’anonymat, aucun nom de lieu ou de personne n’est donné ici; seules les affiliations sont mentionnées quand elles sont jugées pertinentes pour le propos traité. Je remercie l’ANR « Conflits Turquie-Iran-Pakistan » pour avoir rendu possible mes enquêtes de terrain les plus récentes, et pour les riches débats qui ont eu lieu au sein de l’équipe. Je remercie vivement Michel Naepels, Milena Jaksic et Bertrand Bellon qui m’ont apporté des critiques méticuleuses et parfois acerbes sans lesquelles je n’aurai pas pu rédiger la version finale de cet article.

References

1 - Le projet One Unit visait à considérer le Pakistan occidental comme une nation homogène, débarrassée de ses particularismes provinciaux. Afin d’appliquer cette nouvelle conception, Ayub Khan, président de 1958 à 1969, instaura la loi martiale et promulgua une nouvelle constitution en 1962, ce qui augmentale sentiment de brimade des minorités vis-à-vis de la majorité punjabi: Ziring, Lawrence, Pakistan in the twentieth century: A political history, Karachi/New York, Oxford University Press, 1997, p. 163-214 et 325-335Google Scholar; Afzal, Mohammad Rafique, Pakistan, history and politics, 1947-1971, Karachi, Oxford University Press, 2001, p 144-146 Google Scholar; Feldman, Herbert, From crisis to crisis: Pakistan 1962-1969, Londres, Oxford University Press, 1972, p. 204-205 Google Scholar.

2 - Barth, Fredrik, «Swat Pathans reconsidered», Features of person and society in Swat: Collected essays on Pathans, Londres/Boston, Routledge & K. Paul, 1981, vol. II, p. 121-185 Google Scholar, ici p. 124-129.

3 - Titus, Paul et Swidler, Nina, «Knights, not pawns: Ethno-nationalism and regional dynamics in post-colonial Baluchistan», International Journal of Middle East Studies, 32-1, 2000, p. 47-69 CrossRefGoogle Scholar.

4 - Goody, Jack, La peur des représentations. L’ambivalence à l’égard des images, du théâtre, de la fiction, des reliques et de la sexualité, Paris, La Découverte, [1997] 2006, p. 271 Google Scholar.

5 - Gruzinski, Serge, La pensée métisse, Paris, Fayard, 1999, p. 20-22 Google Scholar.

6 - La province du Baloutchistan est la plus vaste et la moins développée du Pakistan. Elle recouvre 44 % du territoire national et 5 à 6 % de sa population, dont la majorité (54,7 % d’après le recensement de 1998) est baloutche. Dotée d’un climat aride ou semi-aride, elle puise ses richesses principales dans l’élevage de petits ruminants, les ressources naturelles – telles que le gaz (le Baloutchistan fourni 50 % de la production nationale), le marbre, le charbon ou le cuivre –, la pêche (770 km de région côtière) et l’agriculture maraîchère (grâce, notamment, à des puits tubés à pompe). Elle se caractérise aussi par un très faible développement infrastructurel des réseaux de communication, d’énergie, des services hospitaliers et scolaires.

7 - Haroon, Rashid, «At the moment, war is being imposed on us. Akbar Khan Bugti», Newsline, février 2005 Google Scholar.

9 - C’est le cas de The News, The Nation, Dawn, Baloutchistan Times, Baloutchistan Express, Jang, Pakistan, Islam, Nawa-i-Waqt, Mashriq, Jinnah, Ausaf, Khabrain, Azadi et Awam.

10 - Depuis 2008, deux rues du centre-ville de Quetta ont vu naître des échoppes de propagande pour la guérilla baloutche. Celles-ci disposent de posters, badges, cassettes, films et autres attirails visuels médiatisant la lutte armée. Invariablement, les posters de Nawab Akbar Khan Bugti sont placés en devanture.

11 - L’idée du nationalisme a fait son apparition, chez les Baloutches, à la fin des années 1920. Un des moments formateur est la participation d’une délégation baloutche au « Congrès des Peuples de l’Est » en 1920 à Bakou. La délégation était essentiellement composée de membres des tribus Mengal et Gurgnari: Pearce, Brian (éd.), Congress of the Peoples of the East, Baku, September 1920, Londres, stenographic report, [1920] 1977 Google Scholar. De nombreux griefs opposaient ces deux tribus aux Britanniques et elles avaient déjà, en 1916, formé une coalition contre les forces coloniales: Titus, Paul, «To join the caravan of history: External influences on the Baloch national movement», in Jahani, C., Korn, A. et Titus, P. (dir.), The Baloch and others: Linguistic, historical and socio-political perspectives on pluralism in Balotchistan, Wiesbaden, Reichert Verlag, 2008, p. 378-390 Google Scholar, ici p. 379. Opposés au recrutement britannique pour servir l’armée durant la Seconde Guerre mondiale, Mengal et Gurgnari se sont exilés en Afghanistan. Participant au congrès de Bakou, la délégation baloutche a repris à son compte l’appel pour « le droit à l’autodétermination des nations opprimées» de Lénine: Taj Breseeg, Mohammad, Baloch nationalism: Its origin and development, Karachi, Royal Book Co., 2004, p. 193 Google Scholar.

12 - Durant la première décennie du Pakistan, ces deux factions opposées – nationalistes et chefs tribaux – se sont alliées en faveur de l’État de Kalat (État princier à l’époque coloniale qui n’a été incorporé au Pakistan qu’en 1948) contre une incorporation à l’État fédéral pakistanais. Mais l’alliance était de circonstance et les nationalistes ont continué de s’opposer aux sardars: P. Titus et N. Swidler, « Knights, not pawns... », art. cit., p. 49-53.

13 - Initié en 2000, son ampleur est sans précédent, tant en termes de mobilisation et de pénétration dans les différentes couches sociales que d’étendue géographique. Il s’étend à la quasi-totalité des districts baloutches de la province, mobilise plusieurs milliers de personnes (10 000 d’après le gouvernement, 50 000 pour les activistes) et attire le soutien des formations politiques. Outre les manifestations ou les mobilisations de rue spontanées, l’affichage ostentatoire de drapeaux ou de slogans sur les véhicules en tout genre ou l’apparition de magasins de propagande dans les rues de Quetta, un autre signe marquant de l’adhésion populaire est le traitement de ce thème par l’industrie cinématographique locale. Auparavant connus pour leurs thèmes humoristiques, les producteurs sont maintenant tournés vers des thèmes nationalistes où l’armée et les services de renseignement sont montrés comme des ennemis du peuple, tandis que les héros sont de jeunes hommes qui ont opté pour la résistance armée: voir à ce propos Akbar, Malik Siraj, «Radicalised Balochi culture in the wake of conflict», 12 novembre 2008: http://gmcmissing.wordpress.com/2008/11/12/radicalised-balochi-culture-in-the-wake-of-conflict Google Scholar.

14 - Ce découpage en cinq «guerres» successives m’a été unanimement confirmé lors d’entretiens avec des membres de l’intelligentsia à Quetta et Karachi (décembre 2007 et février 2009), des membres de partis politiques tels que le Balochistan National Movement et le National Party (février 2009, Quetta), des membres du Baloch Student Organization (décembre 2007 et février 2009), et des membres et sympathisants de la rébellion armée (décembre 2007).

15 - Pour une description détaillée de ces quatre premières phases, voir M. R. Afzal, Pakistan, history and politics..., op. cit., p. 144-146; T. Breseeg, Baloch nationalism..., op. cit., p. 227-244, 280-296 et 324-347; Baloch, Inayatullah, «The Baluch question in Pakistan and the right of self-determination», in Zingel, W. P. et Lallemant, S. Zingel Ave (dir.), Pakistan in the ‘80s, Lahore, Vanguard Books, 1985, p. 335-373 Google Scholar, ici p. 352-370; Harrison, Selig S., In Afghanistan’s shadow: Baluch nationalism and Soviet temptations, New York, Carnegie Endowment for International Peace, 1981, p. 21-40 Google Scholar; Baluch, Mir Ahmad Yar Khan, Inside Baluchistan: A political autobiography of His Highness Baiglar Baigi, Khan-e-Azam-XIII Mir Ahmad Yar Khan Baluch, Khan-e-Baluch, ex-ruler of Kalat State, Karachi, Royal Book Co., 1975, p. 180-190 Google Scholar; Wilcox, Wayne Ayres, Pakistan: The consolidation of a nation, New York, Columbia University Press, 1963, p. 206 Google Scholar; L. Ziring, Pakistan in the twentieth century..., op. cit., p. 163-214 et 325-335.

16 - Zulfiqar, Shahzada, «Rage revisited», The Herald, octobre 2006, p. 79 Google Scholar.

17 - Akbar, Malik Siraj, «Baloch Jirga to appeal to ICJ», Daily Times, 22 septembre 2006 Google Scholar.

18 - International Crisis Group, «Pakistan: The forgotten conflict in Balochistan», Asia Briefing, 69, Islamabad/Bruxelles, 22 octobre 2007, p. 12 Google Scholar: http://www.crisisgroup.org/.

19 - Awan, Ayub Bukhsh, Baluchistan: Historical and political processes, Londres, New Century Publishers, 1985, p. 231-233 Google Scholar; Ahmad, Syed Iqbal, Balochistan: Its strategic importance, Karachi, Royal Book Co., 1992, p. 169-172 Google Scholar.

20 - T. Breseeg, Baloch nationalism..., op. cit., p. 317-320.

21 - White paper on Baluchistan, Rawalpindi, Government of Pakistan, 1974, p. 5 Google Scholar.

22 - A. B. Awan, Baluchistan ..., op. cit., p. 293.

23 - «President’s address at groundbreaking ceremony of Labour colony (Gwadar port operation) », 17 novembre 2006; « President Musharraf urges Balochis to resist those against development », 3 septembre 2007; Harrison, Selig, «Pakistan’s Baluch insurgency», Le Monde Diplomatique, octobre 2007 Google Scholar.

24 - « President General Pervez Musharraf’s address to the nation », 20 juillet 2006.

25 - International Crisis Group, « Pakistan: The forgotten conflict... », art. cit., p. 16, dit reprendre cette statistique du ministère du Pétrole et des Ressources naturelles. Même si les chiffres à cet égard varient, de 36 % pour Grare, Frédéric, «Pakistan: The resurgence of Baluch nationalism», Carnegie Paper, 65, 2006, p. 6 Google Scholar, à 60 % pour Axmann, Martin, Back to the future: The Khanate of Kalat and the genesis of Baloch nationalism, 1915-1955, Karachi, Oxford University Press, 2008, p. 266 Google Scholar, Sui demeure la plus grosse exploitation du Pakistan

26 - Les descriptions de Matheson, Silvia A., The tigers of Baluchistan, Karachi, Oxford University Press, [1967] 1997, p. 3 Google Scholar, le montrent comme un chef archétypal, et certains des propos qu’elle relate sont aujourd’hui abondamment cités, tels que « J’ai tué mon premier homme quand j’avais 12 ans. [...] Il m’avait énervé. Je ne sais plus de quoi il s’agissait, mais je l’ai tué d’un coup. »

27 - Le principe consiste à demander à l’accusé de marcher sur des braises; son innocence est mesurée à la gravité de ses brûlures. Ahmed, Selon Akbar S., «Trial by ordeal among Bugtis: Ritual as a diacritical factor in Baloch ethnicity», in Titus, P. (dir.), Marginality and modernity: Ethnicity and change in post-colonial Balochistan, Karachi/New York, Oxford University Press, 1996, p. 51-77 Google Scholar, cette pratique permet au chef de se présenter comme le garant de la coutume et de maintenir l’identité de groupe. Nawab Bugti, dans une interview donnée à la BBC en 2005, explique quant à lui que la raison principale provient de ce que les membres de sa tribu n’ont pas confiance dans la justice rendue par les institutions gouvernementales. C’est faute d’une justice plus fiable qu’ils y ont recours, lui-même se pliant à leur volonté.

28 - Entretien avec un intellectuel baloutche de Quetta, février 2009.

29 - Entretien avec un combattant BLA, novembre 2007.

30 - F. Barth, « Swat Pathans reconsidered », art. cit.

31 - Barth, Fredrik, «Segmentary opposition and the theory of games», Journal of the Royal Anthropology Institute, 89-1, 1959, p. 5-21 Google Scholar.

32 - F. Barth, « Swat Pathans reconsidered », art. cit., p. 172.

33 - Asad, Talal, «Market model, class structure and consent: A reconsideration of Swat political organisation», Man, 7-1, 1972, p. 74-94 Google Scholar, ici p. 81-91.

34 - Bruce, Richard Issaq, The forward policy and its results, Lahore, Sohai Ahmad & Rohail Ahmad, [1900] 2002, p. 122 Google Scholar. Le système Sandeman et, notamment, l’emploi de « levies », bien qu’efficace et évitant l’affrontement direct, a été critiqué par ses détracteurs britanniques comme étant fondé sur du «chantage». Thomas Thornton, Henry, Sir Robert Sandeman, his life and work, Quetta, Nisa Traders, [1895] 1982, p. 215-220 Google Scholar et 301-305, oppose à cette idée son succès à contrôler les tribus sans effusion de sang, ainsi que le principe de rémunération contre un service rendu. Comme le résume Lord Robert dans son discours à la Chambre des Lords le 7 mars 1898, le système Sandeman et sa « forward policy » ont finalement été adoptés au vu des relations tendues avec la Russie, de la nécessité de créer une zone tampon face à l’Afghanistan et de la perspective de transformer les tribus en alliés contrôlables grâce à cette méthode d’administration indirecte: R. I. Bruce, The forward policy..., op. cit., p. 324-351. Pour une description détaillée du processus par lequel ce mode d’administration a finalement dominé la période coloniale, voir M. Axmann, Back to the future..., op. cit., p. 25-38.

35 - T. H. Thornton, Sir Robert Sandeman..., op. cit., p. 34.

36 - M. Axmann, Back to the future..., op. cit., p. 16-123; Swidler, Nina, «Brahui political organization and the national state», in Embree, A. T. (dir.), Pakistan’s western borderlands: The transformation of a political order, Durham, Carolina Academic Press, 1977, p. 108-125 Google Scholar; Id., « Beyond parody: Ethnography engages nationalist discourse», in P. Titus (dir.), Marginality and modernity..., op. cit., p. 167-190; P. Titus et N. Swidler, «Knights, not pawns... », art. cit.; Spooner, Brian, «Baluchistan I. Geography, history, and ethnography», Encyclopædia Iranica, New York/Londres, Routledge & Kegan Paul, 1989, vol. III., p. 598-632 Google Scholar, ici p. 611; Titus, Paul, «Honor the Baloch, buy the Pushtun: Stereotypes, social organization and history in western Pakistan», Modern Asian Studies, 32-3, 1998, p. 657-687 CrossRefGoogle Scholar.

37 - P. Titus et N. Swidler, « Knights, not pawns... », art. cit., p. 63.

38 - Janmahmad, , Essays on Baloch national struggle in Pakistan: Emergence, dimensions, repercussions, Quetta, Gosha-e-Adab, 1989, p. 139, 169-171 et 214-220 Google Scholar. C’était aussi, dans les années 1970, ce qu’affirmaient les outils de propagande de la rébellion, dont le People’s Front (Londres, 1973-1979). Voir également M. Axmann, Back to the future..., op. cit., p. 148-150; Baloch, Inayatullah, The problem of « Greater Baluchistan »: A study of Baluch nationalism, Stuttgart, Steiner Verlag, 1987, p. 155-156 Google Scholar; T. Breseeg, Baloch nationalism..., op. cit., p. 324-348; S. Harrison, In Afghanistan’s shadow..., op. cit., p. 23 et 75; P. Titus et N. Swidler, « Knights, not pawns... », art. cit., p. 56-65.

39 - Fondé en 1888 et initialement surnommé «Chief’s College», cet établissement avait comme vocation explicite de pourvoir une éducation « civilisée » aux enfants des familles régnantes des États princiers du Punjab. Il permettait en outre d’assurer une culture et un langage commun entre les différents administrateurs de l’Empire – qu’ils soient « locaux » ou Britanniques – mais également de renforcer la technicité institutionnelle et donc le pouvoir des chefs sur leurs sujets. En 1941, A. Bugti se retrouve dans la même promotion que les chefs tribaux Khair Bakhsh Marri, Sherbaz Khan Mazari, Farooq Leghari (qui deviendra président du Pakistan de 1993 à 1997), Zulfiqar Ali Khosa, et plusieurs membres de la famille Jamali. En mettant ces « pupilles de la Cour » ensemble, les Britanniques mettaient en relation les futurs chefs de tribus en conflit, créant les possibilités d’obtention d’un statu quo entre elles.

40 - Mazari, Sherbaz Khan, A journey to disillusionment, Karachi, Oxford University Press, 1999, p. 3-7 Google Scholar.

41 - M. Baluch, Inside Baluchistan..., op. cit., p. 143-144.

42 - I. Baloch, The problem of « Greater Baluchistan »..., op. cit., p. 15-57 et 159.

43 - En 1948, l’armée fut envoyée contre le Khan de Kalat qui s’opposait à l’intégration de son territoire – environ la moitié du Baloutchistan actuel – à l’État pakistanais. Son frère, le prince Abdul Karim mena la première rébellion en réaction à l’annexion forcée de Kalat. Le récit qu’en fait M. Axmann, Back to the future..., op. cit., p. 232-235, montre que cette révolte était à la fois spontanée et peu organisée et que ses répercussions immédiates furent relativement insignifiantes. Son succès tient plus à ce qu’elle est perçue par les nationalistes aujourd’hui comme la première d’une série de batailles, voire la « première guerre de libération et d’autodétermination ». Voir aussi S. Harrison, In Afghanistan’s shadow..., op. cit., p. 28.

44 - Martin Axmann, «Phoenix from the ashes? The Baloch national movement and its recent revival», in C. Jahani, A. Korn et P. Titus (dir.), The Baloch and others..., op. cit., p. 284.

45 - Commissioner Quetta Divsion, file 1-S/58, cité par P. Titus et N. Swidler, « Knights, not pawns... », art. cit., p. 66, n. 25.

46 - S. K. Mazari, A journey to disillusionment, op. cit., p. 84.

47 - Nauroz Khan s’est rendu en mai 1959 et est décédé dans la prison de Kohlu en 1964. L’insurrection était de faible ampleur, mais il est aujourd’hui loué pour sa bravoure et sa résistance à l’oppresseur. Pour certains, le soulèvement de Nauroz Khan cristallise la posture nationaliste du mouvement baloutche: T. BRESEEG, Baloch nationalism..., op. cit., p. 300-304; Janmahmad, Essays on Baloch national struggle..., op. cit., p. 132-134. En 2009, le président du Balochistan National Party-Mengal (BNM-M), Sardar Atuallah Mengal, déclarait au journal Haq Tawar du 2 avril: « Notre combat ne vise pas la victoire aux élections au Parlement, ni le rétablissement du système des chefferies, mais il se place dans la continuité de celui de Nawab Nauroz Khan qui luttait pour la libération de la terre baloutche. »

48 - N. Swidler, « Brahui political organization and the national state », art. cit., p. 121.

49 - Voir également Philip Salzman, Carl, «Tribal chiefs as middlemen: The politics of encapsulation in the Middle East», Anthropological Quaterly, 47-2, 1974, p. 203-211 CrossRefGoogle Scholar, qui souligne la dimension économique de cette dynamique de tutelle. Selon lui, en devenant les médiateurs entre un pouvoir central et les tribus, les chefs tribaux accèdent également au monopole des ressources économiques, ce qui entraîne l’émergence de rapports de classes.

50 - Bailey, Frederick G., Stratagems and spoils. Social anthropology and politics, Oxford, Westview Press, [1969] 2001, p. 12 et 144-185 Google Scholar. Une structure politique « encapsulée » contrôle une partie significative de ses propres ressources et n’est pas pleinement intégrée au système politique plus large. Elle conserve donc un réel degré d’autonomie car le coût d’une intégration forcée serait trop important pour la structure politique englobante ou parce que l’unité plus large manque de ressources pour pénétrer ou remplacer la structure politique déjà existante.

51 - Titus, Paul, «Political alignement of Baluchi sardars in relation to the government of Pakistan», Newsletter of Baluchistan Studies, 7, 1990, p. 59-67 Google Scholar, ici p. 65.

52 - N. Swidler, « Beyond parody... », art. cit., p. 170.

53 - Ibid., p. 185-186.

54 - P. Titus et N. Swidler, « Knights, not pawns... », art. cit., p. 47.

55 - N. Swidler, « Beyond parody... », art. cit., p. 187, conclut à un retard dans le développement des institutions politiques. Les transformations accomplies durant la colonisation dans d’autres parties du monde auraient débuté pour les Baloutches à la naissance du Pakistan, et plus particulièrement durant les insurrections des années 1950 et 1970. Celles-ci ont démontré l’« inadéquation » d’une résistance fondée sur des liens segmen-taires (tribaux), et la nécessité – aux yeux des intellectuels baloutches et des nationalistes dans leur ensemble – de mettre en branle une reconfiguration politique comparable à celles qui furent entreprises par d’autres peuples pendant la période coloniale.

56 - Ibid., p. 187.

57 - J. Goody, La peur des représentations..., op. cit., p. 36.

58 - P. Titus et N. Swidler, « Knights, not pawns... », art. cit., p. 64.

59 - La rébellion est animée par quatre groupes principaux: le Baloch Liberation Army (BLA), le Balochistan Liberation Front (BLF), le Baloch Republican Army (BRA) et le Baloch People’s Liberation Front (BPLF). Le BLA est le groupe le plus médiatisé, et probablement le mieux organisé. Balaach Marri, fils de Nawab Khair Bakhsh Marri, en était le leader présumé.

60 - Celui-ci est élu maire (nazim), donc membre du gouvernement local.

61 - Naepels, Michel, Histoires de terres kanakes, Paris, Belin 1998, p. 172-173 Google Scholar.

62 - J’ai montré ailleurs que l’étude des controverses donne accès à des régimes de justification qui ne se répondent pas nécessairement: Bellon, Luc, «Studying a controversy amongst Pashtuns of Torghar, Balochistan, Pakistan», South Asia Multidisciplinary Academic Journal, 5 octobre 2007 Google Scholar: http://samaj.revues.org/index213.html. De la même manière, les contradictions repérées dans un contexte social peuvent coexister et permettre de transposer les valeurs prééminentes, opérant ainsi des transformations sociales au sein d’un même monde.

63 - Le terme « identification » désigne ici « toute action sociale où l’attribution identitaire est extérieure, s’exerçant sur un individu, dans le cadre d’une institution sociale, selon une technique codifiée »: Avanza, Martina et Laferte, Gilles, «Dépasser la ‘construction des identités’ ? Identification, image sociale, appartenance», Genèse, 61, 2005, p. 134-152 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 142.

64 - Khan Abdul Ghaffar Khan, considéré comme le «Gandhi de la frontière», est le fondateur du Khudai Khidmatgar (Serviteurs de Dieu), un mouvement pashtoune défendant un nationalisme indien plutôt qu’un factionnalisme communautaire, fondé sur les principes pacifistes de la non-violence. Il se démarque en cela de la vision répandue des Pashtounes belliqueux et sectaires: voir notamment Banerjee, Mukulika, The Pathan unarmed: Opposition & memory in the North West Frontier, Santa Fe, School of American Research Press, 2000 Google Scholar.

65 - S. K. Mazari, A journey to disillusionment, op. cit., p. 85-87.

66 - M. R. Afzal, Pakistan, history and politics..., op. cit., p. 222-256.

67 - P. Titus et N. Swidler, « Knights, not pawns... », art. cit., p. 55.

68 - S. K. Mazari, A journey to disillusionment, op. cit., p. 101-107; A. B. Awan, Baluchistan ..., op. cit., p. 229.

69 - Le terme baloutche parari désigne une personne dont les griefs sont d’une telle ampleur qu’ils ne peuvent être apaisés par la parole ou la négociation.

70 - S. Harrison, In Afghanistan’s shadow..., op. cit., p. 33.

71 - Ibid., p. 29.

72 - En 1973, les membres de ce gouvernement s’opposaient à la nouvelle constitution ratifiée par Ali Bhutto, en raison de la faible autonomie accordée aux gouvernements provinciaux. International Crisis Group, «Pakistan: The worsening conflict in Baloutchistan», Asia Report, 119, 2006, p. 4-5 Google Scholar: http://www.crisisgroup.org/.

73 - Ibid., p. 4-5.

74 - Ali Bhutto accusait Sardar Attaullah Mengal (chief minister) et Mir Ghous Bakhsh Bizenjo (gouverneur) de complot contre l’État, suite à la découverte d’armes dans l’ambassade irakienne (300 armes automatiques russes et 48 000 munitions) supposé-ment destinées à la guérilla baloutche: White paper on Baluchistan, op. cit., p. 39. Le « procès de Hyderabad », au cours duquel Marri, Mengal et Bizenjo furent arrêtés, a fortement marqué la conscience collective baloutche et figure parmi les symboles de l’oppression étatique: T. Breseeg, Baloch nationalism..., op. cit., p. 320-324; Talbot, Ian, Pakistan, a modern history, Londres, Hurst & Company, 1998, p. 230-235 Google Scholar; Janmahmad, Essays on Baloch national struggle..., op. cit., p. 301-303; S. Harrison, In Afghanistan’s shadow..., op. cit., p. 34-36.

75 - Janmahmad, Essays on Baloch national struggle..., op. cit., p. 305; S. Harrison, In Afghanistan’s shadow..., op. cit., p. 36-40.

76 - Harrison, Selig, «Nightmare in Balochistan», Foreign Policy, 32, 1978, p. 136-160 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 139.

77 - S. Harrison, In Afghanistan’s shadow..., op. cit., p. 71-83. Avec une forte concentration dans les zones Marri et Bugti, il s’était étendu sur la majeure partie du nord-est de la province. Les forces baloutches comprenaient, d’un côté, des organisations para-tribales telles que le mouvement Parari et le Baloch People’s Liberation Front (BPLF) et, de l’autre, un ensemble de fronts spontanés et désorganisés fondés sur l’appartenance lignagère de ses membres qui n’ont existé que pendant les conflits eux-mêmes.

78 - M. Axmann, « Phoenix from the ashes?... », art. cit., p. 284. Créé le 14 septembre 2003 le Baloch Ittehad – initialement baptisé Baloch Organisation for Rights and Nationality – regroupe les cinq principales formations politiques nationalistes: le Baloch National Party (BNP), le Baloch National Movment (BNM) et le Jamhoori Watan Party (JWP), le Balochistan National Democratic Party (BNDP) et le Baloch Student Organisation (BSO): Mohammed Khan, Ilyas, «Back to the hills», The Herald, octobre 2004, p. 64-75 Google ScholarPubMed.

79 - Shahzada Zulfiqar, Newsline, juillet 2002; cité par M. Axmann, « Phoenix from the ashes?... », art. cit., p. 268.

80 - M. I. Khan, « Back to the hills », art. cit.

81 - Le 20 novembre 2007, Balaach Marri, fils du chef Nawab Khair Bakhsh et l’un des leaders du BLA, fut également tué. En janvier 2009, non satisfaits des concessions gouvernementales en faveur de la province, le BLA, le BRA et le BLF ont rompu, après quatre mois, un cessez-le-feu qu’ils avaient eux-mêmes déclaré. Le 2 février 2009, le directeur de la mission du HCR à Quetta était kidnappé par le Baloch Liberation United Front (BLUF) – groupe jusqu’alors inconnu.

82 - Barth, Fredrik, «Ethnic processes on the Pathan-Baluch boundary», Newspaper of Baluchistan Studies, 7, 1990, p. 71-77 Google Scholar; Hugo Fabietti, «Equality versus hierarchy: Conceptualizing change in southern Balochistan», in P. Titus (dir.), Marginality and modernity..., op. cit., p. 3-27.

83 - F. Barth, « Ethnic processes on the Pathan-Baluch boundary », art. cit.

84 - Termes baloutches désignant différents niveaux d’autorité en fonction du niveau agnatique auquel on se place, de la tribu à la famille élargie.

85 - Le paysage social baloutche est marqué par des caractéristiques fortement hétéroclites suivant les zones. Pour citer quelques exemples: d’un point de vue linguistique, certains parlent le baloutchi (de famille perse) tandis que d’autres sont locuteurs du brahoui (probablement de famille dravidienne); certaines formes du baloutchi des tribus du Nord (Marri par exemple) ne sont pas compréhensibles au Sud; les systèmes d’autorité sont dominés par les chefferies au Nord, et se fondent sur les appartenances territoriales au Sud; des mécanismes d’allégeance largement utilisés ont permis d’intégrer à des tribus des groupes qui n’ont aucune parenté avec elles (d’anciens esclaves venus d’Afrique, de Perse ou d’Inde, des Pashtounes y trouvant intérêt, des Hindous intégrés au système économique); une partie des Baloutches est zikri, secte née au XVIe siècle et fustigée par ses détracteurs comme non musulmane. Pour un tableau de l’histoire du peuplement du Baloutchistan, ainsi que des différents mouvements de population, voir B. Spooner, « Baluchistan I. Geography, history, and ethnography », art. cit.; Joseph Elfenbein, «Baluchi language and literature», Encyclopædia Iranica, op. cit., p. 633-644, dresse un portrait linguistique de la région, et notamment du Brahui; F. Barth, « Ethnic processes on the Pathan-Baluch boundary », art. cit., montre les capacités d’incorporation des tribus baloutches du Nord et le rôle prépondérant de l’allégeance aux chefs tribaux; Scholz, Fred, Nomadism and colonialism: A hundred years of Baluchistan, 1872-1972, Karachi, Oxford University Press, 2002 Google Scholar, pour l’intégration des populations hindous dans les systèmes économiques et sociaux. Voir aussi les contributions réunies dans deux ouvrages collectifs: Jahani, Carina et Korn, Agnes (dir.), The Baloch and their neighbours: Ethnic and linguistic contact in Balochistan in historical and modern times, Wiesbaden, Reichert Verlag, 2003 Google Scholar, et C. Jahani, A. Korn et P. Titus (dir.), The Baloch and others..., op. cit .

86 - Nawab Khair Bakhsh Marri, entretien, décembre 2007.

87 - Entretien, décembre 2007

88 - Entretien, février 2009.