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Fleuves du temps et de la vie Permanence et instabilité du réseau fluviatile babylonien entre 2500 et 1500 avant notre ère

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Hermann Gasche
Affiliation:
Université de Gand
Michel Tanret
Affiliation:
Université de Gand
Steven W. Cole
Affiliation:
Université de Chicago
Kris Verhoeven
Affiliation:
Université de Gand

Résumé

Jusqu’ici, l’histoire de la Mésopotamie ancienne reposait principalement sur la documentation textuelle. Celle-ci est pourtant incomplète et fort sélective. Les éléments naturels, en particulier le réseau hydrographique et son évolution, n’y sont pratiquement pas décrits. La prise en compte de ces éléments, reconstitués sur la base d’investigations géomorphologiques, archéologiques et de prospections sur le terrain, en combinaison avec une relecture des textes, permet d’enrichir considérablement le panorama historique. Une reconstruction a ainsi pu être entreprise du paysage paléo-fluviatile de la région où le couple Tigre-Euphrate entre définitivement dans la plaine alluviale et qui constitue la clef de tout le réseau qui arrosait les pays d’Akkad et de Sumer; le projet a ensuite été étendu vers le sud. Les résultats obtenus sont totalement différents de ce qui était admis depuis une cinquantaine d’années, et concordent parfaitement avec une étude indépendante de la région adjacente encore plus au sud. Une nouvelle carte de la Mésopotamie commence ainsi à se dessiner, avec une région interfluviale bien plus réduite qu’avant et, par contre, une Transtigridine beaucoup plus importante.

Until now the history of Ancient Mesopotamia rested mainly on the written sources, although these are incomplete and biased. The natural features, in particular the hydrographic network and its evolution, are not described in them. Taking into account these facts, reconstituted on the basis of geomorphological and archaeological investigations, surveys in combination with a re-reading of the texts, considerably enriches the historical panorama. In this way, a reconstruction has been undertaken of the palaeo-fluviatile landscape of the region where Tigris and Euphrates definitively enter into the alluvial plain and which constitutes the key to the whole hydrological network of Sumer and Akkad. The project was subsequently extended to the south. The results are completely different from what has been accepted since fifty years. Furthermore, they are in complete accordance with an independent research on the region even further to the south. A new map of Mesopotamia is emerging with an interfluvial region much smaller and a Transtigridian one much larger than previously thought.

Type
Politique et contrôle de l’eau dans le Moyen-Orient ancien
Copyright
Copyright © Les Áditions de l’EHESS 2002 

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References

1 - Toponyme moderne qui dérive de la ville de Babylone et couvre les anciens pays de Sumer et d’Akkad. Dans la présente étude, il désigne cependant arbitrairement la moitié septentrionale environ de ces terres. En d’autres termes, la région considérée est délimitée à l’est par l’actuel cours du Tigre, à l’ouest par la branche moderne la plus occidentale de l’Euphrate, au nord par une ligne passant par Samarra et au sud par la latitude approximative de Najaf (cf. carte 1). Toute la région plus méridionale n’a pas réellement été abordée ici car de nombreuses questions sont encore sans réponses, malgré une étude récente de Steinkeller, PiotrNew Light on the Hydrology and Topography of Southern Babylonia in the Third Millennium», Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische Archäologie, 91, 2001, pp. 2284 CrossRefGoogle Scholar); nous reproduisons (en rouge sur la carte 1), les résultats de Steinkeller, qui recoupent approximativement nos investigations encore préliminaires dans cette région plus septentrionale de la basse Mésopotamie.

2 - Avec le sel, indispensable, mais qui avait aussi son revers. Trop de cette substance dans les terres agricoles finissait par interdire toute forme de culture; il fallait alors lessiver ou drainer les sols, opérations qui ne sont pas sans poser de nouveaux problèmes, qu’il n’y a cependant pas lieu d’aborder dans le cadre de la présente étude.

3 - Cf. Adams, Robert Mcc., Heartland of Cities. Surveys of Ancient Settlement and Land Use on the Central Floodplain of the Euphrates, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 1981, pp. 165168 Google Scholar et fig. 34.

4 - Le contenu d’une lettre également cassite et trouvée à Nippur va dans le même sens ( Biggs, Robert D., « A Letter from Kassite Nippur», Journal of Cuneiform Studies, 19, 1965, pp. 95102 CrossRefGoogle Scholar); mais on apprend que l’eau supplétive provenait cette fois d’un canal (namkarum) alimenté par le Tigre.

5 - Voir en particulier, Adams, Robert Mcc., Land Behind Baghdad. A History of Settlement on the Diyala Plains, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 1965 Google Scholar; ID., « Settlement and Irrigation Patterns in Ancient Akkad», in Mcguire Gibson, The City and Area of Kish, Coconut Grove, Field Research Projects, 1972, pp. 182-208; ID., Heartland of Cities..., op. cit.; Adams, Robert Mcc. et Nissen, Hans J., The Uruk Country Side. The Natural Setting of Urban Societies, Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 1972 Google Scholar; Mcguire Gibson, The City..., op. cit., pp. 118-173; Henry T. Wright, « The Southern Margins of Sumer. Archaeological Survey of the Area of Eridu and Ur», in R. Mcc. Adams, Heartland of Cities..., op. cit., pp. 295-345.

6 - Le curage des canaux encombrés pendant la période d’étiage représentait également un travail lourd, mais indispensable. Le danger réel des basses eaux était d’ailleurs l’engorgement des lits majeurs du réseau fluviatile dont un curage efficace exigeait des moyens pas forcément disponibles à l’époque. Encombrés de sédiments, ces lits majeurs ne pouvaient plus transporter l’énorme masse d’eau libérée par la fonte des neiges et risquaient de devenir ainsi une sérieuse menace pour la plaine.

7 - Voir Buringh, Paul, Soils and Soil Conditions in Iraq, Bagdad, Ministry of Agriculture, 1960, p. 49 Google Scholar, fig. 19.

8 - Charpin, Dominique, « Paléo-babyloniens (rois)», in Joannes, F. (dir.), Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Paris, Robert Laffont, 2001, pp. 622624 Google Scholar.

9 - Qui, selon une nouvelle chronologie basse proposée récemment, aurait eu lieu en 1499 avant notre ère ( Gasche, Hermann et alii, Dating the Fall of Babylon. A Reappraisal of Second-Millennium Chronology, Gand-Chicago, University of Ghent/Oriental Institute of the University of Chicago, « Mesopotamian History and Environment. Memoirs-4 », 1998, p. 83 Google Scholar et passim. Dans cette chronologie basse, la période d’Ur III commence en 2018 et se termine en 1911. Pour une correspondance avec la chronologie dite moyenne, il faut ajouter une centaine d’années à ces repères et à tous les règnes paléo-babyloniens et néo-sumériens. Le vide historique, en Babylonie, s’étendrait alors à quelque cent quatre-vingts ans pour la moitié nord de cette région et à plus de trois cents ans pour la moitié sud; au lieu des quatre-vingts et deux cents ans que requiert la nouvelle chronologie basse !

10 - Pour plus de détails, voir Butzer, Karl W., «Environmental Change in the Near East and Human Impact on the Land», in Sasson, J. M. (éd.), Civilizations of the Ancient Near East, New York, Simon & Schuster Macmillan, 1995, vol. 1, pp. 123151 Google Scholar.

11 - Jacobsen, Thorkild, « The Waters of Ur», Iraq, 22, 1960, pp. 174185 CrossRefGoogle Scholar; ID., « Early Political Development in Mesopotamia», Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische Archäologie, 52, 1957, pp. 91-140.

12 - R. Mcc. Adams, Heartland of Cities..., op. cit. ; Nissen, Hans, « Geographie», in Lieberman, S. J. (éd.), Sumerological Studies in Honor of Thorkild Jacobsen, Chicago, The University of Chicago Press 1976, pp. 940 Google Scholar; R. Mcc. Adams et H. J. Nissen, The Uruk Country Side.., op. cit.

13 - R. Mcc. Adams, « Settlement and Irrigation... », art. cit., pp. 182-208.

14 - R. Mcc. Adams, Land Behind Baghdad. .., op. cit.

15 - Cole, Steven W. et Gasche, Hermann, « Second- and First-Millennium BC Rivers in Northern Babylonia», in Gasche, H. et Tanret, M. (éds), Changing Watercourses in Babylonia. Towards a Reconstruction of the Ancient Environment in Lower Mesopotamia, Gand-Chicago, University of Ghent/Oriental Institute of the University of Chicago, «Mesopotamian History and Environment. Memoirs-5/1 », 1998, pp. 164 Google Scholar.

16 - P. Steinkeller, « New Light... », art. cit., pp. 22-84; ID., « Addenda to “New Light on the Hydrology and Topography of Southern Babylonia in the Third Millennium” ZA 91 (2001) 22-84», Nouvelles Assyriologiques Brèves et Utilitaires, 2001, p. 62.

17 - R. Mcc. Adams, Heartland of Cities..., op. cit., p. 163, fig. 31 et carte hors texte. Bien que cet ouvrage magistral doive toujours servir de point de départ à toute étude relative au paléo-environnement mésopotamien, il faut aussi s’accommoder de certaines de ses faiblesses. L’une d’elles concerne le matériel diagnostique utilisé pour la datation des sites archéologiques, qui mérite parfois de sévères ajustements; il en est ainsi, parmi d’autres périodes, pour la première moitié du IIe millénaire avant notre ère.

18 - Pour une information plus complète sur la formation de ces levées et leur importance dans la reconstruction des réseaux fluviatiles, voir S. W. Cole et H. Gasche, « Second- and First-Millennium... », art. cit., pp. 4-7 et les références mentionnées dans ce texte. On notera, au passage, que les terres de ces levées étaient les meilleures pour l’agriculture car elles contenaient moins de sel et moins d’argile lourde que celles localisées dans les bassins, à une certaine distance des voies d’eau. Grâce à des sondages géomorphologiques effectués dans la région, on a pu établir que la levée entre Abu¯ Habbah (= Sippar) et Tell ed-De¯r (= Sippar-Amna¯num) s’est rehaussée d’environ 1,50 m durant le IIIe millénaire ( Gasche, Hermann, « Le système paléo-fluviatile au sud-ouest de Baghda¯d», Bulletin on Sumerian Agricultur e, 4-1988, pp. 4148 Google Scholar, ici p. 42.

19 - H. Gasche, « Le système paléo-fluviatile... », art. cit., pp. 41-48.

20 - Cf. R. Mcc. Adams, « Settlement and Irrigation Patterns... », art. cit., p. 192, site no 058.

21 - Voir, pour la structure et la nature de cette levée, Kris Verhoeven, « Geomorphological Research in the Mesopotamian Flood Plain», in H. Gasche et M. Tanret (éds), Changing Watercourses..., op. cit., pp. 218-224.

22 - Voir Frayne, Douglas R., Sargonic and Gutian Periods (2334-2113 BC), Toronto, University of Toronto Press, « Royal Inscriptions of Mesopotamia. Early Periods-2», 1993, pp. 106107 CrossRefGoogle Scholar, iii 13’-iv 35’.

23 - Voir note 10.

24 - P. Steinkeller, « New Light. .. », art. cit., pp. 22-84.

25 - Frayne, Douglas R., Old Babylonian Period (2003-1595 BC), Toronto, University of Toronto Press, « Royal Inscriptions of Mesopotamia. Early Periods-4 », 1990, pp. 1618 CrossRefGoogle Scholar et 20-22.

26 - T. Jacobsen, « The Waters of Ur », art. cit., p. 176 et n. 4.

27 - Pour ce texte, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, voir notamment Goetze, Albrecht, « An Old Babylonian Itinerary», Journal of Cuneiform Studies, 7, 1953, pp. 5172 CrossRefGoogle Scholar, et Hallo, William W., « The Road to Emar», Journal of Cuneiform Studies, 18, 1964, pp. 5788 CrossRefGoogle Scholar.

28 - Il y a de bonnes raisons d’identifier Hirı¯tum avec le tell nord d’Abu¯ Qubu¯r. On connaît son occupation aux périodes d’Agadé, d’Ur III (?) et paléo-babylonienne, mais la phase plus récente de cette dernière période et le Méso-babylonien ne sont pas attestés dans les fouilles belges ( De Meyer, Leon et Gasche, Hermann, «Mission archéologique belge en Iraq: aperçu des travaux de la campagne de 1985», Akkadica, 1986, pp. 623 Google Scholar); voir cependant R. Mcc. Adams, « Settlement and Irrigation... », art. cit., p. 192, site n° 053. Le matériel néo-babylonien, mélangé avec des vestiges plus anciens, a été reconnu seulement dans un dépôt sableux/graveleux déposé par l’eau contre le flanc sud de la colline. Le nom du site, proposé pour l’époque néo-babylonienne par Françoise Bruschweiler, n’emporte pas notre conviction, mais il n’y a pas lieu d’aborder ici cette question (cf. Bruschweiler, Françoise, «Un échange de terrain entre Nabuchodonosor II et un inconnu dans la région de Sippar», Revue d’assyriologie et d’archéologie orientale, 83, 1989, pp. 153162 Google Scholar).

29 - S. W. Cole et H. Gasche, « Second- and First-Millennium... », art. cit., pp. 16-17.

30 - R. Mcc. Adams, Heartland of Cities..., op. cit., p. 17.

31 - Paepe, Roland, « Geological Approach of the Tell ed-De¯r Area, Mesopotamian Plain, Iraq», Tell ed-De¯ r, Louvain, Peeters, 1971, vol. 1, pp. 927 Google Scholar.

32 - Heimpel, Wolfgam, «The Natural History of the Tigris According to the Sumerian Literary Composition Lugal», Journal of Near Eastern Studies, 46, 1987, pp. 316317 CrossRefGoogle Scholar; ID., « Ein zweiter Schritt zur Rehabilitierung der Rolle des Tigris in Sumer», Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische Archäologie, 80, 1990, pp. 204-213.

33 - En réalité, nous ne savons pas encore si le Tigre se divisait en plusieurs branches au sud de sa confluence avec le système de l’Euphrate, mais, au vu de l’importance des territoires qui se trouvaient entre cette branche dite occidentale et les premiers contreforts du Zagros, une division du fleuve paraît probable. Cependant, nos recherches dans ce secteur de la plaine ne sont pas suffisamment avancées pour tenter de résoudre cette question.

34 - Sur la carte 2, Séleucie est le grand site sur la rive droite du Tigre actuel; Ctésiphon était en face, sur la rive gauche (non indiqué sur la carte).

35 - Feigin, Samuel I., Legal and Administrative Texts of the Reign of Samsuiluna, New Haven-Londres, Yale University Press, « Yale Oriental Series-12», 1979, n° 469: pp. 45 Google Scholar; une collation de Ulla Kasten montre qu’il s’agit de l’Idigna, non du Zubi.

36 - Comparer les cours, représentés en bleu et en rouge sur la carte 1.

37 - Stone, Elizabeth C., « Mashkan-shapir», in Meyers, E. M. (éd.), The Oxford Encyclopedia of Archaeology in the Near East, vol. 3, New York-Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 430 Google Scholar.

38 - Sallaberger, Walter et Westenholz, Aage, Mesopotamien. Akkade-Zeit und Ur III-Zeit, FribourgGöttingen, University Press Fribourg/Vandenhoeck & Ruprech, « Orbis Biblicus et Orientalis-160/3 », 1999, p. 134 Google Scholar.

39 - Frayne, Douglas R., Ur III Period (2112-2004 B.C.), Toronto, University of Toronto Press, « Royal Inscriptions of Mesopotamia. Early Periods-3/2», 1997, pp. 16 CrossRefGoogle Scholar et 50.

40 - Voir S. W. Cole et H. Gasche, « Second- and First-Millennium... », art. cit., pp. 27-29.

41 - Cf. Wilcke, Claus, « Zur Geschichte der Amurriter in der Ur III-Zeit», Die Welt des Orients, 5, 1969-1970, pp. 131 Google Scholar.

42 - Cf. S. W. Cole et H. Gasche, « Second- and First-Millennium... », art. cit., p. 29, n. 150.

43 - W. Sallaberger et A. Westenholz, Mesopotamien..., op. cit., p. 209.