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Embrasser L'État Monastique a L'Age Adulte (1050-1200)

Étude sur la conversion tardive

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Charles De Miramon*
Affiliation:
CNRS

Extract

Vers 1144, Idung écolâtre à Ratisbonne tomba malade:

Selon la volonté de Dieu puissant et miséricordieux, je contractais une maladie si grave qu'un médecin savant et habile jugea mon cas désespéré. Un certain moine qui plus tard devint abbé vint me rendre visite. Et lorsque celui-ci me vit, il me dit : « Homme, vous allez mourir. Pourquoi ne vous faites-vous pas porter au monastère ? » Je voulus répondre mais ne le pus pas tant que l'on ne m'eut pas humecté les lèvres d'eau, car mon corps était desséché et sans vigueur. Alors rassemblant le peu de force qu'il me restait, je répondis avec peine en disant : « Mon entrée au monastère ne peut être acceptée par Dieu car je suis à l'article de la mort ». Et lui me rétorqua : « Ne doutez pas. En effet, je vous promets et je vous donne ma parole de rendre compte à Dieu de vous si vous faites ce que je vous dis ». Et après avoir entendu cette promesse, je me mis à croire en elle et je dis : « Donnez-moi votre parole en plaçant votre main dans la mienne ».

Summary

Summary

This article takes a fresh look at the numerous medieval laymen and clerics who took the monastic habit either late in life, or on the verge of death (conversion ad succurrendumj. This pattern of conversion seems to appear in the middle of the 11th century and to decline from the beginning of the 13th century on. Its initial success is far from self-evident, because the integration of new adult converts into the monastic community could be problematic. Their arrival could not only jeopardize the stability of the community, but the juridical status of adult converts was also quite complex. Why then was this new pattern of conversion so successful? This article argues that a continuum existed, during the 11th and 12th century, between adult conversion and the practice of establishing friendship bonds between monasteries and the nobility. Lay donors were expected to offer gifts to monasteries in order to establish and confirm their friendship; to convert oneself was considered as the ultimate gift, of both body and belongings. The mechanism of late conversion can be observed in charters, theological debate about conversion and gift giving and changes in the rituals of entrance into religious life.

Type
Conversions Religieuses
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1999

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References

* Je tiens à remercier Michel Lauwers et Dominique logna-Prat pour leurs précieuses remarques.

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4. L'article fondateur sur la question est celui de H. Grundmann, « Adelsbekehrungen in Hochmittelalter. Conversi und Nutriti in Kloster », dans Adel und Kirche (Mélanges Gerd Tellenbach), Fribourg-Bâle-Vienne, 1968, pp. 325-345 (= id., Ausgewählte Aufsätze, Munich, 1976, t. 1, pp. 126-149).

5. La bibliographie sur le convers est abondante car son apparition a fait l'objet d'une importante polémique. Le latin conversus désigne en effet à la fois des moines entrés au monastère à l'âge adulte et des religieux tournés vers les tâches matérielles et qui bénéficient d'un statut inférieur à celui de moine. Nous adopterons pour le premier type de conversus, « converti » et pour le deuxième « convers ». Historiographie récente de la controverse aujourd'hui largement résolue dans Toepfer, M., Die Konversen der Zisterzienser. Untersuchungen über ihren Beitrag zur mittelalterlichen Blüte des Ordens, Berlin, 1983.Google Scholar

6. Sur l'apparition de la semi-religiosité au 12e siècle nous nous permettons de renvoyer à De Miramon, C., Les donnés au Moyen Age. Une forme de vie religieuse laîque (vers 1180-vers 1500), Paris, 1999.Google Scholar

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8. L'expression sedula commemoratio inscriptorum utilisée par Orderic révèle bien cet amalgame. II existe une abondante bibliographie sur la memoria monastique principalement écrite par les membres de « l'école » de Munster dont les chefs de file sont Karl Schmid, Joachim Wollasch et Otto Gerhard Oexle. Introduction à l'historiographie allemande récente : J. Wollasch, « Les moines et la mémoire des morts », dans Iogna-Prat, D., Picard, J.-C. (éds), Religion et culture autour de l'an mil, Paris, 1990, pp. 4754 Google Scholar et l'important travail de Lauwers, M., La mémoire des ancâtres, le souci des morts. Morts, rites et société au Moyen Age (diocèse de Liège, XIe-XIIIe siècles), Paris, 1997.Google Scholar

9. La matricule des moines du Bee, Porée (éd.), Histoire de l'abbaye du Bee, Évreux, 1901, t. 1, pp. 629-642, est ainsi un document exceptionnel.

10. Pour une présentation des principaux résultats de l'historiographie récente sur Cluny aux 11e-12e siècles : Iogna-Prat, D., Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l'hérésie, au judaîsme et à l'islam (1000-1150), Paris, 1998 Google Scholar, chap. 2. Je n'ai pas pu consulter I. cochelin, Enfants, jeunes, vieux au monastere : la perception du cycle de la vie dans les sources clunisiennes (909-1156), thèse, Montréal, 1996, 2 vols dactyl.

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13. D. Poeck, art. cité, pp. 122 et 152.

14. Wollasch, Cependant J., « Hugues Ier abbé de Cluny et la mémoire des morts », dans Le gouvernement d'Hugues de Semur à Cluny, Cluny, 1990, pp. 7592 Google Scholar avance une autre explication. L'extension en 1097 du privilège de Cluny d'enterrer les excommuniés aux dépendances du monastère réorienterait les flux des morts vers les cimetières des obédiences. Voir en général Kohnle, A., Abt Hugo von Cluny (1049-1109), Sigmaringen, 1993 Google Scholar.

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17. Sur l'importance de la conversion à l'âge adulte et en groupe familial pour le développement de Molesme et de Cîteaux, cf. Leclercq, J., « Saint Bernard et les débuts de l'ordre cistercien », Studia Monastica, 34, 1992, pp. 6377 Google Scholar.

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20. Voir le Novum Glossiarum Mediae Latinitatis s.v. « monacatus » et A. Tobler, E. Lommatzsch, Altfranzösiches Wörterbuch, s. v. « moniage » et « rendre ».

21. Voir aussi B. Delmaire, Le diocèse d'Arras de 1093 au milieu du XIVe siècle. Recherches sur la vie religieuse dans le nord de la France au Moyen Age, Arras, 1994, t. 1, pp. 217-229 qui ne distingue pas entre nourris et convertis.

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24. L'édition classique des différents codes médiévaux de droit canonique est celle de Friedberg, E. (éd.,) Corpus luris Canonici, Leipzig, 1879 Google Scholar [= réimpr. anast. Graz, 1959].

25. C. 27 q. 2 c. 19-21.

26. 1 Cor. 7.4. Le texte de la Vulgate est plus juridique : mulier sui corporis potestatem non habet sed vir, similiter autem et vir sui corporis potestatem non habet sed mulier. L'utilisation par Jerome de potestas renvoie au droit romain.

27. C. 27 q. 2 c. 24-25.

28. RUFINUS, Summa Decretorwn, ad C. 27 q. 2 c. 21, H. Singer (éd.), Paderborn, 1902 (= réimpr. anast., Aalen, 1963), p. 451. Voir aussi le dixième canon du concile d'Avranches de 1172, MANSI, Sacrorum conciliorum, t. 22, col. 136. La regie est fixée définitivement par X 3.32.4.

29. X 3.32.1, mais la jurisprudence est variable X 3.32.16,17.

30. X 3.32.7,14 et X 3.32.10.

31. X 3.32.9.

32. C. 17 q. 2 c. 1 et C. 33 q. 5 c. 2. II s'agit de deux décrétales d'Alexandre II († 1073). Les collections d'Yves de Chartres sont plus riches en textes sur la profession ad succurrendum que le Décret (voir pour une première approche C. M. Figueras, op. cit, p. 361).

33. X 3.31.13, Porrectum (11 Janvier 1199), O. Hageneder (éd.) et al, Die Register Innocenz’ III, t. 1, 1964, p. 757, n° 524.

34. C'est le destinataire indiqué par le registre d'Innocent III.

35. Une autre décrétale d'Innocent III (X 3.31.17, Sicut nobis) accorde à la profession la mâme importance pour résoudre le cas d'un clerc, chanoine régulier ad succurrendum qui recouvre la santé.

36. Les réformateurs sont évidemment contre ces accommodements, cf. par exemple Pierre Damien (M. Grandjean, op. cit., p. 86).

37. Orderic Vitalis, lib. 3, M. Chibnall (éd.), op. cit, t. 2, pp. 44-47.

38. Par exemple les cisterciens au 12e siècle donnent le droit à chaque monastère de recevoir deux laîcs avec leur femme à la sépulture ; ces laîcs sont nommés familiares mais les statuts n'indiquent pas s'ils sont reçus ad succurrendum, cf. C. De Miramon, op. cit, pp. 108-109.

39. Voir les textes rassemblés par C. M. Figueras, op. cit, pp. 361-362, auxquels il faut ajouter Consuetudines Beccenses (XIIIe siècle), dans Corpus Consuetudinum Monasticarum, t. 4, 1967, p. 208. Le coutumier le plus disert sur la conversion ad succurrendum est celui d'Hirsau (1083-89) (PL 150, col. 933-34).

40. Sur la polémique au Haut Moyen Age quant à savoir si un oblat peut quitter le monastère lorsqu'il devient adulte : M. De Jong, op. cit.

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42. Leclercq, J., « Une doctrine de vie monastique dans l'école du Bee », Spicilegium Beccense, 1, 1959, pp. 477488.Google Scholar

43. On trouve une formule identique dans la lettre sur la profession monastique d'un certain Boson dans lequel il faut vraisemblablement reconnaïtre l'abbé du Bee mort en 1136, Rochais, H. (éd.), « Textes anciens sur la discipline monastique », Revue Mabillon, 43, [1953], pp. 4147.Google Scholar

44. Le rapprochement de l'aumône et de la miséricorde est classique. Les lexicographies médiévaux savent que le sens original du grec eleemosyna est miséricorde.

45. Tobie 12.9. L'auteur manipule le texte de la Vulgate qui dit que l'aumône « permet d'obtenir la vie éternelle et la miséricorde ». L'auteur cite aussi dans le même sens Tobie 4.10. Le texte latin de Tobie est largement différent des traductions actuelles fondées sur une version grecque inconnue de Jérôme. Sur la place de Tobie et son importance au Moyen Age : Boureau, A., Le droit de cuissage. La fabrication d'un mythe, XIIIe-XXe siècle, Paris, 1995, pp. 193199.Google Scholar

46. E. Martene, op. cit., pp. 70-71. La distinction entre l'ermite qui se donne se et qui peut done tester et le moine qui se remet se et sua au monastère et ne peut plus dès lors posséder se trouve aussi dans un dictum de Gratien (C. 19 q. 3 d. p. c. 8).

47. Wollasch, J., « Das Mönchsgeliibde als Opfer », Frühmittelaterliche Studien, 18, 1984, pp. 529545 Google Scholar. Sur la pensée d'Anselme de Cantorbéry sur l'état monastique, cf. Grandjean, M., Laîcs dans l'Église. Regards de Pierre Damien, Anselme de Cantorbéry, Yves de Chartres, Paris, 1994, p. 173 Google Scholar ss, qui n'insiste peut-être pas assez sur l'anéantissement de la volonté que constitue pour Anselme la soumission à la règie et à l'abbé.

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49. C. Brittain Bouchard, Sword, Miter and Cloister…, op. cit., pp. 168-169.

50. Bouchard, C. Brittain, Holy Entrepreneurs, Cistercian, Knights and Economic Exchange in Twelfth-Century Burgundy, Ithaca-Londres, 1991, p. 172.Google Scholar

51. C. Brittain Bouchard, Holy Entrepreneurs…, op. cit., pp. 87-93.

52. Nous rejoignons sur ce point l'analyse de Barthélemy, D., La société dans le comté de Vendôme, Paris, 1993, pp. 422439.Google Scholar

53. Un exemple de ce type de contrat pour l'abbaye cistercienne de Morimond dans C. Brittain Bouchard, Holy Entrepreneurs…, op. cit., p. 74.

54. McLaughlin, M., Consorting with Saints, Prayer for the Dead in Early Medieval France, Ithaca-Londres, 1994, p. 133 ss.Google Scholar

55. M. McLaughlin, op. cit., p. 265, tableaux 6 et 7, montre qu'au plus 20 % des donateurs exigent des moines des prières ou des privilèges (enterrement au monastère, prières, conversion ad succurrendum). De plus, 40 % de cette minorité formule sa demande de manière floue et exige « des prières » ou « une association aux prières ».

56. M. Lauwers, La mémoire des ancêtres. Le souci des marts…, op. cit., insiste au contraire sur la fonction mémorielle du culte des morts aux 11e et 12e siècles. II oppose deux types de memoria : des pratiques individualisantes qui établissent le culte d'une personne ou d'un lignage et l'invention d'une coutume qui lierait un groupe avec ses « ancêtres » (saint, ancestralité collective). La transformation du cimetière à l'époque féodale et son rôle dans l'encellulement refléterait ce deuxième type de memoria.

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58. On peut critiquer l'interprétation de H. B. Teunis, « Societas monachorum dans les cartulaires de Marmoutier. Étude sur les rapports entre moines et laîcs », dans N. Bouter (éd.), Les mouvances laîques, op. cit., pp. 241-248, qui voit la participation aux bénéfices spirituels au 11e siècle comme « négociée » entre le monastère et le laîc. Cette terminologie de « négotiation », mise à la mode par certains historiens anglo-saxons, renvoie aux postulats de la rationalité de l'agent dans les théories classiques de micro-économie. Qu'on le veuille ou non, le modèle de la micro-économie est complètement inadapté pour décrire les échanges féodaux.

59. ANSELMUS CANTUARIENSIS ARCHIEPISCOPI, Opera omnia, F. S. SCHMITT (éd.), Stuttgart, 1984, t. 4, p. 39 (165).

60. Brunner, O., Land und Herrschaft. Grundfragen der territorialen Verfassungsgeschichte Österreichs in Mittelalter, Vienne, (1939) 1965 Google Scholar (trad, angl., Land and Lordship. Structures of Governance in Medieval Austria, Philadelphie, 1992, pp. 18-19). La récente traduction anglaise propose une préface qui permet de replacer cet ouvrage classique dans son arrière plan idéologique : l’élaboration de la « science » nazie.

61. Nous préférons le terme de pacte à celui de parenté artiricielle ou fictive proposé par le découvreur de ces liens sociaux que fut J. Flach, Les origines de l'ancienne France, t. 3, voir Guerreau, A., Le féodalisme, un horizon théorique, Paris, 1980, pp. 5155 et 184-191Google Scholar. L'emploi du terme parenté artificielle laisserait supposer que ces liens se moulent sur ceux de la famille biologique.

62. Voir les exemples rassemblés par D. Barthélemy, La société…, op. cit., p. 430. Sur les fonctions sociales, politiques et religieuses de la commensalité : G. Althoff, « Der frieden-. bündnis- und gemeinschafsttiftende Charakter des Mahles im früheren Mittelalter», dans Bitsch, I., Ehlert, T., Von Etzdorff, X. (éds), Essen und Trinken in Mittelalter und Neuzeit. Sigmaringen, 1987, pp. 1325 Google Scholar, id. dans Flandrin, J.-L., Montanari, M. (dir.), Histoire de l'alimentation, Paris, 1996, pp. 305316 Google Scholar et Guerreau-Jalabert, A., « Aliments symboliques et symbolique de la table dans les romans arthuriens (XIIe-XIIIe siècles) », Annates ESC, 1992. n° 3, pp. 561594 (pp. 581-582)Google Scholar. Les coutumiers monastiques révèlent l'existence de « pots de l'amitié » offerts à la communaute à l'occasion de certaines fêtes liturgiques et dénommés caritates : Zimmermann, G., Ordensleben und Lebensstandard. Die Cura corporis in den Ordenvorschriften des abendldndischen Hochmittelalters, Munster, 1973, t. 1, p. 42 ssGoogle Scholar. A Cluny, l'aumônier doit offrir une caritas aux visiteurs dans l'hôtellerie (Liber Tramitis in Corpus Consuetudinum Monasticarum, t. 10, Siegburg, 1980, p. 206).

63. Statuta Capitulorum Generalium Ordinis Cisterciensis, a. 1175, s. 23 : Nihil guerantibus, vel nuptias contrahentibus, vel festiva convivia facientibus detur, qui hoc trangressus fuerii tribus diebus sit in pane et aqua, J.-M. Canivez (éd.), Louvain, 1933-1941, t. 1, p. 84. Je ne suis pas certain de bien comprendre guerantibus.

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65. La formule d'Amalaire, qui fut l'objet d'une polémique à l'époque car elle semblait dissoudre l'unité du corps sacramentel et historique du Christ, a néanmoins connu un très fort succès au Moyen Age, LUBAC, op. cit., p. 297.

66. Pour l'analyse de ces rituels, nous nous permettons de renvoyer à C. De Miramon, op. cit., pp. 66-68.

67. Cette conception de la communauté diffère de l'universitas inventée par le droit canon au 13e siècle. L'universitas survit alors même qu'elle n'a plus de membres, elle a une vie juridique autonome.

68. Actes de Philippe Ier , M. Prou (éd.), Paris, 1908, acte 12 (1061), p. 37. Analyse de l'institution du con-canonicat en Aragon au 12e siècle, cf. C. De Miramon, op. cit., pp. 78-96.

69. M. McLaughlin, op. cit., p. 87, citant Lalore, C. (éd.), Cartulaire de l'abbaye de la Chapelle-aux-Planches, chartes de Montiérender, de Saint-Étienne et de Toussaints de Châlons, d'Andecy, de Beaulieu et de Rethel, Paris-Troyes, 1878, Montiérender n° 57 (1088).Google Scholar

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72. C. Brittain Bouchard, Holy Entrepreneurs…, op. cit., p. 59 citant l'abbé Jobin, Saint Bernard et sa famille, Paris, 1891, pp. 603-604, n. 39.

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75. Ibid., pp. 87-89. Le converti devient par la suite prêtre. B. Barrière, op. cit., pp. 124-125 identifie ce personnage avec Étienne de Monceaux qui confirme vers 1148-1155 sa donation de Montredon au monastère, Cartulaire d'Obazine, B. Barrière (ed.), Clermont-Ferrand, 1989, acte 51. Cependant l'acte ne mentionne pas la conversion familiale. Le cartulaire présente d'autres actes de conversion familiale : acte 61 (1143-1153) ; acte 30 (vers 1140) et acte 103 (1150-1159).

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78. Le modèle est Job 1.20. L'expression de l'abandon des insignes militaires (deponere cingulum militiae) n'est ni féodale, ni même carolingienne ; on la trouve déjà dans le douzième canon de Nicée I (éd. J. Alberigo et al., Conciliorum Oecumenicorum Decreta, Bologne, 1973, p. 11). Elle a done souvent la valeur dans les sources d'une fleur de rhétorique sans nécessairement rendre compte d'un rituel chevaleresque ou proto-chevaleresque. Voir ainsi la tres littéraire charte (1079) ou l'évêque Gérard II de Cambrai décrit la fondation de l'abbaye d'Anchin ( Escalier, E.A. (éd.), L'abbaye d'Anchin, Lille, 1852, pp. 1718 Google Scholar).

79. Cf. les exemples présentés par D. Barthélémy, La mutation de l'an mil a-t-elle eu lieu ? Servage et chevalerie dans la France des Xe et XIe siecles, Paris, 1997, pp. 263-264.

80. HILDEMARUS, Commentarium in regulam S. Benedicti, R. Mittermüller (éd.), Rastisbonne, 1880, pp. 535-536

81. Nous nous écartons de D. Barthélemy, op. cit., qui analyse ces rituels comme des « désadoubements ».

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88. C. M. FIGUERAS, op. cit., p. 380 ss.

89. C'est du reste la critique essentielle d'Idung contre la conversion ad succurrendum.

90. G. Constable, op. cit., p. 788 ; C. M. Figueras, op. cit., p. 388. La cuculle est l'une des pièces du vêtement monastique la plus chargée de symbolique.

91. Cette opposition se transpose dans le champ de la spiritualité de l'état monastique. Pour certains (Pierre Damien) l'entrée au monastère est un nouveau baptême, pour d'autres (Anselme) le cloïtre est une école où Ton apprend par mimétisme un mode de vie très saint.

92. D. Osheim, op. cit., pp. 98-99.

93. Cf. le rituel de Saint-Évroult décrit supra. Le Liber Tramitis, coutumier clunisien de l'abbatiat d'Odilon († 1049), contient un chapitre particulier concernant l'office mortuaire des parents charnels d'un moine (op. cit., pp. 280-281).

94. Orderic Vitalis, op. cit., t. 3, p. 86.

95. Dubois, J., « Comment les moines du Moyen Age chantaient et goûtaient les Saintes Écritures », dans Riché, P., Lobrichon, G. (éds), Le Moyen Age et la Bible, Paris, 1984, pp. 261298.Google Scholar

96. G. Lobrichon, « Une nouveauté : les gloses de la Bible », ibid., pp. 95-114.

97. Sur les Giroie et Saint-Évroult voir l'introduction de M. Chibnall à son édition de l'Historia Ecclesiastica, t. 1, p. 6 ss.

98. Orderic écrit 80 ans après les faits et il reconstruit vraisemblablement la biographie de Robert selon un modèle du 12e siècle différent de celui du 11e siècle mais ceci a peu d'importance pour notre demonstration.

99. Orderic Vitalis, op. cit., t. 2, p. 40.

100. Néanmoins certains convertis tardifs se montraient peu enclins à s'occuper de l'administration du monastère qui les accueillaient: cf. Eadmer, Vita Anselmi, R. W. Southern (éd.), Oxford, 1962, pp. 74-77.

101. Orderic Vitalis, op. cit., pp. 64-66.

102. A la veille de sa mort, Robert d'Arbrissel se demande s'il vaut mieux choisir pour sa fondation de Fontevraud, une abbesse nourrie (virgo) ou convertie (laica conversa). Même si Marie a la meilleure part, il décide de choisir une Marine, car les nourries ne savent rien faire « sinon chanter le psautier » alors qu'une convertie saura gérer les affaires (exteriora) du monastère (André De Fontevrault, Vita altera [PL 162 col. 1060]). La deuxième Vie de Robert d'Arbrissel est commandée par la première abbesse Pétronille, une convertie deux fois mariée. On comprend dès lors le plaidoyer mis dans la bouche du saint (J. M. Bienvenu, « Les deux vita; de Robert d'Arbrissel », dans La littérature angevine médiévale, Maulévrier, 1981, pp. 63-72).

103. Southern, R. et Schmitt, F. S., Memorials of St. Anselm, Londres, 1969 Google Scholar, traduction complete de la similitude dans Entretiens spirituels de S. Anselme, Paris, 1924, pp. 84-85. Les convertis sont importants dans le monastère du Bee. Herluin, fondateur et premier abbé, est un converti tardif, les deux abbés suivants, Lanfranc et Anselme, sont des convertis jeunes.

104. Constable, G., « Famuli and conversi at Cluny. A note on statute 24 of Peter the Venerable », Revue benedictine, 83, 1973, pp. 326350.CrossRefGoogle Scholar

105. Corpus christianorum, Continuatio Mediaevalis, t. 8, p. 88.

106. Corpus Consuetudinum Monasticarum, t. 6, 1975, pp. 69-70.

107. Huygens, op. cit., p. 381. Saint Bernard a été relativement méfiant vis-à-vis des liens de confraternité, cf. C. de Miramon, op. cit., pp. 108-109.

108. Voir par exemple le cas de Gautier Map († 1210) dans C. De Miramon, op. cit., pp. 235-237. Nous aimerions reprendre plus en detail ce conflit dans un travail ultérieur.

109. Orderic Vitalis, op. cit, t. 3, pp. 180-182.

110. M. De Jong, op. cit., p. 205 ss.