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Crimes contre le marché, crimes contre Dieu

Le juste prix dans la Sicile du XVIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Riccardo Rosolino*
Affiliation:
Università di Napoli, l'Orientale

Résumé

En 1619-1620, l’une des plus importantes villes assujetties à la Couronne de Sicile pour la production et la commercialisation du blé (Corleone) devint le théâtre d’une campagne judiciaire contre l’usure. L’action du tribunal archiépiscopal de Monreale – qui instruisit les procès – porta au grand jour certaines pratiques de l’Ancien Régime relatives au crédit et, du même pas, finit par entamer une discussion sur les critères de définition du juste prix, qui impliquait l’équivalence dans l’échange. L’article traite du juste prix – un des éléments fondamentaux de l’architecture théologique et juridique de l’Ancien Régime – à travers une comparaison entre les avis de différents canonistes et juristes et une « perception locale » réélaborée grâce aux sources judiciaires. La justice commutative, inhérente à la sphère contractuelle, requérait une équivalence entre le prix et la valeur de l’objet mais, souvent, l’attribution d’une telle équivalence était confuse. L’ambiguïté qui émerge des sources judiciaires prouve à quel point peut être incertain le procédé de définition de la « juste mesure » et de la « marge » que l’on perdait ou que l’on récupérait selon les délais de paiement ou de remise de la marchandise. Le prix politique finit, autant que le prix du marché, par devenir une valeur indicative de référence dans un scénario riche et complexe.

Abstract

Abstract

Between 1619 and 1620, one of the most important of the Sicilian cities subject to the Crown for the production and trading of grain (Corleone), becomes the scene of a pressing judicial campaign against usury. The action of the archbishop court of Monreale – which celebrates trials – discloses the credit practices of the Old Regime, and at the same time ends up triggering a debate on the principles adopted for the definition of the just price, which implied equivalence in exchanges. The article deals with one of basic elements of the theological and juridical architecture of the Old Regime – the principle of the just price – comparing the debate between canonists and jurists with its “local perception”, reconstructed through the judicial sources. The commutative justice, concerning the contractual dimension, required the equivalence between the price and the value of goods, but often the process for identifying it was not clear. The ambiguity emerging from the judicial sources shows how difficult could be the process for identifying the “just measure” and the “surplus”, which could be gained or lost for the delay in the payment or in the delivery of the goods. Both the political price and the market price end up being only indicative values, reference values, in a rich and complex scenario.

Type
L’argent De l’impôt au marché
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2005

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References

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4- Les villes sur lesquelles l’archevêque de Monreale exerçait sa juridiction spirituelle et temporelle étaient Altofonte, Bisacquino, Bronte, Corleone, Giardinello, Jato, Montelpre, Piana degli Albanesi et San Martino delle Scale. La Couronne espagnole avait le droit de patronage sur l’archevêché : le roi disposait du pouvoir de nommer l’archevêque, ou plutôt de présenter la nomination du titulaire au pape. Voir Schirò, Giuseppe, Monreale. Territorio, popolo e prelati dai normanni ad oggi, Palerme, Augustinus, 1984.Google Scholar

5- Sur les neuf procès instruits par le tribunal archiépiscopal de Monreale entre 1619 et 1620, sept concernent des habitants de la ville de Corleone. À en juger d’après les sources, ces deux années constituent une parenthèse brève mais intense, durant laquelle l’action du tribunal contre les pratiques d’usure est particulièrement soutenue. Depuis le début du XVIIe siècle, deux autres procès pour usure avaient eu lieu, l’un en 1601 et l’autre en 1610. Après 1619-1620, le tribunal en instruisit un autre en 1623. À partir de cette date et jusqu’au milieu du siècle, ce type d’affaires disparaît des sources.

6- Il s’agissait de l’une des plus importantes places de l’île pour la production et le commerce du blé.

7- Boari, Marco, « Usura (dir. interm.) », in Enciclopedia del diritto, XLV, Milan, Giuffrè Editore, 1992, pp. 11351142.Google Scholar

8- Nous savons toutefois combien il est impropre, pour ne pas dire anachronique, de parler de marché au XVIIe siècle : des études récentes invitent à considérer l’économie d’Ancien Régime comme une pluralité de sphères, de circuits socialement différenciés. Voir Grenier, Jean-Yves, L’économie d’Ancien Régime. Un monde de l’échange et de l’incertitude, Paris, Albin Michel, 1996 Google Scholar. Dans cet important ouvrage, l’auteur a également souligné les limites de l’antinomie, théorisée par Karl Polanyi, entre économie de marché et économies sans marché, qui laisse de côté des économies comme celles de l’Europe préindustrielle, dans lesquelles « la notion de conjoncture des prix a un sens sans pour autant que les échanges [ou le marché] se comportent conformément à l’analyse néoclassique » (p. 10).

9- Elle n’est pas proprement identifiable à l’action du marché, comme l’a souligné Martinat, Monica, « Le blé du pape. Système annonaire et logiques économiques à Rome à l’époque moderne », Annales HSS, 55-1, 1999, pp. 219244 CrossRefGoogle Scholar, en particulier pp. 221-229 ; et ID., Le juste marché : le système annonaire romain aux XVIe et XVIIe siècles, Rome, École française de Rome, 2004.

10- Ago, Renata, Economia barocca. Mercato e istituzioni nella Roma barocca, Rome, Donzelli, 1998.Google Scholar

11- La bibliographie sur le crédit sous l’Ancien Régime est très vaste. Nous nous limitons à renvoyer à deux travaux récents : Fontaine, Laurence et alii (éd.), Des personnes aux institutions. Réseaux et culture du crédit du XVIe au XXe siècle en Europe, Louvain, Academia Bruylant, 1997 Google Scholar ; et Muldrew, Craig, The economy of obligation. The culture of credit and social relations in Early Modern England, Basingstoke, Macmillan, 1998.Google Scholar

12- Contrairement à ce que soutient Ago, Renata, « Gerarchia delle merci e meccanismi dello scambio a Roma nel primo Seicento », Quaderni storici, 96, 3, 1997, pp. 663683, ici pp. 676-679.Google Scholar

13- Celui-ci avait écrit : « Res tantum valet quantum vendi potest, sed communiter » (Accursius, Glossa ordinaria al Digesto, XXXV, 2, 63, cité par Roover, Raymond de, « The concept of just price: Theory and economic polity », The Journal of economic history, XVIII, 4, 1958, pp. 418434 CrossRefGoogle Scholar).

14- Vitoria s’efforça de transplanter la pensée thomiste à Salamanque et fit en sorte qu’elle devînt « la base des études dans le plus grand centre intellectuel du monde catholique » ( Villey, Michel, La formation de la pensée juridique moderne, Paris, Montchretien, 1975, pp. 341355, ici p. 344Google Scholar). Sur la pensée économique de l’école de Salamanque, voir Roover, Raymond de, « Scholastic economics: Survival and lasting influence from the sixteenth century to Adam Smith », Quarterly Journal of economics, 69, 2, 1955, pp. 161190 CrossRefGoogle Scholar ; ID., La pensée économique des scolastiques. Doctrines et méthodes, Montréal, Institut d’études médiévales, 1971 ; Grice-Hutchinson, Marjorie, Early economic thought in Spain, 1177-1740. Selected essays of Marjorie Grice-Hutchinson, Londres, Allen & Unwin, 1978 Google Scholar, chap. III ; ID., Economic thought in Spain. Selected essays of Marjorie Grice-Hutchinson, Aldershot, Edward Elgar, 1993, chap. I, II et VI ; García, José Barrientos, Un siglo de moral económica en Salamanca, Salamanque, Ediciones Universidad de Salamanca, 1985 Google Scholar ; Baeck, Louis, The Mediterranean tradition in economic thought, Londres-New York, Routledge, 1994, pp. 182208 CrossRefGoogle Scholar ; Camacho, Francisco Gómez, Economía y filosofía moral: La formacíon del pensamiento económico europeo en la Escolástica española, Madrid, Editorial Síntesis, 1998.Google Scholar

15- R. de Roover, « The concept of just price… », art. cit., p. 424.

16- Baeck, L., The Mediterranean tradition in economic thought…, op. cit., pp. 182183.Google Scholar

17- Schumpeter, Joseph A., Storia dell’analisi economica, I, Dai primordi al 1790, [1954] 1990, pp. 116122 Google Scholar, en particulier sur Molina et les derniers scolastiques, pp. 121-122.

18- Molina, Luis de, De justitia et jure, Cuenca, 1597 Google Scholar, cité dans Gómez Camacho, F., Economía y filosofía moral…, op. cit., pp. 143147, ici p. 203.Google Scholar

19- Discurso sobre el precio del trigo, publié en 1605, en partie reproduit dans Gricehutchinson, M., Economic thought in Spain…, op. cit., pp. 167168.Google Scholar

20- Soria, Melchor de, Tratado del la justificación y conveniencia de la tassa de el pan, Tolède, 1627 Google Scholar, cité par Camacho, F. Gómez, Economía y filosofía moral…, op. cit., pp. 178180.Google Scholar

21- R. de Roover, « The concept of just price… », art. cit., p. 425.

22- Mercado, Tomás de, De negotii et contratti de mercanti et de negotianti, trattato utilissimo non solamente a’ chi essercita la mercatura, ma ancora a Confessori, Predicatori, e lettori, nel quale con risolutione molto chiara, e compendiosa si tratta di Vendite, Compre, Cambi, usure e restitutione, Brescia, 1591, p. 70.Google Scholar

23- Coli, Romualdo, Trattati de cambi, dell’usura, de censi, del vendere a tempo, del comperare con la paga anticipata, Florence, 1623 Google Scholar (mais le Trattato del vendere a tempo, dont est tirée la citation, date de 1619), pp. 3, 6 et 23.

24- Baeck, L., The Mediterranean tradition in economic thought…, op. cit., p. 182.Google Scholar

25- Buoninsegni, Tommaso, Trattato de’ traffichi giusti et ordinarii […], Venise, 1591, p. 15.Google Scholar

26- Ibid.

27- Azpilcueta, Martín de, Manuale de’ confessori: nel quale si contiene la universale, e particolare decisione di tutti i dubbij, che nelle confessioni de’ peccati sogliono occorrere. Con cinque commentarii, cioè de’ cambij, dell’usure, della simonia, della difesa del prossimo, del Furto notabile, e una Questione della Irregolarità, Venise, 1584, pp. 603604.Google Scholar

28- Buoninsegni, T., Trattato de traffichi…, op. cit., p. 25v.Google Scholar

29- Razzi, Serafino, Cento casi di coscienza, Venise, 1585, pp. 1314.Google Scholar

30- de Mercado, T., De negotii et contratti…, op. cit., pp. 154155.Google Scholar

31- Ibid., p. 145.

32- Ibid., p. 154.

33- Ibid., p. 155.

34- Archivio storico diocesano di Monreale [ASDM], Carte processuali sciolte, carton 18, fasc. 4. Sur cette affaire judiciaire, voir Rosolino, Riccardo, «Un negozio non passabile in coscienza: Un caso giudiziario di usura a Corleone nel 1619 », Quaderni storici, 111, 3, 2002, pp. 581615.Google Scholar

35- On le déduit de son testament et de l’inventaire de sa succession : Archivio di Stato di Palermo [ASP], Notai defunti, 5a stanza, 1ra numerazione, vol. 1200 (notaire P. O. Barbara, minutes 1616-1620), ff. 301-310 ; ainsi que du rivelo présenté en 1624 par les tuteurs et curateurs des biens de Giuseppe Sarzana, l’héritier universel de don Paolo (ASP, Tribunale del real patrimonio, riveli, vol. 322, Parte prima, ff. 1-7).

36- ASP, Notai defunti, 5a stanza, 1ra umerazione, vol. 1434 (notaire G. P. Giudice, minutes 1602-1606), ff. 316-317v ; Ibid., vol. 1438 (notaire G. P. Giudice, minutes 1612- 1614), ff. 127-128 et f. 163v ; Ibid., vol. 1439 (notaire G. P. Giudice, minutes 1614-1616), ff. 105-106v.

37- En 1606, on note dans les comptes de la ville un paiement en sa faveur en tant qu’avocat : Archivo General de Simancas, Visitas de Italia, leg. 255-11 : Relaciones de los gastos de las Universidades del Reyno, Conillón, f. 60.

38- Il avait occupé cette charge en 1603 : ASP, Tribunale del real patrimonio, memoriali, vol. 465, ff. 93-94.

39- La première attestation de la participation de don Paolo Sarzana au conseil remonte à 1601. Lors de la séance du 21 octobre 1601, on élut les quarante personnes chargées de participer aux conseils qui, à partir de ce moment, se tiendraient dans la ville, soit vingt Gentilhomini, dix Ministrali et dix Borgesi, comme il en avait été par le passé (Archivio del Comune di Corleone, 1re série, Amministrazione, fasc. 7).

40- ASP, Notai defunti, 5a stanza, 1ra numerazione, vol. 1379 (notaire P. Bono, minutes 1618-1619), ff. 51-52.

41- Sarzana mourut le 29 janvier 1619, avant même que toutes les dépositions eussent été recueillies. Le procès se poursuivit dans les mois suivants, à la charge de ses héritiers et de sa succession : ASDM, Registri della Corte, vol. 149, ff. 226-227 et ff. 238v-239.

42- ASP, Notai defunti, 5a stanza, 1ra numerazione, vol. 1200 (notaire P. O. Barbara, minutes 1616-1620), ff. 301-310.

43- ASDM, Carte processuali sciolte, carton 18, fasc. 4, ff. 1-3v, 3v-5, 5-6v et 9-10.

44- Ibid., ff. 17v-19v, f. 20v, f. 26v, ff. 27v-28v, ff. 30-31 et f. 35v.

45- ASDM, Carte processuali sciolte, carton 18, fasc. 4, ff. 20-20v.

46- Une salma équivaut à 222-224 kg.

47- En particulier, la meta devait régler les rapports commerciaux entre massari (producteurs) et marchands. C’était la valeur à laquelle les producteurs vendaient le blé aux marchands pour éteindre les dettes contractées pour les avances qu’ils avaient reçues. Sur cette institution et son fonctionnement, voir Cancila, Orazio, « Le mete del grano (1476-1824) », in ID., Impresa redditi mercato nella Sicilia moderna, Palerme, Palumbo, 1993, pp. 205233.Google Scholar

48- Dans le rivelo présenté en 1616, il déclarait un avoir net de 358 onze et 21 tarì : ASP, Tribunale del real patrimonio, riveli, vol. 318, Parte prima, ff. 133-135.

49- 1 onza équivalait à 2,5 écus. Elle se subdivisait en 30 tarì et 1 tarì, en 20 grani.

50- Razzi, S., Cento casi di coscienza…, op. cit., pp. 3334.Google Scholar

51- Il arrivait aussi souvent que, lorsque l’on se rendait chez un notaire pour définir un rapport juridique, soit par la volonté des deux contractants, soit à la demande de l’un d’eux, du fait de son pouvoir contractuel, quelques aspects ne fussent pas déterminés. Cela pouvait naturellement renvoyer au fait que l’obligation découlait d’un rapport économique et social asymétrique ; mais cela pouvait aussi dériver de la conviction des deux contractants que cette façon de régler leur relation juridique, ou plutôt de ne pas la régler en toutes ses parties, était une ressource, ou, en tout cas, qu’elle pouvait l’être en certaines circonstances. Il s’agit de l’une des conclusions principales du travail de R. AGO, Economia barocca…, op. cit., chap. III, V et VI.

52- de Azpilcueta, M., Manuale de’ confessori…, op. cit., pp. 346347 Google Scholar.

53- Clavero, Bartolomé, La grâce du don. Anthropologie catholique de l’économie moderne, Paris, Albin Michel, 1996 Google Scholar, a montré comment, au sein de la théologie morale catholique du Moyen Âge tardif et de l’époque moderne, la différence entre ce qui est usure et ce qui ne l’est pas, entre ce que l’on attend et reçoit en termes de reconnaissance pour une action de charité élargie et un acte illicite d’extorsion, constitue un « acte mental ». Les intentions des acteurs sont déterminantes pour établir ce qui est illicite : « L’usure est d’abord un fait mental, une conduite qui est essentiellement caractérisée par son intention. Attendre une contrepartie en vertu de l’amitié et de la gratitude est licite ; l’attendre non du bon grémais comme contre-prestation contractuelle est illicite » (p. 9).

54- Noonan, John Thomas, The scholastic analysis of usury, Cambridge, Harvard University Press, 1957, pp. 105112 Google Scholar ; Clavero, Bartolomé, Usura. Del uso económico de la religión en la historia, Madrid, Tecnos, 1984, pp. 6977.Google Scholar

55- Il s’agit en effet de l’un des piliers « de l’édifice du droit moderne ». L’autre conception possible du contrat est l’existence synàllagma : dans ce cas, le contrat naît de la cause objective du « déplacement de richesses » qui, selon la justice commutative, doit être corrigé par une contre-prestation ( Villey, M., La formation de la pensée juridique moderne…, op. cit., pp. 465469 Google Scholar).

56- Buoninsegni, T., Trattato de’ traffichi…, op. cit., p. 15vGoogle Scholar.

57- Azpilcueta, M. de, Manuale de’ confessori…, op. cit., p. 349 Google Scholar.

58- ASDM, Carte processuali sciolte, carton 514, fasc. 5.

59- Ibid., fasc. 4.

60- La salma était de 16 tumoli, le carico de 13 tumoli.

61- Soit près de 20% de moins que la meta. On retrouve les mêmes accusations dans la déposition de Filippo Graciano, lui aussi forgeron à Corleone.

62- Au procès contre Giorgio Trimalchi et Giuseppe Milazzo, un témoin précise que le charbon était vendu en espèces au prix de 7 tarì : ASDM, Carte processuali sciolte, carton 514, fasc. 4.

63- Lebras, Gabriel, « Concezioni economiche e sociali », in Postan, M. M., Rich, E. E. et Miller, E. (éd.), Storia economica di Cambridge, III, La città e la politica economica nel medioevo, Turin, Einaudi, 1977, pp. 639664 Google Scholar. Pour une étude de cas spécifique, voir Guenzi, Alberto, « La tutela del consumatore nell’Antico Regime. I “vittuali di prima necessità” a Bologne », in Prodi, P. (éd.), Disciplina dell’anima, disciplina del corpo e disciplina della società tra Medioevo ed Età moderna, Bologne, Società editrice il Mulino, 1994, pp. 733756 Google Scholar. En ce qui concerne la Sicile, la fixation des prix fut utilisée comme instrument de politique économique à partir des années 1320. En 1324, le roi Frédéric III disposait que parmi les obligations des Giurati figurait celle de fixer les prix de certains biens de grande consommation à travers l’imposition périodique de mete (voir Testa, Francesco, Capitula regni Siciliae, Palerme, 1741, I, p. 107 Google Scholar, chap. CXVI). Pertile, Antonio, Storia del diritto italiano, II, Storia del diritto privato, Bologne, A. Forni, 1966, p. 556 Google Scholar, n. 50, a souligné combien il était courant, « dans les terres italiennes – et cela jusqu’à nos jours pour les biens de première nécessité – que les autorités fixassent le prix des différentes denrées ; aucun vendeur ne pouvait dépasser ce prix, et les acheteurs devaient y satisfaire, pour autant qu’ils n’eussent pas négocié un prix plus bas ». En outre, A. Pertile citait une pragmatica sicilienne (4, tit. 61) de 1559, qui ordonnait, dans toutes les villes, la réunion du conseil, « certains jours déterminés », afin d’élire cinq « hommes intègres, qui, avec un ecclésiastique », devaient fixer « la meta des différentes denrées (blé, vin, huile, lin, etc.) ».

64- de Mercado, T., De negotii et contratti…, op. cit., p. 70.Google Scholar

65- La salma était de 16 tumoli.

66- ASDM, Carte processuali sciolte, carton 514, fasc. 5.

67- Alors que la meta était de 10 tarì et 8 grani par salma, il vendait habituellement 11 tarì et 14 grani un chargement.

68- On demandait régulièrement aux inculpés s’ils étaient au courant du fait que les marchandises qu’ils vendaient étaient réglementées par les administrateurs de la ville, et s’ils en connaissaient le prix légal.

69- Demercado, T., De negotii et contratti…, op. cit., pp. 152153.Google Scholar

70- Ibid., p. 153.

71- « […] le prix en espèces étant la règle et la mesure du prix à crédit » ( Coli, R., Trattato del vendere a tempo…, op. cit., pp. 78 Google Scholar).

72- Ibid., pp. 10-11.

73- Ibid., p. 11.

74- Le fils, Antonio Morgano, avait été absout : le procureur fiscal ne l’avait même pas interrogé.

75- ASDM, Carte processuali sciolte, en cours de classement, fiche 155.

76- Sur la conflictualité liée aux dynamiques du crédit et de l’usure, voir Allegra, Luciano, La città verticale. Usurai, mercanti e tessitori nella Chieri del Cinquecento, Milan, Franco Angeli, 1987 Google Scholar, chap. I et II, et C. Muldrew, The economy of obligation…, op. cit., IIIe partie.

77- Tous les témoins se réfèrent à des affaires conclues en 1618, quand le charbon avait des prix bien plus élevés.

78- L’usure constituait à la fois un délit ecclésiastique et un délit civil. Normalement, quand le ou les actes illicites avaient été prouvés, on procédait à la confiscation des biens, selon une disposition des Constitutions de Frédéric II. Dans quelques villes, on punissait le contrevenant aussi à la prison, aux travaux forcés, au bannissement ou à l’infamie ; ailleurs, par le paiement « du double ou du quadruple de l’usure perçue, ou bien d’une partie ou du total du capital prêté, avec l’adjonction dans quelques endroits d’une amende » ; dans d’autres villes encore, la peine consistait seulement en une amende (A. PERTILE, Storia del diritto italiano, op. cit., V, Storia del diritto penale, pp. 458- 463). L’historien du droit souligne aussi que les « jurisconsultes » enseignaient que « là où la loi n’avait pas imposé un châtiment particulier pour les usuriers, ils devaient être punis arbitrairement » (Ibid., p. 460). À cela s’ajoutaient les peines canoniques : l’excommunication et la restitution du bien mal acquis. L’usurier contre lequel avait été prononcée la sentence d’excommunication ne pouvait pas recevoir les sacrements ni entrer dans une église ; on lui refusait également la sépulture en terre consacrée (voir bras, Gabriel le, « La doctrine ecclésiastique de l’usure à l’époque classique (XIIe-XVe siècle) », in Dictionnaire de théologie catholique, XV-2, Paris, Librairie Letouzey & Ané, 1950 Google Scholar, coll. 2336-2372, ainsi que Benedetto, Maria Ada, « Usura (diritto intermedio) », in Novissimo digesto italiano, XX, Turin, Utet, 1975, pp. 371378 Google Scholar, et M. Boari, « Usura (dir. interm.) », art. cit.).

79- L’édit de Flores est cité dans deux procès se déroulant à Corleone, celui contre Giacomo Nicolosi et celui contre Luca Occhipinti (ASDM, Carte processuali sciolte, en cours de classement, fiches 353 et 354 : « Nous voulons que l’usure, tant abhorrée par les sacrés canons, qui s’appelle communément ver de l’âme et sangsue qui suce le sang des pauvres besogneux, ne soit tolérée en aucune façon dans notre diocèse, et ainsi, nous ordonnons que personne n’ose la commettre, de quelque sorte que ce soit, y compris l’usure appelée palliée, sous peine de 50 onze pour chaque usure commise, et le notaire encourra la même peine, chaque fois que l’acte est usuraire, et si le coupable a déjà été poursuivi pour ce délit, ou que le délit se produit une nouvelle fois, nous ordonnons que la peine soit doublée »).

80- ASDM, Registri della corte, vol. 151, f. 134.

81- Le Capitano était nommé par le roi et il administrait la justice criminelle.

82- ASDM, Carte processuali sciolte, en cours de classement, fiche 34.

83- Nous le savons grâce à sa déclaration au cours du procès instruit contre don Paolo Sarzana : ASDM, Carte processuali sciolte, carton 18, fasc. 4, ff. 26-26v.

84- G. Morgano et L. Occhipinti faisaient des affaires ensemble. Par exemple, en novembre 1621, ils vendirent de l’huile à la ville de Corleone : ASP, Notai Defunti, 5a stanza, 1ra numerazione, vol. 1440 (notaire G. P. Giudice, minutes 1620-1622), ff. 253-254.

85- Un cantaro équivalait à 79,3 kg.

86- O. Cancila, « Le mete del grano (1476-1824) », art. cit., pp. 206-207.

87- L’institution de la meta était née de la « nécessité de moraliser un système de crédit anarchique et considéré comme inacceptable par les principales forces sociales interessées » ( Aymard, Maurice, « Il credito rurale in Sicilia in Età moderna », in Banche e banchieri in Sicilia, Palerme, Fondazione culturale Lauro Chiazzese, 1992, pp. 3758, ici p. 40Google Scholar).

88- Ou alla voce, comme elles étaient appelées dans le royaume de Naples voisin ( Macry, Paolo, « Ceto mercantile e azienda agricola nel regno di Napoli: Il contratto alla voce nel XVIII secolo », Quaderni storici, 21, 3, 1972, pp. 851909 Google Scholar).

89- Martín de Azpilcueta avait écrit, à propos de ce type de contrat : « Celui qui a acheté du blé, du vin, de l’huile […] avant que le fruit fût mûr, pour un prix moindre que la valeur espérée au moment de la récolte, parce qu’il en a payé le prix à l’avance, a commis une usure mortelle, comportant l’obligation de restituer. Ce n’est cependant pas le cas s’il l’a acheté à un prix honnête, plus bas en raison du risque, conformément à la raison des risques à laquelle sont soumises ces choses, et non pas parce qu’il l’a payé à l’avance. Et il est indifférent que la chose acquise soit le blé de tel champ ou le vin de telle vigne, avec la possibilité de pouvoir la prendre d’un champ ou d’une vigne, ou d’un autre champ ou d’une autre vigne, […] pourvu qu’il paie le prix le plus conforme possible à ce qui est raisonnable, pour cette possibilité de prendre ce qu’il lui plaît » ( Azpilcueta, M. de, Manuale de’ confessori…, op. cit., p. 348 Google Scholar).

90- ASDM, Carte processuali sciolte, en cours de classement, fiche 354.

91- C’était Giacomo Morgano qui avait demandé que l’on procédât à son encontre : il avait déjà participé à deux procès, celui contre don Paolo Sarzana et celui contre Luca Occhipinti.

92- Comme dans le cas de Sarzana, les normes concernant l’usure se présentent comme une trame dense d’ordres disciplinaires. Cet acte, dans sa double dimension de délit et de péché, était sanctionné par le droit canon, le droit civil et les normes de la conscience concernant le for intérieur. Cf. Clavero, B., Usura…, op. cit., et ID., « Delito y pecado. Noción y escala de transgresiones », in Tomás y Valiente, F. et alii, Sexo barroco y otras transgresiones premodernas, Madrid, Alianza Editorial, 1990, pp. 5789.Google Scholar

93- Razzi, S., Cento casi di coscienza…, op. cit., pp. 3233.Google Scholar

94- Buoninsegni, T., Trattato de’ traffichi…, op. cit., p. 18.Google Scholar

95- de Azpilcueta, M., Manuale de’ confessori…, op. cit., pp. 348349.Google Scholar

96- Comme le soutient Buoninsegni, T., Trattato de’ traffichi…, op. cit., pp. 18v19 Google Scholar : « Si, dans cette habitude de vendre à crédit, le temps n’accroît pas le juste prix de la chose, cette vente est sans doute juste, parce qu’on ne vend pas plus cher en raison du temps, ce qui serait usuraire, mais la valeur de la chose est contenue dans les limites du juste prix. » Selon le dominicain R. Coli, Trattato del vendere a tempo…, op. cit., p. 8, parmi les docteurs, Buoninsegni est celui qui, plus que tout autre, s’efforce de sauver le contrat de vente à crédit.

97- Buoninsegni, T., Trattato de’ traffichi…, op. cit., p. 20.Google Scholar

98- Ibid., p. 25v.

99- Ibid., p. 26.

100- ASDM, Carte processuali sciolte, en cours de classement, fiche 353.

101- Coli, R., Trattato del vendere a tempo…, op. cit., p. 18.Google Scholar

102- de Azpilcueta, M., Manuale de’ confessori…, op. cit., p. 361 Google Scholar.

103- Razzi, S., Cento casi di coscienza…, op. cit., pp. 3334.Google Scholar

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105- Noonan, J. T., The scholastic analysis of ususry…, op. cit., pp. 4144 Google Scholar, cite un passage de D’Auxerre, Guillaume (1160-1229), Summa aurea in quatuor libros sententiarum, Paris, 1500, III, 21, f. 225vGoogle Scholar, dans lequel cette conception est exprimée clairement : « Celui-ci [l’usurier] agit contre la loi naturelle universelle, parce qu’il vend le temps, qui est commun à toutes les créatures. Augustin dit […] que chaque créature est obligée de faire don de soi ; le soleil est obligé de faire don de soi pour éclairer ; de même, la terre est obligée de faire don de tout ce qu’elle peut produire, et de même l’eau. Cependant, rien ne fait don de soi de façon aussi naturelle que le temps : qu’on le veuille ou non, les choses disposent du temps. Puisque donc l’usurier vend ce qui appartient nécessairement à toutes les créatures, il lèse toutes les créatures en général, même les pierres ; d’où il résulte que même si les hommes gardaient le silence contre les usuriers, les pierres crieraient, si elles le pouvaient ; et c’est l’une des raisons pour lesquelles l’Église poursuit les usuriers. D’où il dérive que c’est en particulier contre eux que Dieu dit : “Quand je reprendrai le temps – c’est-à-dire quand le temps sera entre mes mains, de sorte qu’un usurier ne pourra pas le vendre –, alors je jugerai selon la justice”. » Pour Guillaume d’Auxerre, donc, l’usure va contre le droit (ou la loi) naturel, elle est intrinsèquement mauvaise.

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