En 1247, avant la croisade, et jusqu’à sa mort en 1270, Louis IX fit recueillir les plaintes de ses sujets afin de réparer les torts de son administration. Pénitentielles, ces enquêtes étaient aussi des instruments de gouvernement, comme en attestent les enquêtes de restitution des usures juives. Les saisies générales des biens des créanciers juifs avaient rendu Louis IX coupable d’un recel d’autant plus peccamineux qu’il provenait d’une activité condamnée par l’Église et par le roi en personne : l’usure. Au nom de sa souveraineté sur ses juifs – les « juifs du roi » – et pour le salut de son âme, le roi entendit publiquement rendre à ses sujets ces biens mal acquis. La restitution des usures juives est une entreprise de conversion multiple : Louis IX ne restitue qu’une partie des biens des juifs et convertit le reste à un usage pieux, la croisade. En rendant, il transforme également en salut ses exactions et tourne à son avantage le rejet que pouvaient inspirer les créanciers juifs. Ces enquêtes incarnent donc un art de gouverner singulier, mêlant contrainte et consentement, souveraineté et scrupule religieux : le « moment saint Louis ».