Une économie politique critique de la science s’est récemment développée pour analyser le tournant néo-libéral qui la caractérise. Ce courant tend pourtant à négliger la longue durée de l’histoire économique des sciences qui permet de comprendre les évolutions récentes. Cet article montre, à travers l’étude de l’entreprise scientifique de Louis Pasteur, comment la question du partage de la valeur du travail scientifique se pose dès l’essor du capitalisme industriel au xixe siècle. Il étudie la manière dont Pasteur défend sa propriété scientifique, manifestant une forme de revendication sur le contrôle de ses découvertes. L’étude du lien entre le développement de la science industrielle et le capitalisme permet d’abord de comprendre la logique d’action au cœur de l’entreprise scientifique pasteurienne qui s’affirme dès le début de sa carrière, aux prises avec le capitalisme nordiste. Cette logique se renforce ensuite dans les années 1860, alors que la distinction entre science et industrie est formalisée sur le plan juridique. Elle est un moyen, pour Pasteur, de faire valoir sa propriété scientifique et ses droits, autant économiques que scientifiques, sur les fruits de son travail. Est enfin examinée la façon dont ces derniers sont réinvestis, soit pour créer une société commerciale, soit pour fonder l’Institut éponyme. L’entreprise pasteurienne apparaît ainsi comme un processus d’accumulation qui se nourrit de cette ambivalence créatrice.