L’article examine la relation entre le protestantisme et la culture moderne de la classe moyenne, un sujet de discussion déjà en vigueur, au début du XIXe siècle, chez les théologiens universitaires protestants allemands. Ces débats ont d’abord et avant tout porté sur la légitimité religieuse des Lumières et leurs conséquences politiques. Les confrontations qui ont suivi ont conduit à une politisation des conflits déjà existants entre luthériens et calvinistes. Au début du XIXe siècle, le protestantisme s’est ainsi divisé en deux camps hostiles: celui des représentants libéraux d’un «christianisme de la culture», et le camp conservateur, défendant l’ancienne foi ecclésiastique. L’article montre que ces controverses au sein du protestantisme ont joué un important rôle socio-politique en faveur du renforcement de l’opposition idéologique et de parti entre les libéraux et les conservateurs après 1848. De plus, est abordée la question du potentiel de rationalisation économique de la religiosité protestante, qui a été très discutée, notamment depuis les travaux de Max Weber et de Ernst Troeltsch, ainsi que celle des valeurs protestantes dans les domaines de la culture et des études. L’auteur situe la signification culturelle du protestantisme dans la «sémantique de l’intériorité» qui lui est propre. Cependant, l’intériorisation de l’expérience religieuse dans le protestantisme, estime-t-il, n’a pas débouché sur un détachement naïf du monde, mais plutôt sur une haute considération pour le monde extérieur («Weltfrömmigkeit»). Elle a produit une réévaluation du monde, en en faisant le lieu décisif de l’épreuve chrétienne, et ainsi apporté une contribution cruciale à la rationalisation des modes de vie protestants et à la régénération religieuse de la culture et de la connaissance («Bildungsreligion»).