Salāh al-Dīn, vainqueur des croisés en 1187 et souverain ayyoubide de l’Égypte et de la Syrie, fait depuis un siècle environ l’objet d’un travail d’héroïsation dans l’ensemble du monde arabe. En Palestine, ce mouvement a pris, dès le début du XXe siècle, une inflexion propre qui se traduit, entre autres, par des pratiques rituelles. Le pèlerinage de Nabī Mūsā (le prophète Moïse) est devenu l’occasion de célébrer la mémoire du grand héros de l’histoire musulmane. L’objet de cet article sera de décrire les pratiques et les discours qui lui sont consacrés. On s’attachera en particulier à analyser un mythe récent qui fait de Salāh al-Dīn l’inventeur des pèlerinages palestiniens. La figure du passé y cède la place au héros moderne du nationalisme arabe, porteur d’espérance pour une société en proie à la guerre et à la dispersion. Cependant, dans le même temps, la pratique du rituel du pèlerinage laisse transparaître ses limites : le héros, sans cesse sollicité et mis à l’épreuve, semble aujourd’hui fragilisé.