L’une des thématiques abordées au sixième congrès des francoromanistes (Frankoromanistentag), lequel s’est tenu en septembre 2008 à Augsbourg (Allemagne), s’intitulait Marqueurs de discours, connecteurs et mots modaux. Les participants à la séance correspondante s’étaient proposé de discuter l’état actuel de la recherche sur les marqueurs du discours en français. Leur objectif était double: il s’agissait, d’une part, de faire ressortir les problèmes de définition et, de l’autre, de présenter des analyses détaillées d’énoncés spécifiques se basant sur différentes perspectives de recherche. Le volume que voici est représentatif du large éventail des approches retenues et des domaines d’étude représentés lors du congrès. Il regroupe neuf contributions, dont huit en français et une seule en allemand, se divisant en trois volets thématiques, intitulés plus précisément Marqueurs discursifs (quatre études), Connecteurs (trois études) et Changement de fonction et polyfonctionnalité (deux études). Les trois volets sont précédés d’une introduction (11–25) où l’éditrice, Waltraud Weidenbusch, présente l’état actuel de la recherche portant sur les marqueurs de discours, les connecteurs et d’autres particules. Elle fournit en outre un aperçu des discussions terminologiques et définitionnelles qui font rage et s’attarde à des problèmes de classification et de délimitation. Elle explique les processus de changement linguistique à la base des marqueurs discursifs (désémantisation, grammaticalisation, pragmaticalisation) avant de présenter, dans une deuxième partie, les différents volets du volume ainsi que les diverses contributions.
Jörg Albrecht et René Métrich (29–54) ouvrent le volet Marqueurs discursifs avec une description du Wörterbuch deutscher Partikeln (WdP) de Métrich & Faucher (Reference Métrich and Faucher2009). Se servant de plusieurs entrées de ce dictionnaire, ils abordent des questions méthodologiques et se penchent notamment sur les problèmes que posent la classification et la traduction des marqueurs discursifs, et l’ambiguïté de certains exemples. Sascha Diwersy et Anke Grutschus (55–67) offrent une analyse lexicométrique du marqueur écoute(z) dans sa fonction métadiscursive de marqueur du discours rapporté. À l’aide de plusieurs occurrences tirées du corpus C-Oral Rom, il est montré qu’écoute(z) est plus marqué dans le discours indirect que dans le discours direct. Dans la seule contribution rédigée en allemand, Astrid Rothe (69–84) décrit les fonctions pragmatiques du marqueur genre à l’aide d’exemples tirés d’un corpus d’étudiants bilingues français-allemand, constitué par l’auteure elle-même. Rothe conclut que genre est un marqueur polyfonctionnel du langage oral, qui est d’ores et déjà entré dans le langage écrit. Quant à Daniela Pietrini (85–106), elle analyse les fonctions syntaxiques, discursives et interactionnelles des marqueurs discursifs dans un large corpus de bandes dessinées françaises.
Dans le volet consacré aux connecteurs, Henning Nølke (109–127) spécifie les problèmes inhérents à la construction d’une grammaire de cette catégorie grammaticale et évoque les solutions possibles. S’appuyant sur l’exemple de donc, il présente un schéma basé sur un syllogisme généralisé, qui peut aider à formaliser les fonctions des connecteurs pragmatiques et à opérationnaliser les analyses. Ulrich Detges (129–141) discute dans sa contribution les approches actuelles dans l’analyse du marqueur puisque. Il intègre, dans son analyse critique des premiers travaux en la matière, des approches théoriques plus récentes et se fonde, chemin faisant, sur des exemples tirés du Corpus d’Orléans et d’Élicop. Marion Carel (143–158), pour sa part, approche le connecteur mais de la perspective de la Théorie des Blocs Sémantiques. Elle propose une discussion critique des travaux de Ducrot (Reference Ducrot1972) et d’Anscombre & Ducrot (Reference Anscombre and Ducrot1977), et établit un nouveau schéma pour l’analyse des fonctions de mais.
Le volet intitulé Changement de fonction et polyfonctionnalité commence avec la contribution de Gerda Haßler (161–174) sur les adverbes apparemment, évidemment, visiblement, éventuellement et probablement dans la langue parlée aussi bien qu’écrite. L’auteure décrit à l’aide d’une analyse de corpus la désémantisation de ces adverbes épistémiques, qui peuvent devenir des marqueurs discursifs. La contribution de Christiane Maaß et Angela Schrott (175–191), qui clôt le volume, propose une nouvelle analyse de l’emploi des formes déictiques en tant que connecteurs et marqueurs discursifs, privilégiant le concept de polyfonctionnalité.
En raison de la complexité du sujet ainsi que des théories et des perspectives incluses, l’ouvrage souffre quelque peu de l’absence de fil conducteur et d’un manque de continuité au niveau de la structure interne. Ce point est encore renforcé par le fait que les trois volets et les contributions respectives varient beaucoup dans leur longueur et leur complexité et que la répartition des contributions n’est pas toujours transparente. Cependant, dans l’ensemble, le volume donne un très bon aperçu des tendances, des questions et des problèmes abordés dans la recherche récente sur les marqueurs discursifs, les connecteurs et les particules modales, encore que l’absence de volet consacré explicitement aux particules modales, auxquelles le titre de l’ouvrage fait pourtant allusion, laisse le lecteur quelque peu sur sa faim.