La chose la plus frappante pour qui traverse la mer intérieure et aborde à Kobe, c'est l'extrême amabilité, la grande courtoisie et la politesse innée avec lesquelles — contrairement à ce qui se passe dans d'autres ports — s'accomplissent les formalités d'inspection médicale, de débarquement et de douane. Cette grâce naturelle des habitants de l'Empire du Soleil Levant est le fruit d'une civilisation plus que deux fois millénaire qui, malgré les apports extérieurs, chinois, européens, etc. a néanmoins pu se déelopper indépendamment sur un sol libre, à l'abri des invasions barbares qui ont failli détruire à maintes reprises les civilisations chinoise, gréco-latine et hindoue. Malgré les énormes transformations qu'ont produit dans ce pays l'introduction du boudhisme au VIIe et au VIIIe siècle et, bien plus tard, au XIXe, l'adoption des méthodes scientifiques et techniques de l'Europe et de l'Amérique, il saute aux yeux, même de l'observateur non prévenu, que le Japon représente une unité historique culturelle et civilisatrice sui generis, assez différente de la plupart des pays européens aux frontières instables et arbitraires. Le Japonais qui a toujours su défendre son territoire contre les attaques étrangères, n'est cependant pas un peuple conquérant et colonisateur, tel que l'Anglo-Saxon et l'Espagnol, par exemple, et même si depuis quelque quarante ans — pour défendre et maintenir son indépendance et son développement naturels — les armées japonaises ont combattu sur le Yalu, le Peiho et dans les steppes de la Mandchourie, c'est leur propre pays que les Japonais aiment et c'est à lui qu'ils retournent toujours tôt ou tard.

Les Mémoires d'infirmières, les souvenirs de guerre de médecins ou brancardiers ne sont jamais dépourvus d'intérêt: on y retrouve amplifiées, modifiées, parfois sous un jour nouveau, ses propres émotions et angoisses des années cruelles, ou bien l'on vit avec l'auteur des heures d'inquiétude encore ignorées. Mais rares sont aujourd'hui ceux dont les souvenirs détaillés peuvent porter à la fois sur la guerre de 1870 et sur celle de 1914–1918, qui ont eu, comme le dit le Dr Flesch, le « tragique privilège ’ de prendre part pendant ces deux guerres à l'œuvre du Service de santé, d'abord — en 1870 — comme volontaire de la Croix-Rouge, membre d'une colonne sanitaire, puis en 1914–1918, comme chef d'une formation sanitaire du front et du service des étapes et enfin comme directeur d'un hôpital de campagne. Ces souvenirs, en quelque sorte ce « carnet de route », d'un médecin allemand présentent à ce titre une valeur toute particulière. La sincérité des sentiments qui y sont exprimés, ainsi que l'ampleur des connaissances historiques, administratives et médicales qui s'y font jour au cours de critiques des plus averties, quoique toujours bienveillantes, permettent d'en faire un véritable historique de l'organisation de la Croix-Rouge allemande, en même temps qu'un réquisitoire contre la guerre elle-même.