A. Le dénombrement et l’enquête. — Le dénombrement est le type du relevé direct; il consiste dans l’énumération de toutes les manifestations individuelles du phénomène étudié. Par extension, on considère se trouver encore dans le domaine du relevé direct quand toutes les unités répondant à une définition générale sont dénombrées, même lorsque certaines parties sont laissées en dehors; par exemple, lorsque dans un recensement industriel les investigations ne s’étendent pas aux régies de l’État, des provinces et des communes.

Les enquêtes sont des recherches offrant un caractère moins général que les travaux statistiques proprement dits. Elles ne visent pas à embrasser toutes les unités existantes, à les mesurer et à les dénombrer toutes. C’est à raison de ce caractère que l’enquête appartient au relevé indirect. On y a recours fréquemment pour des raisons tenant à l’économie de temps et d’argent.

La but que nous avions envisagé en entreprenant cette étude était d’établir l’évolution de la conjoncture économique luxembourgeoise et de la comparer à la conjoncture économique belge, avec laquelle elle a des affinités très étroites. Ce travail rétrospectif devait nous permettre de donner régulièrement, à l’avenir, quelques brefs aperçus concernant la situation au Luxembourg et de dire à nos lecteurs dans quelle mesure ils peuvent appliquer à l’associé économique de la Belgique ce que nous disons de celle-ci. L’objet primitif ainsi libellé n’a pas été perdu de vue; mais il est apparu que les diverses manifestations de la vie économique, en dehors de la sidérurgie, pouvaient être étudiées très sommairement et que toute l’attention devait être donnée à cette dernière. Elle domine, en effet, toute la situation économique du Luxembourg; d’autre part, dans le cadre de l’Union Économique, elle est presque aussi importante que la sidérurgie belge et joue donc un rôle important dans l’évolution de l’ensemble. C’est ce qui explique le titre principal.

L’Institut des Sciences Économiques a étudié l’an dernier le mouvement des chambres de compensation en Belgique dans l’espoir d’y trouver un indice intéressant du mouvement des affaires (I) Cet espoir était fondé sur les observations faites aux États-Unis. Les instituts de conjoncture américains ont, en effet, constaté que le mouvement des compensations entre banques était particulièrement sensible aux influences de la conjoncture économique et ils ont estimé qu’à la condition d’éliminer les compensations à New-York et dans d’autres grandes villes où elles sont dominées par des mouvements spéculatifs, on peut les ranger, comme les prix de gros, parmi les indices les plus significatifs du mouvement des affaires.

En Belgique, au contraire, l’étude du mouvement des chambres de compensation n’a pas abouti à des résultats concluants. Soit qu’on ait tenu compte du nombre des pièces ou du montant des sommes compensées, soit qu’on ait étudié les compensations dans l’ensemble de la Belgique ou à Bruxelles ou seulement hors Bruxelles, les courbes ne se sont pas révélées très caractéristiques, tout en correspondant dans l’ensemble à l’évolution générale.

Au cours du premier trimestre de 1932, un accident d’une portée considérable en matière financière, le krach Kreuger & Toll, a de nouveau ébranlé l’économie mondiale. En même temps, une politique économique étroitement nationaliste, de la part de nombreux états, restreint chaque jour davantage le commerce et la consommation; la fermeture de nombreux marchés nationaux aggrave sensiblement l’état de pléthore sur les marchés internationaux régulateurs et y enfonce constamment les prix. Le paradoxe de cette politique du sauve-qui-peut individuel, méconnaissant les fondements mêmes de la prospérité industrielle, réside précisément dans ce fait; elle ne cesse de déprimer les prix internationaux, de soumettre les industries exportatrices aux plus dures épreuves et d’accroître chaque jour l’écart de prix contre lequel on cherche à se protéger.

La baisse persistante des prix, spécialement des prix de gros, est, à notre avis, l’un des faits fondamentaux qui contribuent à maintenir le monde économique dans un état de dangereuse inactivité, dont les effets politiques se font déjà sentir un peu partout. On ne peut espérer de reprise tant que ce mouvement, qui dépasse en ampleur tout ce que l’histoire du XIXe siècle nous a légué, n’est pas arrêté. Une hausse serait même éminemment souhaitable. Il convient donc que nous examinions d’un peu près, dans cette introduction, les prix, la monnaie et le crédit.

A part une certaine reprise saisonnière dans quelques branches, il n’y avait, en mars, aucun symptôme d’amélioration dans la situation économique des Pays-Bas. Notamment le chômage a baissé dans l’industrie de la construction, mais il était encore en mars au-dessus ou légèrement au-dessous des pointes atteintes au cours de la plupart des hivers d’après-guerre. Les chiffres provisoires du chômage dans l’industrie textile ne sont plus aussi élevés qu’au commencement de l’hiver, mais comparativement à la situation de l’année passée à la même époque le chômage paraît néanmoins en fort accroissement.

Pour l’industrie métallurgique, l’amélioration saisonnière est à peine perceptible; elle est d’ailleurs peu marquée même en temps normal.