Hostname: page-component-8448b6f56d-mp689 Total loading time: 0 Render date: 2024-04-19T12:37:58.907Z Has data issue: false hasContentIssue false

La référence temporelle au futur dans les bulletins météo en France et au Québec : regard variationniste sur l'oral préparé

Published online by Cambridge University Press:  15 November 2016

Hélène Blondeau*
Affiliation:
University of Florida
Emmanuelle Labeau*
Affiliation:
Aston University
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Résumé

La distribution des variables utilisées pour l'expression de l'ultériorité a fait l'objet de nombreuses études, centrées sur l'oral conversationnel ou sur l’écrit. Cet article apporte un éclairage inédit sur la question en considérant les marqueurs du futur dans un contexte communicatif d'oral préparé (le bulletin météo télévisé), et dans une optique diatopique (comparaison d'un corpus français et d'un corpus québécois). L'analyse distributionnelle indique une distribution des variables spécifique au contexte discursif. Par ailleurs, l'analyse multivariée par Goldvarb X révèle une variation diatopique et l'influence de certains facteurs linguistiques, en particulier celui du type de verbe, de même que des contraintes particulières pour les deux communautés étudiées.

Abstract

The distribution of variants used to express future temporal reference has been the object of many studies, focused on conversational speech or on written data. This article sheds new light on the issue by studying future markers in a communicative setting which consists of prepared speech (the televised weather forecast) from a diatopic perspective (comparison of French and Québécois corpora). The distributional analysis points to a distribution of variants specific to this discursive setting. Furthermore, the Goldvarb X multivariate analysis reveals diatopic variation and the influence of some linguistic factors, most notably the type of verb, as well as the effect of constraints specific to the two speech communities under study.

Type
Articles
Copyright
© Canadian Linguistic Association/Association canadienne de linguistique 2016 

1. Introduction

L'usage de multiples formes verbales pour référer à un événement futur en français a déjà fait couler beaucoup d'encre. De nombreux travaux ont non seulement délimité les contextes d'usage de chaque variable tant au niveau linguistique que social (entre autres Söll Reference Söll1983, Emirkanian et Sankoff Reference Emirkanian and Sankoff1985, Jeanjean Reference Jeanjean1988, Halmøy Reference Halmøy1992, Vet Reference Vet1993, Bahloul et Waugh Reference Bahloul and Waugh1996, Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999), mais ils ont également discuté du remplacement potentiel du futur simple par le futur périphrastique en diachronie (Söll Reference Söll1983, Blondeau Reference Blondeau2006, Poplack et Dion Reference Poplack and Dion2009, Lindschouw Reference Lindschouw2010, Wagner et Sankoff Reference Wagner and Sankoff2011).

Les études de corpus se sont concentrées sur l’écrit et l'oral conversationnel; on gagnerait donc à examiner d'autres canaux et genres. Nous abordons ici une situation de communication d'oral préparé (ou d’écrit oralisé) mâtinée de potentielle improvisation, telle qu'elle se présente dans les bulletins météo télévisés.Footnote 1 De plus, alors que la plupart des travaux ont adopté l'approche sociolinguistique classique ancrée dans une communauté donnée, peu d’études ont comparé l'usage à l'aune de la variation diatopique. Dans cet article, nous souhaitons contribuer à combler cette lacune en comparant la même situation de communication en France et au Québec. Plus particulièrement, nous tenterons de répondre aux questions de recherche suivantes :

  1. (1) Quelles sont les contraintes linguistiques déterminant le choix des formes?

  2. (2) Parmi les facteurs extralinguistiques, la diatopie influence-t-elle la sélection des variables exprimant la référence au futur?

  3. (3) Peut-on établir un parallèle entre la variation dans l'oral préparé (ou l’écrit oralisé) des bulletins météo et dans les productions écrites ou orales spontanées?

Après un bref rappel de la problématique de la référence temporelle au futur (section 2), nous présenterons le corpus utilisé ainsi que la méthodologie adoptée (section 3). Les résultats d'analyses distributionnelles et multivariées seront détaillés (section 4) pour aboutir à une interprétation des données mettant en relation la situation observée dans les bulletins météo avec celle de l'oral spontané à l’échelle de la francophonie.

2. Problématique

Le français dispose de plusieurs formes verbales pour référer à des événements ultérieurs à l’énonciation : une forme synthétique (futur synthétique ou FS) (le futur simple), une forme analytique (futur analytique ou FA) (dite aussi futur proche ou futur périphrastique) et le présent à valeur de futur (P)Footnote 2. Nous allons considérer dans cette section leur origine et leurs contextes d'emploi tels qu'ils sont présentés dans les études existantes.

La forme synthétique (saurai) apparaît en latin vulgaire et se retrouve dans les plus anciens vestiges du français, comme l'illustre cet extrait des Serments de Strasbourg (842) :

  1. (1) Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun saluament, d'ist di in auant, in quant Deus sauir et podir me dunat, si saluarai eo cist meon fradre Karlo, et in adiudha et in cadhuna cosa si cum om per dreit son fradra saluar dist, in o quid il mi altresi fazet. Et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui meon uol cist meon fradre Karle in damno sit.

La forme analytique (vais savoir) émerge durant le passage de l'ancien au moyen français. Les spécialistes datent son apparition du 13e (Poplack Reference Poplack2001 : 415) ou du 14e siècle (Lindschouw Reference Lindschouw2010) ; la périphrase se diffuse indéniablement au 15e (Gougenheim Reference Gougenheim1971 : 98, Wilmet Reference Wilmet1970 : 191, Fleischman Reference Fleischman1982 : 82ss), et pénètre dans la langue polie et littéraire des 16e et 17e siècles, selon Fleischman (Reference Fleischman1982 : 82).

Le présent à valeur de futur est ancien, comme l'atteste sa mention dans les grammaires de la première période (1500–1699) étudiées par Poplack et Dion (Reference Poplack and Dion2009) :

Notez en passant que nous avons une façon de parler où nous mettons le présent de l'indicatif pour le futur, qui est il est demain fête, quel jour est-il demain, etc. (Oudin 1640 : 185, cité par Fournier Reference Fournier2001 : 4)

Ces attestations font certainement foi d'un emploi antérieur, compte tenu du décalage entre usage et enregistrement par les instances normatives. Si des exemples de ce délai sont patents en ce qui concerne plusieurs cas de réforme orthographique portant sur les terminaisons verbales,Footnote 3 des écarts du même type se manifestent dans le choix même de la morphologie verbale, comme le révèlent les travaux sur la compétition du conditionnel et de l'indicatif dans les constructions hypothétiques en si (LeBlanc Reference LeBlanc2011), ou sur la concurrence entre l'indicatif et le subjonctif dans les contextes appelant le subjonctif (Poplack, Lealess et Dion Reference Poplack, Lealess and Dion2013).

La variation dans l'expression du futur a attiré une attention considérable. C'est particulièrement le cas pour les variétés de français pratiquées en Amérique du Nord, notamment dans des données recueillies à Montréal (Emirkanian et Sankoff Reference Emirkanian and Sankoff1985, Zimmer Reference Zimmer1994, Blondeau Reference Blondeau2006, Wagner et Sankoff Reference Wagner and Sankoff2011), en Acadie (Chevalier Reference Chevalier1994, King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003, Comeau Reference Comeau2015), dans la région d'Ottawa-Hull (Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999) et à Québec (Deshaies et Laforge Reference Deshaies and Laforge1981). Plus généralement, les données conversationnelles ont été privilégiées par les études de variation dans l'expression du futur (Söll Reference Söll1983, Jeanjean Reference Jeanjean1988, Sundell Reference Sundell1991, Halmøy Reference Halmøy1992), ainsi que les données tirées de la presse écrite (*Footnote 4Lesage Reference Lesage1991, *Lesage et Gagnon Reference Lesage and Gagnon1992, Waugh et Bahloul Reference Waugh and Bahloul1996, Wales Reference Wales2002).

La plupart des études se sont centrées sur les nuances qui distinguent les formes synthétique et périphrastique. Alors qu'on a longtemps expliqué la différence en fonction d'une distinction temporelle—proximité pour le FA, éloignement pour le FS—face à l’événement futur, les études sur le français québécois ont montré que ce facteur ne jouait pas de rôle, mais qu'une série d'autres éléments contraignaient la variation. Le constat s'avère toutefois différent dans les études sur le français acadien, une variété réputée plus conservatrice (Comeau Reference Comeau2015). L'idée bien ancrée d'une différentiation temporelle entre un futur proche (FA) et un futur distant (FS) doit donc être soumise à l'analyse.

La distinction selon la distance temporelle remonte à la Grammaire de Port-Royal (1660) dans laquelle une correspondance avait été établie entre le Paulopost futurum grec et le FA. La forme périphrastique avait donc été baptisée futur prochain par l'Abbé Antonini dans ses Principes de la grammaire françoise, pratique et raisonnée (Reference Antonini1753). Le concept de proximité n'en perdure pas moins et il est toujours utilisé par Confais (Reference Confais1995), ou au moins invoqué sous une forme atténuée chez Fleischman (Reference Fleischman1982) ou Jeanjean (Reference Jeanjean1988). Un examen des recommandations des grammaires prescriptives s'étalant sur plus de cinq siècles (Poplack et Dion Reference Poplack and Dion2009) indique cependant une absence de consensus quant aux facteurs qui expliqueraient le choix d'une forme au détriment de l'autre.

Dans les études contemporaines de la référence au futur, la distinction entre le FS et le FA repose sur une variété de traits temporels, modaux, discursifs, grammaticaux et sociolinguistiques. On relève parmi les traits temporels : la distance temporelle (Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999, Poplack Reference Poplack2001, King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003, Blondeau Reference Blondeau2006), l'imminence (Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999, Poplack Reference Poplack2001, King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003), et la référence temporelle (Grimm Reference Grimm2010). Du côté modal, on a évoqué l'impact de la polarité négative sur l'emploi du FS (Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999, Poplack Reference Poplack2001, King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003, Blondeau Reference Blondeau2006, Grimm Reference Grimm2010), le rôle du degré de certitude attaché au procès verbal (King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003, Blondeau Reference Blondeau2006, Grimm Reference Grimm2010), et la présence d'indications de contingence, particulièrement marquée par si et quand (Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999, Poplack Reference Poplack2001, King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003, Blondeau Reference Blondeau2006, Grimm Reference Grimm2010). Parmi les facteurs discursifs, la présence de spécifications adverbiales (Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999, Poplack Reference Poplack2001, King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003, Blondeau Reference Blondeau2006, Grimm Reference Grimm2010), notamment de fréquence (Poplack Reference Poplack2001), a été jugée discriminante. D'un point de vue grammatical, des caractéristiques du sujet telles que la personne (Poplack et Turpin Reference Poplack and Turpin1999, Poplack Reference Poplack2001, King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003, Grimm Reference Grimm2010) et le nombre (Poplack Reference Poplack2001, Blondeau Reference Blondeau2006), ainsi que des caractéristiques du verbe (types de verbes, particulièrement les états – Poplack Reference Poplack2001) ont été mentionnées. Finalement, des facteurs stylistiques comme le niveau de formalité (Jeanjean Reference Jeanjean1988, Grimm Reference Grimm2010, Mougeon et al. Reference Mougeon, Nadasdi and Rehner2010) ou des facteurs sociaux (Blondeau Reference Blondeau2006; Grimm Reference Grimm2010; Blondeau et al. Reference Blondeau, Dion and Michel2014) semblent entrer en ligne de compte.

S'il est généralement accepté que le FA est en train de prendre le pas sur le FS, plusieurs variables paraissent maintenir ce dernier. La polarité semble la variable la plus remarquable, compte tenu de l'affinité entre le FS et la négation. En contextes positifs, la contingence favorise le FS (Blondeau Reference Blondeau2006).Footnote 5 Le FS est préféré dans le discours rétrospectif (Jeanjean Reference Jeanjean1988 : 236) :

  1. (2) Cette fois-ci ce sera une double faute

    Sur ce match la balle ne reviendra pas

    C'est Boris qui accélérera le premier et qui marquera le point

D'un point de vue sociolinguistique, le FS semble favorisé dans la langue surveillée et en relation avec des thèmes formels (Mougeon et al. Reference Mougeon, Nadasdi and Rehner2010). Par ailleurs, un déclin du FS paraît se manifester parmi les jeunes (Zimmer Reference Zimmer1994), ce qui montrerait un changement en cours au niveau communautaire.Footnote 6 Cependant, l'usage du FS semble se conserver, ou même augmenter chez certains locuteurs au fur et à mesure qu'ils vieillissent, ce qui pourrait indiquer, soit un retranchement face à la tendance communautaire, soit simplement un effet de gradation d’âge en lien avec une histoire sociolinguistique qui amènerait certains locuteurs à intégrer davantage les formes légitimes dans leur parler (Blondeau Reference Blondeau2006, Wagner et Sankoff Reference Wagner and Sankoff2011).

Par contre, la certitude présente certaines affinités avec le FA (King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003 : 330, Grimm Reference Grimm2010 : 87). Celui-ci se combine à la première personne (King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003 : 330, Grimm Reference Grimm2010 : 86) alors que le FS corrèle avec vous (Grimm Reference Grimm2010 : 86).

Les études qui incluent le présent à valeur de futur tendent à le rapprocher du FA et l'interprètent comme une garantie de la valeur de véracité de la proposition (Confais Reference Confais1995 : 397) et comme une indication de la confiance de l’émetteur dans la menée à bien du procès (Imbs Reference Imbs1968) puisque les conditions de réalisation sont déjà remplies au moment de la parole (Vet Reference Vet1993 : 75). Poplack et Turpin (Reference Poplack and Turpin1999) suggèrent que, vu l'appropriation des valeurs du FS par le FA, le présent à valeur de futur pourrait remplir les anciennes valeurs du FA en s'associant avec des adverbiaux temporels spécifiques.

3. Choix du corpus et méthodologie

Après ce bref survol de la problématique, nous présenterons dans cette section le corpus inédit sur lequel se base l’étude, avant de décrire la méthode d'analyse utilisée.

3.1 Le corpus

La présente étude se distingue des précédentes à la fois par la nature des données étudiées et par sa dimension diatopique. Elle compare en effet la référence au futur dans deux variétés de français en s'appuyant sur un corpus de bulletins météo diffusés à la télévision en France et au Québec.

L'examen d'un tel corpus présente plusieurs avantages. Tout d'abord, comme ces bulletins météo appartiennent au domaine public, il s'avère facile d'y accéder et de les recueillir. Par ailleurs, ce genre de données est diatopiquement comparable, puisque la formule du bulletin météo télévisé se retrouve dans les deux communautés francophones visées : cet événement de communication présente indubitablement des caractéristiques indépendantes de la géographie. Par ailleurs, le contexte référentiel particulier aux bulletins météo se prête bien à l’émergence de différentes formes du futur, puisque les présentateurs ont pour tâche principale de fournir des prévisions météorologiques impliquant par définition une référence temporelle à un moment postérieur. Enfin, ce type de données, se distinguant tant de l'oral spontané généralement recueilli en sociolinguistique que de l’écrit journalistique, élargit la prise en compte de la variation à de nouveaux contextes situationnels. En effet, bien qu'il puisse y avoir une certaine part d'improvisation, nous sommes en présence d'un oral préparé (ou d'un écrit oralisé), un genre de situation susceptible d'influencer la variation.

Le corpus analysé consiste en 24 bulletins météo télévisés : 12 bulletins de la France diffusés sur trois chaînes nationales (TF1, France 2 et France 3) et 12 bulletins du Québec diffusés sur la chaîne Radio-Canada. Le recueil des bulletins français s'est échelonné de la fin du mois de décembre 2011 au début janvier 2012, alors que celui des bulletins québécois a eu lieu durant la seconde moitié du mois de janvier 2012. Les bulletins ont ensuite été transcrits orthographiquement. Le corpus totalise près d'une heure d'enregistrement, pour un peu moins de 13 000 mots. Le bulletin québécois dure en moyenne 2 minutes 44 pour 608 mots (SD : 49,53), alors que le bulletin français moyen est long de 2 minutes 17 et compte 464 mots (SD : 224,62).Footnote 7 La plus grande homogénéité du corpus nord-américain s'explique par le fait que tous les bulletins sont des bulletins du soir, diffusés sur une même chaîne. Par contre, le corpus européen se compose de bulletins issus de trois chaînes et diffusés soit le midi, soit le soir.

Bien que la majorité des travaux antérieurs se soient centrés sur la paire FS/FA, nous avons opté, dans un premier temps, pour un relevé plus exhaustif de la référence temporelle au futur. En effet, il nous semblait crucial de relever l'ensemble des formes pour bien documenter le contexte situationnel à l’étude. En conséquence, l'inventaire des formes verbales comprend non seulement la forme synthétique (3) et la forme analytique (4) comme variantes de prédilection de l'oral spontané, mais aussi le présent (5) dans la mesure où l’énoncé réfère à un événement futur. Nous avons également choisi d'inclure dans l'analyse préliminaire le conditionnel, car il nous apparaissait comme une variante possible pour indiquer un événement futur (6). Cela dit, les conditions d’émergence des formes conditionnelles mériteraient un examen plus approfondi dans une étude ultérieure. Enfin, nous avons choisi d'extraire aussi les formes non verbales disponibles au répertoire des locuteurs (7).

  1. (3) voici maintenant les températures attendues cet après-midi elles seront en légère baisse, mais toujours douces pour la saison elles varieront de sept à seize degrés du Cantal jusqu’à l'extrême Sud du pays à Collions par exemple (France, FR2, Isabelle, F8)

  2. (4) ces précipitations vont commencer assez tard demain à peu près cinq à dix centimètres possibles ça va changer en pluie pour vendredi le matin il y aura du vent (Québec, RC, Pascal, Q2)

  3. (5) aux Îles de la Madeleine ça demeure très venteux demain matin avec des averses de neige (Québec, RC, Pascal, Q6)

  4. (6) il pourrait tomber cinq centimètres supplémentaires vendredi avec une chute des températures en Ontario sous forme de pluie mêlée de neige fondante vers Toronto les températures seront fortement à la baisse à partir de vendredi (Québec, R-C, Pascal, Q2)

  5. (7) beaucoup de vent au programme au cours des prochains jours à venir (France, FR2, Laurent, F4)

Ce relevé nous montre qu'en plus des trois tiroirs anticipés, on rencontre d'autres formes verbales marginales comme le subjonctif et le futur antérieur, mais surtout une proportion assez importante de références non verbales à l'avenir, de l'ordre de 20 pour cent dans le corpus de France et d'un peu moins dans les données du Québec, un aspect sur lequel nous reviendrons dans nos prochaines recherches. Par souci de comparabilité avec les études antérieures, nous nous concentrerons ici sur le FS, le FA et le P et écarterons les autres variantes des analyses quantitatives qui suivent.

Tableau 1: Description des 12 bulletins français

Tableau 2: Description des 12 bulletins québécois

3.2. Méthodes d'analyse

Les trois formes retenues pour l'analyse représentent un total de 515 occurrences dans l'ensemble du corpus France-Québec. Les analyses proposées sont de deux types. Dans un premier temps, une analyse distributionnelle montre comment les variantes se répartissent dans l'ensemble du corpus afin d'identifier les tendances générales, puis dans les deux variétés étudiées de manière à donner un premier aperçu de la variation diatopique.

Dans un deuxième temps, une analyse multivariée examine le poids relatif des facteurs influençant la variation dans l'emploi des formes verbales, pour permettre une comparaison avec les analyses antérieures. Pour ce faire, le contexte de chaque occurrence a fait l'objet d'un examen des facteurs d'influence potentielle sur la variation. Deux facteurs extralinguistiques sont examinés dans la présente analyse : la communauté et le genre. Quant aux six variables linguistiques retenues, elles comprennent la polarité, la distance temporelle et la présence adverbiale – facteurs abondamment discutés dans les études variationnistes antérieures – mais aussi le type de verbe, le type de sujet et la personne, qui pourraient éventuellement jouer un rôle dans l'explication de la variation.

L’étude quantitative est menée avec le logiciel Goldvarb X (Sankoff et al. Reference Sankoff, Tagliamonte and Smith2005) qui permet de dégager dans un premier temps la distribution des formes, puis de traiter les données selon une analyse multivariée (Tagliamonte Reference Tagliamonte2006). L'analyse multivariée identifie quels groupes de facteurs contraignent la variation. À l'intérieur d'un groupe de facteurs significatifs, les facteurs sont rangés les uns par rapport aux autres selon leur poids relatifs. Quant aux groupes de facteurs, on les hiérarchise à partir de la valeur de l’écart, ce qui permet de dégager l'ordre des contraintes sur la variation.Footnote 8 L'analyse permet donc de modéliser les différentes dimensions de la variation. Pour des raisons de comparabilité avec les études antérieures, nous présentons les résultats selon la valeur d'application du futur synthétique. Les tableaux qui présentent les résultats résument donc les groupes de facteurs qui contraignent le choix de cette forme verbale au détriment des deux autres.

Enfin, nous présentons deux sous-analyses selon la communauté québécoise ou française pour les comparer. Pour le sous-corpus du Québec, nous contrastons la tendance observée dans les bulletins météo avec les productions orales spontanées, puisque plusieurs études antérieures ont documenté cette variété, en particulier en français montréalais (Emirkanian et Sankoff Reference Emirkanian and Sankoff1985, Zimmer Reference Zimmer1994, Blondeau Reference Blondeau2006, Wagner et Sankoff Reference Wagner and Sankoff2011).

4. Résultats

Dans cette section, nous procèderons à une analyse distributionnelle des variantes avant de mener des analyses multivariées.

4.1 Analyse distributionnelle des variantes

La section qui s'ouvre présente les résultats d'une analyse distributionnelle des formes dans le corpus. Cette première analyse indique comment les variantes se répartissent dans l'ensemble des bulletins météo. Comme le montre la figure 1, le futur synthétique constitue la variante majoritaire, suivi du présent à valeur de futur puis du futur analytique. La distribution observée dans l'oral préparé que constitue le bulletin météo tranche avec l'oral spontané, d'une part par la nette prépondérance du futur synthétique, une variante considérée en régression à l'oral, et d'autre part par la faible place occupée par le futur analytique, une variante en progression dans le vernaculaire, particulièrement avancée au Québec. Par ailleurs, on peut s'étonner de la large part dévolue à la variante du présent à valeur de futur, une forme souvent négligée dans les analyses antérieures en raison de sa faible présence à l'oral (Blondeau Reference Blondeau2006, Wagner et Sankoff Reference Wagner and Sankoff2011).

Figure 1: Les trois variantes de la référence temporelle au futur dans le corpus des bulletins météo France-Québec

Si on examine maintenant les variantes pour chacune des communautés, la répartition générale se confirme, comme l'illustrent les résultats présentés à la figure 2.

Figure 2: Répartition des variantes de la référence temporelle au futur en France et au Québec

On constate d'abord qu'en France, le futur synthétique arrive largement en tête alors que les deux autres formes sont pratiquement au coude à coude. Au Québec, le futur synthétique se situe légèrement en tête de peloton, suivi du présent à valeur de futur puis du futur analytique. Nous verrons dans l'analyse multivariée ci-dessous dans quelle mesure ces différences sont significatives. Cette distribution se distingue de la situation de l'oral spontané québécois, réputé pour la rareté du futur synthétique, considéré en déclin dans la communauté. Par ailleurs, il faut constater la forte présence du présent en comparaison avec la faiblesse de sa représentation dans l'oral spontané, un trait qui explique son exclusion de plusieurs analyses variationnistes du français québécois (Blondeau Reference Blondeau2006, Wagner et Sankoff Reference Wagner and Sankoff2011). Il s'avère donc important de retenir cette forme pour l'analyse multivariée dans la prochaine section. Enfin, le fait que le futur analytique arrive bon dernier au Québec ne concorde pas avec l'avancée de cette forme dans l'oral spontané et l'hypothèse d'un changement en cours à l’échelle de la communauté.

En somme, bien que le futur simple et le futur périphrastique entrent en concurrence comme dans l'oral spontané, le bulletin météo laisse davantage de place à d'autres formes, notamment l'indicatif présent qui s'avérait une variante négligeable dans les études sur l'oral spontané. Ces différences forcent à s'interroger sur le contexte situationnel particulier au bulletin météo. En effet, son contexte communicationnel, impliquant nécessairement une référence implicite au futur, pourrait expliquer que le présent convienne bien à ce genre de discours. Comme l’événement de communication du bulletin météo réfère par nature à l'ultériorité, tant du point de vue de la production que de la perception, cela pourrait diminuer l'importance de la marque morphologique synthétique ou analytique sur le verbe, en quelque sorte redondante dans ce contexte.Footnote 9

Pour mieux cerner la situation, nous procédons dans la section suivante à une analyse variationniste multivariée en faisant intervenir différents groupes de facteurs susceptibles de contribuer à expliquer la variation observée dans le corpus analysé.

4.2 Analyses multivariées

Dans un premier temps, nous présentons les résultats d'une analyse multivariée sur l'ensemble des données du corpus France-Québec, pour ensuite nous pencher plus attentivement sur chacune des communautés. Les résultats de la première analyse multivariée figurent au tableau 3. Ces résultats sont présentés selon la variante d'application du futur synthétique pour faciliter la comparaison avec les études antérieures qui prennent souvent cette variante comme étalon de mesure. Les tableaux montrent les groupes de facteurs exerçant un effet significatif sur la variation. À l'intérieur de ces groupes, un facteur dont le poids relatif dépasse 0,5 favorise le choix de la variante d'application, en l'occurrence le futur synthétique, alors qu'un facteur obtenant un poids relatif inférieur à 0,5 la défavorise.

Tableau 3: Analyse multivariée des groupes de facteurs contribuant au choix du futur synthétique dans les bulletins météo France-Québec

Groupe de facteurs rejetés de l'analyse : polarité, distance temporelle, présence adverbiale, type de sujet, personne, genre

L'analyse des données indique que, des deux facteurs extralinguistiques considérés, la communauté et le genre, seul le premier a un effet. Ainsi, les bulletins météo français favorisent le futur synthétique alors que ceux du Québec en comparaison le défavorisent. Un effet diatopique entre donc en jeu. Il conviendra de vérifier si cette influence géographique se confirme en incluant d'autres communautés dans les analyses de la variation à l’échelle de la francophonie.Footnote 10 Par contre, rien n'est concluant du côté de la répartition homme / femme, puisque ce groupe de facteurs est rejeté du modèle statistique.

Du côté des contraintes linguistiques, le seul groupe de facteurs sélectionné par le modèle statistique concerne le type de verbe. Ce groupe de facteurs du type de verbe contraint la variation et obtient un écart de 38, ce qui le situe en première place dans la hiérarchie des contraintes linguistiques. Les verbes irréguliers favorisent le futur synthétique alors que les verbes réguliers le défavorisent. On peut interpréter ce résultat à la lumière de la tendance des verbes irréguliers à préférer des variantes conservatrices, comme cela a été observé pour d'autres variables sociolinguistiques se rattachant à la morphologie verbale, notamment la rétention de la morphologie du subjonctif (Poplack Reference Poplack2001) ou du passé simple (Labeau Reference Labeau2015).

Il convient maintenant de glisser quelques mots sur certains des groupes de facteurs écartés de l'analyse statistique, notamment la polarité, la distance temporelle et la présence adverbiale, aspects souvent discutés dans les sources traitant de la référence au futur. Tout d'abord, on ne constate pas d'effet de la distance temporelle face à l’événement futur, ceci confirmant la tendance de l'oral spontané contemporain. Cependant, en contraste avec les tendances observées dans l'oral spontané, on remarque l'absence d'effet de la polarité dans l'oral préparé des bulletins météo. Ceci pourrait étonner puisqu’à l'oral spontané, tant au Québec qu'en France, les énoncés négatifs favorisent la variante synthétique, ce contexte étant devenu en quelque sorte la chasse gardée de cette forme. Si on peut s'étonner de l'absence d'impact de la polarité, il faut néanmoins rester prudent, car les énoncés négatifs demeurent rares dans les données de ce corpus, les bulletins météo traitant davantage du temps qu'il fera et non de ce qui n'adviendra pas. Enfin, la présence d'un adverbe n'exerce pas d'influence sur le choix du futur synthétique. Dans l'analyse, ni l'effet du type de sujet ni celui de la personne ne sont sélectionnés.

Comme le facteur extralinguistique de la communauté influence significativement la variation pour l'ensemble des données, la scission du corpus en deux afin d'approfondir l'analyse se justifie. Nous présentons d'abord la situation dans les bulletins météo québécois, car cette variété a été étudiée en profondeur en ce qui a trait à l'oral spontané.

Le sous-corpus des bulletins météo québécois contient 327 occurrences. Les groupes de facteurs susceptibles de contraindre la variation dans ce sous-corpus ont fait l'objet d'une sous-analyse dont les résultats sont détaillés dans le tableau 4.

Tableau 4: Groupes de facteurs contraignant le choix du futur synthétique dans les bulletins météo québécois

-Groupes de facteurs rejetés de l'analyse : polarité

Parmi les facteurs linguistiques, on constate que le type de verbe contraint la variation de la manière la plus importante, l’écart pour ce groupe de facteurs atteignant 47. Cet effet va dans la même direction que la tendance identifiée dans l'analyse d'ensemble présentée ci-dessus. En outre, l'analyse révèle l'effet d'autres groupes de facteurs masqués dans l'analyse d'ensemble. Le second facteur sélectionné est le type de sujet. Les sujets pronominaux favorisent l'adoption du futur synthétique alors que les sujets nominaux la défavorisent. Par ailleurs, on remarque que la présence d'un adverbe encourage l'adoption de la forme synthétique, mais avec un écart moindre qui atteint 17. Quant à la distance temporelle dont l’écart s'élève à 17, elle exerce un effet sur la variation, les événements distants favorisant le choix de la forme synthétique, tandis que les éléments hodiernaux (à l'intérieur d'une période de 24 heures) et post-hodiernaux la défavorisent. Ce qui est remarquable, pour les données québécoises, est l'absence d'effet de la polarité sur la variation, puisque ce facteur était considéré comme crucial dans les études antérieures sur le français parlé au Québec.Footnote 12

À la lumière de ce tableau, des différences importantes entre l'oral spontané et l'oral préparé ressortent dans les données québécoises. La distance temporelle, non significative dans l'oral spontané, joue un rôle dans l'oral préparé, les événements à portée temporelle distante et indéterminée soutenant l'adoption de la forme synthétique. Ce résultat semble aller de pair avec la prescription des grammaires normatives. Enfin, l'absence de la polarité comme facteur significatif distingue l'oral préparé de l'oral spontané. En définitive, l'oral préparé se détacherait donc du vernaculaire local et l’événement de communication représenté dans les bulletins météo tendrait davantage vers la norme véhiculée par le français de référence.Footnote 13

Enfin, l'analyse décèle un effet de genre. Bien qu'on puisse imputer ce résultat à la tendance – déjà bien établie en sociolinguistique – des femmes à s'orienter davantage vers les variantes normatives, il faut le relativiser, étant donné qu'il n'y a qu'un seul individu dans chacune des catégories de genre dans le corpus québécois. Ce résultat pourrait simplement constituer un épiphénomène de la production idiosyncratique. Cette influence potentielle du genre serait à vérifier à partir d'un corpus de données québécois comportant davantage de locuteurs.

Il convient maintenant d'examiner les groupes de facteurs influençant la variation dans le sous-corpus des bulletins météo français, même si les études sur l'oral spontané en France sont beaucoup moins nombreuses. Il faut de surcroît se rappeler en examinant les résultats que cette analyse ne compte que 188 occurrences. Les résultats présentés au tableau 5 montrent que seulement deux groupes de facteurs exercent un effet significatif sur la variation.

Tableau 5: Facteurs contraignant le choix du futur synthétique dans les bulletins météo français

En ce qui concerne les contraintes linguistiques, on observe que le groupe de facteurs du type de verbe exerce un effet, alors que les autres facteurs sont écartés du modèle statistique. Cet effet va dans la même direction que dans l'analyse des données québécoises, dans lesquelles les verbes irréguliers favorisaient le futur synthétique.

Enfin, en ce qui a trait au facteur extralinguistique du genre, il est sélectionné par le modèle statistique, les journalistes météo masculins favorisant la variante synthétique. Signalons toutefois que cet effet s'exerce dans le sens contraire de ce qui avait été observé au Québec, un fait qui nous invite à la prudence dans l'interprétation des données, surtout vu le nombre limité de locuteurs en cause, qui pourrait laisser place à des effets idiosyncratiques.

5. Conclusion

Cette recherche s'est penchée sur la référence temporelle au futur en français, en élargissant l'analyse à des données d'un genre inédit, celui des bulletins météo, un événement de communication représentant un oral préparé (ou un écrit oralisé). Nos questions de recherche incluaient des contraintes sociales comme la diatopie et le genre, des contraintes linguistiques sur la sélection des variables exprimant la référence au futur ; nous reviendrons sur chacun de ces points. Par ailleurs, l'analyse de la distribution des formes porte à s'interroger sur l'effet du genre communicationnel de l'oral préparé et du type d’événement de communication.

Pour les contraintes extralinguistiques sur la variation, comme l'a montré l'analyse multivariée des données combinées de la France et du Québec, la diatopie influence la sélection des variantes exprimant la référence au futur, le futur synthétique étant plus fréquent en France qu'au Québec. Il y aurait lieu, afin d'approfondir cette dimension, d'inclure nos données provenant d'autres communautés francophones dans les recherches ultérieures. Le futur synthétique ressort comme le grand favori dans les deux communautés étudiées, suivi du présent, une variante souvent négligée dans les analyses, et du futur analytique qui arrive en dernier. Ceci tranche nettement avec la situation de l'oral spontané où le futur analytique gagne du terrain au détriment du futur synthétique. Le fait que la variante du présent soit aussi représentée montre également l'importance de ne pas négliger cette forme dans les analyses de la variation dans l'expression du futur en français contemporain. La prise en compte du groupe de facteurs lié au genre n'est pas aussi concluante, puisque non seulement cet effet ne se dégage pas de l'analyse d'ensemble, mais lorsqu'il est sélectionné dans les analyses sur les communautés individuelles, son effet va dans des directions opposées. Cette situation pourrait s'expliquer par le faible nombre de locuteurs que comportent les analyses communautaires.

Pour les contraintes linguistiques, l'effet du type de verbe s'avère très net. Par ailleurs, l'absence de l'effet de la polarité sur la variation, tant dans l'analyse d'ensemble que dans les analyses communautaires, étonne et démarque nettement l'oral spontané et l'oral préparé. Ceci nous amène à conclure que les bulletins météo se rapprochent davantage de la norme de référence et que, dans le genre de discours associé à cet événement de communication, le futur synthétique n'est pas uniquement la chasse gardée des énoncés négatifs, mais s'emploie de manière productive dans plusieurs autres contextes linguistiques. L'analyse du corpus a donc indiqué que l'expression de la référence temporelle au futur dans les bulletins météo diffère sensiblement de ce qui s'observe dans l'oral spontané, tant sur le plan de la distribution des variantes que sur celui des contraintes pesant sur la variation.

En somme, le français employé dans les bulletins météo se rapproche de la norme associée au français de référence en raison de la large présence du futur synthétique dans plusieurs contextes linguistiques, par exemple les 40 articles de presse écrite étudiés par Waugh et Bahloul (Reference Waugh and Bahloul1996) dans lesquels le FS domine largement (79 % des références au futur contre 21 % pour le FA). Ici, ce ne sont pas tant des facteurs sociaux qui motivent l'usage de cette forme, mais plutôt le registre, une dimension déjà explorée par Mougeon et al. (Reference Mougeon, Nadasdi and Rehner2010). Par ailleurs, le français des bulletins météo se distancie de l'oral spontané par la faible présence du futur analytique, en dépit du fait que la majorité des données traitent d'un futur relativement proche, un aspect qui devrait favoriser cette variante. Enfin, l'expression de la référence temporelle au futur dans les bulletins météo se démarque aussi par la forte représentation du présent, une forme souvent considérée périphérique. Nous interprétons ce résultat en fonction de la situation relative à un événement de communication dans lequel la référence temporelle au futur s'avère implicite, ce qui pourrait rendre redondante la marque morphologique verbale.

L'analyse du français des bulletins météo constitue un bon exemple de la prise en compte d'un autre genre de discours, en l'occurrence ici l'oral préparé, pour mieux comprendre la dynamique concurrentielle des formes verbales de l'expression temporelle du futur en français contemporain. À ce titre, il serait souhaitable dans les études ultérieures d'examiner d'autres genres, entre autres celui représenté par la communication médiée par ordinateurs (Starke Reference Starke2015), également marquée par l'hybridité des canaux oral et écrit (Labeau Reference Labeau2014, Blondeau et al. Reference Blondeau, Tremblay and Drouin2014). Notre analyse a bien montré la nécessité de se dégager d'une approche centrée principalement sur l'oral conversationnel et d'explorer de multiples genres discursifs pour l’étude de la variation avant de conclure à la mort éventuelle du futur synthétique dans le français d'aujourd'hui ou… du futur.

Footnotes

1 « Il ne suffit pas à mes yeux de réciter le texte préparé. Je veux comprendre et qu'on m'explique le pourquoi des choses. Un service spécial a été créé à l'usage des médias. On y obtient renseignements, précisions et synthèse, parce qu'on n'est pas crédible si l'on ne sait pas », affirme Alain Gillot-Pétré. […] Il a fallu que j'apprenne à être debout, à savoir quoi faire de mes mains, à improviser. Au début, ce n'était pas bon. J'ai tout réappris », raconte-t-il. (James Reference James2014)

2 FA : futur analytique; FS : futur synthétique; P : Présent à valeur de futur; SD : écart-type.

3 À titre d'exemple, la réforme orthographique qui consiste à écrire ai plutôt que oi, notamment pour les imparfaits (-ais, ait, -aient au lieu de -ois, -oit, -oient), a été préconisée par quelques grammairiens et auteurs au 17e siècle (Bérain, Milleran), puis au 18e (de Vallemont, Girard) mais elle a surtout été promue par Voltaire. En 1734, il orthographie Français et Anglais dans les Lettres philosophiques et, en 1752, dans Le siècle de Louis XIV, il orthographie les imparfaits en ai et non en oi. Il a argumenté régulièrement en faveur de ce changement qui rencontre de nombreuses oppositions, notamment celle de d'Alembert. La nouvelle orthographe se répand néanmoins dans les livres et est consacrée dans le Dictionnaire critique de Féraud en 1787. Les éditeurs Didot l'adoptent en 1798, mais l'Académie française ne la rendra officielle qu'en 1835 (Brunot Reference Brunot1966 : 961–963).

4 L'astérisque indique les études canadiennes.

5 Par exemple, dans le cas d'occurrences dont le contexte porte des marques d'incertitude face à l’événement futur, comme dans le cas de propositions introduites par si ou par quand ou des formulations comme peut-être ou on ne sait pas.

6 Mais voir, à l'opposé, la vitalité du FS dans le texto (Labeau Reference Labeau2014).

7 TF1 : 3'13, 629 mots (SD : 149,46); FR2 : 2'40, 552 mots (SD : 71,73); FR3 : 0'59 , 210 mots (SD : 22,99).

8 À l'intérieur d'un groupe de facteurs, l’écart se mesure à partir de la différence entre le facteur qui a le poids le plus élevé et celui qui a le poids le moins élevé, ce qui permet de hiérarchiser les groupes entre eux. Un groupe avec un écart élevé sera situé plus haut dans la hiérarchie des contraintes, alors qu'un groupe avec un écart plus faible occupera une place moindre.

9 Pareillement, la représentation du présent dans la référence au passé se retrouve dans de nombreux genres, notamment l'histoire (Labeau et Holyoak Reference Labeau and Holyoak2007).

10 Le corpus des bulletins météo (Labeau Reference Labeau2012) contient également des données pour la Suisse et la Belgique. Les premiers éléments d'une analyse combinant les quatre communautés francophones permettent d'entrevoir un effet diatopique s'appliquant aux quatre communautés (Labeau et Blondeau Reference Labeau and Blondeau2015).

11 Traduction française utilisée pour input. Cela correspond plus ou moins à la fréquence de la variante d'application.

12 Signalons cependant encore une fois qu'il y a peu d'occurrences à la forme négative. Par ailleurs, il faut noter que la polarité n'exerce pas d'effet en français acadien, une variété souvent jugée plus conservatrice, en matière de morphosyntaxe (King et Nadasdi Reference King and Nadasdi2003; Comeau Reference Comeau2015).

13 Cette tendance se manifeste dans le corpus de discours politiques étudiés par Labeau (Reference Labeau2008), où le passé simple est utilisé dans la communication orale préparée.

References

Références

Antonini, Annibale. 1753. Principes de la grammaire françoise, pratique et raisonnée. Paris : Duchesne.Google Scholar
Bahloul, Maher et Waugh, Linda. 1996. La différence entre le futur simple et le futur périphrastique dans le discours journalistique. Modèles Linguistiques 33 : 1936.Google Scholar
Blondeau, Hélène. 2006. La trajectoire de l'emploi du futur chez une cohorte de Montréalais francophones entre 1971 et 1975. Revue de l'Université de Moncton 37(2) : 7398.Google Scholar
Blondeau, Hélène, Dion, Nathalie et Michel, Zoe Ziliak. 2014. Future temporal reference in the bilingual repertoire of Anglo-Montrealers : A twin variable. International Journal of Bilingualism 18 : 674692.Google Scholar
Blondeau, Hélène, Tremblay, Mireille et Drouin, Patrick. 2014. Hybridité et variation dans les SMS : Le corpus Texto4Science et l'oralité en français montréalais. Revue canadienne de linguistique 59(1) : 137165.Google Scholar
Brunot, Ferdinand. 1966. Histoire de la langue française, Tome VI, 2e partie. Paris : Éditions Armand Colin.Google Scholar
Chevalier, Gisèle. 1994. L'emploi des formes du futur dans le parler acadien du sud-est du Nouveau-Brunswick. Dans Les Acadiens et leur(s) langue(s) : quand le français est minoritaire, sous la direction de Lise Dubois et Annette Boudreau, 7589. Moncton : CRLA, Université de Moncton.Google Scholar
Comeau, Philip. 2015. Vestiges from the grammaticalization path : The expression of future temporal reference in Acadian French. Journal of French Language Studies 25(3) : 339365.Google Scholar
Confais, Jean-Paul. 1995. Temps-mode-aspect : les approches des morphèmes verbaux et leurs problèmes à l'exemple du français et de l'allemand, 2e éd. revue et augmentée. Toulouse : Presses universitaires du Mirail.Google Scholar
Deshaies, Denise et Laforge, Ève. 1981. Le futur simple et le futur proche dans le français parlé. Langues et linguistique 7 : 2137.Google Scholar
Emirkanian, Louisette et Sankoff, David. 1985. Le futur simple et le futur périphrastique dans le français parlé. Actes du XVIIe congrès international de linguistique et philologie romanes – Morphosyntaxe des langues romanes. Vol. 4 : 397407.Google Scholar
Fleischman, Suzanne. 1982. The future in thought and language : Diachronic evidence from Romance. Cambridge : Cambridge University Press.Google Scholar
Fournier, Jean-Michel. 2001. L'analyse du présent dans les grammaires de l’âge classique. Cahiers Chronos 7 : 126.Google Scholar
Gougenheim, Georges. 1971. Études sur les périphrases verbales de la langue française. Paris : Nizet [1929].Google Scholar
Grimm, D. Rick. 2010. A real-time study of future temporal reference in spoken Ontarian French. University of Pennsylvania Working Papers in Linguistics 16 : 8392.Google Scholar
Halmøy, Odile. 1992. Futur en ra / futur en va : distribution en contexte. Dans Les langues menacées : Actes du XVe congrès international des linguistes, sous la direction d'André Crochetière, Jean-Claude Boulanger et Conrad Ouellon, 7578. Sainte-Foy : Les Presses de l'Université Laval.Google Scholar
Imbs, Paul. 1968. L'emploi des temps verbaux en français moderne : Essai de grammaire descriptive. Paris : Klincksieck.Google Scholar
James, Francis. 2014. Naissance d'une spécialité télévisuelle : la présentation de la météo. Disponible sur : http://industrie-culturelle.fr/industrie-culturelle/naissance-specialite-televisuelle-presentation-meteo/ (consulté le 8 janvier 2016).Google Scholar
Jeanjean, Colette. 1988. Le futur simple et le futur périphrastique en français parlé. Dans Grammaire et histoire de la grammaire. Hommage à la mémoire de Jean Stefanini, sous la direction de Claire Blanche-Benveniste, André Cheurel et Maurice Gross, 235257. Provence : L'Université de Provence.Google Scholar
King, Ruth et Nadasdi, Terry. 2003. Back to the future in Acadian French. Journal of French Language Studies 13(3) : 323337.Google Scholar
Labeau, Emmanuelle. 2008. « Il y a une éternité, il y a un siècle, il y a un an… À quoi sert le PS dans les discours de vœux? ». Dans Congrès Mondial de Linguistique Française - CMLF'08, sous la direction de Jacques Durand, Benoît Habert et Bernard Laks. Paris : Institut de Linguistique Française. Disponible en ligne : http://www.linguistiquefrancaise.org/index.php?option=article&access=standard&Itemid=129&url=/articles/cmlf/pdf/2008/01/cmlf08144.pdf.Google Scholar
Labeau, Emmanuelle. 2012. Time, tense and weather : Variation of temps in francophone weather bulletins. Communication présentée au colloque Regional Varieties, Language Shift and Linguistic Identities, Aston University, Birmingham.Google Scholar
Labeau, Emmanuelle. 2014. Quand l'analytique se fait synthétique : les formes verbales périphrastiques dans le texto, Studii de lingvistică 4 : 131144.Google Scholar
Labeau, Emmanuelle. 2015. Il était une fois le passé simple… Journal of French Language Studies 25(2) : 165187.Google Scholar
Labeau, Emmanuelle et Blondeau, Hélène. 2015. La référence temporelle au futur dans les bulletins météo : approche diatopique francophone. Communication présentée à la Conférence annuelle de l'Association for French Language Studies, Caen, France.Google Scholar
Labeau, Emmanuelle et Holyoak, Thomas. 2007. Le présent suffit-il à faire l'histoire ?. Revue Romane 42(1) : 1631.Google Scholar
LeBlanc, Carmen. 2011. Du conditionnel dans les propositions en si : Étude de la variation morphosyntaxique dans le français de la capitale nationale du Canada. Sarrebruck : Éditions universitaires européennes.Google Scholar
Lesage, René. 1991. Notes sur l'emploi du présent à valeur de futur dans les quotidiens québécois. Revue québécoise de linguistique théorique et appliquée 10 : 117131.Google Scholar
Lesage, René et Gagnon, Sylvie. 1992. Futur simple et futur périphrastique dans la presse québécoise. Dans Les langues menacées : Actes du XVe Congrès international des linguistes, sous la direction d'André Crochetière, Jean-Claude Boulanger et Conrad Ouellon, 367370. Sainte-Foy : Les Presses de l'Université Laval.Google Scholar
Lindschouw, Jan. 2010. Variation et évolution du futur synthétique et du futur analytique du moyen français au français moderne. Communication présentée au colloque Diachro-V, Lyon, France.Google Scholar
Mougeon, Raymond, Nadasdi, Terry et Rehner, Katherine. 2010. The sociolinguistic competence of immersion students. Toronto : Multilingual Matters.Google Scholar
Poplack, Shana. 2001. Variability, frequency and productivity in the irrealis domain of French. Dans Frequency and the emergence of linguistic structure, sous la direction de Joan Bybee et Paul Hopper, 405428. Amsterdam : John Benjamins.Google Scholar
Poplack, Shana et Dion, Nathalie. 2009. Prescription vs. praxis : The evolution of future reference in French. Language 85(3) : 557587.Google Scholar
Poplack, Shana et Turpin, Danielle. 1999. Does the future have a future in (Canadian) French? Probus 11(1) : 134164.Google Scholar
Poplack, Shana, Lealess, Allison et Dion, Nathalie. 2013. The evolving grammar of the French subjunctive. Probus 25(1) : 139195.Google Scholar
Sankoff, David, Tagliamonte, Sali et Smith, Eric. 2005. Goldvarb X : A variable rule application for Macintosh and Windows http://recombcg.uottawa.ca/lab/software.html.Google Scholar
Söll, Ludwig. 1983. De la concurrence du futur simple et du futur proche en français moderne. Dans Études de grammaire française descriptive, sous la direction de Franz-Josef Hausmann, 1624. Heidelberg : Julius Groos Verlag.Google Scholar
Starke, Elizabeth. 2015. Caractéristiques du français non-standard – ce qu'on croit, et ce qu'on voit dans les données. Conférence plénière au colloque Association for French Language Studies, Caen, France.Google Scholar
Sundell, Lars-Goran. 1991. Le temps futur en français moderne. Uppsala : Acta Universitatis upsaliensis.Google Scholar
Tagliamonte, Sali A. 2006. Analysing sociolinguistic variation. Cambridge : Cambridge University Press.Google Scholar
Vet, Co. 1993. Conditions d'emploi et interprétation des temps futurs en français. Verbum 4 : Les aspects dans le discours narratif : 7184.Google Scholar
Wagner, Suzanne Evans et Sankoff, Gillian. 2011. Age grading in the Montréal French inflected future. Language Variation and Change 23(3) : 275313.Google Scholar
Wales, Mavis Lynn. 2002. The relative frequency of the synthetic and composite futures in the newspaper Ouest-France and some observations on distribution. Journal of French Language Studies 12(1) : 7393.Google Scholar
Waugh, Linda et Bahloul, Maher. 1996. La différence entre le futur simple et le futur périphrastique dans le discours journalistique. Modèles Linguistiques 17 : 1936.Google Scholar
Wilmet, Marc. 1970. Le système de l'indicatif en moyen français. Genève : Droz.Google Scholar
Zimmer, Dagmar. 1994. « Ça va tu marcher, ça marchera tu pas, je le sais pas » (71 : 15). Le futur simple et le futur périphrastique dans le français parlé à Montréal. Langues et linguistique 20 : 213226.Google Scholar
Figure 0

Tableau 1: Description des 12 bulletins français

Figure 1

Tableau 2: Description des 12 bulletins québécois

Figure 2

Figure 1: Les trois variantes de la référence temporelle au futur dans le corpus des bulletins météo France-Québec

Figure 3

Figure 2: Répartition des variantes de la référence temporelle au futur en France et au Québec

Figure 4

Tableau 3: Analyse multivariée des groupes de facteurs contribuant au choix du futur synthétique dans les bulletins météo France-Québec

Figure 5

Tableau 4: Groupes de facteurs contraignant le choix du futur synthétique dans les bulletins météo québécois

Figure 6

Tableau 5: Facteurs contraignant le choix du futur synthétique dans les bulletins météo français