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Les revendications politiques des Premières Nations du Canada : Le concept de nation comme outil contre-hégémonique

Published online by Cambridge University Press:  18 July 2014

Karine Gentelet
Affiliation:
Centre de recherche en droit public, Université de Montréal, C.P. 6128, succursale Centre-ville, Montréal (Québec) H3C 3J7, Karine.gentelet@umontreal.ca

Abstract

A determining factor in the evolution of their power relationship with the State was the fact that Native groups became conscious of their identity and collective power and that they defined their collective identity using the concept of “nation”. The federal positions have also changed on the question of Aboriginal collective rights and the State has modified certain principles in its policies. The Native groups have redefined their collective rights according to their needs and political objectives. With that concept, they have developed a form of counter-hegemony, releasing them from the domination of the State and enabling them to attain the political autonomy they are seeking.

Résumé

Le fait que les groupes autochtones aient pris conscience à un moment donné de leur identité et qu'ils l'aient définie à travers le concept de nation constitue un facteur déterminant dans l'évolution de leurs rapports de pouvoir avec l'État. Ils ont aussi redéfini ce concept en fonction de leurs besoins et objectifs politiques. Avec cette appropriation conceptuelle, ils ont alors développé un contre-pouvoir susceptible d'influencer les catégories de pensée du groupe dominant et de les mener vers une contre-hégémonie qui les libère de la tutelle de l'État et leur permette d'atteindre l'autonomie politique qu'ils recherchent.

Type
Dossier: Aboriginal Rights Issues / Questions de droits autochtones
Copyright
Copyright © Canadian Law and Society Association 2005

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References

2 Il est nécessaire de préciser que, bien que nous parlions dans cet article «des peuples autochtones» ou «des groupes autochtones», nous ne traitons pas du cas des Inuit, normalement inclus dans le terme «Autochtones». La situation des Inuit est un peu différente de celle des Amérindiens parce qu'ils se sont déjà fait reconnaître un territoire autonome en 1999 (le Nunavut) et qu'ils sont en voie d'en obtenir un autre (le Nunavik). Le cas des Inuit et de leurs revendications politiques représente ainsi une autre problématique. Pourtant il nous semblait important, malgré cette exclusion terminologique de continuer à employer l'expression «peuples autochtones» puisque c'est sous cette forme que les groupes amérindiens du Canada sont désignés le plus souvent, en dehors, bien entendu, de l'expression «Premières Nations»; expression que nous ne pouvions pas utiliser de façon usuelle et neutre pour désigner les Amérindiens puisque, comme nous le verrons plus loin, elle pourrait être un possible déclencheur de transformations dans les rapports de pouvoir entre les Amérindiens/Autochtones et l'État.

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17 Ibid. aux pp. 84–85.

18 Gramsci, supra note 6 aux pp. 366–67.

19 Gramsci, supra note 6.

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21 Ibid. à la p. 32.

22 Gramsci, supra note 6.

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25 Les textes de revendication analysés ont été produits par des organisations qui ont été présentes autant sur la scène canadienne que sur la scène internationale dans le premier tiers du 20e siècle pour la Ligue des Six-Nations et dans le dernier tiers en ce qui concerne l'Assemblée des Premières Nations, l'Union des Indiens du Nouveau-Brunswick et le Grand Conseil des Cris. L'analyse qui suit est donc dépendante des positions officielles citées et ne reflète pas nécessairement les positions de tous les groupes autochtones.

26 Afin de faire baisser la tension qui règne au sein des communautés autochtones partout à travers le Canada, le Premier Ministre conservateur, Brian Mulroney, annonce le 27 août 1991 la mise en place d'une commission d'enquête, la Commission Royale sur les peuples autochtones. La Commission Royale doit proposer des solutions aux problèmes qui existent depuis longtemps entre les Autochtones, le gouvernement et le reste de la société. Cette commission est composée de cinq membres autochtones et non-Autochtones, Allan Blakeney, Paul Chartrand, Viola Robinson, Mary Sillert et Bertha Wilson et, elle est coprésidée par Georges Erasmus et René Dussault. Le gouvernement espère ainsi mettre en place un élément clé dans son plan d'action pour les questions autochtones. De plus, il souligne que les travaux de cette commission appuyés par des audiences publiques menées à travers le Canada devront compléter la réforme constitutionnelle. (Canada, Commission Royale sur les peuples autochtones, Le mandat, Commission Royale sur les peuples autochtones: documents d'information générale, Ottawa, La Commission, 27 août 1991).Google Scholar

27 Si la scène internationale est intéressante dans cette perspective, c'est que les groupes autochtones s'en servent comme tribune pour dénoncer l'attitude du gouvernement fédéral par rapport à leurs droits de façon ponctuelle jusqu'au milieu du 20e siècle et plus formellement depuis la création du groupe de travail, en 1981. L'articulation des idées et les concepts utilisés dans les revendications constituent donc le reflet direct des conceptions politiques des groupes autochtones et permettent par ricochet de nous renseigner sur le statut revendiqué au Canada.

28 En 1981, l'O.N.U. met en place le Groupe de travail sur les populations autochtones. Depuis sa création, le Groupe de travail est devenu un véritable forum de discussion pour toutes les parties concernées par les questions autochtones (Anaya, James S., Indigenous Peoples in International Law, New York et Oxford, Oxford University Press, 1996).Google Scholar De plus, avec sa formule de travail qui sollicite les présentations, ce forum permet aux groupes autochtones de présenter leurs perceptions de leurs droits.

29 Représentation du Conseil des chefs des Six-Nations devant la Société des Nations à Genève.

30 Début des rondes de négociations constitutionnelles.

31 Rejet de l'Accord du Lac Meech qui prévoyait entre autres choses la reconnaissance du statut distinct du Québec suite au vote d'un député autochtone; Gouvernement du Canada, Guide de l'Accord constitutionnel du lac Meech, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1987.Google Scholar

32 Début des audiences publiques de la Commission royale d'enquête sur les Peuples autochtones.

33 Rejet par la population canadienne de l'Accord de Charlottetown qui prévoyait la reconnaissance des droits politiques des Autochtones; gouvernement du Canada, Projet de texte juridique pour l'entente de Charlottetown, octobre 1992.Google Scholar

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38 Présentation du rapport Penner; Canada, Chambre des Communes, Comité spécial sur l'autonomie politique des Indiens, L'autonomie politique des Indiens. Rapport du comité spécial, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1983 (Président: Penner, Keith).Google Scholar

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42 S.R.C. 1952, c. 149.

43 Ministère des Affaires indiennes, supra note 35.

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48 Dickason, supra note 41.

49 Qualifiée de «réveil amérindien».

50 En fait, le choix de cette expression fait suite à l'exclusion des groupes autochtones des rondes de négociations constitutionnelles précédant le rapatriement de la Constitution. Ces négociations devaient permettre d'enchâsser officiellement le fait que le Canada avait été fondé par deux nations: la France et l'Angleterre. De plus, il était aussi question d'examiner le statut politique du Québec. Voir Gentelet, supra note 45.

51 Non-publiées.

52 Texte manuscrit non publié de la présentation faite par David Ahenakew, représentant de l'Assemblée des Premières Nations en 1984 lors de la séance de travail estivale du Groupe de travail sur les populations autochtones (Commission des droits de l'homme et sous commission sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités, O.N.U. Genève).

53 Ce rapport contient les recommandations d'un comité d'experts sur les revendications territoriales globales et qui a été nommé afin de résoudre le problème de la lenteur des négociations territoriales globales. En effet, les groupes autochtones refusaient presque systématiquement les clauses d'extinction de leurs droits fonciers, prérequis à la signature d'entente, ce qui ralentissait le processus de négociation. Pour le comité d'experts, la bonne marche du processus de négociation repose en fait sur la reconnaissance des droits politiques des Autochtones. Ainsi donc, il reconnaissait l'existence des liens étroits entre les droits fonciers et les droits politiques, liens qui avaient toujours été niés par le gouvernement fédéral. Canada, Groupe d'étude de la politique des revendications globales, supra note 39.

54 Suite aux pressions des organisations autochtones concernant les clauses d'extinction des droits et l'élargissement des sujets de négociation à l'autonomie gouvernementale (Canada, Ministère des affaires indiennes et du Nord canadien, La politique des revendications territoriales globales, Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1987).Google Scholar

55 Gouvernement du Canada, supra note 31.

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57 Ovide Mercredi, Chef national; Anthony Mercredi, Grand Chef, Traité n° 8; Tobaonakwut Kinew, Grand Chef, Traité n° 3; E. (Dutch) Lerat, Chef régional, Saskatchewan; Chef Clarence T. Jules, Kamloops First Nation; Ghislain Picard, Chef régional, Québec/Labrador; Aînés: Rose Fox, Mary Lou Fox, Violet McGregor; Jean Shawana, dans CD-Rom, supra note 56, Ottawa, 93–11–05 138 Ovide Mercredi PG 1121).

58 Cette perspective n'est pas partagée par l'ensemble des groupes autochtones.

59 Canada, Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, supra note 35.

60 Calder c. Procureur général de la Colombie-Britannique [1973] R.C.S. 313

61 R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, 1103.

62 Canada, Chambre des Communes, supra note 38.

63 Canada, groupe d'étude de la politique des revendications globales, supra note 39.

64 Canada, Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, supra note 37.

65 Jenson, supra note 7.

67 Gramsci, supra note 6.

68 Winslow, supra note 44.

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75 Alfred, supra note 69.

76 Winslow, supra note 44.

77 Jenson, supra note 7.

78 Saganash, supra note 74.

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85 Les années 1920 et le début des années 1980.

86 Gramsci, supra note 6.

87 Cairns, Alan, Citizen plus: Aboriginal Peoples and the Canadian State, Vancouver, University of British Columbia Press, 2000.Google Scholar

89 Ibid. à la p. 138.

90 Canada, supra note 34.

91 Cairns, supra note 87.

92 Cairns, supra note 87 à la p. 135.

94 Cairns, supra note 87 à la p. 190.

95 Ibid. à la p. 158.

96 lbid. à la p. 213.

97 Ignatieff, Michael, La Révolution des droits, Montréal, Boréal, 2001.Google Scholar

98 Ibid. à la p. 108.

99 Supra note 97.

100 lbid. àla p. 78.

101 Ibid. à la p. 112.

102 Ibid.

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104 Ibid. à la p. 40.

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106 Perspective aussi partagée par Weinstock, supra note 103.

107 Cairns, supra note 87.

108 Ibid. à la p. 125.

109 Kymlicka, supra note 105.

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111 Winslow, supra note 44.