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Sur certaines formes de la propagande religieuse au XVIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Pierre Deyon*
Affiliation:
Université de Lille III

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L'extension rapide de la Réforme a été, chacun le sait, facilitée par l'utilisation intelligente des nouveaux moyens de communication. Avec audace, Luther et les autres réformateurs ont mis le livre, la gravure et la prédication au service de leurs idées et cette offensive multiforme semble, dans les deux premiers tiers du siècle, avoir pris l'Église catholique de vitesse. C'est ce décalage qui retiendra notre attention, peut-être nous aidera-t-il à mieux comprendre, en particulier à travers la chronique des affrontements religieux en France de 1561 à 1594, la signification spécifique des propagandes ennemies.

Summary

Summary

Luther frequently praised printing as a gift of God, and the protestant reformers skilfully used books, music and engraving in the service of their propaganda. The reissue of Max Geisberg's book gives us an opportunity of admiring the talent of the artists enrolled in the service of this offensive. The Catholic Church was initially caught unprepared ; it looked askance at translations of the holy books into the vernacular, and feared the widespread dissemination of theological debate. It was only later on that it developed an appropriate riposte of its own, but the history of the Parisian League does give us some idea of its effectiveness. It was around the meaning of the Eucharist that anathemas and polemics chiefly crystallized, and their opposition reflected two different conceptions of the relations between man and the divine and salvation.

Type
Religion et Société
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1981

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References

1 La première version de cette conférence a été présentée au colloque franco-polonais organisé par l'École des Hautes Études en Sciences Sociales en décembre 1978.

2 Febvre, L. et Martin, H. J. écrivent : « Au total sur quelque soixante-dix imprimeurs allemands étudiés par Goetze, quarante-cinq au moins sont au service de Luther… dans toute l'Allemagne face à la marée des écrits hostiles à l'Église catholique, les ouvrages dans lesquels est prise sa défense apparaissent bien rares » : L'apparition du livre, Paris, 1971, pp. 407408.Google Scholar

3 Cité par O. Clemen, Der Einfluss der lutherischen Reformation aufdem Buchdruck, 1939, p. 43 et dans le même sens : « C'est le plus grand et le plus extrême acte de la grâce divine par lequel se propage l'influence de l'évangile », cité par Elizabeth Eisenstein, d'après M. H. Black, dans « L'avènement de l'imprimerie et la Réforme », Annales ESC, n° 6, nov.-déc. 1971, p. 1356.

4 « Le seigneur se mit au travail pour son église, combattant son puissant adversaire non par le fer mais par l'imprimerie, l'écriture et la lecture… », extrait du Book of martyrsde John Foxe, cité par E. Eisenstein, art. cité, p. 1356.

5 L. Febvre et H. J. Martin, op. cit., p. 411.

6 E. Droz, « La propagande protestante par le psautier », dans Aspects de la propagande religieuse au XVIe siècle, « Travaux d'humanisme et de Renaissance », t. 28 ; voir aussi R. Kingdon, Patronage, piety and printing in the XVIth century, Festschrift F. G. Artz, Duke Univ., 1964 ; enfin, Moreau, G., « Un colporteur calviniste en 1563 », Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme français, Paris, janv.-mars 1972, pp. 331.Google Scholar

7 Voir R. Lebè Gue, La tragédie religieuse en France.1929, 555 p., en particulier pp. 289, 306, 368, 386.

8 Voir A. Blum, L'estampe satirique en France pendant les guerres de religion.1916, p. 210 ; et S. Lenient, La satire en France ou la littérature militante, 1866, p. 213.

9 Voir en particulier Von Campenhausen, H. F., « Die Bilderfrage in der Reformation », Zeitschrift fur Kirchengeschichte, 1957, LXVIII, pp. 96128.Google Scholar

10 Schnaider, Ch., Luther, poète et musicien. Genève, 1942, p. 25 Google Scholar : « Luther apparaît dans ses chorales comme le plus achevé, le plus heureux des poètes populaires allemands… cette prière luthérienne est un ornement liturgique d'une valeur sans égale, une nourriture de l'âme chrétienne qui chante et traduit ainsi spontanément sa vie profonde. »

11 Exode, XX, 4 : Deutéronome, IV, 15 et V, 8. Encore en 1545, il commente lui-même les caricatures de Cranach qui a illustré son pamphlet Contre la papauté de Rome fondée par le diable, E. Doumergue, Iconographie calvinienne, Lausanne, 1909, p. 103. Dans son admirable Martin Luther, R. H. Bainton écrit à ce sujet : « Die Kirche des Geistes ist notwendigerweise eine Sekte, die entweder ihre Reinheit durch Absonderung von der Gesellschaft zu wahren sucht oder trachten wird die welt durch die Herrschaft der Heiligen zu regieren », p. 227, trad. allemande, Gôttingen, 1967.

12 Geisberg, M., The German single leafwoodcut I500-1550(révisé et édité par Strauss, W. L.), New York, 1974, 4 vols.Google Scholar

13 Zschelletzschky, H., Die dreigottlosen Maler von Nùrnberg, SebaldBeham, BarthelBeham and G. Penez, Leipzig. 1975 Google Scholar ; Hutt, W., Deutsche Malerei und Graphik der frùhbùrgerlichen Révolution, Leipzig, 1973, 592 p.Google Scholar

14 Voir en particulier M. Geisberg, t. I, Barthel and Sebald Beham, pp. 202 et 204 ; t. II, Lucas Chranach le jeune, p. 618 ; t. III, Erhard Schoen, p. 1087 ; voir aussi John Grand Carteret, L'histoire, la vie, les moeurs par l'image, le pamphlet, le document, 1927.

15 Chronique lyonnaise de J. Guiraud, publiée par J. Tricou, 1929, pp. 143 à 158 ; De Saconay, G., Discours des premiers troubles advenus à Lyon avec l'apologie pour la ville de Lyon, contre le libelle faussement intitulé la juste et sainte défense de la ville de Lyon, Lyon, 1569.Google Scholar

16 De nombreux tableaux, généralement attribués à l'école de Brueghel, et représentant la prédication de saint Jean-Baptiste, à l'extérieur mais à proximité d'une ville, témoignent à leur façon de cette émotion et de cette curiosité.

17 Histoire générale des conciles, par Hefelé, C. I. et Leclercq, H., Paris, 1938,t. X Google Scholar, Lesdécrets du concile de Trente, par A. Michel, p. 11. En 1578 une bible française et catholique fut cependant autorisée en France.

18 Dickens, A. G., La Contre-Réforme, Paris, 1969, p. 116.Google Scholar E. Eisenstein rappelle dans l'article cité plus haut que « les bibles traduites en langue vulgaire étaient rarement autorisées par les autorités catholiques. Leur publication donnait souvent lieu à des persécutions et emprisonnements », pp. 1362-1363. Elle ajoute, citant un sermon de R. Pôle, « un cardinal catholique mettant les laïcs en garde contre la lecture de la Bible l'a dit en clair, vous ne devriez pas être vos propres maîtres ».

19 P. Batiffol, Histoire du bréviaire romain, Paris, 1893.

20 S. Hosius, Des sectes et hérésies de notre temps, traduit par J. DE Billy, 1564, p. 57 ; dans le même sens, C. DE Sainctes, Déclaration d'aucun athéisme de la doctrine de Calvin et Bèze contre les premiers fondements de la chrétienté, « je crains qu'on ne trouve mauvais que j'ai recherché la doctrine des calvinistes et que je l'ai mise en français et proposée au peuple ; qui pour la plupart sont incapables de telles difficultés ».

21 Natalie Z. Davis, Les cultures du peuple, 1979, pp. 21 et 344.

22 R. LebÈ Gue, op. cit., p. 58. L'ordonnance publiée à la fin de l'année par le gouverneur reproche aux chambres de rhétorique de susciter des discussions sur l'Écriture et de donner à plusieurs l'occasion de se pourvoir de bibles.

23 Destruction et saccagement exercés cruellement par le duc de Guise et sa cohorte en la ville de Wassy, le 1.3.1562 ; Discours entier de la persécution et cruauté exercées en la ville de Wassy, dans Archives curieuses de l'histoire de France, t. IV, 1835. Ces écrits s'inscrivent dans la tradition des grands martyrologes des Églises protestantes, ceux de Jean Crespin, de John Foxe, de Adrien van Haemstede. Tortorel et PÉ Rissin s'efforcent d'illustrer cette histoire des massacres dans leur recueil de gravures : Quarante tableaux ou histoires diverses qui sont mémorables touchant les guerres, massacres et troubles advenus en France en ces dernières années, Lyon, 1569.

24 De Sainctes, C., Discours sur le saccagement des églises catholiques par les hérétiques anciens et nouveaux calvinistes en l'an 1562, Verdun, 1562 Google Scholar ; Hervet, G., Discours sur ce que les pilleurs voleurs et brûleurs d'églises disent qu'ils n'en veulent qu'aux prêtres, Reims, 1562.Google Scholar

25 R. Versteganus, Theatrum…, première édition en 1587, plusieurs rééditions en 1588, 1591, 1592, une traduction française dès 1588, également à Anvers.

26 L. Desgraves, « Aspects des controverses entre catholiques et protestants dans le Sud-Ouest entre 1580 et 1630 », Annales du Midi, 1964, pp. 153-187.

27 Pallier, D., Recherches sur l'imprimerie à Paris pendant la Ligue, Paris, 1975.Google Scholar N. Z. Davis signale aussi que les Jésuites avaient utilisé très tôt une illustration d'images et de symboles standardisés pour fixer le sens de certains textes de dévotion. Elle cite en particulier les livrets du Jésuite Possevino, distribués gratuitement dans les rues de Lyon en 1561. N. Z. Davis, op. cit., p. 345.

28 A. Blum, op. cit., p. 246.

29 Ibid.pp. 125-126 ; et Thou, De, Histoire universelle, Londres, 1734, tome X, pp. 526527.Google Scholar

30 D. Pallier, op. cit., p. 164 : « Toutes ces images ne visent plus à une critique intellectuelle mais à provoquer l'émotion avec une brutalité saisissante. » Le recueil de P. de Lestoile est conservé à la BN, Réserve, La “ 6 .

31 Voir à ce sujet le livre de Deyon, Solange et Lottin, d'Alain, Les Casseurs d'images de l'été 1566, essai sur l'iconoclasme, Paris, Hachette, 1981, 255 p.Google Scholar

32 P. Chaunu, Le temps des réformes, 1975, p. 325 ; et J. AdhÉ Mar, L'imagerie populaire, Paris, 1968, chap. î.

33 A. Karlstadt, Von AbtuhungderBilder unddass kein Bettler unten den Christen sein sollen, 1522, édit. 1911 par H. Lietzmann. Dans le même sens, Viret, P., Le monde à l'empire et le monde démoniacle, Genève, 1561, p. 34 Google Scholar : « Je condamne les grands excès et dépenses qui ont été faites autour des idoles et le tort qu'on a fait à Jésus-Christ en délaissant ses pauvres membres mourir de faim. »

34 J. Calvin, Institution de la religion chrétienne, publié par J. D. Benoît, d'après l'édition établie et corrigée par Calvin en 1560, Livre I, chap. xi, p. 129 ; et à la p. 135 : « Du temps que la chrétienté était en sa vigueur et qu'il y avait plus grande pureté de doctrine, les temples des chrétiens ont été communément nets et exempts de telle souillure. » Viret, P. dans son Instruction chrétienne en la doctrine de la loi et de l'évangile, Genève, 1564, dit p. 328 Google Scholar : « L'invention des images est du diable et non de Dieu. »

35 Réponse au discours de G. Hervet sur ce que les pilleurs voleurs d'églises disent qu'ils n'en veulent qu ‘aux prêtres, par L. Micqueau de Reims, Lyon, 1564, p. 42 et p. 50 : « Nous montrons que la gloire de Dieu est souillée quand on veut la représenter en une pièce de bois… voilà le bel honneur que ces malheureux font à Jésus-Christ et à ses apôtres de dire qu'ils ont institué une telle sorcellerie, magie et abomination. » Déjà en 1524, K. Deppermann nous dit qu'à Riga, la destruction des images fut fêtée comme une victoire remportée contre la magie et contre Satan, Hoffmann, Melchior, Soziale Unruhen und apokalyptische Visionen im Zeitalter der Reformation, Gôttingen, 1979, p. 47.Google Scholar

36 Elle correspond aussi à une nouvelle conception des rapports de l'homme avec la connaissance, une nouvelle pédagogie de la mémoire ; voir Yates, F. A., L'art de la mémoire, Paris, 1975.Google Scholar

37 Thomas, K., Religion and the décline of magie, Londres, 1971, 716 p.Google Scholar

38 Budenheimer, C., « Scandalum et jus divinum, theologische und rechtstheologische Problème der ersten reformatorischen Innovationen in Wittenberg, 1521-1522 », Zeitschrift der Savigny Stiftung fur Rechtsgeschichte, XC. Band, 1973, pp. 263342.Google Scholar

39 L. Micqueau, op. cit., p. 50.

40 Auger, E., De la vraie présence et corporelle présence de Jésus-Christ au Saint Sacrement de l'autel, Paris, 1566, chap. ix, p. 191.Google Scholar

41 E. Auger, La manière d'ouïr la messe avec dévotion et fruit spirituel, Paris, 1571, p. 51 et ss.

42 Natalie Davis a donné dans son séminaire à l'École des Hautes Études, au printemps 1978, un commentaire passionnant du traité d'Auger, La manière d'ouïr…, op. cit.