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Service Public et Néolibéralisme

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Pierre Chambat*
Affiliation:
Université Paris IX Dauphine IRIS - TS

Extract

Traiter des rapports entre néolibéralisme et service public en France n'est pas une mince affaire . Nul doute qu'il y ait entre les deux termes une relation conflictuelle qui renvoie aux oppositions classiques État/marché, public/privé, administration/entreprise, logique sociale/logique marchande. Si le mouvement de déréglementation est un phénomène qui touche peu ou prou toutes les sociétés occidentales, il n'en reste pas moins qu'il se heurte en France à de fortes résistances qui's'arriment à la notion de service public. Dans le débat où s'opposent État/marché, logique sociale/logique d'entreprise, la notion de service public figure tout à la fois comme valeur sociale — la solidarité sert à justifier le refus de la privatisation, de la logique marchande ou de la dérégulation — et comme handicap économique — les obligations de service public engendrent des surcoûts et les protections réglementaires faussent les règles de la concurrence.

Summary

Summary

While the adoption of neoliberal positions by the French right may seem like an ideological and conjunctural phenomenon, discourse that is critical of public intervention contributes to and accentuates the legitimation crisis being undergone by public services. By defining itself ever more narrowly as providing services to the public, this sector comes up against the market model of economics and politics. What is at stake is not so much the simple elimination of public services as the redistribution of the public vs. the private share in the provision of services. Business is referred to as the mainspring of modernization, especially when it comes to personnel. But it can also lead to an alteration of the principles defining public services as they affect beneficiaries.

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Aujourd'Hui
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Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1990

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References

Notes

1. Cet article est en grande partie le fruit des travaux du séminaire organisé en 1986-1987 et en 1987-1988 à l'Université Paris IX Dauphine dans le cadre de l'action de recherche de la Ratp sur le thème « Crise de l'urbain, futur de la ville ».

2. Sur la notion de référentiel des politiques publiques, voir Jobert, Bruno et Muller, Pierre, L'État en action. Politiques publiques et corporatismes, Paris, PUF, 1987, pp. 6371.Google Scholar

3. « Un service public peut-il être efficace ? » s'interroge d'emblée Georges Dupuis en présentant les travaux de la table ronde consacrée à « L'organisation des services publics » lors du colloque « Quels services publics pour demain ? », organisé les 18-19 octobre 1985 par l'Association Services Publics, Actes du colloque « Quels services publics pour demain ? », doc. ronéo., p. 56.

4. L'introduction du néolibéralisme en France date du milieu des années 1970 : outre les cours professés à Sciences-Po ou à Dauphine, les articles parus dans les revues économiques concernant les nouveaux économistes américains, il faut signaler l'ouvrage collectif de Jean-Jacques Rosa et Florin Aftalion, L'économique retrouvée : vieilles critiques et nouvelles analyses, Economica, 1977, qui réunit les communications à un colloque tenu à l'ESSEC en 1975, et surtout, pour son audience médiatique, Demain le capitalisme de Henri Lepage, publié en janvier 1978 dans une collection de poche. L'interférence de ce débat avec celui concernant la politique à mener pour sortir de la crise assure aux thèses néolibérales une promotion médiatique considérable mais elle introduit de la confusion en contribuant à assimiler politique de rigueur et concession au nouveau credo économique. Le livre de G. Tullock, Le marché politique. Analyse économique des processus politiques est traduit en 1978. Mais il faut signaler aussi l'influence de « l'ordolibéralisme » allemand de l'école de Fribourg (Jean-François Poncet fait un cours à Sciences-Po dans le milieu des années 1960, Michel Foucault aborde longuement ces thèses dans son cours de 1979 au Collège de France). A ce noyau dur viennent s'ajouter les emprunts faits à la sociologie (notamment Michel Crozier, et Raymond Boudon : Effets pervers et ordre social date de 1977) mais aussi les apports de la science politique (études sur les thèses de Rawls et Nozick, relecture des textes des libéraux classiques et interrogation sur les rapports État/société civile) sans oublier ceux des juristes.

5. Chevallier, Jacques, Le service public, Paris, PUF Google Scholar, « Que sais-je ? », 1987. Evelyne Pisier, « Le service public entre libéralisme et collectivisme », Esprit, n° 12, décembre 1983, pp. 8-19.

6. Pour une analyse rapide mais éclairante de ces thèses, voir Greffe, Xavier, « État-providence et économie non officielle : liaisons possibles et impossibles », Revue économique, 35, 4, juillet 1984, pp. 667688.Google Scholar

7. Fridenson, Patrick, « Atouts et limites de la modernisation par en haut : les entreprises publiques face à leurs critiques (1944-1986) », dans Le capitalisme français, 19'-20e siècle. Blocages et dynamismes d'une croissance, sous la direction de Fridenson, Patrick et Straus, André, Paris, Fayard, 1987, p. 176.Google Scholar

8. Breton, Yves, « Les économistes libéraux français de la période 1840-1914 précurseurs des théoriciens actuels du marché politique et de la bureaucratie ? », Revue d'Économie politique, 95, 2, 1985, pp. 150167.Google Scholar Voir aussi Blandine Barret-kriegel, L'État et la démocratie, rapport au Président de la République, Paris, La Documentation française, 1985, pp. 10-12.

9. Elie Cohen souligne bien cette confusion dans le domaine des télécommunications, « La déréglementation est la notion commode qui, en France, confond la libération d'un marché, celui des Télécoms, jusqu'ici assuré par un monopole public, la séparation de l'activité de réglementation et de l'activité de l'exploitation, jusque-là confondues, et la transformation en entreprise de droit commun (même si elle est à 100 % détenue par l'État) de l'administration du Téléphone », Elie Cohen, « France Télécom, administration ou entreprise ? », Libération, 7 septembre 1988.

10. Voir Cannac, Yves, Le juste pouvoir, Paris, J.-Cl. Lattes, 1983.Google Scholar

11. Pour une position nuancée, voir Jean Peyrelevade, « Faut-il tuer les monopoles publics ? », Le Figaro, 6-7 décembre 1986. Signe de la charge idéologique de la notion, la suppression des monopoles publics est justifiée alternativement par des arguments contradictoires : tantôt il est un obstacle à l'efficacité en engendrant rigidités bureaucratiques génératrices de surcoûts, tantôt il est une protection déloyale faussant les règles de la concurrence et induisant des surprofits.

12. « L'avenir de la poste », rapport présenté au nom du Conseil économique et social par Jacques Fabre, Journal officiel, séances des 24 et 25 juin 1986, et Chevallier, Jacques, L'avenir de la poste, Paris, La Documentation française, 1984, 189 p.Google Scholar

13. La création de l'Association Services publics en décembre 1980 procède de ce constat d'une crise, de la crainte d'une menace et de la volonté d'une rénovation.

14. Christian Bettinger, , La concession de service public et de travaux publics, Paris, Berger- Levrault, 1978, pp. 4858.Google Scholar

15. Transformation du statut du téléphone en EPIC, selon la proposition d'amendement de l'article 74 de la loi de finances pour 1968 faite par Valéry Giscard d'Estaing en octobre 1967 ; ou le projet du secrétaire d'État aux PTT, M. Lelong en juin 1974, bloqué par la grève des postiers d'octobre-novembre 1974 ; projet du gouvernement Barre d'éclatement géographique ou fonctionnel de la SNCF à l'issue de la fin de la concession. De même, le Rapport Longuet sur la fonction publique de 1980, qui prévoyait une privatisation de la majorité des agents de la fonction publique, est rapidement enterré.

16. Comme le rappelait le Conseil d'État dans deux arrêts d'Assemblée du 24 novembre 1978 concernant le CEA et l'ERAP, confirmés par le conseil constitutionnel le 16 janvier 1982.

17. Fourcade, Jean-Pierre, La tentation social-démocrate, Paris, Pion, 1985.Google Scholar Voir aussi l'interview de Jacques Chirac à Libération, ou le Président du RPR adopte des positions inspirées du libéralisme conservateur sur le modèle anglo-saxon pour contrer les deux principaux obstacles au redressement national : « la social-démocratisation et la chute de la démographie », Libération, 30 octobre 1984.

18. Ainsi, aux Assises nationales du RPR, tenues à Grenoble les 17 et 18 novembre 1984, le remplacement de Bernard Pons par Jacques Toubon au poste de secrétaire général est le symbole d'une cure de jouvence des instances dirigeantes du mouvement. Cette « chiraquisation » s'accompagne d'un discours de Jacques Chirac qui marque le coup d'envoi de la campagne en vue des élections législatives avec la formule : « Ce n'est pas “ projet contre projet ” mais bien “ projet contre bilan ” que nous irons à la bataille », Le Monde, 20 novembre 1984.

19. La liberté à refaire, textes présentés par Michel Prigent président des Cercles universitaires ; Yves Cannac, ancien secrétaire général adjoint de la Présidence de la République entre 1973 et 1978, Le juste pouvoir, 1983 ; Guy Sorman, La révolution conservatrice américaine, 1983, L'État minimum, 1985 ; Pascal Salin, L'arbitraire fiscal, 1985.

20. A titre d'exemple, dans les transports aériens, la Commission de la CEE, dans un document dit Document n° 2 datant de 1984, a écarté l'application de la déréglementation sur le modèle américain pour lui préférer l'objectif d'élaboration d'une politique commune des transports aériens dans la communauté. Mais le 30 avril 1986, un arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes (arrêt « Nouvelles frontières ») a confirmé que le traité de Rome était applicable au transport aérien. Les administrations nationales conservent leurs prérogatives, par exemple en matière d'homologation, mais elles doivent les exercer dans le respect des principes de la concurrence. Dans le domaine des télécommunications, le livre vert de la CEE publié en mai 1987 n'admet le « maintien du principe de l'exclusivité ou de droits spéciaux au bénéfice des administrations de télécommunications (que) pour la prestation d'un nombre limité de services de base, dans les cas où cette exclusivité est considérée comme essentielle, à ce stade, à la sauvegarde de la mission ». Du côté de la poste, le ministre Louis Mexandeau a été contraint par la CEE d'autoriser les sociétés de coursier à opérer sur le territoire national (novembre 1985).

21. Voir le discours de Jacques Chirac aux maires de l'opposition en Ile-de-France le 12 septembre 1983 : « Vous devez donner l'exemple de ce que nous préconisons (…). Les élus sont les facteurs déterminants pour le triomphe de nos idées », cité dans Thierry Bréhier, « A la reconquête de la France », Le Monde, 14 et 15 octobre 1983.

22. Colette Ysmal, « Les programmes économiques des partis de droite », Critiques de l'économie politique, n° 31, avril-juin 1985, pp. 63-76 et Bruno Théret, « “ Vices publics, bénéfices privés ”. Les propositions économiques électorales des néolibéraux français », ibid., pp. 77-134.

23. Duhamel, Olivier, « Libéraux-socialistes-conservateurs : les évolutions idéologiques des Français », dans Sofres, , Opinion publique 1985, Paris, Gallimard, 1986, pp. 89103.Google Scholar

24. Cité par Cunéo, Bernard, « Le conseil d'administration et les rapports État/entreprise à Air France », Les cahiers de recherches du GIP Mutations industrielles, 9, 15 septembre 1987, p. 30.Google Scholar

25. Ainsi Gérard Longuet se qualifiant de « libéral nationaliste », en octobre 1987 au salon Télécom 87 de Genève, et justifiant son pragmatisme par la nécessité d'une transition dans l'ouverture à la concurrence, Longuet, Gérard, Télécoms. La conquête de nouveaux espaces, Paris, Dunod, 1988.Google Scholar

26. Se reporter aux enquêtes d'avril 1980 et de juin 1988 du Monde, ou celle de La Vie du 18 novembre 1987 : 46 °/o des Français souhaitent un renforcement des services publics, mais 65 % trouvent que l'administration coûte trop cher en impôts pour les services qu'elle rend et 57 % trouvent qu'il y a trop d'administrations. Les Français jugent le nombre de fonctionnaires insuffisant dans les PTT, les hôpitaux et les commissariats mais trop nombreux à la sécurité sociale et aux impôts. Il n'en demeure pas moins que les services publics ont été affectés par des mesures libérales à caractère plus général qui ont accru la pression de l'environnement sinon remis en cause leur particularisme juridique : la déréglementation du crédit, la réglementation de la concurrence, la libération des prix par l'ordonnance du 1er décembre 1986.

27. Voir la jurisprudence restrictive du Conseil d'État sur la création de services publics locaux, et sa résistance au socialisme municipal, CE, Casanova, 1901. Donzelot, Jacques, L'invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Fayard, 1984, pp. 73120 Google Scholar ; Nicole et André-Jean Arnaud, « Une doctrine de l'État tranquillisante : le solidarisme juridique », Archives de Philosophie du Droit, tome 21, « Genèse et déclin de l'État », 1976, pp. 130-151. Voir aussi, « La synthèse républicaine », dans Hoffmann, Stanley, Sur la France, Paris, Éditions du Seuil, 1976, pp. 3757.Google Scholar

28. Selon l'analyse de Pierre Rosanvallon, « L'évolution de la notion de service public », communication au colloque de la Ratp, Crise de l'urbain, futur de la ville, Cerisy, juin 1985, doc. ronéo., pp. 1-10.

29. Chevallier, Jacques, Variations autour de l'idéologie de l'intérêt général, Paris, PUF, 1978.Google Scholar

30. Pour un bilan de ce particularisme juridique, voir Truchet, Didier, « Nouvelles récentes d'un illustre vieillard. Label de service public et statut du service public », Ajda, 7-8, juillet-août 1982, pp. 427439.Google Scholar

31. Agulhon, Maurice, « Républicains et républicains, un combat séculaire », Intervention, 10, août-décembre 1984, pp. 4753.Google Scholar

32. Donzelot, Jacques, « D'une modernisation à l'autre », Esprit, 8-9, août-septembre 1986, pp. 3045.Google Scholar

33. Cette dimension politique est très nettement présente dans le sondage réalisé à l'occasion du colloque de Rouen, les 21-23 mai 1980, sur le service public industriel et commercial, Alain Lancelot, « Le service public industriel et commercial devant l'opinion », dans FNSP-EDF - Le Monde, Le service public industriel et commercial dans la société française d'aujourd'hui, suppléments aux dossiers et documents du Monde, octobre 1980, pp. 23-29. Dans ses conclusions aux travaux du colloque, François Goguel insiste d'ailleurs sur la nécessité de « valoriser le rôle des élus (…) complété, appuyé par celui des associations d'usagers », ibid., p. 41.

34. Crozier, Michel, On ne change pas la société par décret, Paris, Grasset, 1979 Google Scholar, et État modeste, État moderne, Paris, Fayard, 1987. L'avant-propos de ce dernier livre commence par cette phrase : « Les Français se désintéressent de plus en plus de la politique ». De son côté, Pierre Birnbaum, survolant « les processus capables de remettre en cause la différenciation de l'État » s'interroge sur la fin de l'État, Pierre Birnbaum, « La fin de l'État ? », Revue française de Sciences politiques, 1985, pp. 981-998.

35. De ces préoccupations un certain nombre de rapports officiels se font l'écho, Sapin, Michel, La place et le rôle des usagers dans les services publics, Paris, La Documentation française, 1983 Google Scholar ; Secrétariat d'État auprès du Premier Ministre chargé de la Fonction publique et des Simplifications administratives, La mutation de l'administration : objectifs et conditions, Paris, La Documentation française, 1986 ; Blandine Barret-kriegel, L'État et la démocratie, La Documentation française, 1986. Ce dernier rapport est une réponse à la demande du Président de la République du 21 décembre 1984, motivée en ces termes : « Le sentiment éprouvé en effet par les citoyens devant le développement d'une administration trop éloignée d'eux a été l'occasion d'une critique sans mesure de l'idée même de l'État au moment où sa modernisation est à l'ordre du jour », ibid., p. 3.

36. Holleaux, André, « La jurisprudence du bilan », Revue administrative, 198, 1980, pp. 593605.Google Scholar

37. Marc Guillaume, « La convention publique du marché : quelques paradoxes pour une autocritique », dans Colloque de Cerisy, op. cit., p. 35.

38. « Il faut rappeler (et ce rappel n'est pas inutile) que la satisfaction des usagers est la norme qui commande l'institution même des services publics et conditionne leur légitimité », compte rendu de la table ronde « Les acteurs des services publics », dans Association Services publics, Actes du colloque « Quels services publics pour demain ? », 18-19 octobre 1985, p. 74. Autre illustration, Paul Quilès, ministre des P & T et de l'Espace, dans sa première conférence de presse tenue le 19 juillet 1988, affirme son hostilité à la « dérégulation sauvage » et annonce son intention de restaurer l'aura du service public en se fixant comme objectif : « l'optimisation des services rendus au public », cité dans Libération, 20 juillet 1988.

39. Lanza, Albert, Les projets de réforme administrative en France de 1919 à nos jours, Paris, PUF, 1968, 185 p.Google Scholar

40. Citons parmi d'autres, cette déclaration de Michel Delebarre, ministre des Transports, en réponse à une question orale de M. Xavier Dugain (RPR), à l'Assemblée nationale, le 6 juillet 1988 : « Je me considère d'abord et avant tout comme le ministre des usagers des transports publics », cité par Le Monde, 8 juillet 1988.

41. Michel Wieviorka, Recherche sur les dirigeants d'EDF comme acteurs, rapport CADIS/ EHESS, janvier 1985, 119 p. Lire aussi Picard, J.-F., Beltran, A., Bunoener, M., Histoire de l'Edf, Paris, Dunod, 1985.Google Scholar

42. Anastassopoulos, Jean-Pierre, La stratégie des entreprises publiques, Paris, Dalloz, 1980, pp. 6588.Google Scholar Jean-Pierre Anastassopoulos soulignant le caractère provocateur de ce titre se demande si les entreprises publiques ne seraient pas « les bourgeois-gentilshommes du marketing » ou si auparavant « elles se contentaient de produire », pour apporter ensuite une réponse nuancée.

43. C'est le cas notamment pour les entreprises publiques qui réclament une définition précise des sujétions imposées par l'État (voir la politique du Président d'Air France, M. Giraudet, à partir du choc pétrolier et le plan d'entreprise de 1976 et premier contrat État-Air France en 1978). Bernard Cuneo souligne, dans son étude sur Air France, que les relations entre l'entreprise et l'État se cristallisent, dans un contexte de bouleversement (déréglementation et changements technologiques) autour de deux axes : la conception de service public, c'est-à-dire la délimitation des activités de la Compagnie (exemple, la desserte des Antilles) et l'autonomie relative de gestion par rapport à l'État, op. cit., pp. 14-15.

44. Philippe Brachet, La transformation de la relation administration locale/usager : vers quelle égalité ?, rapport Ifsa, 1988.

45. Laufer, Romain, Burlaud, Alain, Management public. Gestion et légitimité, Paris, Dalloz, 1980.Google Scholar Laufer, Romain, Paradeise, Catherine, Le prince bureaucrate, Paris, Flammarion, 1982.Google Scholar

46. Galy, Philippe, Gérer l'État. Corriger la déviation bureaucratique, Paris, Berger-Levrault, 1977, pp. 3156.Google Scholar Philippe Galy propose d'ajouter « un nouveau principe de service public : l'efficacité de la gestion », ibid., p. 180.

47. Ainsi le rapport sur la situation des hôpitaux élaboré par trois directeurs d'hôpitaux, Jean- Xavier Trazzini, Alain Grenon et Michel Le Guennec, plaide en faveur de « l'hôpitalentreprise » et formule une série de propositions pour en moderniser la gestion, Le Monde, 1er juillet 1987 ; voir aussi Philippe Boulet-gercourt, « Les hôpitaux soignent leur gestion », Libération, 12 février 1988 et Yannick Guilheneuf, « L'hôpital soigne sa gestion », Le Monde Affaires, supplément n° 13507, 2 juillet 1987 avec un interview de Jean Choussat, directeur général de l'Assistance publique de Paris : « Il faut raisonner en termes de marché et de stratégie d'entreprise ».

48. Faure, Alain, « Des maires ruraux saisis par l'esprit d'entreprise », Économie et Humanisme, 300, mars-avril 1988, pp. 5162.Google Scholar

49. Propos recueillis par François Grosrichard, Le Monde, 4 avril 1987.

50. « La DDe de l'Essonne adopte l'esprit d'entreprise », Le Moniteur des Travaux publics, 12 août 1988. Sylvie Trosa, « Management public et emprunts au secteur privé dans les operations de réorganisation de services publics territoriaux : le cas des DDe, des rectorats et des grandes villes », communication au colloque « Quel projet pour les administrations et les entreprises publiques ? » organisé par la revue Politique et Management public, 3-4 novembre 1988, Québec.

51. Bernard Manin a particulièrement mis en lumière cet oubli du processus délibératif, comme passage de l'individuel au collectif, dans les thèses qui assimilent la décision démocratique au marché : « Volonté générale ou délibération ? Esquisse d'une théorie de la délibération politique », Le Débat, n° 33, janvier 1985, pp. 72-93 et « Pourquoi la République ? », Intervention, n° 10, août-décembre 1984, pp. 7-25.

52. Gibert, Patrick, Laufer, Romain, « Management de la frontière, management sur la frontière », Politiques et Management public, 1, mars 1987, pp. 87109.CrossRefGoogle Scholar

53. Gaspard, Michel, Les services contre le chômage, Paris, Syros, 1988.Google Scholar Philippe L'Heur, « La guerre des services », Libération, 28 juin 1988 ; Jouvenel, Hugues De, « La France à l'aube du troisième millénaire. Essai de synthèse de quelques tendances lourdes », Futuribles, 120, avril 1988, pp. 4157.Google Scholar

54. Bloch, Philippe, Hababou, Ralph, Xardel, Dominique, Service compris, Paris, J.-Cl. Lattes, 1988, 316 p.Google Scholar

55. Le Monde, 1980 et Monique Willemin, « Le paradoxe d'une entreprise publique : les milliards encombrants d'Elf-Aquitaine », dans Sur les services publics, études coordonnées par Marie-José Guédon, Paris, Economica, 1982, pp. 125-141.

56. Victor, François, PRÉEL, Bernard, « Nouveaux enjeux, nouveaux outils pour la gestion locale », Les Annales de la Recherche urbaine, 31, juillet 1986, p. 22.CrossRefGoogle Scholar Voir aussi Dominique Lorrain, « La montée en puissance des villes », Économie et Humanisme, n° 305, janvier-février 1989, pp. 6-21.

57. Pascal Salin, « Privatiser, déréglementer et s'ouvrir à la concurrence étrangère », Le Monde des Télécoms, mai 1987, p. 17. Ce schéma de régulation par le marché va même jusqu'à demander la suppression de la CNCL. La rareté des fréquences ne justifie pas qu'une institution publique substitue ses propres choix à ceux des utilisateurs ; la mise aux enchères par l'État serait préférable : « Seul le marché peut “ répartir ” des droits, à partir du moment où les droits de propriété ont été bien spécifiés (…) l'essentiel est de les vendre et non de les répartir », ibid., p. 18.

58. Georges MAC Kendrick, « Les réseaux publics ne peuvent pas satisfaire tous les besoins des grandes entreprises », Le Monde des Télécoms, ibid., p. 21.

59. Jacques Chevallier, « Les enjeux de la déréglementation », Revue du Droit public et de la Science politique, 1987, pp. 281-319.

60. La privatisation concerne tant la gestion de services publics industriels et commerciaux concédée à des entreprises privées (entre 55 % et 60 % de la distribution et de la collecte pour l'eau et l'assainissement, par exemple), que certaines parties de services publics administratifs, comme la fourniture et la préparation des repas dans la restauration scolaire. Le Conseil d'État, dans son avis du 7 octobre 1986 commenté par la circulaire du 7 août 1987, a admis cette privatisation « sous réserve toutefois que le service ne soit pas au nombre de ceux qui par leur nature ou par la volonté du législateur, ne peuvent être assurés que par les collectivités territoriales elles-mêmes », « Services locaux : la privatisation discrète », Le Moniteur des Travaux publics, 22 avril 1988. La loi d'amélioration de la décentralisation du 5 janvier 1988 participe d'une volonté de réduire l'importance du secteur public local, volonté affirmée par le ministre de l'Économie et des Finances à l'occasion du débat budgétaire le 17 novembre 1986, Le Monde, 19 novembre 1986.

61. Jean-Marc Offner, L'expertise locale en transports urbains des années soixante-dix. L'ère des nouveaux technocrates, rapport INRETS n° 22, janvier 1987, 148 p.

62. Sur l'altération du principe de l'exploitation aux risques et périls du concessionnaire et la garantie financière accordée par la collectivité publique, voir Christian Bettinger, op. cit., pp. 115-156.

63. Ainsi pour Jean Bousquet le noyau dur du service public municipal en régie est constitué par le sport, la culture et l'action sociale. La mise en régie de la gestion des arènes et des spectacles, auparavant concédée au privé, est justifiée par le fait que « ce joyau de notre patrimoine est, pour l'image de la ville, pour sa promotion, le meilleur des outils », Le Monde, op. cit. Voir aussi Vincent Hoffman-martinot, « Gestion moderniste à Nîmes. Construction d'une image de ville », Les Annales de la Recherche urbaine, 38, juin-juillet 1988, pp. 95-103. De même, le conseil municipal d'Aix-les-Bains a décidé d'affermer pour trente ans le service des eaux à la Saur (groupe Bouygues) et d'utiliser les 46,5 milliards de francs ainsi dégagés (le quart du budget de la ville) pour « relancer les investissements touristiques autour du lac du Bourget », Le Moniteur des Travaux publics, 15 avril 1988.

64. François Houle, « Hayek et la justice redistributive », dans Friedrich Hayek. Philosophie, économie, politique, sous la direction de Gilles Dostaler et Diane ETHIER, Québec, 1988, ACFAS, p. 219.

65. Pour les syndicats du personnel, qui opposent une résistance à l'introduction de la logique commerciale accusée de dégrader le service public, voir par exemple la brochure CGT, La poste malade de la politique du profit, 1979, 81 p. Une analyse pénétrante des problèmes de la fonction publique confrontée aux thèses néolibérales est faite dans Evelyne Pisier et Pierre Bouretz, Le paradoxe du fonctionnaire, Paris, Calmann-Lévy, 1988, 252 p.

66. Le rapport du Sénat sur la poste de 1985 souligne à propos des personnels des centres de tri que « ceux-ci (10 % des postiers) occupent une situation stratégique leur permettant de bloquer toute la machine postale, d'obtenir des avantages excessifs (déjà relevés par la Mission Chevallier, 25 heures payées 39 heures pour le travail de nuit, absentéisme préoccupant, doubles emplois) d'exercer une pression constante sur un encadrement dépourvu de moyens, désavoué, découragé », cité par Jacques Fabre dans son rapport au Conseil économique et social, op. cit., p. 31. « L'activité courrier, largement couverte par le monopole, a doublé en moins de vingt ans pour atteindre 16 milliards d'objets en 1985. » En revanche, dans les autres secteurs, ouverts à la concurrence l'activité de la poste a stagné (dépôts à vue et placement) ou régressé (mandats), ibid.. p. 6.

67. A la Ratp, par exemple, la part des frais de personnel dans les charges d'exploitation s'établit à 60,3 °?o en 1983 contre 65,4 % en 1979 et évolue depuis 1949 dans une fourchette de 58 %-67 % ; cf. G. Ribeill, J. C. Mathio, La Ratp de 1949 à nos jours. Aspects qualitatifs et quantitatifs de l'évolution d'une entreprise publique de transports, rapport provisoire, Ratpréseau 2000, février 1986.

68. A EDF-GDF, moins de trois mois après une grève des électriciens a été signé le 10 janvier 1987 un accord d'intéressement sur une durée de trois ans auquel la CGT a refusé de s'associer. Il prévoit de faire bénéficier les agents individuellement des performances collectives de l'ensemble des deux entreprises, performances évaluées par la diminution du coût de revient du kwh, soit 1000 F par agent et par an en cas de diminution de 20 °7o. Pour l'administration, le rapport Arthuis, non publié, encourage aussi l'intéressement des agents.

69. J.-P. Anastassopoulos, « Dénationaliser ? », communication au colloque « Public, privé : espaces et gestion », organisé par la revue Politique et management public à Lyon les 15-16 décembre 1986.

70. Le Monde, 4 juillet 1984.

71. Pour la poste, le rapport de Pierre Vallon, au nom de la commission économique du Sénat (1985), stigmatise l'insuffisante autonomie de la poste, le budget annexe de 1923 n'ayant jamais été qu'une fiction et conclut à la transformation de ce service public administratif géré en régie directe en une société nationale ; un an plus tard, le rapport Fabre qui cite ces conclusions se prononce en faveur de la transformation de l'administration de la poste en un Établissement public industriel et commercial malgré l'hostilité des organisations syndicales : séparer la gestion du contrôle politique est la condition d'une prise en compte réelle des besoins des usagers. Voir aussi J.-P. Lukaszewicz, « Service public administratif ou entreprise commerciale. La difficile mutation des postes et télécommunications », AJDA, février 1975, pp. 52-72.

72. Jacqtjillat, Bertrand, Désétatiser, Paris, Robert Laffont, 1985, p. 228.Google Scholar

73. Giraud, Claude, Bureaucratie et changement. Le cas de l'administration des télécommunications. « Du 22 à Asnières à la télématique », Paris, L'Harmattan, 1987, 262 p.Google Scholar

74. Dans l'analyse, inspirée des travaux de Luc Boltanski et Laurent Thevenot, Les économies de la grandeur, que Claudette Lafaye a consacrée au processus de modernisation étalé sur six ans de la mairie d'Amiens il apparaît bien que les conflits qu'il entraîne mettent en présence deux logiques d'action, l'une, civique et articulée sur le service public, et l'autre, industrielle référée au modèle de l'entreprise. Claudette Lafaye, « Réorganisation industrielle d'une municipalité de gauche », communication au colloque « Logiques d'entreprise et formes de légitimité », organisé par l'Association française de Science politique, Paris, 20-22 janvier 1988, 17 p.

75. Christian Micouleau, service du personnel de la Direction générale de la Poste, « Pourquoi doit-on manager différemment aujourd'hui », Contacts, 9, avril 1987, pp. 1-17.

76. J. Chevallier, D. Loschak, « Rationalité juridique et rationalité managériale dans l'administration », Revue française d'administration publique, 24, octobre-décembre 1982 ; Nioche, Jean-Pierre, Poinsard, Robert, L'évaluation des politiques publiques, Paris, Economica, 1984.Google Scholar La loi Savary du 26 janvier 1984 a crée le Comité national d'évaluation des Universités, présidé par Laurent Schwartz. En application de son discours du 29 juin 1988 devant l'Assemblée nationale, le Premier Ministre a confié à Patrick Viveret mission d'étudier la création d'un organisme indépendant d'évaluation de l'administration, tandis que l'élaboration du Xe Plan a inclus une réflexion dirigée par François de Closets sur l'efficacité de l'État.

77. Soucieuse de désamorcer la contestation antinucléaire, EDF a créé le Club de l'Opinion publique qu'ont rejoint d'autres entreprises publiques et administrations (RATP, SNCF, Sécurité routière, Santé, Environnement). Interrogeant chaque année 1 500 personnes il cherche à dresser une carte des opinions utilisable pour mieux cibler les campagnes de communication. Pierre Audibert, « EDF mène l'enquête », Le Monde Dimanche, 11 juillet 1982.

78. Ségrestin, Denis, Le phénomène corporatiste, Paris, Fayard, 1985 CrossRefGoogle Scholar ; sur la RATP, voir Françoise De Peslouan, Représentations du service public chez les agents de la RA TP, rapport d'enquête, Laboratoire de Psychologie économique de l'Université René Descartes, septembre 1985, 166 p.

79. Voir par exemple, Secrétariat d'État auprès du Premier Ministre chargé de la Fonction publique et des Simplifications administratives, La mutation de l'administration : objectifs et conditions, op. cit., pp. 27 et 41-59 ; Jean-Paul Baquiast et Céline Wiener, « Nouvelles technologies et réforme administrative », Revue française d'Administration publique, n° 37, janviermars 1986, pp. 9-16.

80. RATP. Études-Projets, 86, avril-mai-juin 1986, p. 28.

81. En application de la jurisprudence du Conseil d'État du 10 mai 1974 Denoyez et Chorques. Carbajo, Joël, « Remarques sur l'intérêt général et l'égalité des usagers devant le service public », AJDA, 20 avril 1986, pp. 176181.Google Scholar Sur la gratuité voir Monique Willemin et Jean-Luc Pothet, « La gratuité du service public à l'égard de ses usagers », Sur les services publics, op. cit., pp. 15-37.

82. S'il a admis que, s'agissant d'une cantine scolaire service public non obligatoire, les usagers extérieurs à la commune se voient assujettis à un tarif supérieur aux usagers habitant dans la commune qui financent en partie le service par l'impôt (CE, 5 octobre 1984, Commissaire de la République de l'Ariège), il a exclu que, compte tenu de la nature du service, les tarifs d'une école municipale de musique puissent être modulés selon les revenus (CE, 26 avril 1985, Ville de Tarbes). Le commissaire du gouvernement Lasserre demandait dans ses conclusions à ce que le Conseil d'État encadrât cette tendance des collectivités locales à moduler les tarifs des services publics en fonction des ressources : ne pas interdire l'accès au service à ceux dont les revenus leur permettraient de recourir au secteur privé (c'est la solution de l'arrêt Ville de Nanterre, CE, 20 novembre 1964) ; que le tarif le plus élevé n'excède pas le coût moyen du service rendu (” la modulation des tarifs ne doit pas, en effet, avoir pour finalité la redistribution des ressources mais permettre l'accès du plus grand nombre au service, sans que les insuffisantes possibilités financières des familles constituent un obstacle ») ; contrôle des taux du barème par le juge ; enfin, caractère non inquisitoire des preuves demandées pour bénéficier d'un tarif préférentiel.

83. Dans les transports urbains, malgré l'appel d'air apporté par la création en 1971 du versement transport à la suite de manifestations d'usagers contre le rattrapage tarifaire, l'Union des Transports publics a ainsi réclamé en juin 1985 que la contribution des usagers soit accrue par une hausse des tarifs supérieure à l'inflation durant plusieurs années afin de remédier à l'asphyxie financière de ces services et sans recourir à une privatisation « à l'anglaise ». L'augmentation des droits d'inscription des universités a donné lieu à des raisonnements analogues (augmentation des bourses).

84. Michel Gensollen, Nicolas Curien, « La déréglementation aux multiples visages », Le monde des télécommunications, mai 1987, p. 14.

85. Intervention à un colloque sur « la privatisation des PTT » organisé par la Chambre de Commerce internationale, cité dans Le Figaro, 24 février 1987.

86. Gauchet, Marcel, « L'école à l'école d'elle-même. Contraintes et contradictions de l'individualisme démocratique », Le Débat, n° 37, novembre 1985, pp. 5586.CrossRefGoogle Scholar

87. Gruson, Claude et Cohen, José, Tarification des services publics locaux, Paris, La Documentation française, 1983, pp. 4748.Google Scholar A comparer avec Gérard Bramoulle, qui soutient qu'« une pure justice de procédure n'est pas incompatible avec des pratiques redistributives », dans « Libéralisme et politiques sociales. Éthique libérale et justice sociale », dans Association française de Science économique, L'impact du libéralisme sur les institutions et les politiques économiques, colloque 1988 de l'Afse, Paris, Nathan, p. 256.