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Présence du Passé, Lenteur de L'histoire

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Lucette Valensi*
Affiliation:
CRH—EHESS

Abstract

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Type
Présence du Passé, Lenteur de L'histoire Vichy, L'occupation, Les Juifs
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1993

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References

1. Namer, Gérard, Batailles pour la mémoire. La commémoration en France de 1945 à nos jours, Paris, Papyrus, 1983.Google Scholar Rousso, Henry, Le syndrome de Vichy. 1944-198…, Paris, Seuil, 1987 Google Scholar, nouvelle éd. revue et corrigée, Le syndrome de Vichy de 1944 à nos jours, Paris, Seuil, « Points Histoire », 1990. Je remercie l'auteur pour les références qu'il a bien voulu me fournir.

2. Voir Kershaw, I., Qu'est-ce que le nazisme ? Problèmes et perspectives d'interprétation, Paris, Gallimard, « Folio-Histoire », 1992, p. 9.Google Scholar Même le Historikerstreit qui a secoué les historiens de l'ex-Allemagne de l'Ouest en 1986 a eu moins d'échos en France qu'en Israël et aux États-Unis. Voir en français I. Kershaw, op. cit., chap. 8 et 9. Erler, G. et alii, L'histoire escamotée. Les tentatives de liquidation du passé nazi en Allemagne, préface d'André Gisselbrecht, Paris, La Découverte, 1988.Google Scholar Sous la dir. de Y. Thanassekos et de Wisman, H., Révision de l'histoire. Totalitarismes, crimes et génocides nazis, Paris, Cerf, 1990.Google Scholar

3. Pierre Vidal-Naquet, « Le défi de la Shoah à l'histoire », p. 229, dans Les Juifs, la mémoire et le présent, II, Paris, La Découverte, 1991, pp. 223-234. Wieviorka, Annette, Déportation et génocide entre la mémoire et l'oubli, Paris, Pion, 1991, p. 431 Google Scholar, voit deux raisons à la modestie des travaux historiques français sur l'extermination des Juifs : « le jacobinisme français, dont l'Université est partie prenante, répugne à isoler les Juifs du reste de la nation… Mais surtout, l'historiographie française, dominée dans les années d'après-guerre par l'école des Annales qui dédaignait l'histoire politique et événementielle, n'a pas permis que se développât en France un mouvement d'étude d'un phénomène qui relève à la fois du politique, du temps court et du contemporain ». Même diagnostic dans Annie Kriegel, « Les intermittences de la mémoire : de l'histoire immédiate à l'Histoire », Pardès, 1989, et « Après Carpentras. Trois réflexions sur le racisme. La responsabilité des historiens », Le Figaro, 18 mai 1990. Constat en deux volets chez A. Kaspi, « Un bilan provisoire », Pardès, 16/1992, numéro spécial, Les Juifs de France dans la seconde guerre mondiale, p. 10 : « Pour les champions de l'école des Annales, c'était exagérément événementiel. Pour les historiens du politique ou du social, c'était un domaine si restreint qu'il ne pouvait intéresser que des Juifs, et pas nécessairement les esprits les plus brillants ni les étudiants les plus prometteurs ». Constat en plusieurs volets, souvent trivial, mais qui rend encore les Annales coupables de réduire au silence les échos d'une histoire nationale conflictuelle, dans Bosworth, R. J. B., Explaining Auschwitz and Hiroshima. History Writing and the Second World War. 1945-1990, Londres-New York, Routledge, 1992, p. 104 ss.Google Scholar

4. Paru en 1946 chez Grasset, ce livre vient de faire l'objet d'une réédition, préfacée par Jean-Pierre Azéma, Paris, Viviane Hamy, 1992. On y trouvera reproduit le compte rendu que Lucien Febvre donnait de l'ouvrage dans les Annales en 1948.

5. La guerre d'Algérie offre un cas semblable : déluge de témoignages et d'écrits toujours partisans, difficultés et lenteurs de l'histoire professionnelle.

6. Aron, R., Histoire de Vichy, Paris, Fayard, 1954.Google Scholar Cette présentation visant à rendre compte de la réflexion engagée autour du colloque L'année 1942 et les Juifs en France (Ehessinalco, 15-16 juin 1992), elle ne fait que rappeler les grands traits de l'historiographie. Pour une analyse plus serrée et un inventaire critique, Henry Rousso, op. cit. Azéma, J.-P., « Vichy et la mémoire savante : quarante-cinq ans d'historiographie », Azéma, Jean-Pierre et Bédarida, François (sous la direction de), Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992, pp. 2344.Google Scholar

7. J.-P. Azéma, op. cit., p. 26. Voir Siegfried, André, De la IIIe à la IVe République, Paris, 1956.Google Scholar

8. A H. Rousso, op. cit., p. 254 ss. sur la « mémoire savante », et J.-P. Azéma, op. cit., ajouter Ferro, Marc, Pétain, Paris, Fayard, 1987, chap. 6, pp. 677721. p Google Scholar

9. Cité par Renée Poznanski, « Vichy et les Juifs. Des marges de l'histoire au coeur de son écriture », p. 59, J.-P. AZÉMA et F. Bédarida, op. cit., pp. 56-67. Sur le CDJC et les publications de Joseph Billig, René Cassin, Léon Poliakov, Joseph Weill, Georges Wellers, voir Wieviorka, Annette, Déportation et génocide entre la mémoire et l'oubli, Paris, Pion, 1992, pp. 415423 Google Scholar, et A. Kaspi, op. cit., p.12.

10. Annette Wieviorka, op. cit.

11. Hilberg, Raul, « I Was Not There », p. 18, dans Berel Lang éd., Writing and the Holocaust, New York-Londres, Holmes and Meier, 1988, pp. 1725.Google Scholar

12. Art. cit., pp. 59-60. Le colloque en question a été publié par les presses de la FNSP en 1972. Sur 372 pages, il y est fait cinq fois mention de l'antisémitisme, dont une fois dans la conclusion de René Rémond, qui écrit à propos de l'épuration de Vichy (op. cit., p. 300) : « …l'épuration frappe presque exclusivement les israélites et les membres des anciennes sociétés secrètes : encore certains ministres cherchent-ils à soustraire leurs collaborateurs à l'effet de ces mesures. Pour odieuse qu'elle fut, l'épuration fut en définitive plus symbolique qu'effective : Robert Aron évalue à 3 pour 1000 l'ordre de grandeur des fonctionnaires révoqués dans les six premiers mois. L'opération ressortit davantage des gestes qui se veulent spectaculaires qu'à celui du renouvellement des instruments d'action. Vichy a gouverné avec l'administration héritée de la IIIe République ». Prises séparément, les mesures de Vichy peuvent en effet paraître dotées d'une charge plus symbolique que pratique. Prises ensemble, on observera non seulement qu'elles additionnent leurs effets pratiques, mais qu'elles provoquent des réactions très pratiques tant chez les victimes désignées que dans le reste de la société.

13. Weiss, Th. Z., « Foreword », p. ix, dans Peter Hayes éd., Lessons and Legacies. The Meaning of the Holocaust in a Changing World, Evantson, Northwestern UP, 1991.Google Scholar

14. Il y aurait beaucoup à dire 1. Sur le choix de cette date en Israël : l'anniversaire du ghetto de Varsovie fournit un symbole double : les Juifs comme victimes et les Juifs comme héros. 2. Sur l'alignement des États-Unis sur Israël, comme un des signes de la sainte alliance qui relie les deux pays. 3. Sur le constraste, une fois encore, que ces faits soulignent, entre les Juifs en France, leur mode d'intégration à la société française, leur rapport à l'État républicain, d'une part, et les Juifs américains dans leurs relations tant avec leur propre société qu'avec la diaspora et Israël. On ne peut évidemment développer tous ces points. De même, il faudrait comparer comment Allemands, Français et Israéliens remémorent et interprètent l'extermination des Juifs, et s'interroger sur les contrastes profonds qu'on observe entre les débats historiographiques qui se développent dans chacun de ces pays : l'historicisation des années 1940 s'accompagne en effet de l'émergence d'écoles historiques nationales distinctes, indice supplémentaire des relations entre mémoire sociale et histoire savante.

15. Voir les remarques critiques que Michaël R. Marrus formule ou rapporte dans «The Use and Misuse of the Holocaust », dans Peter Hayes éd., op. cit., pp. 106-119.

16. Voir ce qu'il en dit dans « Histoire et justice. Débat entre Serge Klarsfeld et Henry Rousso », propos recueillis par Eric Conan et Daniel Linderberg, Esprit, mai 1992, pp. 16-37. Sur son entreprise d'inventaire, Mémorial de la déportation des Juifs de France, Paris, 1978 et Additif au mémorial, Paris, 1980. Vichy-Auschwitz, Paris, Fayard, 2 vols, 1983-1985.

17. Réuni à l'EHESS les 15 et 16 juin 1992, il marquait deux dates : les rafles du 16 juillet 1942 à Paris ; l'exécution de Marc Bloch le 16 juin 1944. Si leurs textes ou commentaires ne sont pas inclus dans le présent volume, certaines personnes ont contribué d'une manière ou d'une autre à la qualité du colloque de juin 1992. Que soient remerciés ici Madame Gendreau-Massaloux, recteur de l'Académie, chancelier des Universités de Paris, Monsieur Marc Auge, président de l'EHESS, Mesdames G. Decrope, D. Delmaire, Cl. Drame, V. Jacquet, C. Nicault, R. Poznanski, P. Schwartz, L. Sherr, J. Zarka ; Messieurs H. Borlant, G. Hartman, S. Hoffmann, M. Jabelot, D. Peschanski, L. Poliakov, J.-M. Soutou, V. Zigelman.

18. Bloch, Marc, L'étrange défaite, Paris, Gallimard, « Folio », 1990, p. 239.Google Scholar

19. Voir, dans ce même numéro, l'article d'Henry Rousso.

20. Voir Ricoeur, Paul, Temps et récit, Paris, Seuil, 3 vols, 1983-1985.Google Scholar Valensi, Lucette, Fables de la mémoire. La glorieuse bataille des trois rois, Paris, Seuil, 1992.Google Scholar

21. Favret-Saada, Jeanne, « Sale histoire », Gradhiva , n° 10, 1991, pp. 310.Google Scholar C'est moi qui souligne. En simplifiant, peut-on dire que la fonction cognitive l'emporte quand il s'agit des moments non traumatiques du passé, et dans les situations où l'historien n'est pas, n'est plus, sujet de l'histoire ? Voir plus loin.

22. Voir Rémond, René, Azéma, Jean-Pierre, Bédarida, François, et alii, Paul Touvier et l'Église. Rapport de la Commission historique instituée par le cardinal Decourtray, Paris, Fayard, 1992.Google Scholar

23. Voir sur ce film, H. Rousso, op. cit., première partie, chap. 3, pp. 111-146.

24. Il faudra un jour revenir sur le statut du témoignage que nous avons trop longtemps et naïvement rangé dans l'arsenal des documents historiques qu'il nous fallait soumettre aux divers tests de la discipline historique — concordance, authentification, vérification. Les témoins sont comme ces Grecs à deux têtes dont parle Marcel Détienne : non seulement ils vivent et disent leur expérience, mais ils en fournissent des analyses dont rien n'autorise à dire qu'elles sont inférieures à celles de l'historien. Je voudrais souligner ici non seulement la véracité des témoignages, mais leur valeur heuristique.

25. Voir sur cette tension entre rejet et compréhension l'introduction de Peter Hayes au volume cité plus haut, pp. 1-10, qui résume les points de vue de Raul Hilberg, Saul Friedlânder, etc.

26. Au cours d'une des séances du colloque, Claudine Drame, réalisatrice, a présenté un film réalisé pour l'antenne française des Archives Fortunoff de l'Université de Yale, en présence des sujets du film, survivants des camps.

27. Voir Jeanne Favret-Saada, op. cit.

28. Apologie pour l'histoire ou métier d'historien, Paris, Armand Colin, 1974, p. 24. C'est moi qui souligne.

29. Saul Friedlander, « The “Final Solution” : On the Unease in Historical Interprétation », p. 25, dans Peter Hayes, op. cit., pp. 23-35.

30. La loi de 1964 sur l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, perdra effet avec l'extinction du dernier coupable. Mais on peut dire qu'elle interdit, pour un temps, de déclarer passé le passé.

31. Sur les difficultés de la transfiguration esthétique de la «Solution finale», voir Saul Friedlander éd., Probing the Limits of Représentation. Nazism and the « Final Solution », Cambridge (Mass.)-Londres, Harvard UP, 1992. Écrit en 1949, « Kulturkritik und Gesellschaft » de Th. Adorno a été republié, notamment, dans Gesammelte Schriften, vol. 10, Rolf Tiedemann éd., Francfort, 1974, p. 30.

32. Op. cit., p. 129.

33. Nous remercions ici notre collègue de l'Inalco, Lilly Scherr, d'avoir réuni pour le colloque des témoins qui étaient enfants au moment des rafles. Ces témoignages ayant gardé une forme orale, nous n'avons pu en retenir qu'une partie ici.