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Ordre marginal dans le Japon moderne (17e-20e siècle). Les voyous canalisateurs de l'errance

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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L'histoire moderne du Japon illustre des tentatives de maîtrise des espaces sociaux liminaires par des dispositifs indirects de contrôle complétant les pratiques plus courantes de surveillance, répression et enfermement. Les autorités délèguent de facto le maintien de l'ordre social marginal à certains éléments des basses couches de la société, investissant en particulier la « voyouterie » d'une mission d'encadrement extra-légal d'une population flottante dans laquelle le misérable côtoie le vagabond ou le bandit, plus tard le chômeur ou le laissé-pour-compte du monde moderne. De tels mécanismes qui se mettent en place à l'époque Edo (17e-milieu du 19e siècle) se maintiendront, sous certaines formes, dans le Japon de Meiji puis de l'entre-deux-guerres. Ces trois siècles formeront le cadre temporel de cet article.

In this panorama of the lower classes of the society, the author tries to show the role of mobs as a structuring factor in these segments of the population. With the rapid development of the cities during the Tokugawa period and the increase of urban construction hired laborers became to be more numerous and were largely controlled by people connected to mobs and gamblers with a de facto delegation of the government. For a brief period in the 19th century mobs could have been involved in movements of social revolt and to a certain extent could be perceived as “social bandits” but from the begining of the century they moved to a “patriotic gangsterism” and contributed to the repression of the left. In Modem Japan, gangsters continued to play a role of auto-regulation of the marginal element of the society.

Type
Errance et Marginalité au Japon
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris 1996

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References

1. Une situation qui pourrait évoluer à la suite de l'entrée en vigueur en 1992 de la « loi antigang » qui contraint les grandes bandes à se replier dans la clandestinité et risque de provoquer l'apparition d'une petite criminalité non contrôlée et en cela plus dangereuse.

2. Textuellement : « l'homme qui se dresse ». Il y a plusieurs étymologies à ce terme qui désigne un « homme de panache » (date peut indiquer celui qui se fait remarquer, mais c'est alors une valeur positive). Il s'agit d'un homme qui fait valoir sa virilité, ne plie pas, se rebelle contre l'autorité injuste. Ce peut être aussi bien un guerrier qu'un homme ordinaire : Edogaku jiten (Dictionnaire scientifique d'Edo), Kôbundô, 1984, p. 198.

3. Ce terme a pris à l'époque moderne une connotation familière, parfois légèrement péjorative en raison de son assimilation aux marchands de travail. Dans son sens général, ce mot qui s'écrit avec les idéogrammes « parent » (oya) et « côté » (kata) désigne une personne liée à une autre plus faible (kokata : « enfant ») par une relation de parenté fictive et sur laquelle il exerce autorité et protection. Le maître artisan est oyakata par rapport à son apprenti. Comme nous le verrons, kata peut être remplacé par bun (partie), notamment dans le monde de la pègre, pour désigner ce type de relation, mais le sens est le même.

4. Rozman, Gilbert, Urban Networks in Ch'ing China and Tokugawa Japon, Princeton University Press. 1973, p. 6 Google Scholar.

5. Voir Leupp, Gary P., Servants, Shophands and Laborers in the Cities of Tokugawa Japan, Princeton University Press, 1992 Google Scholar.

6. Des historiens tels que Amino Yoshihiko ont montré qu'au Moyen Age certains éléments de la population paysanne à qui avaient été confiées des tâches ingrates (nettoyage des sanctuaires, du lit des rivières, ramassage des cadavres, etc.) étaient considérés comme des habitants d'« espaces liminaires » (kyôkai) entre le sacré et la souillure. Voir, entre autres, de cet auteur : « Zone frontière et État » (Kyôkai ryôiki to kokka), dans Nihon no shakaishi (Histoire de la société japonaise), vol. II, Iwanami, 1987, pp. 325-370.

7. Ces estimations, citées par Gary P. Leupp (ibid., p. 4) se fondant sur des documents japonais, doivent être maniées avec prudence. Elles n'en indiquent pas moins un ordre de grandeur.

8. Gary P. Leupp, op. cit., p. 5.

9. Par exemple Geremek, Bronislaw, Truands et misérables dans l'Europe moderne, Paris, Gallimard- Julliard, «Archives», 1980 Google Scholar, et La potence ou la pitié. L'Europe et les pauvres du Moyen Age à nos jours, Paris, Gallimard, 1987.

10. Cf. Amino Yoshihiko, op. cit.

11. On trouve une hiérarchie des métiers comparable dans l'Occident médiéval en fonction de la survivance de tabous ancestraux ou fruit de préjugés nouveaux : le Goff, Jacques, « Métiers licites et métiers illicites dans l'Occident médiéval », Pour un autre Moyen Age, Paris, Gallimard, 1977, pp. 91107 Google Scholar.

12. La liste des délits qui sont à l'origine du statut de hinin est donnée dans Kujikata osadamegaki, code publié en 1742 sur l'ordre du huitième shogun Yoshimune. Il s'agit d'un recueil de lois et de jurisprudence en matière civile et criminelle appliquées aux roturiers. L'un des deux recueils qui composent ce code, connu sous le nom des « cent articles » (Osadamegaki hyakkajô), était remis à un nombre limité de hauts fonctionnaires : c'est parmi ces « cent articles » que figurent les dispositions concernant les hinin et les ryûmin (déportés). Une fois la sentence rendue, les liens avec les parents étaient rompus. Le coupable, déchu, exclu de sa communauté et de sa famille (par cette exhérédation, les parents étaient libérés de l'obligation de solidarité pour les délits et les dettes), était rayé du registre d'état civil (ninbetsu-chô) et n'avait plus d'autre solution que de rejoindre les rangs des hinin. Une autre peine plus pénible était le bannissement revenant à l'exil. C'était le sort des assassins, violeurs d'enfants, pyromanes, organisateurs de jeux clandestins et des enfants reniés par leurs parents : Morinaga Taneo, Ryûmin to hinin (Déportés et non-humains), Iwanami shinsho, 1963, pp. 2-9. L'auteur a concentré son étude sur les registres criminels de Nagasaki au début du 18e siècle et sur les bannis envoyés sur l'île d'Amakusa.

13. A lire le romancier Ihara Saikaku (1642-1693), on a quelques idées sur la trajectoire qui menait certains à la condition de hinin. Parmi les mendiants vivant aux abords du Tôkaiji, temple situé dans le nord de ce qui est aujourd'hui l'arrondissement de Shinagawa à Tôkyô, l'un d'eux, producteur de saké, avait quitté sa campagne pour venir en ville où il fit faillite ; l'autre, artiste, avait présumé de ses talents et le troisième, fils prodigue, avait dilapidé la fortune paternelle : « Le magasin perpétuel du Japon », dans Histoire de Marchands, traduction de René Sieffert, Publications orientalistes de France, 1990, pp. 71-72.

14. Il s'agit de noms héréditaires comme celui du chef des eta Danzaemon.

15. Takayanagi Kaneyoshi, Hinin no seikatsu, Yûsankaku, 1981, p. 94. Saikaku évoque les mendiants qui vivaient à la fin du 17e siècle autour du temple du Tôkaiji enveloppés dans des sortes de nattes de paille qui leur servaient de vêtement et devint un signe d'identification de leur condition : « Le magasin perpétuel du Japon », art. cité, p. 71.

16. Takayanagi Kaneyoshi, op. cit., pp. 34 et 38.

17. Ibid, pp. 81-82.

18. Arai Kôjirô, « Edo jidai ni okeru senmin shihai no ikkôsatsu » (Hypothèse sur le contrôle des senmin à l'époque Edo), Tôkyô buraku kaihô kenkyû, n° 3, novembre 1974, pp. 94-113. Dans son ouvrage, Kinsei senmin shakai no kiso kôzô (Structure fondamentale de la société des senmin à l'âge moderne), Akashi shoten, 1987, le même auteur donne des précisions sur l'autorité de Danzaemon au début du 19e siècle. Les habitants de Shinmachi fabriquaient des articles en cuir, des cordages, des tambours, des sandales, des chapeaux de paille. Entouré par une clôture, le quartier possédait son bain public et son mont-de-piété, pp. 72-74.

19. Ihara Saikaku, Histoire de marchands, op. cit., p. 181

20. Ryôsuke, Ishii, Edo no senmin (Le vil peuple d'Edo), Akashi shoten, 1988, pp. 1225 Google Scholar.

21. Ibid., p. 39.

22. Les autorités shogunales ne semblent pas avoir établi une grande différence entre maladie mentale, délinquance et criminalité. A l'internement domestique (dans une pièce ou une cabane) s'ajoutaient l'incarcération dans une maison de force ou le placement dans un asile réservé aux miséreux (tame) où les conditions étaient moins pénibles

23. Sur le camp de travail de Sado, voir Tanaka Keiichi, Sado kinzan (La Montagne d'or de Sado), Kyôikusha, 1980.

24. Ce fief était celui de la famille Maeda. Ce fut l'un des plus prospères, connu aussi pour le développement des arts. La capitale, Kanazawa, comptait environ 100 000 habitants à la fin du shôgunat.

25. Macclain, James, Kanazawa : A Seventeeth-Century Japanese Castle Town, Yale University Press, 1982, pp. 127128 Google Scholar.

26. Shigemitsu Kazuyoshi : Edo no hanzai hakusho (Carte criminelle à Edo), PHP, 1986, p. 196 ss.

27. Chartier, Roger, « La ville acculturante », dans Histoire de la France urbaine, t. III, Paris, Le Seuil, 1981, p. 225 Google Scholar.

28. Voir, entre autres, Geremek, Bronislaw, La potence ou la pitié…, op. cit., chap. IV et Michel Foucault, Histoire de la folie, Paris, Édition 10/18,1971 Google Scholar, chap. II.

29. Servants, Shophands…, op. cit., p. 157.

30. « Nihon keibatsushi ni okeru ninsoku yoseba no chii » (Les ninsoku yoseba dans l'histoire des punitions au Japon), dans Ninsoku yoseba shi, publié par Ninsoku yoseba kenshô-kai (Association d'études des ninsoku yoseba), Sobunsha, 1974, pp. 10-13.

31. Ninsoku yoseba shi, op. cit., pp. 24 et 54.

32. Ibid., p. 46.

33. Il ne restera que le mot yoseba pour désigner les marchés de la main-d'oeuvre journalière

34. Bien que certains domaines aient pratiqué des politiques plus restrictives, la circulation était libre dans les provinces contrôlées par le bakufu.

35. Frédéric des Longrais, Jouon, L'Est et l'Ouest, institutions du Japon et de l'Occident comparées, Maison franco-japonaise, 1958, p. 387 Google Scholar ss.

36. Morinaga Taneo, Ryûnin to hinin (Exilés et non-humains), Iwanami shinsho, 1963, pp. 15 et 20.

37. Kazuyoshi, Shigematsu, Edo no hanzai hakusho Livre blanc sur la criminalité à Edo), PHP, 1986, pp. 1416 Google Scholar.

38. Idem, p. 16.

39. Le mot yakuza vient du monde des joueurs professionnels. Littéralement ya-ku-za signifie « huit-neuf-trois », c'est-à-dire une combinaison perdante au jeu, peut-être celui de cartes hanafuda. Ce mot servit à désigner dans la langue populaire un « bon à rien ». Puis, à partir du 20” siècle, il désigna le monde de la pègre en général : Tamura Eitarô, Yakuza-kô (Etude sur les yakuza), Yûsankaku, 1958, et Hiroaki, Iwai, Byôri shûdan no kôzô (Structures des groupes pathologiques), Seishinshobô, 1963, p. 48 Google Scholar ; Kata Kôji, Nihon no yakuza, Yamatoshobo, 1987, p. 17.

40. L'expression vient de gureru (” devenir mauvais ») et rentai qui désigne une unité militaire. Dans le langage courant contemporain yakuza désigne les voyous en général.

41. Tobi signifie « milan noir ». A côté des tobi, pompiers des quartiers populaires, il y avait les gaen qui étaient au service des seigneurs. A Edo il y avait deux corps de pompiers : machihikeshi, c'est-à-dire celui organisé par les habitants et jô-bikeshi, affecté à la protection contre le feu des résidences de daimyo. A partir de 1718, il y eut quarante-sept brigades de pompiers à Edo, célébrées pour leurs exploits dans cette ville en bois où le feu faisait des ravages.

42. Le mot serait apparu dès l'époque des guerres civiles du 16e siècle (sengoku jidai).

43. Le mot bakuchi est formé de deux idéogrammes redondants qui indiquent la notion de jeu (baku et chï) et impliquent celle de compétition et de mise : Tamura Eitarô, Yakuza no seikatsu (Moeurs des Yakuza), Yûsankaku, 1981, p. 8.

44. Iwai Hiroaki, op. cit., p. 35

45. Tamura Eitarô, Yakuza no seikatsu, op. cit., pp. 84-85.

46. Sur le développement du tatouage, voir Philippe Pons, « Les ukiyo-e de chair : l'âge d'or du tatouage, fin 18*-début 19e siècle », dans Mélanges offerts à René Sieffert, numéro hors-série, Cipango, juin, 1994.

47. La circulation de la monnaie avait donné naissance à un système de prêts : prêt sur gage ou prêt à la journée (” prêt du chant du coq »), etc., avec le plus souvent des taux usuraires, comme le système dit du « double à la mort » (en l'occurrence, du père de l'emprunteur). Une partie de l'argent emprunté était destinée au jeu. Il existait aussi des «systèmes de crédit coopératif » (mujinkô) : les membres cotisaient pour une somme déterminée puis, à une date fixée, avait lieu un tirage au sort et le gagnant obtenait la somme qu'il avait demandée. Ce système appelé dans le Japon moderne nezumikô a été interdit en 1979.

48. Tamura Eitarô, Yakuza no seikatsu, op. cit., pp. 55-56 et 86-87.

49. Bandits, George Weidenfeld and Nicolson, 1969. Pour une critique de cette thèse voir notamment le court article de Blok, Anton, « The Peasant and the Brigand : Social Banditry Reconsidered », Comparative Studies in Society and History, 14, n° 4 pp. 497503 Google Scholar.

50. Uotokodate était un personnage célèbre en ville dont les premiers étrangers s'étant rendus au Japon entendirent parler : le sous-commissaire de la marine française, Dubard, Maurice évoque ce défenseur du faible contre le fort et l'oppresseur : « Yotokodate secondait la police et ne craignait pas de se mesurer avec les samurai peu scrupuleux de la tranquillité publique ; aussi ces hommes étaient-ils adorés du peuple qui voyaient en eux leurs protecteurs les plus sûrs et les plus dévoués » ﹛Japon pittoresque, Paris, Editions Pion et Cie, 1879, p. 152 Google Scholar).

51. Selon cet auteur, le « banditisme social » serait une forme de protestation sociale primitive reflétant une conscience « pré-politique » d'exploitation, d'injustice ou d'oppression. L'historien oppose ainsi le brigand qui agit pour lui-même ou son groupe et le classique Robin des Bois combattant la « conjuration des riches ». Le « banditisme social » apparaît dans une telle perspective comme le recours d'hommes qui ne sont pas forcément des hors-laloi à l'origine mais le deviennent parce qu'ils n'ont pas d'autre moyen pour s'opposer à la classe dominante. Criminels aux yeux du pouvoir, ces rebelles sont en revanche considérés dans leur communauté comme des héros, des vengeurs, combattant pour la justice. C'est cette reconnaissance par les leurs qui en fait des « bandits sociaux » et non pas de simples brigands. Ces révoltés sont « pré-politiques » dans la mesure où leur idéologie est élémentaire et les ambitions de leurs chefs modestes parce qu'ils ne disposent pas d'une organisation solide.

52. C'est à partir du 15e siècle que le mot ikki, qui signifie « ligue », désigna des organisations à caractère insurrectionnel regroupant des paysans et des petits guerriers locaux. Particulièrement intéressants du point de vue du banditisme social furent les ikkô-ikki aux 15e et 16e siècles : Ikkô était une secte (de la mouvance de la grande secte Jôdo shin-shû) qui s'était dotée d'une organisation politico-militaire et prêchait une doctrine égalitariste. Ce n'est qu'au prix de combats d'une rare violence que Oda Nobunaga, premier unificateur du pays, puis Toyotomi Hideyoshi, en vinrent à bout.

53. Hiroyuki Ninomiya, dans Histoire du Japon, sous la direction de Francine Hérail, Horvath, 1990, pp. 391-403.

54. Bix, Herbert P., Peasant Protest in Japan 1590-1884, Yale University Press, 1986, pp. 199 200 Google Scholar.

55. Les Triades de la province de Canton apparaissent selon Jean Chesneaux, qui a cependant peut-être tendance à les idéaliser, comme des « forces d'opposition globale » : bien qu'elles n'aient pas été capables de prendre en charge les mouvements sociaux, elles n'en auraient pas moins contribué à mobiliser les mécontents. Chesneaux, Jean, Feiling Davis, Nguyen Nguyet Ho, Mouvements populaires et sociétés secrètes en Chine aux 19“ et 20” siècles, Paris, François Maspero, 1970, pp. 37-42 Google Scholar. Dans son article sur le « rôle économique et social des sociétés secrètes », Feiling Davis donne à celles-ci une dimension contestataire de l'ordre confucéen que ne nous semblent pas avoir, à l'exception peut-être de la fin du shôgunat, les bandes de hors-la-loi nippons : ibid., p. 56.

56. Endô Shizuo, Kabasan jiken (L'incident de Kabasan), San'ichi shobô, 1971.

57. Nous sommes notamment redevables pour le développement qui suit à Roger W. Bowen qui nous a communiqué son article « The Politicization of the Japanese Social Bandits » (non publié). L'auteur montre que les révoltes du mouvement pour la liberté et les droits civiques s'inscrivent dans le cadre du banditisme social tel qu'il est défini par Hobsbawm mais s'en écartent également dans la mesure où on ne peut qualifier de « pré-politiques » certaines d'entre elles en raison des références au principe moderne des droits naturels (pp. 21-22).

58. Selon Roger Bowen, l'appartenance de Tashiro au monde des joueurs ne suffit pas à en faire un pur hors-la-loi comme le voudrait la police : c'était aussi un homme qui voulait le bien de sa communauté, un « homme de loi » (daigennin) qui rédigeait les pétitions des paysans. Le jeu était en outre une pratique répandue parmi les paysans qui cultivaient le ver à soie : joueurs et paysans étaient donc difficiles à distinguer : Bowen, Roger, Rébellion and Democracy in Meiji Japan, University of California Press, 1980, pp. 275 Google Scholar, 277-278. Pour sa part, IDE Magoroku insiste également sur le caractère « chevaleresque » des dirigeants de cette révolte : Chichibu Konmintô gunzô (Grandes figures du parti des pauvres de Chichibu), Shinjinbutsuôrai, 1972.

59. Bakuto to jiyû minken undô (Les joueurs professionnels et le mouvement pour les droits civils), Chûkôshinsho, 1977, pp. 150-159.

60. Comme nous l'avons vu, les ninsoku yoseba avaient été abolis au début de Meiji mais le mot yoseba continua à désigner par la suite les lieux de rassemblement de la main-d'oeuvre journalière.

61. Sur cette question, voir Andrew Gordon, The Evolution of Labor Relations in Japan, Harvard University Press, 1985, Stephen S. Large, Organized Workers and Socialist Politics in Interwar Japan, Cambridge University Press, 1981 et Bennett, John W. and Ishino, Iwao, Paternalism in the Japanese Economy, Greenwood Press, 1963 Google Scholar.

62. Voir l'article d'Anne Gonon, « Les travailleurs journaliers », Cipango, Cahiers d'Études japonaises, n° 2, février 1993, pp. 37-65.

63. Byôri shûdan no kôzô, op. cit., p. 515

64. Comme son nom le laissait entendre par sa référence à l'« océan noir » (genyô), c'est-àdire le détroit qui sépare le Kyûshû de la Corée (Genkainada), l'association participa activement à la politique expansionniste du Japon en Asie. Elle bénéficiait de ressources financières considérables (venant de l'exploitation des mines de charbon et des « caisses noires » du ministère de la Guerre). Composée au sommet d'une élite et pour ses hommes de main de gardes du corps de politiciens, de marchands de main-d'oeuvre et de ruffians, Genyôsha détint un pouvoir réel, au point qu'on la surnommait le « cabinet noir ».

65. Pour une analyse abrégée de cette évolution, voir également Iwai Hiroaki, op. cit., pp. 630-635.

66. Iwai Hiroaki, op. cit., p. 47. Le rôle des truands en Chine à l'époque est évoqué par Tetsurô, Morikawa, Chi no senkoku: Don Taoka sogekijiken (Verdict du sang : l'attentat contre Don Taoka), Sanichi Shobô, 1979, p. 209 Google Scholar.

67. Sur cette saga, Suzuki Shinichirô, Bazoku retsuden, ninkyô to yume to roman (Biographies des bandits à cheval : chevalerie, rêves et romanesque). Le monde interlope où se côtoient aventuriers, voyous, prostituées, hommes de main et lanceurs de bombes, nationalistes ou anarchistes et qui naviguait dans les basses sphères de la politique est notamment décrit par Takami Jun (1907-1965) dans son roman Haut le Coeur dont l'intrigue se déroule entre 1925 et 1937 dans les bas-fonds de Tôkyô, Séoul et Shanghai (Le calligraphe/Unesco, 1985).