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Les esclaves livournais à Alger: La question juive et le théâtre politique en Toscane à la fin du xviiie siècle

Published online by Cambridge University Press:  11 August 2021

Andrea Addobbati
Affiliation:
Università di Pisaandrea.addobbati@unipi.it
Francesca Bregoli
Affiliation:
CUNY, Queens College and The Graduate Center francesca.bregoli@qc.cuny.edu

Les esclaves livournais à alger: la question juive et le théâtre politique en toscane à la fin du xviiie siècle

Cet article analyse une pièce de théâtre française récemment découverte, Les esclaves livournais à Alger, écrite par François Gariel et publiée à Livourne en 1786. Le protagoniste de la pièce, qui fourmille d’allusions à des événements toscans et européens contemporains et de références subtiles à des classiques de la littérature française des Lumières, est un marchand juif vertueux d’Alger, avocat de la tolérance pour tous les peuples et toutes les religions et admirateur déclaré du grand-duc de Toscane. Afin de mieux comprendre la pièce de Gariel et la question juive à Livourne, l’article revient sur le contexte des années 1780 et l’installation dans le port toscan d’importantes familles juives algériennes enrichies par le rachat des captifs. Il met également en lumière la participation active, mais contestée, des Juifs à la scène théâtrale livournaise. Une fois les nombreuses allusions des Esclaves mises au jour et décodées, la pièce nous plonge au cœur des débats politiques toscans concernant la participation des Juifs à la vie publique. Elle sonde également les inquiétudes qui entourent le pouvoir présumé des Juifs et leur rôle ambivalent dans le commerce et le rachat des captifs. Les relations étroites nouées entre Livourne et l’Afrique du Nord permettent ainsi de mieux saisir le discours public sur la condition des Juifs en Toscane. Cette perspective méditerranéenne complexifie à son tour notre compréhension des relations entre minorités et majorités, à une époque où les débats des Lumières sur la tolérance et l’intégration des Juifs se multipliaient en Europe occidentale.

The livornese slaves in algiers: the jewish question and political theatre in late eighteenth-century tuscany

The Livornese Slaves in Algiers: The Jewish Question and Political Theatre in Late Eighteenth-Century Tuscany

This essay analyzes a recently discovered French play, Lesesclaves livournais à Alger (The Livornese Slaves in Algiers), authored by François Gariel in Livorno in 1786. The protagonist of the piece, which is full of allusions to contemporary Tuscan and European events and subtle references to classics of French Enlightenment literature, is a virtuous, Algiers-based Jewish merchant who preaches toleration for all peoples and religions and greatly admires the grand duke of Tuscany. Important context for understanding Gariel’s play and the Jewish question in Livorno is provided by the relocation in the 1780s of prominent Algerian Jewish families who had built their fortunes on the ransom of captives, as well as the active but contested Jewish participation in the Livornese theatrical scene. Once the play’s many allusions are decoded and its layers are peeled back, Lesesclaves takes us to the heart of Tuscan political debates about Jewish participation in the public sphere and illuminates widespread anxieties about Jewish power, intertwined with ambivalence about the prominent role of Jews in the commerce and ransom of captives. Livorno’s historical ties with the Maghreb are thus central to assessing the public discourse about the Jewish condition in Tuscany. A Mediterranean perspective in turn complicates our understanding of minority-majority relations as Enlightenment debates on toleration and Jewish integration flourished in Western Europe.

Type
Histoire et fiction à l’âge des Révolutions
Copyright
© Éditions de l’EHESS

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Footnotes

*

Les auteurs tiennent à remercier Daniel Hershenzon pour ses suggestions ainsi que les relecteurs anonymes de l’article. La recherche a également été possible grâce au soutien de PRIN 2017 « La costruzione delle reti europee nel ‘lungo’ Settecento : figure della diplomazia e comunicazione letteraria ».

Traduction de Guillaume Calafat

References

1 Sur la Livornina, voir Renzo Toaff, La nazione ebrea a Livorno e a Pisa (1591-1700), Florence, Olschki, 1990, p. 41-51 et 419-435 pour le texte des édits de 1591 et 1593 ; Bernard Dov Cooperman, « Trade and Settlement: The Establishment and Early Development of the Jewish Communities in Leghorn and Pisa (1591-1626) », thèse de doctorat, Harvard University, 1976, p. 248-378 ; Lucia Frattarelli Fischer, Vivere fuori dal ghetto. Ebrei a Pisa e Livorno, secoli xvi-xviii , Turin, Silvio Zamorani, 2008. Sur les ghettos italiens, voir également le numéro spécial récent dirigé par Michaël Gasperoni (dir.), « Le siècle des ghettos : la marginalisation sociale et spatiale des juifs en Italie au xvii e siècle », Dix-septième siècle, 282-1, 2019.

2 Christian Wilhelm Dohm, Über die bürgerliche Verbesserung der Juden, Berlin, F. Nicolai, 1781. Sur le traité de C. W. Dohm, voir Robert Liberles, « From Toleration to Verbesserung: German and English Debates on the Jews in the Eighteenth Century », Central European History, 22, 1989, p. 3-32. Sur le concours de l’académie de Metz, voir Ronald Schechter, Obstinate Hebrews: Representations of Jews in France, 1715-1815, Berkeley, University of California Press, 2003, p. 82-95 et 126-131 ; Pierre Birnbaum, « Est-il des moyens de rendre les Juifs plus utiles et plus heureux ? » Le concours de l’académie de Metz (1787), Paris, Éd. du Seuil, 2017.

3 La bibliographie sur les débats à propos de l’émancipation des Juifs est gigantesque. Pour une réinterprétation récente de ce processus, voir David Sorkin, Jewish Emancipation: A History across Five Centuries, Princeton, Princeton University Press, 2019.

4 Francesca Bregoli, Mediterranean Enlightenment: Livornese Jews, Tuscan Culture, and Eighteenth-Century Reform, Stanford, Stanford University Press, 2014, p. 208-238.

5 Isaac Euchel, « Igerot Meshulam ben Uriyah ha-eshtemoi », Ha-Measef, 6, 1770, p. 171-176 et 245-249.

6 Joseph Gorani, Mémoires secrets et critiques des cours, des gouvernemens, et des mœurs des principaux États de l’Italie, t. 3, Paris, Buisson, 1793, p. 120-125 ; le texte revient sur le séjour de Gorani à Livourne en 1788.

7 Cette accusation était monnaie courante à la fin du xvii e siècle. Voir à ce propos The Case of Many Hundreds of Poor English-Captives, in Algier: Together with Some Remedies to Prevent their Increase, Humbly Represented to Both Houses of Parliament, Londres, s. n., 1680 ; Avvisi italiani, ordinarii e straordinarii, dell’anno 1687, Vienne, Gio. Van Ghelen, 4-66, 17 août 1687 ; voir également Pauline Rocca et Andrea Addobbati, « Le rachat de l’esclave : les mésaventures livournaises d’un jeune subrécargue durant la guerre anglo-algéroise de 1669-1671 », à paraître.

8 François Gariel, Les esclaves livournois à Alger. Comédie en deux petits actes… par l’auteur du Dialogue au Caffé du Grec, Livourne, Jean Vincent Falorni, 1786. Nous avons découvert cette pièce à la Biblioteca Labronica F. D. Guerrazzi de Livourne, où sont conservés les deux seuls exemplaires qui subsistent.

9 Cette interprétation est associée au modèle du « judaïsme portuaire ». Voir David Sorkin, « Port Jews and the Three Regions of Emancipation », Jewish Culture and History, 4, 2001, p. 31-46. D. Sorkin a récemment nuancé cette analyse à propos de Livourne. Voir id., Jewish Emancipation, op. cit., p. 33.

10 F. Bregoli, Mediterranean Enlightenment, op. cit., p. 225-232 ; Francesca Gavi, « La disputa sull’ingresso del deputato della ‘Nazione’ ebrea nella comunità di Livorno, lettere e memorie », Nuovi studi livornesi, 3, 1995, p. 251-271 ; Marcello Verga, « Proprietà e cittadinanza. Ebrei e riforma delle comunità nella Toscana di Pietro Leopoldo », in H. Méchoulan et al. (dir.), La formazione storica della alterità. Studi di storia della tolleranza nell’età moderna offerti a Antonio Rotondò, t. 3, Secolo xviii , Florence, Olschki, 2001, p. 1047-1067. Sur les réformes municipales, voir plus généralement Bernardo Sordi, L’amministrazione illuminata. Riforma delle comunità e progetti di Costituzione nella Toscana leopoldina, Milan, Giuffrè, 1991.

11 Voir la section ci-dessous.

12 Gotthold Ephraim Lessing, Gli ebrei, commedia in un atto del Sig. Lessing tradotta dal tedesco in francese e dal francese in italiano, trad. par P. Miglioresi, Livourne, Gio. Vincenzio Falorni, [1754] 1786.

13 Ibid., p. 3-4.

14 En effet, même en 1754, la publication de Die Juden par Lessing avait entraîné une série de controverses en raison de sa fragilité dramaturgique et de son contenu favorable à l’émancipation.

15 Des copies de ces pamphlets, publiés in-quarto, sont conservées à la Biblioteca Labronica. Le premier est Les Juifs. Dialogue entre M. Jérémie Pouf, et M. Jonas Gay au Caffé du Grec, à l’occasion de la publication de la Comédie des Juifs originairement en allemand par Monsieur Lessing. Traduite en français, et dernièrement en italien, Livourne, Jean Vincent Falorni, 1786. Le second est Les esclaves livournois à Alger, déjà mentionné supra, n. 8.

16 François Gariel, Refléxions sur l’utilité des voyages, Livourne, Carlo Giorgi, 1785, p. iv.

17 Ibid., p. 12.

18 Bien que l’on puisse légitimement associer le nom de François Gariel (qui pourrait s’avérer être un pseudonyme) aux Réflexions, aux Juifs et aux Esclaves, deux autres pamphlets à l’origine douteuse pourraient également lui être attribués. Le premier est l’anonyme Examen des causes destructives du théâtre de l’Opéra et des moyens qu’on pourroit employer pour le rétablir, ouvrage spéculatif, par un amateur de l’harmonie, Paris, Veuve Duchesne, 1776, un plaidoyer pour soutenir l’opéra de Paris au moyen de subventions publiques. Une annotation manuscrite sur la copie conservée à la Bibliothèque nationale de France le rattache à un certain « Gariel », bien que le Nouveau dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes d’Edmond-Denis de Manne (Lyon, N. Scheuring, 1868) indique un certain « Joseph Gabriel de Bordeaux » comme son auteur. Le second est le Remerciement d’un bon piémontais a monsieur *** avocat en parlement de plusieurs académies de France & des Arcades de Rome, auteur de Lettres écrites de Suisse, d’Italie, de Sicile, & de Malthe… Avec la description de la réception des comtes du Nord à Turin, de l’opéra donné à cette occasion, & du séjour & départ de ces princes pour la France, Venise, Valvasense, 1783, une réponse aux Lettres de Jean-Marie Roland de La Platière (Amsterdam, s. n., 1780) par un certain « François Gaziel Citoyen de Turin ». L’appendice, qui évoque les opéras joués sur la scène turinoise durant la visite de l’héritier du trône russe, Pavel Petrovitch, et de sa femme, Maria Feodorovna, ressemble aux plus tardives Réflexions sur l’utilité des voyages, tandis que le fond des Remerciements, datés de « Paris, ce 8 février 1782 », est semblable à la production livournaise de Gariel. Le ton de ce travail, dont le frontispice reprend la devise d’Horace Ridendo dicere verum, quid vetat (« Qu’est-ce qui empêche de dire la vérité en riant ? »), est satirique. Sa forme épistolaire et son texte principal, précédé d’un Dialogue entre l’auteur et le colporteur qui moque les auteurs écrivant des « voyages d’Italie dans leurs cabinets » ; sa signature sous le pseudonyme du « Bon Piémontais » (peut-être un double pseudonyme ?) ; ses références fréquentes aux écrits de Francesco Algarotti, également mentionnés dans les Réflexions ; plus généralement, enfin, son style littéraire : tout laisse penser que Gaziel et Gariel sont bien une seule et même personne.

19 Gotthold Ephraim Lessing, Lessings Werke, vol. 7, Vorreden, éd. par J. Petersen et W. von Olshausen, Berlin, Deutsches Verlagshaus Bong & Co., 15 vol., 1925-1935, p. 41.

20 Ritchie Robertson, « ‘Dies hohe Lied der Duldung’? The Ambiguities of Toleration in Lessing’s Die Juden and Nathan der Weise », The Modern Language Review, 93, 1998, p. 105-120, ici p. 110-111.

21 Gariel signe de cette manière la préface de Les Juifs, p. 3. Ses deux pièces furent publiées la même année que la traduction de la pièce de Lessing, chez le même imprimeur, Giovan Vincenzo Falorni. Falorni travaillait pour l’éditeur Marco Coltellini, des presses duquel sortirent les volumes de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert ainsi que les œuvres de Cesare Beccaria et de Pietro Verri. À la fin des années 1770, après avoir commencé son propre travail, il se spécialisa dans les éditions en caractères hébraïques : Susanna Corrieri, Il torchio fra « palco » e « tromba ». Uomini e libri a Livorno nel Settecento, Modène, Mucchi, 2000.

22 Andrea Addobbati, « Jérémie Pouf e Jonas Gay. Ricerche in corso sulla nazione ebrea di Livorno e la prima traduzione italiana de Gli ebrei di Lessing », Nuovi studi livornesi, 16, 2009, p. 171-212 ; Francesca Bregoli, « ‘Two Jews Walk into a Coffeehouse’: The ‘Jewish Question’, Utility, and Political Participation in Late Eighteenth-Century Livorno », Jewish History, 24, 2010, p. 309-329 ; ead., Mediterranean Enlightenment, op. cit., p. 209-222 ; Yaël Ehrenfreud, « Les représentations de personnages juifs au théâtre : tradition française et réception de l’Aufklärung », Dix-huitième siècle, 34, 2002, p. 479-496.

23 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit. Sur l’orientalisme comme « scène », voir Edward Said, L’orientalisme. L’Orient créé par l’Occident, Paris, Éd. du Seuil, [1978] 2015, p. 80 et 84.

24 Pour une analyse contemporaine de l’ambiguïté du message de tolérance de Lessing, voir R. Robertson, « ‘Dies hohe Lied der Duldung’? », art. cit.

25 F. Gariel, Les Juifs, op. cit., p. 25.

26 Goldoni utilisa cette devise, tirée de l’Histoire naturelle de Pline (27, 9), dans Il Moliere (acte III, scène 4) et La conversazione (acte I, scène 7).

27 Gotthold Ephraim Lessing, Les Juifs. Comédie en un acte, trad. par J. H. E., Paris, s. n., 1781, p. 22.

28 Pour le texte de la pièce et une introduction critique, voir Martial Poirson et Jacqueline Razgonnikoff (éd.), Théâtre de Chamfort. La jeune Indienne (1764), Le marchand de Smyrne (1770), Mustapha et Zéangir (1776), Vijon, Lampsaque, 2009, p. 122-167.

29 Voltaire, Candide ou l’optimisme, Paris, G. Boudet, [1759] 1893 ; Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens, Lettres cabalistiques, ou Correspondance philosophique, historique et critique, entre deux cabalistes, divers esprits élémentaires, & le seigneur Astaroth, La Haye, Chez Pierre Paupie, 6 vol., 1737-1741. Cette œuvre fut republiée en 1754, 1766 et 1769-1770. Sur le marquis d’Argens, voir Newell Richard Bush, The Marquis d’Argens and His Philosophical Correspondence: A Critical Study of d’Argens, Lettres juives, Lettres cabalistiques and Lettres chinoises, Ann Arbor, Edwards Brothers, 1953 ; Jean-Louis Vissière (dir.), Le marquis d’Argens : actes du colloque international de 1988, Aix-en-Provence, Publications de l’université de Provence, 1990.

30 Mario Mirri, La lotta politica in Toscana intorno alle « riforme annonarie » (1764-1775), Pise, Pacini, 1972.

31 Carlo Fantappiè, Riforme ecclesiastiche e resistenze sociali. La sperimentazione istituzionale nella diocesi di Prato alla fine dell’antico regime, Bologne, Il Mulino, 1986 ; Diana Toccafondi, « La soppressione leopoldina delle confraternite religiose tra riformismo ecclesiastico e politica sociale », Archivio storico pratese, LXI, 1985, p. 143-172.

32 Maria Ines Aliverti, « Breve storia di un progetto leopoldino (1779-1788) », Quaderni di teatro, 3, 1981, p. 21-33 ; Antonio Tacchi, « La vita teatrale a Firenze in età leopoldina. Ovvero, tutto sotto controllo », Medioevo e Rinascimento, n. s. 3, 1992, p. 361-373 ; id., « Della regolata vita teatrale fiorentina », thèse de doctorat, université de Florence, 1994.

33 Ettore Levi Malvano, « Les éditions toscanes de l’Encyclopédie », Revue de littérature comparée, 3, 1923, p. 228-245 ; Carlo Mangio, « Censura granducale, potere ecclesiastico ed editoria in Toscana. L’edizione livornese dell’Encyclopédie », Studi settecenteschi, 16, 1996, p. 201-219.

34 Pier Gaetano Bicchierai, La Virginia e la Cleone, Florence, Stecchi & Pagani, 1767.

35 Stefano Mazzoni, « Il teatro degli Avvalorati », in D. Filippi (dir.), La fabbrica del « Goldoni ». Architettura e cultura teatrale a Livorno (1658-1847), Venise, Marsilio, 1989, p. 91-106 ; Elvira Garbero Zorzi et Luigi Zangheri (dir.), I teatri storici della Toscana. Grosseto, Livorno e provincie, Florence, Giunta regionale toscana, 1990, p. 199-247 ; Vivien Alexandra Hewitt, « I teatri di Livorno tra Illuminismo e Risorgimento. L’imprenditoria teatrale a Livorno dal 1782 al 1848 », Quaderni della Labronica, 59, 1995, p. 13-15.

36 Archivo di Stato di Livorno (ci-après ASLi), Comunità, 183, fol. 543 sq. Sur Jacob Aghib et son mariage, resté dans les annales, voir L. Frattarelli Fischer, Vivere fuori dal ghetto, op. cit., p. 203-204 ; F. Bregoli, Mediterranean Enlightenment, op. cit., p. 15-16. Sur la famille Aghib, originaire de Tunis, voir Francesca Trivellato, Corail contre diamants. Réseaux marchands, diaspora sépharade et commerce lointain. De la Méditerranée à l’océan Indien, xviii e siècle, trad. par G. Calafat, Paris, Éd. du Seuil, [2009] 2016, p. 91-92 et 98.

37 ASLi, Governo, 19, no 1, supplique du 20 mars 1779, approuvée le 17 avril, pourvu que le vieux théâtre soit démoli ; ASLi, Comunità, 183, fol. 558, « Rappresentanza del S.r Bicchierai relativa al Nuovo Teatro ».

38 V. A. Hewitt, « I teatri di Livorno… », art. cit., p. 34.

39 Jean-Pierre Filippini, « Livourne et l’Afrique du Nord au xviii e siècle », Revue d’histoire maghrébine, 7-8, 1977, p. 125-149 ; id., « Juifs d’Afrique du Nord à Livourne dans la seconde moitié du xviii e siècle », Revue des études juives, 141, 1982, p. 459-460, désormais dans id., Il porto di Livorno e la Toscana (1676-1814), vol. 3, Naples, ESI, 1998, p. 49-60 et 61-180. Pour le point de vue d’un contemporain, voir J. Gorani, Mémoires secrets…, t. 3, op. cit., p. 120.

40 Outre les références ci-dessus, voir Jean-Pierre Filippini, « Gli ebrei e le attività economiche nell’area nord africana (xvii-xviii secolo) », Nuovi studi livornesi, 7, 1999, p. 131-149.

41 H. Z. (J. W.) Hirschberg, A History of the Jews in North Africa, vol. 2, From the Ottoman Conquests to the Present Time, Leyde, Brill, 1981, p. 14-15 ; Lucette Valensi, Le Maghreb avant la prise d’Alger (1790-1830), Paris, Flammarion, 1969, p. 70-78 ; Minna Rozen, « The Leghorn Merchants in Tunis and Their Trade with Marseilles at the End of the 17th Century », in J.-L. Miège (dir.), Les relations intercommunautaires juives en Méditerranée occidentale. xiii e -xx e siècles, Paris, CNRS Éditions, 1984, p. 51-59 ; Sadok Boubaker, La régence de Tunis au xvii e siècle. Ses relations commerciales avec les ports de l’Europe méditerranéenne, Marseille et Livourne, Zaghouan, Ceroma, 1987 ; Richard Ayoun, « Les négociants juifs d’Afrique du Nord et la mer à l’époque moderne », Revue française d’histoire d’outre-mer, 87, 2000, p. 109-135.

42 R. Toaff, La nazione ebrea…, op. cit., p. 415.

43 J.-P. Filippini, Il porto di Livorno…, vol. 3, op. cit., p. 49 et 65-66.

44 Ibid., p. 67-68.

45 Gabriele Bedarida, « La nazione ebrea di Livorno e i profughi algerini del 1805 », Rivista italiana di studi napoleonici, 19, 1982, p. 115-186, ici p. 122-123.

46 Les journaux de l’époque relatèrent cette opération de libération : Gazzetta universale, 17 (26 février 1785), p. 135 ; 29 (9 avril 1785), p. 231 ; Gazzetta di Parma, 9 (4 mars 1785), p. 72 ; Diario di Roma, Ordinario, 1090 (11 juin 1785), p. 18-19. Sur cet épisode particulier, voir Andrea Addobbati, « Il prezzo della libertà. Appunti di ricerca sulle assicurazioni contro la cattura », Nuovi studi livornesi, 8, 2000, p. 95-123. Plus généralement, sur les relations entre la Toscane et les provinces d’Afrique du Nord, voir Calogero Piazza, Schiavitù e guerra dei Barbareschi. Orientamenti toscani di politica transmarina (1747-1768), Milan, Giuffrè, 1983.

47 Morton Rosenstock, « The House of Bacri and Busnach: A Chapter from Algeria’s Commercial History », Jewish Social Studies, 14, 1952, p. 343-364 ; Françoise Hildesheimer, « Grandeur et décadence de la maison Bacri de Marseille », Revue des études juives, 136, 1977, p. 389-414 ; Jean-Pierre Filippini, « Una famiglia ebrea di Livorno tra le ambizioni mercantili e le vicissitudini del mondo mediterraneo. I Coen Bacri », Ricerche storiche, 12, 1982, p. 287-334, maintenant dans id., Il porto di Livorno…, vol. 3, op. cit., p. 181-235 ; H. Z. (J. W.) Hirschberg, A History of the Jews…, vol. 2, op. cit., p. 30-51 ; Julie Kalman, Orientalizing the Jew: Religion, Culture, and Imperialism in Nineteenth-Century France, Bloomington, Indiana University Press, 2017, p. 91-118.

48 A. Addobbati, « Il prezzo della libertà », art. cit., p. 99.

49 Roberto G. Salvadori, « Un tumulto xenofobo a Pisa nel 1787 », Bollettino storico pisano, 49, 1990, p. 149-157.

50 Sur les usages historiens de la littérature, voir notamment Étienne Anheim et Antoine Lilti, « Introduction », in É. Anheim et A. Lilti (dir.), no spécial « Savoirs de la littérature », Annales HSS, 65-2, 2010, p. 253-260 ; Francesco Orlando, Gli oggetti desueti nelle immagini della letteratura. Rovine, reliquie, rarità, robaccia, luoghi inabitati e tesori nascosti, Turin, Einaudi, 1993.

51 Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens, Lettres cabalistiques, éd. par J. Marx, Paris, Honoré Champion, [1737-1738] 2017. Pour une analyse du rapport du marquis d’Argens avec le judaïsme, voir Adam Sutcliffe, Judaism and Enlightenment, Cambridge, Cambridge University Press, 2003, p. 209-212.

52 A. Sutcliffe, Judaism and Enlightenment, op. cit, p. 212.

53 Le raïs renvoie à un capitaine corsaire musulman. Sur le corso et la piraterie en Méditerranée, voir Wolfgang Kaiser et Guillaume Calafat, « Violence, Protection, and Commerce: Corsairing and Ars Piratica in the Early Modern Mediterranean », in S. Amirell et L. Müller (dir.), Persistent Piracy: Maritime Violence and State-Formation in Global Historical Perspective, Londres, Palgrave Macmillan, 2014, p. 69-92.

54 L’expression fait référence à l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, autrement dit à l’ordre de Malte. À la fin du xviii e siècle, le pavillon de Jérusalem était arboré par des capitaines non maltais, qui l’utilisaient comme pavillon de complaisance.

55 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 7.

56 Le Turc généreux constitue la première entrée dans Les Indes galantes, ballet héroïque représenté pour la première fois, par l’Académie royale de musique, Paris, De l’imprimerie de Jean-Baptiste-Christophe Ballard, 1735, opéra de Jean-Philippe Rameau avec un livret de Louis Fuzelier.

57 La connotation positive du nom apparaît pour la première fois dans Le Turc généreux, inspiré par le personnage historique de Topal Osman, un grand vizir ottoman connu pour sa générosité dans l’échange des captifs. En revanche, dans la pièce la plus jouée de Voltaire, Zaïre (1732), Osman incarne le fils jaloux du sultan, qui cause la mort de l’héroïne avant de se suicider.

58 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 8. Cette assertion n’était pas totalement juste. Le grand-duché de Toscane et la province ottomane d’Alger avaient signé un traité de paix en 1748, mais il restait encore quelques esclaves musulmans à Livourne après cette date, et ce malgré la fermeture du bagne de la ville, où les captifs résidaient d’ordinaire, en 1750. Voir Cesare Santus, Il « turco » a Livorno. Incontri con l’Islam nella Toscana del Seicento, Milan, Officina Libraria, 2019 ; Guillaume Calafat et Cesare Santus, « Les avatars du ‘Turc’. Esclaves et commerçants musulmans à Livourne (1600-1750) », in J. Dakhlia et B. Vincent (dir.), Les musulmans dans l’histoire de l’Europe, t. 1, Une intégration invisible, Paris, Albin Michel, 2011, p. 471-522 ; Giulia Bonazza, Abolitionism and the Persistence of Slavery in Italian States, 1750-1850, Cham, Palgrave Macmillan, 2019, p. 135-140.

59 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 8.

60 Ibid., p. 9.

61 Pour une vue synoptique des relations de la France avec le phénomène de « l’esclavage » méditerranéen, voir Gillian Weiss, Captifs et corsaires. L’identité française et l’esclavage en Méditerranée, trad. par A.-S. Homassel, Toulouse, Anacharsis, [2011] 2014.

62 Ibid., p. 218-219.

63 Gazzetta universale, 91 (12 nov. 1785), p. 721. La dépêche est datée du 25 octobre 1785.

64 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 9.

65 Eloy Martín Corrales, Muslims in Spain, 1492-1814: Living and Negotiating in the Land of the Infidel, Leyde, Brill, 2021, p. 230-232.

66 Gazzetta universale, 65 (12 août 1785), p. 513 ; 70 (30 août 1785), p. 553 ; 75 (17 sept. 1785), p. 594 ; 81 (8 oct. 1785), p. 641 et 648 ; 95 (26 nov. 1785), p. 753 ; 99 (10 déc. 1785), p. 785 ; 101 (17 déc. 1785), p. 801 ; 102 (20 déc. 1785), p. 810. Le traité fut publié dans son intégralité dans la Gazzetta toscana 87 (31 oct. 1786), p. 689-690 ; 88 (4 nov. 1786), p. 698 ; 89 (7 nov. 1786), p. 705-706.

67 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 10. Dans une scène postérieure, Osman se réfère également à la longue guerre entre Russes et Ottomans pour justifier l’augmentation de 600 %, exagérée de manière comique, du prix des femmes circassiennes et géorgiennes, destinées au harem du sultan. Puisque la Géorgie et la Circassie étaient à l’époque sous la protection de l’impératrice Catherine II, cette « marchandise » était devenue très rare à Istanbul, au point d’en faire monter les prix (ibid., p. 29).

68 Le commentaire est souligné par la réaction d’Abigaïl à la scène suivante. À la nouvelle de l’arrivée d’une « jolie esclave » qui la servira et lui tiendra compagnie, elle se réjouit et promet qu’elle lui fera oublier sa captivité (ibid., p. 13).

69 L’éloge de Pierre-Léopold résonne avec les formes classiques de la gratitude des Juifs pour le bon traitement qu’ils reçoivent de la part de leur souverain. Cependant, dans le récit de Gariel, c’est bien un marchand juif d’Alger qui remercie publiquement le souverain d’un pays étranger, la Toscane, pour la manière dont il traite ses coreligionnaires (ibid., p. 12).

70 Ibid., p. 13.

71 G. E. Lessing, Gli ebrei…, op. cit., p. 15.

72 Dans les pamphlets italiens du xviii e siècle, ce stéréotype de l’usurier juif cupide était rare, alors qu’il circulait largement dans les discours antijuifs français et allemands de l’époque. Les conflits entre les créanciers juifs et les débiteurs chrétiens pouvaient y être très violents. Sur l’image de l’usurier juif dans l’Europe moderne et contemporaine, voir Francesca Trivellato, The Promise and Peril of Credit: What a Forgotten Legend about Jews and Finance Tells Us about the Making of European Commercial Society, Princeton, Princeton University Press, 2019.

73 Samuele Romanelli, Visioni d’Oriente. Itinerari di un ebreo italiano nel Marocco del Settecento, éd. par A. Salah, Florence, Giuntina, 2006 ; Hayim Yoseph David Azulai, Ma‘agal Tov, éd. par A. Freiman, Berlin, Mekitze Nirdamim, 1921. Voir également Matthias B. Lehmann, « A Livornese ‘Port Jew’ and the Sephardim of the Ottoman Empire », Jewish Social Studies, 11, 2005, p. 51-76 et id., « Levantinos and Other Jews: Reading H.Y.D. Azulai’s Travel Diary », Jewish Social Studies, 13, 2007, p. 1-34.

74 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 15. La pièce fait allusion à plusieurs reprises à la possibilité d’une relation amoureuse entre Juifs et chrétiens. Dans une autre scène, Bernard exprime son admiration pour l’esprit charmant, l’éducation et la figure d’Abigaïl (ibid., p. 17), tandis que, plus tard, Jacob déclare à son père qu’il pense en effet à Dorothée, mais avec les meilleures des intentions, dans le seul but de la respecter et de la servir (ibid., p. 30). Bien que les relations intimes entre Juifs et chrétiens fussent sans doute plus fréquentes que ce qu’il est possible d’établir à partir des sources, seule la conversion d’un Juif au christianisme pouvait rendre officiellement viable ce type de liens.

75 Ibid., p. 15.

76 Renée Levine Melammed, « Sephardi Women in the Medieval and Early Modern Periods », in J. R. Baskin (dir.), Jewish Women in Historical Perspective, Détroit, Wayne State University Press, [1991] 1998, p. 128-149, ici p. 130.

77 M. Poirson et J. Razgonnikoff (éd.), Théâtre de Chamfort, op. cit., p. 139-143 et 151-153.

78 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 17.

79 Ibid., p. 18.

80 Ibid., p. 19.

81 Ibid., p. 23.

82 Ibid., p. 24.

83 Justin Roberts, Slavery and the Enlightenment in the British Atlantic, 1750-1807, Cambridge University Press, 2013 ; Silvia Sebastiani, The Scottish Enlightenment: Race, Gender and the Limits of Progress, trad. par J. Carden, New York, Palgrave Macmillan, [2008] 2013 ; Jean-Paul Doguet, Les philosophes et l’esclavage, Paris, Éd. Kimé, 2016.

84 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 26.

85 Sur l’émergence de ce type de cosmopolitisme, voir Margaret Jacob, Strangers Nowhere in the World: The Rise of Cosmopolitanism in Early Modern Europe, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2006 ; Sophia Rosenfeld, « Citizens of Nowhere in Particular: Cosmopolitanism, Writing, and Political Engagement in Eighteenth-Century Europe », National Identities, 4-1, 2002, p. 25-43.

86 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 30.

87 Ibid., p. 31.

88 Il s’agissait pour la plupart de travailleurs de la mer et de marchands : Khalid Bekkaoui, White Women Captives in North Africa: Narratives of Enslavement, 1735-1830, New York, Palgrave Macmillan, 2010, p. 17.

89 Joe Snader, Caught between Worlds: British Captivity Narratives in Fact and Fiction, Lexington, University Press of Kentucky, 2000, p. 149. Le genre du récit de captivité méditerranéen était extrêmement populaire en Angleterre. Voir également Daniel J. Vitkus (éd.), Piracy, Slavery, and Redemption: Barbary Captivity Narratives from Early Modern England, New York, Columbia University Press, 2001 ; Diane Long Hoeveler, « The Female Captivity Narrative: Blood, Water, and Orientalism », in D. Long Hoeveler et J. Cass (dir.), Interrogating Orientalism: Contextual Approaches and Pedagogical Practices, Columbus, Ohio State University Press, 2006, p. 46-71, ici p. 51-57. Voir également Linda Colley, The Ordeal of Elizabeth Marsh: A Woman in World History, Londres, HarperPress, 2007.

90 Voir Voltaire, Candide ou l’optimisme, op. cit., chapitre 11. « L’histoire de Cunégonde » (chap. 8) est également pertinente : quand le château de ses parents est attaqué par les Bulgares, Cunégonde, aimée de Candide, est violée par un « grand Bulgare » avant d’être retenue captive. Elle est finalement vendue à don Issachar, un marchand juif sépharade, « qui aimait passionnément les femmes » (ibid., p. 33 et 34).

91 Gariel était tout à fait conscient du ton optimiste et enjoué de sa pièce. Discutant de la traduction italienne de Die Juden, les critiques de Lessing inventées par Gariel comparent son travail avec la technique du clair-obscur des peintres flamands. Tandis que les maîtres hollandais accentuent les ombres pour souligner la lumière, explique Jonas Gay, le clair-obscur de Lessing ne fonctionne pas, car sa main appuie trop lourdement sur les ombres, au point de faire disparaître la « lumière créatrice » (F. Gariel, Les Juifs, op. cit., p. 18). Se souvenant du commentaire de ses propres personnages dans la préface des Esclaves, Gariel anticipe ce que certains des critiques pourraient lui dire si, en retour, il plongeait son travail dans une lumière « trop vague qui ne signifie rien » : « Mais il y a du clinquant & c’est précisément ce qu’on aime dans le malheureux siècle où nous sommes » (id., Les esclaves…, op. cit., p. 3).

92 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 32.

93 Les Roux de Marseille jouèrent un rôle important dans la distribution du sucre antillais. Georges Roux devint célèbre en raison de ses bravades, transformant ses vaisseaux en une flotte corsaire pendant la guerre de Sept Ans et n’hésitant pas à déclarer la guerre – en tant que citoyen privé – au roi Georges II d’Angleterre. Voir Charles Carrière et Michel Goury, Georges Roux, dit de Corse. L’étrange destin d’un armateur marseillais, 1703-1792, Marseille, Jeanne Lafitte, 1990 ; Michel Vovelle, Nouvelle histoire de la France contemporaine, vol. 1, La chute de la monarchie (1787-1792), Paris, Éd. du Seuil, [1972] 2014, p. 68. Sur la compagnie des frères Roux, voir Charles Carrière, Négociants marseillais au xviii e siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, Marseille, Institut historique de Provence, 2 vol., 1973 ; Sébastien Lupo, « Révolution(s) d’échelles. Le marché levantin et la crise du commerce marseillais au miroir des maisons Roux et de leurs relais à Smyrne (1740-1787) », thèse de doctorat, Aix-Marseille université, 2015 ; id., « Inertie épistolaire et audace négociante au xviii e siècle », Rives nord-méditerranéennes, 27, 2007, p. 109-122.

94 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 27.

95 À l’exclamation horrifiée de Sarah, qui s’exclame « Le Barbare ! », Abraham explique que les femmes peuvent être dangereuses, comme le montrent les exemples bibliques de Judith, Yaël et Dalila – et les filles menues et jolies plus encore que les grandes et les vulgaires (ibid., p. 34). L’opinion d’Abraham sur la dangerosité des femmes vient compléter les plaintes d’Abigaïl sur la condition de la femme en Algérie. On se demande comment ces commentaires étaient perçus à Livourne, où les femmes étaient libres d’aller et venir sans surveillance.

96 Ibid., p. 35-36.

97 Ibid., p. 40.

98 W. Kaiser et G. Calafat, « Violence, Protection, and Commerce », art. cit., p. 78.

99 Wolfgang Kaiser, « Introduction », in W. Kaiser (dir.), Le commerce des captifs. Les intermédiaires dans l’échange et le rachat des prisonniers en Méditerranée, xv e -xviii e siècle, Rome, École française de Rome, 2008, p. 1-14, ici p. 5 ; Wolfgang Kaiser et Guillaume Calafat, « The Economy of Ransoming in the Early Modern Mediterranean: A Form of Cross-Cultural Trade between Southern Europe and the Maghreb (16th to 18th Centuries) », in F. Trivellato, L. Halevi et C. Antunes (dir.), Religion and Trade: Cross-Cultural Exchanges in World History, 1000-1900, Oxford, Oxford University Press, p. 108-130, ici p. 125-130.

100 Daniel Hershenzon, « Jews and the Early Modern Mediterranean Slave Trade », in M. Lehmann et J. Marglin (dir.), Jews and the Mediterranean, Bloomington, Indiana University Press, 2020, p. 81-106.

101 J.-P. Filippini, « Una famiglia ebrea di Livorno… », art. cit., p. 290. Tandis que les origines de la famille et son histoire dans la première partie du xviii e siècle sont relativement mal connues, il existe des recherches plus importantes sur ses déboires au xix e siècle : M. J. M. Haddey, Le livre d’or des israélites algériens, Alger, Imprimerie typographique A. Bouyer, 1871, p. 66-72 ; M. Rosenstock, « The House of Bacri and Busnach », art. cit. et, désormais, J. Kalman, Orientalizing the Jew, op. cit., p. 91-118.

102 F. Gariel, Les esclaves…, op. cit., p. 44-45.

103 Abigaïl et Rachel sont décrites comme de parfaites filles de marchands : elles savent tout sur la gestion du ménage, mais aussi lire et écrire, l’arithmétique, le français, l’espagnol, et la danse (ibid., p. 42).

104 Ibid., p. 47-48.

105 Ibid., p. 3.

106 Ibid., p. 4.

107 ASLi, Governo, 43, fol. 195r-197v, accord pour la cession du contrat (29 août 1789).

108 Berte appartenait à une famille d’origine française qui s’était installée à Livourne dans la seconde moitié du xvii e siècle pour y faire commerce. Les Berte avaient obtenu un titre de noblesse après l’acquisition de propriétés foncières dans la campagne toscane, que les Médicis avaient érigé en fief. Sa sœur Anna Maria tenait un salon littéraire très fréquenté dans sa maison de Pise, tandis que sa femme, Caterina Casimira, était la fille du riche notaire Giovanbattista Gamerra. Le marquis était ainsi le beau-frère du fameux Giovanni Gamerra, auteur et dramaturge sans grand talent, mais très prolifique et suffisamment ambitieux pour être considéré comme un candidat sérieux pour succéder à Métastase à la cour de Vienne. Voir Federico Marri, « Lettere di Giovanni de Gamerra », Studi musicali, 29, 2000, p. 71-184 et 293-452 et id., « Lettere di Giovanni de Gamerra », Studi musicali, 30, 2001, p. 59-128 ; sur Berte en particulier, voir ibid., p. 293-295. Sur Gamerra, voir Franco Tagliafierro, « Giovanni de Gamerra e le sue tragedie ‘domestiche’ », Giornale storico della letteratura italiana, 171-553, 1994, p. 183-216.

109 Loredana Maccabruni, « L’Accademia degli Immobili e il teatro della Pergola dai sovrani lorenesi al regno d’Italia », in M. de Angelis et al. (dir.), Lo « Spettacolo maraviglioso ». Il teatro della Pergola : l’opera a Firenze, Florence, Polistampa, 2000, p. 47-59 ; Sara Mamone, « Accademia e opera in musica nella vita di Giovan Carlo Mattias e Leopoldo de’ Medici, fratelli del granduca Ferdinando », in P. Gargiulo (dir.), « Lo stupor dell’invenzione ». Firenze e la nascita dell’opera, Florence, Olschki, 2001, p. 119-138 ; Caterina Pagnini, Il teatro del Cocomero a Firenze (1701-1748), Florence, Le Lettere, 2017.

110 Marcello Verga, Da « cittadini » a « nobili ». Lotta politica e riforma delle istituzioni nella Toscana di Francesco Stefano di Lorena, Milan, Giuffrè, 1990. Voir également Jean Boutier, « Les membres des académies florentines à l’époque moderne. La sociabilité intellectuelle à l’épreuve du statut et des compétences », in J. Boutier, B. Marin et A. Romano (dir.), Naples, Rome, Florence. Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (xvii e -xviii e siècles), Rome, École française de Rome, 2005, p. 405-443.

111 ASLi, Governo, 43, fol. 216r-217r, mémoire d’Aghib, Abudharam et Attias.

112 Certains pensaient que la richesse de Bertolla provenait de ses gains à la loterie. Voir Biblioteca Labronica Livorno, ms. XVI, Pietro Bernardo Prato, « Giornale della città a porto di Livorno », 1782, p. 12-13. D’autres pensaient que deux jésuites de passage dans la ville lui avaient confié un trésor. Voir David G. LoRomer, Merchants and Reform in Livorno: 1814-1868, Berkeley, University of California Press, 1987, p. 66.

113 Durant les onze années qui suivirent la réforme de la municipalité, Jacob Aghib fut deux fois député de la nazione ebrea. Les autres députés furent Lazzaro Recanati, cinq fois, David Franco et Jacob Bonfil, deux fois chacun. Voir F. Trivellato, Corail contre diamants, op. cit., p. 408, n. 159.

114 ASLi, Governo, 43, fol. 220r-221r, transfert de Bird à Aghib (22 décembre 1789) ; fol. 222r-223r, transfert de Bicchierai à Abudharam (19 janvier 1790). Francesco était le fils de Pietro Gaetano. Il possédait une loge au théâtre.

115 ASLi, Governo, 43, fol. 200r-204r, « Copia della Deliberazione dei SS.ri Accademici Avvalorati del 2 feb. 1790 ».

116 ASLi, Governo, 43, fol. 224r, les frères Aghib et les frères Abudharam à Berte (16 février 1790).

117 ASLi, Governo, 43, fol. 225, Berte aux frères Aghib et aux frères Abudharam (11 mars 1790). On trouve les lettres originales dans ASLi, Avvalorati, 1, n. 5.

118 ASLi, Governo, 43, fol. 224r, les frères Aghib et les frères Abudharam à Berte (16 février 1790).

119 ASLi, Governo, 43, fol. 208r-219r, mémoire d’Aghib, Abudharam et Attias.

120 Gage de la politique non discriminatoire du grand-duc, le document mentionnait l’implication des Juifs dans la municipalité et dans les députations en charge de la Chambre des paiements publics et de la licence des courtiers (sensali). Voir Andrea Addobbati, « Le molte teste dell’Idra. I sensali livornesi nell’età delle riforme », Mélanges de l’École française de Rome. Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, 127, 2015, DOI : https://doi.org/10.4000/mefrim.2181. Il ajoutait que le grand-duc avait autorisé la participation des Juifs aux académies. Il n’en demeure pas moins qu’à quelques exceptions près, les sociabilités académiques savantes et littéraires toscanes n’étaient pas ouvertes aux Juifs : Ulrich Wyrwa, Juden in der Toskana und in Preußen im Vergleich. Aufklärung und Emanzipation in Florenz, Livorno, Berlin und Königsberg i. Pr., Tubingue, Mohr Siebeck, 2003, p. 30-43 et 39-40 ; en particulier pour l’épisode de l’académie des Faticanti. Voir également id., « ‘Perché i moderni rabbini pretendono di dare ad intendere una favola chimerica…’. L’illuminismo toscano e gli ebrei », Quaderni storici, 1, 2000, p. 139-162. Plus largement, sur la participation des Juifs à la vie des institutions culturelles toscanes, voir F. Bregoli, Mediterranean Enlightenment, op. cit., p. 39-126. Sur la figure exceptionnelle de Joseph Attias, voir ibid., p. 39-67, et L. Frattarelli Fischer, Vivere fuori dal ghetto, op. cit., p. 307-338. Voir également Liana E. Funaro, Un sentier sparso di luce. Salomone Fiorentino fra Firenze e Livorno, Nola, Il laboratorio, 2014.

121 Gabriele Turi, « Viva Maria ». La reazione alle riforme leopoldine (1790-1799), Florence, Olschki, 1969, p. 3-25 ; Carlo Mangio, Politica toscana e rivoluzione. Momenti di storia livornese, Pise, Pacini, 1974, p. 1-36 ; Samuel Fettah, « Les émeutes de Santa Giulia à Livourne. Conflits locaux et résistances au despotisme éclairé dans l’Italie de la fin du xviii e siècle », Provence historique, 202, 2000, p. 459-470.

122 Andrea Addobbati, Facchinerie. Immigrati bergamaschi, valtellinesi e svizzeri nel porto di Livorno (1602-1847), Pise, ETS, 2018, p. 113-122.

123 Pietro Vigo (éd.), Livorno e gli avvenimenti del 1790-91 con notizie di Firenze e altri documenti. Diario anonimo, Livourne, Meucci, 1907, p. 41.

124 ASLi, Governo, 43, fol. 141v-142r, « Memoria » (mars 1791).

125 ASLi, Governo, 43, fol. 145r, les frères Aghib et les frères Abudharam à Berte (2 juin 1790).

126 ASLi, Governo, 43, fol. 163r-187r, « Memoria Pierallini ». Voir également fol. 156r-158v, « Obiezioni fatte dall’Auditor Consultore del Governo di Livorno alla supplica dei fratelli Aghib e Abudaram » et fol. 158v-162r, « Risposta ai dubbi promossi dall’Auditor Pierallini contro la supplica degli Aghib e Abudaram umiliata a S.M.C. intorno al Teatro di Livorno e sua Accademia ».

127 ASLi, Governo, 43, fol. 178v.

128 ASLi, Governo, 43, fol. 179r.

129 V. A. Hewitt, « I teatri di Livorno… », art. cit., p. 39 ; Alessandra Feri, « Il teatro musicale a Livorno dall’età leopoldina alla fine del Settecento (1766-1799) », thèse de laurea, université de Florence, 1994-1995, p. 197-198.

130 Robert Darnton, Bohème littéraire et Révolution. Le monde des livres au xviii e siècle, trad. par É. De Grolier, Paris, Gallimard, [1983] 2010.

131 Furio Diaz, Francesco Maria Gianni. Dalla burocrazia alla politica sotto Pietro Leopoldo di Toscana, Milan, Ricciardi, 1966.

132 Francesco Maria Gianni, Scritti di pubblica economia, storico-economici e storico-politici, vol. 1, Florence, Niccolai, 1848, p. 261.

133 Ibid., p. 262.

134 Ibid.

135 E. Said, L’orientalisme…, op. cit., p. 41.

136 Michel Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », in S. Bachelard et al. (dir.), Hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF, 1971, p. 145-172, ici p. 145.

137 E. Said, L’orientalisme…, op. cit., p. 41.

138 E. Said écrivait que « l’Orient est la scène sur laquelle tout l’Est est confiné » (ibid., p. 80).

139 Nuovo Teatro del Signor Gamerra, vol. 4, Pise, Ranieri Prosperi, 1789, p. 73 (acte IV, scène 3).

140 ASLi, Commissariato, fondo segreto, 2, Samuel Lusena et Aron B. Carvaglio au commissaire (nov. 1789).