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La découverte de la ville par le catholicisme français contemporain

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Paganus : paysan, païen. Grâce à cette double traduction d'un même vocable, se trouvent identifiés, par l'effet d'une tradition vigoureuse, paganisme et ruralité. On peut juger bien fragiles cette interprétation sémantique, et plus encore le schéma historique qu'elle supporte. En toute hypothèse, à mieux distinguer qu'on ne le fait souvent les modalités d'expansion du christianisme dans l'empire romain, sur lesquelles nous aimerions à être moins mal renseignés, et ses formes d'organisation, celles-ci frappent par leur caractère urbain. Puis, la situation s'est renversée : dans une société où la terre était la base de l'économie et la source de la noblesse, le christianisme a pris une configuration rurale que ni les siècles ni les profondes transformations des moyens de production n'ont réussi à effacer.

Type
Notes Critiques
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1960

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References

1. En réaction, Zahn (1899), suivi par Harnack (1906), a proposé une hypothèse ingénieuse : paganus, ayant pris dans la langue impériale le sens de civil par opposition à militaire, aurait ensuite été opposé métaphoriquement dans le vocabulaire chrétien au miles Christi. Contre eux, J. Zeiller (1917, Paganus. Etude de terminologie historique) a fait prévaloir à nouveau l'opinion commune. Récemment, M. Roblin (” Paganisme et rusticité », Annales, 1953, pp. 173-183) a établi que paganus désigne tout habitant d'un pagus, citadin aussi bien que paysan ; le terme se serait substitué, dans l'usage chrétien, aux mots plus classiques qui traduisaient l'antithèse biblique entre Israël et les « nations ».

2. Dans le détail, en effet, comme l'a observé A. Meynier, il est dangereux de poser « en axiome que la commune actuelle succède exactement à la paroisse d'autrefois » (” La commune rurale française », Annales de Géographie, 1945, p. 166). Sur l'histoire de cette formation — en attendant le livre toujours promis de M. Le Bras sur L'Eglise et le Village —, P. Imbart de la Tour, Les origines religieuses de la France. Les paroisses rurales du IVe siècle au XIe siècle. Paris, Picard, 1900, 354 p. Sur l'origine domaniale et le rôle des seigneuries ecclésiastiques dans le découpage des anciennes paroisses deParis, Adrien Friedmann, Paris, ses rues, ses paroisses, du Moyen Age à la Révolution. Origine et évolution des circonscriptions paroissiales, Paris, Pion, 1959, xxxn- 432 p. (Préface de G. Le Bras).

1. Friedmann, G., in Villes et Campagnes, Paris, Colin, 1953 Google Scholar, p. dans (Deuxième Semaine sociologique, organisée par le Centre d'Etudes Sociologiques). — Le développement des villes a dû lui-même respecter cette carte, au lieu de faire prévaloir ses exigences propres, et c'est tant bien que mal que se sont le plus souvent effectuées les subdivisions devenues nécessaires. Mais il ne s'ensuit nullement qu'à aucun moment la campagne ait été plus chrétienne que la ville. A la Semaine Sociale de 1911, Adéodat Boissard exprima le désir que les évêques profitent de la Séparation pour réviser cette carte. Il fut vertement repris par La Critique du Libéralisme (15 août 1911).

2. L'expression même de « pays de mission », appliquée à Paris ou à la France, a toute une tradition derrière elle : J . Valdour (1934 et 1935), G. Goyau (1922), C. Brival- Gaillard (1913), J . de Bonnefon (1905), F . Veuillot (1903), Cal Richard (1901), Abbé Boyreau (1899), Abbé Soulange-Bodin (1897), Abbé Naudet (1893), Clémence Robert (1857).

3. F. A. Isambert, « L'attitude religieuse des ouvriers français au milieu du xix e siècle », Archives de Sociologie des Religions, 6, (Juillet-décembre 1958), pp. 7-85.

4. Elle est, on s'en souvient, à l'origine de l'enquête — qui devait ensuite la faire rebondir — conduite par l'I.F.O.P. en 1952 (” La France est-elle encore catholique î », Sondages, 1952, 4, 56 p.). L'un de ses aspects, souvent signalé par G. Le Bras, est sa sereine indifférence aux contrôles statistiques. Un échantillon récent : « Il serait conforme au principe majoritaire démocratique que la foi en Dieu des 50 millions de citoyens de ce pays, sur les deux rives de la Méditerranée — catholiques, protestants, israélites et musulmans… » (Semaine religieuse de Paris, 14 juin 1958, p. 680).

1. La thèse de Duroselle, J.-B., Les débuts du catholicisme social en France (1822- 1870), Paris, P.U.F., 1951 Google Scholar, a montré tout à la fois le foisonnement, les limites et l'isolement de ces premières tentatives. En sens inverse, J. Folliet a souligné la persistance étonnante de « cette mentalité rurale du clergé, même urbain » au siècle dernier (” Les effets de la grande ville sur la vie religieuse », Chronique sociale de France, novembre 1953, p . 561). Cette méfiance à l'égard de la ville s'exprime par exemple au Congrès ecclésiastique de Reims en 1896 (Compte rendu, p. 252, 259, 262, etc.). Autour de 1890, la Semaine religieuse de Rennes tient une rubrique : « N'allez pas à Paris ».

2. Celle que permettent, par exemple, les travaux de M. J . Bertin et de son laboratoire cartographique.

1. Varagnac, A., Civilisation traditionnelle et genres de vie, Paris, Albin Michel, 1048, pp. 18 Google Scholar, 28, 88.

2. C'est le sentiment de ce danger imminent qui a plusieurs fois fait émettre l'idée d'un « front spirituel de toutes les grandes religions » ; c'est, dans une certaine mesure, lui qui urge, entre dénominations chrétiennes, le mouvement oecuménique.

3. L'abbé Rétif s'est fait l'écho de ce décalage entre théoriciens et praticiens : « Si, parfois, des théologiens en chambre invitent à leurs ébats quelques prêtres du ministère, honorés de cette rencontre, émerveillés de la richesse doctrinale dont ils sont les auditeurs, ce n'est pas sans un malaise : celui d'une inadéquation aux inquiétudes pastorales qui les tourmentent… » (” Soubassements sociologiques d'une paroisse », Masses Ouvrières, février 1051, p. 82).

4. Pour les secondes, nous renvoyons à un article à paraître dans les Cahiers internationaux de sociologie, 1960. Cette étude, est-il besoin de le préciser, négligera volontairement d'importants aspects : en particulier, elle n'est ni une histoire de la genèse et de la diffusion de ces techniques, ni une appréciation critique de leur efficacité.

1. Winninger, P., Construire des églises, Paris, Ed. du Cerf, 1957, p. 56.Google Scholar

2. Cette inadaptation avait été analysée, chiffres à l'appui, par l'abbé Lesêtre (La paroisse, 1905) pour les 25 plus grandes villes de France et par Mgr H. Swoboda (Grossstadt Seelsorge, 1909) pour les principales villes européennes.

3. Nous utilisons ici les données de l'étude exemplaire, minutieusement conduite par l'abbé daniel, Yvan, L'équipement paroissial d'un diocèse urbain, Paris (1802- 1956), Paris, Les Editions Ouvrières, 1957, 200 p.Google Scholar, 34 cartes et graphiques.

1. Après avoir dépassé 52 000 en 1906. En banlieue, le maximum est atteint en 1931.

2. Huit, aujourd'hui encore à Paris, ont entre 60 000 et 65 000 habitants. Cette disparité se retrouve d'ailleurs sous l'Ancien Régime : en 1767, tandis que Saint-Josse et Sainte-Opportune ne comprennent que 30 maisons, Saint-Eustache recense 80 000 communiants, et Saint-Sulpice 90 000. Ces deux dernières paroisses ne comptent déjà que 10 % de pascalisants ﹛Rev. d'Hist. de l'Eglise de France, janv.-juil. 1951, p . 67).

3. Voir par exemple le document publié et commenté par J. B. Duhoselle, « Un projet de mission ouvrière à Paris au milieu du xix6 siècle », Archives de Sociologie des Religions, 6 (Juillet-décembre 1958), pp. 36-46, ainsi que deux autres mémoires, antérieurs de quelques années, résumés par l'abbé Daniel, Y., Paroisses d'hier… Paroisses de demain, Paris, Grasset, 1957, pp. 8693.Google Scholar

4. Y. Daniel, L'Equipement…, p. 27. A propos de ces paroisses démesurées, l'abbé Winninger parle de latifundia, survivances du régime bénéficiai du Moyen Age (op. cit., pp. 35 et 59).

1. C'est la systématisation de cette idée qui a conduit le Professeur G. H. L. Zeegers à fonder aux Pays-Bas en 1946 YInstitut International Catholique de Recherches Socioecclésiales (J.C.A.B.E.S.), qui rassemble des spécialistes, prêtres et laïcs, démographes, statisticiens, sociologues, psychologues, planologues, agronomes, dans un bureau de « planning » et centre d’ « action research », attaché à résoudre tous les problèmes « opérationnels » dont dépend « la place de l'Eglise dans la société industrialisée des masses ». Il est encore difficile de porter un jugement équitable sur cette tentative dont un certain nombre d’ « hypothèses de travail » ont suscité de fortes résistances. Sur ces problèmes de planification et les méthodes adoptés en divers pays d'Europe occidentale, Winninger, P., Construire des églises, Paris, Ed. du Cerf, 1958, pp. 88245.Google Scholar — On notera qu'ils ont été le thème d'un Congrès tenu au Pavillon du Saint-Siège, lors de l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958.

1. Paroisses d'hier… Paroisses de demain, p. 143. En 1946, sur 15 416 paroisses sans prêtres, 998 seulement avaient plus de 300 habitants.

2. Y. Danikl, op. cit., p. 150.

1. On voit cette transformation se préparer à la fin du siècle dernier. L'un de ses pionniers, l'abbé Soulange-Bodin, s'interrogeant sur le lamentable écroulement religieux de la masse, distingue, dans le clergé de France, deux catégories bien distinctes : « La première comprend ces nombreux et vaillants apôtres qui n'ont au coeur qu'une passion : faire aimer Dieu… Malheureusement, ils meurent jeunes, car leur tâche est immense, et ils sont si peu secondés par les autres I » (Lettres à un Séminariste, Paris, 18971, p. 19). — L'ouvrage, qui avait reçu V'imprimatur, fut cependant retire du commerce pour cette phrase un peu vive, et quelques autres du même ton). Un journaliste catholique, mauvais esprit impénitent, abondait peu après en ce sens : « Combien avez-vous rencontré, Eminence, de prêtres parisiens qui aient sollicité ces paroisses des faubourgs extérieurs et de la banlieue, où il y a tant de misères matérielles et morales î… Vous-même, Eminence, ne jugez pas autrement. Lorsque vous désirez montrer votre bienveillance à un jeune abbé qui a su captiver vos bonnes grâces, vous n'avez jamais l'idée de l'envoyer à Ménilmontant ou à La Villette » (Jean De Bonnefon, Lettres indiscrètes, Paris, s.d. [1906-1907], pp. 72-73).

1. Dans les discussions de ce genre, les mots politique et religion sont généralement définis par exclusion réciproque, mais selon des critères variables qui entraînent des contestations sans fin. L'usage qui en est fait ici n'implique ni cette définition ni une intervention dans cette controverse.

1. Sous l'Ancien Régime, une doctrine avait cours dans le clergé du second ordre, qui faisait des curés les successeurs des soixante-douze disciples, de la même façon que les évêques étaient les successeurs des Apôtres.

2. Voir le rapport de l'Abbé Tronson, dans : Ce que peut un Curé (1923), les ouvrages de l'Abbé Dufourd : Un sillon dans la terre rouge (1927), et surtout du Père Lhande : Le Christ dans la banlieue (1927), Le Dieu qui bouge (1930), La Croix sur les fortifs (1981), etc. C'est à la fin du siècle dernier, autour des abbés Soulange-Bodin et Boyreau, que ce mouvement d'idées a trouvé sa première expression. « La paroisse ancienne, qui est un mode d'administration de gens convertis et fidèles, ne répond plus, dans bien des régions, aux besoins d'une société redevenue païenne. Elle doit être en ces endroits complétée par des oeuvres missionnaires. Le prêtre moderne ne doit donc plus être uniquement, comme le désirent nos ennemis, un prêtre de sacristie, mais un prêtre apôtre. Il doit savoir aller au peuple qui ne va plus à lui, se mêler à lui, étudier ses besoins matériels et sociaux, et commencer, s'il le faut, son apostolat par des oeuvres purement économiques et sociales qui seront la préparation nécessaire des oeuvres religieuses. » (Abbé Soulange-bodin, , Lettres à un Séminariste, Paris, 1897, p. 27 Google Scholar). « Il faut enfin s'occuper de cette Chine qui entoure Paris, et qui compte près de 2 000 000 d'habitants. Il y a une croisade à entreprendre. Il faut arracher nos populations ouvrières au socialisme et à l'irréligion. On trouve bien le moyen d'évangéliser les Noirs de l'Afrique. Il me semble qu'avec un peu de bonne volonté, on pourrait arriver au même résultat pour les habitants de Paris… Ce serait manquer de foi que de dire : il n'y a rien à faire. H y a tout à faire,, » (Courrier du Rosaire, 1899, cité par Veuillot, F., Apostolat social. Les oeuvres du Rosaire au faubourg de Plaisance, Paris, 1908, p. 34).Google Scholar

1. « Que les paroisses soient en crise, c'est un fait qu'il est devenu difficile de nier » (Y. Daniel et G. Le Mouel, Paroisses d'hier… Paroisses de demain, p. 129). « La mort enserre la paroisse. Elle s'infiltre de tous côtés à la fois. » (Père Lebbet, Union des oeuvres. Congrès National de Lille, 1948, p. 30). « Aujourd'hui, la paroisse est en crise » (Mgr. Bernareggi, Lettre pastorale de 1952, p. 8). « Le fait est brutal : du point de vue missionnaire, la paroisse urbaine est largement discréditée. » (P. Winninger, op. cit., p. 16).

2. P. Winninger, op. cit., p. 4.