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Géographie des hagiotoponymes en France

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Emmanuel le Roy Ladurie
Affiliation:
Collège de France
André Zysberg
Affiliation:
Institut d'Histoire moderne et contemporaine C.N.R.S.

Extract

Le dictionnaire géographique et administratif de Paul Joanne propose, en son volume VI (p. 4025), une cartographie du culte des saints ; ou, pour être plus exact, une cartographie des communes dont le nom commence par Saint-(Saint-Laurent-de-Condel, Saint-André-de-Najac, etc.). Éditée en 1902, cette publication exclut, et pour cause, les territoires alsaciens et lorrains ; elle porte sur 4 450 communes qui, pour 98,9 % d'entre elles, se formulent en Saint-X…, cependant que les 1,1 % restantes se composent de villages appelés Dammarie, Dampierre, etc. (le préfixe damou dont, autrement dit Dominus ou Seigneur est utilisé jusqu'au xe siècle et parfois un peu plus tard, notamment dans l'Est de la France, pour signifier, par exemple, Sainte-Marie ou Saint- Pierre). Ces 4 450 localités correspondent à 12,3 °/o du total des 36 170 communes françaises de l'époque, soit (en gros) une commune sur huit. .

Summary

Summary

The cartography of French communes whose names begin with « Saint » points to a remarkable contrast, across a dividing line running from Eu to Geneva, between a northern France with a low incidence of hagiotoponyms and a group of regions South of that line (the west, the center, and the Midi) where one finds the highest percentages by département of communes with names beginning with “Saint”. This distribution corresponds roughly (with exceptions) to the historical boundaries between big-village and openfield areas and scattered settlement and bocage areas. As does research in other domains, the geography of hagiotoponyms reveals the traces of another frontier, this one chronological, between a northern France already solidly organized into a network of village communities before Christianization, and a western and Southern France, settled at a later date—for the most part after the year 1000—whose parishes were more likely to be named after a saint, whether well-known or obscure.

Type
Expériences en Cours
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1983

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References

Notes

1. Le chiffre de 4 450 communes provient de Joanne lui-même (op. cit.,à l'article Saint).Un comptage effectué par nos soins montre que sur ce total, les 98,9 % soit 4 399 communes proviennent des pages 4 025 à 4 366 du volume VI précité ; celles-ci à elles toutes, donnent exclusivement les toponymes des communes expressément formulées en « Saint-X… » ou Sainte-Y… ». Nous n'avons retenu bien sûr dans ce décompte que les communes ; nous en avons exclu les hameaux et lieux-dits, qui sont éventuellement mentionnés eux aussi par Joanne à leur place dans l'ordre alphabétique.

2. Ce pourcentage moyen de 5,49 % se décompose en : Aube (10,1 %), Pas-de-Calais (5,3 %), Somme (2,8 ,%), Oise (9,6 %), Seine-et-Oise (6,8 %), Seine (10 %), Seine-et-Marne (7,7 %), Yonne (8,4 %), Côte-d'Or (6,4 %), Jura (3,9 %), Doubs (2,7 %), Haute-Saône (3,4 %), Belfort (0,9 %), Haute-Marne (2,5 %), Marne (8,8 %), Aisne (5,2 %), Nord (3,7 %), Ardennes (4,2 %), Meuse (3,2 %), Meurthe-et-Moselle (4,3 %), Vosges (5,4 %).

3. Ce point n'est du reste pas totalement clair et faute de connaître la langue bretonne, nous n'avons pu vérifier exactement quelle fut la méthode employée par Joanne pour la Bretagne bretonnante. Nous envisageons, avec l'aide d'un linguiste d'examiner ce problème particulier dans une étude ultérieure.

4. Voir ci-desssus au paragraphe 3.

5. Ce pourcentage de 13,83 % a été calculé par nous en faisant la moyenne nationale des 86 pourcentages départementauxindiqués par Joanne ; le chiffre ainsi obtenu diffère légèrement, par excès, de la moyenne de 12,3 % que Joanne avait obtenu par ses propres calculs d'agrégats,quand il avait comparé les 4 450 communes portant des noms de saints aux 36 170 communes françaises des années 1890. Néanmoins, les ordres de grandeur respectifs (12,3 % et 13,83 %)sont suffisam- ment proches pour n'infirmer en rien la conclusion convergente qui résulte des réflexions de Joanne et de l'examen auquel à notre tour nous soumettons celles-ci. Nous restons dans ces deux cas sur un terrain dont les fondations s'avèrent solides.

6. Vérification numérique faite par nos soins au dictionnaire de Joanne, vol. VI, de la p. 4 025 à la p. 4 366 (ensemble des toponymes en Saint-X…).

7. Une « statistique » ou plus modestement un simple comptage des toponymes de communes, « listés » dans l'oeuvre monumentale de Joanne (qu'il s'agisse des « Saint-X… » ou d'autres toponymes quels qu'ils soient) implique que soient observées quelques règles précautionneuses : seuls comptent à ce propos les toponymes tirés par Joanne en caractères gras (ceux qui sont en caractères « moins gras » concernent les hameaux, non les communes). En outre, certains toponymes, qui pourtant sont eux aussi en caractère gras représentent non plus la commune elle-même, mais la montagne ou le cours d'eau qui porte le même nom qu'elle. Sous peine d'erreur grave, on doit donc éliminer du comptage, avec fermeté, ces toponymes qui sont montagneux, aqueux, etc. mais nullement communaux.

8. A. Dauzat, Les noms de lieux,Paris.

9. A. Dauzat, ibid.,p. 164.

10. Vincent, A., Noms de lieux en Belgique, Bruxelles, 1927, pp. 164169 Google Scholar.

11. Vincent, A., Toponymie de la France, Bruxelles, 1937, p. 337 Google Scholar et passim.

12. Madame M.-J. Tits, que nous remercions, nous a transmis d'autres comptages, par elle effectués sur les Dictionnaires topographiques départementaux, et qui montrent bien que la formation des noms en Saint-X…,quoique un peu plus précoce dans l'extrême sud (Gard, Aude), est pour l'essentiel attestée aprèsl'an mil :

13. Toponymisch Woordenboeck van België, Nederland, Luxemburg, Noord-Frankrijk en West-Duitsland (voor 1226),par Maurits Gysseling, 2 vols, publiés par le Belgisch Interuniversitair Centrum voor Neerlandistiel, 1960.

14. Dictionnaire encyclopédique de géographie historique du royaume de Belgiquepar A. Jourdain et L. Van Staale, Bruxelles, 1896, vol. 2.

15. Outre Léopold Delisle, le grand livre historique de Jules Sion, Les paysans de la Normandie orientale(Paris, 1909), fournit à ce propos d'autres données : il signale bien sûr la fondation dès le vn siècle des abbayes de Saint-Wandrille et de Saint-Ouen de Rouen. Pour le xe siècle, il note la diffusion, à partir d'un mince peuplement viking, des toponymes en -tôt, -mare, -bec, - fleur, -dale, -boeuf.Par contre, les défrichements des xi-xm* siècles en même temps que la prospérité ducale, puis la générosité des rois d'Angleterre, donnent lieu à une vaste dissémination d'hagiotoponymes parmi lesquels les dénominations neuves d'abbayes (Sainte-Marguerite d'Aumale) ou de villages et paroisses (Saint-Jean d'Abbettot au début du xie siècle ; Saint-Nicolas de la Taille en 1268 ; Saint-Jean-des-Essarts à une date mal déterminée, mais postérieure à 1240 ; Saint-Nicolas de Neuville en 1220).

16. Voir Ladurie, Emmanuel Le Roy, Parmi les historiens, Paris, Gallimard, 1983, p. 156 Google Scholar.