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Nation et Religion: Aux origines des « néo-messianismes » dans l'Israël d'aujourd'hui

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Maurice Kriegel*
Affiliation:
Centre d'Études Juives-EHESS

Extract

Les juifs de l'empire tsariste, dans les dernières années du 19e siècle, s'ils quittaient le giron de l'orthodoxie1, pouvaient rallier l'un ou l'autre des mouvements politiques qui se disputaient leurs suffrages : la socialdémocratie, l'autonomisme majoritairement socialiste, ou encore le sionisme. Mais entre l'inscription continuée à l'intérieur de l'orthodoxie et l'adhésion à l'un de ces mouvements, la différence de démarche ne sépare pas seulement les tenants d'options politiques opposées : elle crée un fossé entre les défenseurs d'un type d'identité juive qui mobilise pour lui l'autorité de la tradition, et les partisans soit d'un abandon de cette identité, de quelque façon qu'elle soit comprise, soit de sa refondation.

Summary

summary

When Zionism emerged at the end of the 19th century, quietist messianism wasviewed by the Orthodox and by secular Zionists alike as characteristic of traditionalJudaism. Early religious Zionists upheld too this passive conception, and couldthus define Zionism in purely political ternis and distinguish between political goalsand religious yearnings. But the religious zionist movement eventually endorsedA. Kook's view which interpreted the zionist “awakening” as a sign ofthe beginningsof imminent rédemption. After 1973, messianic religious Zionists felt themselves thevanguard of Zionism, and their influence grew, as Labor leaders in Israël wereimpressed by the commitment of the messianic activists to “pioneer” values. Messianicenthusiasm receded in the 1980's, and as secular values increasingly permeatedIsraeli society, zionist and non-zionist Orthodox became reconciled and joined forcesto resist the secularizing trend, under the banner of neo-traditionalism.

Type
Israël : Nation et Religion
Copyright
Copyright © Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1999

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References

1. J'utilise le terme d'« orthodoxie », à défaut d'une expression plus adaptée, malgré la nuance péjorative qui s'y attache, et celui d'« ultra-orthodoxie » qui indique avec suffisamment de clarté une orientation particulière, et même si l'entache une intention dépréciative. Il me paraît préférable au terme hébraïque, souvent retenu dans des publications en langue anglaise, de haredi : cette dernière locution présente certes l'avantage de la neutralité mais elle n'a évidemment aucun sens déchiffrable pour le non-hébraïsant.

2. Passage connu dans deux recensions : traité talmudique Ketoubot, 111a, et commentaire du Cantique des Cantiques (Shir hashirim Rabba), sur Cantique II, 7.

3. La distinction entre ces trois chefs d'accusation est clairement soulignée par Ravitsky, A., Messianisme, sionisme, et radicalisme religieux en Israël (en hébreu), Tel-Aviv, 1993, pp. 27, 208Google Scholar.

4. Cf. sur les prises de position de Shalom-Baer de Lubavitch, Luz, Ehud, Maqbilim nifgashim, Tel-Aviv, 1985 (traduction anglaise : Parallels Meet: Religion and Nationalism in the Early Zionist Movement, 1882-1904 , Philadelphie-New York-Jérusalem, 1988), pp. 284285 Google Scholar, A. Ravitsky, op. cit., pp. 29-35, et Salmon, Yosef, Religion et sionisme : premières confrontations (en hébreu), Jérusalem, 1990, pp. 264272.Google Scholar Le texte éliminant la référence à un messie chargé de réaliser le projet divin paraît se souvenir, jusque dans la formulation, du passage du Midrash Tehilim (sur le psaume XXXVI, 6) qui compare la délivrance à la production d'une source de lumière, et oppose alors l'action de figures humaines lors de la sortie d'Égypte ou après la captivité de Babylone, analogue à celle de cierges destinés à s'éteindre, et l'intervention divine assimilable dans l'esprit de cette série d'images à l'apparition de l'astre solaire : passage qu'on peut rapporter à la période d'après l'écrasement de la révolte de Bar-Kokhba, lorsque se multiplient les appels à tenir compte de l'invincibilité romaine et les dénonciations de toute forme d'activisme (cf. Avi-Yonah, M., Aux temps de Rome et de Byzance [en hébreu], 4e édition, Jérusalem, 1970, pp. 6566).Google Scholar Le rabbin lituanien Yehoshua-Yossef Preil, qu'inquiètent les tendances sécularisatrices à l'intérieur du mouvement des « Amants de Sion », exige en réaction, dès les années 1893-1896, de hiérarchiser nettement les valeurs traditionnelles en donnant la primauté à l'observance stricte et en rejetant à la marge le lien avec la Terre sainte (E. Luz, op. cit., pp. 280-281) : orientation suivie ultérieurement par toute l'ultra-orthodoxie.

5. Sur la distinction entre « pré » et « postmillénarisme » — celui-ci appelant à une mobilisation collective pour une transformation parachevée dans un second temps par l'intervention divine —, cf. Desroches, Henri, Sociologie de l'espérance, Paris, 1973, p. 125 Google Scholar.

6. En quoi d'ailleurs Schneerson suit une orientation adoptée pour des raisons voisines des siennes par certains maîtres talmudiques du 4e siècle, Urbach, cf. E., Les Sages d'Israël. Conceptions et croyances des maîtres du Talmud, Paris, Le Cerf, 1996, pp. 709710 Google Scholar.

7. Pinsker, Leo, Auto-émancipation, traduit de l'allemand par André Neher, Jérusalem, 1956, pp. 4849 Google Scholar.

8. Écho à la formule de Hillel (à ne pas confondre avec Hillel l'Ancien), qui suscita tant de gloses aux siècles médiévaux : « Il n'y aura pas de Messie pour Israël car il a déjà été accordé au temps d'Ézéchias » (traité Sanhédrin, 99 a).

9. Oeuvres complètes de Brenner (en hébreu), t. IV, pp. 58-59.

10. J'utilise le terme dans un sens large, qui inclut tous les groupes opposés à toute forme de compromis avec le « moderne », qu'ils choisissent ou non la voie de la sécession, face aux organisations juives qui n'adoptent pas leur ligne, et face à la société globale.

11. De la Hongrie dans ses frontières d'avant sa défaite de 1918, régions de la Slovaquie méridionale, du nord de la Transylvanie et de l'Ukraine subcarpatique incluses. L'un des hauts lieux de l'orthodoxie « hongroise » est ainsi la ville de Munkacs, aujourd'hui Moukhatchevo en Ukraine.

12. Le premier courant reconnut au départ l'autorité du « Conseil des Sages », instance supérieure du parti Agouda, composée uniquement de personnalités rabbiniques, mais il rompit pendant les années trente tout lien avec ce parti qui avait accepté de collaborer dans certaines limites avec l'Agence juive et avait évolué (malgré des dissensions internes) vers une position plus a-sioniste que strictement anti-sioniste.

13. Le parti Agouda fut représenté par une antenne en Palestine dès 1912, mais celle-ci n'eut de véritable existence qu'à partir de 1919. Sur les circonstances de la fondation de ce parti, cf. Mittleman, Alan, « Fundamentalism and Political Development: The Case of Agoudat Yisrael », dans Jewish Fundamentalism in Comparative Perspective. Religion, Ideology and the Crisis of Modernity, Silberstein, L. (dir.), New York, New York University Press, 1993, pp. 216237,Google Scholar et M. Breuer, « Orthodoxy in Germany and its Eastern Counterpart at the Turn of the Century », Léo Baeck Institute Yearbook, 1996, pp. 75-86.

14. Le rabbin Kook signale et dénonce en 1903 cette conception de la vertu de « confiance en Dieu » (midat ha-bittahon) : cf. Goldman, Eliezer, « Sionisme laïque, mission d'Israël et but de la Tora ; les articles du rabbin Kook en 1901-1904 », Daat, université Bar-Ilan, n° 11, 1983, pp. 110111.Google Scholar Les discussions sur le sens de l'« abandon à Dieu » sont bien sûr nombreuses dans le judaïsme russe du 19e siècle.

15. Le groupe « Netoureï Karta » prend la suite de l'« Association Haïm » (ainsi nommée par référence au prénom du rabbin Yossef-Haïm Sonnenfeld), elle-même issue des milieux jérusalémites les plus opposés à toute forme de coopération avec les représentants du sionisme en Palestine. Cf. Friedman, Menahem, Société et religion, l'orthodoxie non sioniste en Palestine, 1918-1936, Jérusalem, 1988, pp. 364366 Google Scholar. 16. Les ouvrages de Margolis représentent assez bien un courant de sensibilité typique, mais Margolis lui-même n'est nullement une personnalité dirigeante, y compris dans son étroit milieu.

17. Le milieu auquel appartenait Margolis était lui-même extrêmement divisé et tous ne partageaient pas son inclination particulière pour les sources kabbalistiques.

18. Sur les ouvrages de Margolis, cf. Liebes, Yehuda, « La communauté ultra-orthodoxe de Jérusalem et la secte de Qumran : une comparaison » (en hébreu), Mehqarei Yerushalaïm bemahshevet Israël, III, 1982, pp. 137152 Google Scholar. La « théologie » de Margolis n'a au demeurant aucune originalité puisqu'elle se contente d'appliquer aux sionistes la qualification de descendants de la « tourbe nombreuse » que les défenseurs de l'ultra-orthodoxie hongroise, Hillel Lichtenstein et Akiba-Yossef Schlesinger, avaient dans les années 1860 utilisée contre les orthodoxes « modernes », « coupables » de prendre parti pour l'intégration politique et culturelle dans les pays où les juifs avaient accédé à la citoyenneté, tout en donnant déjà une signification messianique aux « manoeuvres » de cette « tourbe », cf. Silber, Michael, « The Emergence of Ultra-Orthodoxy: The Invention of a Tradition », dans The Uses of Tradition, Jack Wertheimer (dir.), pp. 2384 (pp. 78-82)Google Scholar.

19. Cf. Goetschel, Roland, « La diabolisation du sionisme dans les écrits de R. Joël Teitelbaum, maître des hasidim de Satmar », dans Les retours aux Écritures : fondamentalismes présents et passés, Patlagean, E., Le Bolluec, A. (éds), Louvain-Paris, Peeters, 1993, pp. 133 156 Google Scholar.

20. Cf. de façon générale Ravitsky, A., « “ Forcing the End ” : Zionism and the State of Israël as Antimessianic Undertakings », Studies in Contemporary Jewry, VII, 1991, Oxford, Oxford University Press, pp. 3467 Google Scholar.

21. Cf. le midrah sur le livre des Nombres, Ba-Midbar rabba, XV, 14 (le texte appartient à une compilation rédigée après le 7esiècle) : à Nabuchodonosor qui les met en demeure de pratiquer l'idolâtrie et menace de les jeter dans la fournaise, les trois compagnons de Daniel répondent : « Tu es roi en ce qui concerne les impôts et les taxes, mais quant à l'ordre de pratiquer le culte idolâtre, Nabuchodonosor et un chien se valent ». Ovadia ben Makhir a utilisé cette source dans la lettre où il célèbre les martyrs de Blois, brûlés à la suite d'une accusation de meurtre rituel en 1171, cf. Shalom, Spiegel, « Les sentences concernant le sacrifice d'Isaac » (en hébreu), Mordekhaï Kaplan jubilee volume (en hébreu), New York, 1953, pp. 280281. 22 Google Scholar. Samuel de Sochaczew (mort en 1926) appartient à l'une des dynasties hassidiques les plus radicalement opposées à toute forme de compromis avec la modernité.

23. Traité Sotah f. 49.

24. En hébreu : li rosh.

25. Cf. Piekarz, Mendel, Le hassidisme polonais dans Ventre-deux-guerres et pendant la Shoah, Jérusalem, Institut Bialik, 1990 (en hébreu), p. 265 ss ;Google Scholar Bacon, Gershon, « Sur l'idéologie du parti Agouda en Pologne » (en hébreu), Tarbitz, t. 52, 1983, pp. 497508 Google Scholar.

26. Position qui n'était pas nouvelle : la revue publiee par E. A. Rabinovitch, dirigeant de l'orthodoxie anti-sioniste, fit paraître en 1901 un appel à sauver la jeunesse juive de la tentation révolutionnaire et à créer des associations qui enseigneraient le respect des lois et la fidélité au souverain. Cf. E. Luz, op. cit., p. 291.

27. Hertzl, T., L'État des Juifs, Paris, La Découverte, 1990, p. 103 Google Scholar.

28. Déclaration plutôt maladroite, puisque les rabbins orthodoxes ne pouvaient faire leur ce principe de neutralité devant le conflit entre orthodoxie et réforme. Dans son Journal, Hertzl note que le Ier congrès « sera une danse sur des oeufs », au nombre desquels « l'oeuf des orthodoxes […] l'oeuf des “ modernes ” » ( Hertzl, T., Journal, 1895-1904, Paris, Calmann- Lévy, 1990, p. 153)Google Scholar.

29. Cf. A. Ravitsky, op. cit., pp. 130-131.

30. Cf. A. Ravitsky, op. cit., pp. 51-56 ; Schweid, E., « Sur la doctrine du rabbin Reines » (en hébreu), dans Recherches sur la Kabbale, la philosophie juive et la littérature morale, Hommage à Y. Tishby, Y. Dan, y. Hacker (dir.), Jérusalem, 1986, pp. 689710 Google Scholar ; Donyehiya, E., « Le sionisme du rabbin Reines » (en hébreu), Le courant religieux dans le sionisme, Anita Shapira (dir.), Tel-Aviv, 1983, pp. 5568 ;Google Scholar Luz, E., « Zion and Judenstaat : The Significance of the “ Uganda ” Controversy », Essays in Modem Jewish History. A Tribute to Halpern, Ben, Malino, Frances, Cohen Albert, Phyllis (dir.), 1982, pp. 217240 Google Scholar.

31. Cf. D. Schwartz, passim, notamment chapitres IV-V.

32. Il faut bien sûr excepter le cas de l'oeuvre du rabbin Kook, mûrie antérieurement aux appels rituels à la mise en oeuvre d'une réflexion théologique.

33. Nordau avait en réalité déclaré, dans un article publié deux mois avant la réunion du Ier congrès sioniste : « Le sionisme n'a rien à voir avec la théologie, et si s'est allumée dans le coeur des juifs la volonté de créer un nouveau royaume de Sion, ils ne tirent pas leur inspiration du Pentateuque ou de la Mishnah, mais du malheur des temps », Cf. A. Ravitsky, op. cit.

34. Cf. notamment la lettre de Kook datée du 7 nissan 1918 (n° 109 dans le recueil : Lettres du rabbin Kook, 1908-1920, Jérusalem, 1923, pp. 290-293), ou encore celle du 20 chevat 1913 (n° 30, ibid., p. 110 ss).

35. On a pu à ce point de vue le rapprocher de Teilhard de Chardin.

36. Cette idée est d'autant plus facilement reprise que, venue de l'intérieur de la tradition, elle offre un parallèle à la notion répandue en Russie, en milieu slavophile mais aussi au-delà, d'une intimité immédiate de l'homme russe avec Dieu.

37. L'image de la décomposition nécessaire du grain de blé sert chez les adeptes de la doctrine de Louria à expliquer la catastrophe primordiale de la « brisure des vases » : cf. Scholem, G., Sabbataï Tsevi. Le Messie mystique, Paris, Verdier, 1983, p. 51 Google Scholar. Elle permet aux sabbatéens d'établir qu'« abolir la Tora, c'est l'accomplir », cf. Scholem, G., « La rédemption par le péché », dans Le messianisme juif, « Agora », 1992, p. 185 Google Scholar.

38. Ish-Shalom, B., Le rabbin Kook, entre rationalisme et mystique, Tel-Aviv, 1990, p. 76 Google Scholar.

39. Lettres du rabbin Kook, lettre 16 (du 26 eloul 1910). Le passage du Lévitique avait été invoqué par les rédacteurs frankistes de la « lettre rouge » de 1799 (cf. G. Scholem [supra n. 39], ibid., p. 212). La même lettre du rabbin Kook se réfère aussi au passage du Zohar (Tiqqunei Zohar, tiqqun 60) sur la génération des temps messianiques, « bonne à l'intérieur, mauvaise extérieurement », passage que les protagonistes de dérives antinomistes ne pouvaient manquer d'utiliser, et qu'effectivement Nathan de Gaza, le second de Sabbataï Zevi, a mis à contribution (cf. Scholem, G., Études et sources concernant l'histoire du sabbatianisme… [en hébreu], Jérusalem, 1974, p. 244)Google Scholar.

40. Cf. Dieckhoff, Alain, L'invention d'une nation, Israël et la modernité politique, Paris, 1992, pp. 190204 Google Scholar ; Ravitsky, A., op. cit., pp. 153-163 ; Schweid, Eliezer, Le judaïsme et le juif solitaire (en hébreu), Tel-Aviv, 1975, pp. 178192 Google Scholar ; Menahem Friedman, op. cit., p. 92 ss.

41. La chronologie soutient en tout cas cette conjecture : Kook agite les notions en question après 1904-1905. Les liens qu'il a conservés avec la Russie après son installation en Palestine en 1904 la rendent plausible.

42. L'un des correspondants en Russie du rabbin Kook, Samuel Alexandrov (1865-1941), s'appuie sur Soloviev pour établir la place, dans l'histoire gouvernée par le projet providentiel, d'une phase nécessaire d'« oubli de Dieu », et célèbre dans la diffusion du matérialisme historique le signe de la communion prochaine de l'humanité entière dans la reconnaissance du Dieu Un : « Passer du monisme au monothéisme n'est pas si difficile […]. Dieu a revêtu la robe du matérialisme, sa lumière et sa morale ont lui d'un bout du monde à l'autre […] ». Cf. Luz, E., « Spiritualisme et anarchisme religieux dans la doctrine de Samuel Alexandrov » (en hébreu), Daat, université Bar-Ilan, n° 7, 1981, pp. 121139 (p. 123)Google Scholar.

43. Le texte de Kook sur l'évolution des sociétés, très caractéristique, a été repris dans plusieurs recueils. Henri Atlanl'a commenté dans : « État et religion dans la pensée politique du Rav Kook », Israël, le judaïsme et l'Europe, textes présentés par Jean Halpérin et Georges Lévitte, Paris, Gallimard, 1984, pp. 32-81.

44. Tsvi-Yehuda Kook dira à la fin de sa vie sa conviction que ce processus est déjà parvenu à mi-course.

45. En quoi il ne tenait pas compte d'une mise en garde du traité talmudique Sanhédrin. Selon le livre de Daniel (VII, 9), le visionnaire avait vu dans les cieux « des trônes », dont Dieu occupait l'un d'eux. Rabbi Akiba déduisait du texte qu'il existait un trône céleste, réservé au Messie fils de David, roi d'Israël. Rabbi Yossé s'était récrié devant une telle assomption métaphysique du royaume terrestre d'Israël : « Akiba, jusques à quand placeras-tu la Présence divine sur le même plan que les realites profanes ? » (Sanhédrin, 38b). A. Ravitsky a attiré l'attention sur ce texte, op. cit., p. 16.

46. Cf. Schweid, E., « Vers où va le milieu religieux ? » (en hébreu), Kivvounim, 13, 1982, pp. 85105 (p. 91)Google Scholar.

47. En hébreu, Goush Emounim.

48. Cf. A. Ravitsky, op. cit., pp. 116-117.

49. Cf. Fishman, David, « Preserving Tradition in the Land of Revolution: The Religious Leadership of Soviet Jewry, 1917-1930», dans The Uses of Tradition, Wertheimer, J. (éd.), op. cit., pp. 85118 Google Scholar.

50. Cf. M. Piekarz, op. cit., p. 379 : les appels assuraient qu'en sus des deux fronts sur lesquels se menait à l'Est et à l'Ouest la guerre contre l'Allemagne nazie, allait s'ouvrir un troisième front, celui « de la rédemption pour le peuple juif ».

51. A la suite, selon Gershom Scholem, d'expériences mystiques dont la réalité était soigneusement voilée dans les textes à destination « institutionnelle ». Cf. l'article de Scholem, G., « Mystique juive et monde moderne », Les nouveaux Cahiers, 1, janvier-mars 1965, pp. 1423 Google Scholar.

52. Cf. le témoignage de Zalman Shazar sur l'attitude de Y. Y. Schneerson à l'occasion du vote par les Nations-Unies du partage de la Palestine et de la creation de l'État d'Israël en novembre 1947 (Shazar étant alors en mission auprès de la délégation de l'Agence juive à l'onu), Shazar, Z., Lumières des générations. Recherches et éclaircissements sur l'histoire juive dans les dernières générations (en hébreu), Jérusalem, Institut Bialik, p. 185 Google Scholar.

53. Dont le charisme procède pour partie de la fonction : Menahem-Mendel Schneerson, décédé en juin 1994, était depuis mars 1992 partiellement paralysé et privé de l'usage de la parole. Sur les discussions autour de son possible couronnement comme « Messie-Roi » en janvier 1993 (qui n'eut finalement pas lieu), et l'évolution ultérieure, cf. les articles William Shaffir, de, Jewish Journal of Sociology, volumes 35, n° 2 (décembre 1993), 36, n° 1 (juin 1994), et 37, n° 2 (décembre 1995)Google Scholar.

54. Cf. déjà la lettre du rabbin Mohilever envoyée au Ier congrès sioniste de 1897, citée par E. Luz (ci-dessus, n° 4, p. 198).

55. Sauf à Haïfa, la « ville rouge » : le détail suffit à montrer combien un esprit d'empirisme, à l'exclusion d'une discussion renouvelée sur le fond, présida alors à l'établissement des lois et des règlements en ces matières.

56. Dans un article récent, A. Ravitsky insiste sur ce caractère provisoire des solutions de compromis qui prévalurent à la suite des assurances données par l'Agence juive en juin 1947 au parti Agouda, avant que les représentants de ce parti ne soient entendus par la commission d'enquête de l'onu sur la situation en Palestine (qui devait recommander le partage à la fin août), cf. « Religieux et laïcs en Israël » (en hébreu), dans Alpaïm, 14, 1997, 18 p. Un provisoire moins dû selon lui au caractère bâclé de bien des solutions et des décisions prises dans la presse par le jeune État, qu'à des diagnostics à la fois parallèles et inverses des partenaires du compromis : les partis socialistes ne voyaient dans le monde de l'ultra-orthodoxie qu'un phénomène résiduel, promis à une résorption rapide, si bien que les concessions consenties perdaient toute signification sur le long terme, et le parti Agouda restait persuadé qu'un retour à la foi finirait par s'opérer. A quoi on peut objecter que le parti Agouda était alors si faible qu'il nourrissait l'espoir d'une reconquête religieuse plus au niveau du principe que dans la perspective de sa concrétisation à bref délai, et que chez les sionistes religieux, si les disciples du rabbin Kook attendaient certes le retour à la religion des « croyants qui s'ignorent », nombreux étaient aussi ceux qui avaient de fait pris leur parti de la division entre pratiquants et non-croyants comme d'une donnée irrémédiablement acquise.

57. Par ailleurs, quelques personnalités du monde religieux, très minoritaires, prônent la rupture avec le système qui préservait l'existence d'un milieu religieux différencié, dans le cadre d'une société globale fondée sur la juxtaposition de groupes sociaux encadrés par des partis qui ont longtemps été des milieux de vie, et le ralliement clair à la solution du religieux rigoureusement privatisé.

58. Pour une dénonciation de « la pauvreté de l'individualisme israélien », cf. Ezrahi, Yaron, Rubber Bullets. Power and Conscience in Modem Israel, New York, 1997 Google Scholar. Position proche, quant à l'antinomie entre tradition religieuse et esprit de la démocratie moderne, chez Sternhell (dans un article paru en 1987 dans la revue Politika, et cité par C. Liebman, « Tradition, Judaism, and the Jewish Religion in Contemporary Israeli Society », dans The Uses of Tradition, op. cit., pp. 425-426).